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«Sans la communication, on est prisonnier de ses pensées»

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Nazli Cogaltay, réalisatrice du documentaire "LAL"

Nazli Cogaltay, réalisatrice du documentaire « LAL »

D’origine kurde, Nazli Cogaltay ne parle pas un mot de français lorsqu’elle arrive en Suisse en 2010 pour y demander l’asile. Etrangère dans un pays inconnu, elle fait d’abord la douloureuse expérience de ne pas pouvoir communiquer avec sa société d’accueil, puis s’affranchit progressivement de son isolement grâce à ses efforts pour apprendre le français. S’inspirant de son vécu, elle décide alors de tourner un documentaire sur cette problématique. Intitulé « LAL » (muet en langue kurde) et tourné dans le canton de Vaud, son film donne la parole aux migrants et dévoile certaines difficultés qu’ils rencontrent. Interview de cette ancienne rédactrice de Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Qu’est-ce qui vous a motivée à réaliser ce documentaire?

Nazli Cogaltay : A mon arrivée en Suisse, j’ai rencontré des difficultés à communiquer. Lors d’un entretien important, un malentendu concernant un mot mal interprété par mon interlocuteur m’a fait prendre conscience de l’importance de cette problématique de la communication. Par la suite, j’ai réfléchi et j’ai imaginé ce qu’endurent les personnes migrantes qui vivent en Suisse et qui n’arrivent pas à communiquer. C’est de là que ma motivation est née.

Pourquoi avez-vous choisi de vous exprimer à travers la vidéo ?

Pour des questions d’efficacité. La communication visuelle attire deux fois plus l’attention sur un fait ou un évènement qu’une émission radio. Et aussi, elle est plus crédible et permet de mieux atteindre mon public.

Pourquoi ce titre « LAL »  ( « Muet ») ?

Je suis d’origine kurde, et « LAL » en kurde signifie « muet ». J’ai donné ce nom à mon documentaire, parce que les migrants ne peuvent pas s’exprimer à cause de la barrière de la langue. Ils doivent apprendre à parler une langue étrangère et, en attendant de pouvoir le faire, ils sont « LAL ».

Pour vous, que signifie la communication?

La communication permet de libérer ses idées et ses sentiments. A travers ce documentaire, j’ai essayé de montrer que sans la communication on est prisonnier de ses pensées, pour la simple raison qu’on ne peut pas se faire comprendre et comprendre l’autre. Une migrante d’origine kurde vivant en Suisse depuis trois ans m’a dit : « Quand je n’arrive pas à communiquer je me sens en insécurité ». Parler la langue du pays permet de s’intégrer.

Quel message véhicule votre documentaire?

Tout d’abord, je convie en particulier la population d’accueil, et aussi tous les migrants à le regarder. A travers les interviews des uns et des autres, j’ai fait ressortir la volonté des migrants de s’intégrer malgré les difficultés rencontrées, notamment en matière de communication.

Où avez-vous tourné votre film?

Je l’ai tourné au Centre de formation de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants à Longemalle, au foyer EVAM de Crissier, à la cathédrale de Lausanne et devant le centre d’enregistrement de Vallorbe.

Comment avez-vous choisi les interviewés ?

Mon choix s’est porté sur les migrants non francophones comme les Érythréens, les Tibétains, les Kurdes et les Afghans. Chaque intervention est accompagnée d’une musique provenant de leur pays d’origine. J’ai aussi filmé des professeurs, un responsable pédagogique et un psychiatre qui s’investissent dans le processus d’intégration des migrants en les aidant à parler et à écrire en français. Je profite de l’occasion pour remercier tous ces intervenants qui ont chacun apporté leur contribution pour la réalisation de ce documentaire.

Financièrement, où avez-vous trouvé les fonds pour réaliser le tournage ?

J’ai réalisé ce documentaire avec les moyens du bord.

Où l’avez-vous déjà diffusé ?

Deux fois au Centre de formation de l’EVAM à Longemalle, à l’association RERS à Lausanne, à Mozaïk à Appartenances, au centre socioculturel lausannois Pôle Sud, au Centre social protestant et au Gymnase de Chamblandes.

Comment a réagi le public ?

Du côté des migrants, ils retrouvaient leur quotidien, soit leurs problèmes de communication et soulignèrent l’importance de pouvoir communiquer avec leur société d’accueil. Du côté des autochtones, c’était une révélation pour beaucoup d’entre eux. Une Suissesse m’a confié à la fin de la projection : «Je n’ai jamais imaginé que les migrants souffraient autant de ne pas pouvoir communiquer, et moi qui pensais qu’ils vivaient assez heureux. J’étais loin de la réalité, jusqu’à ce que je visionne ce documentaire !»

Y a-t-il d’autres projections prévues?

Bien sûr, j’ai prévu de nouvelles projections, mais les dates et les lieux seront communiqués ultérieurement.

En tant que réalisatrice de ce documentaire, êtes-vous satisfaite du résultat ?

Oui ! Je n’ai pas réalisé un documentaire professionnel, mais avec le peu que d’argent que j’avais à disposition, je peux dire que mon objectif est largement atteint. A chaque projection, j’ai partagé des émotions, de l’enthousiasme et du plaisir avec le public. J’ai récolté beaucoup de soutiens et d’encouragements. C’est très touchant de savoir que mon message a bien passé.

Ce tournage a-t-il fait évoluer votre regard sur la communication ?

Dans mon expérience personnelle, j’ai vu l’importance de la communication et un documentaire en est sorti. En réalisant ce documentaire, j’ai rencontré de nombreuses personnes, mon réseau s’est élargi grâce à la communication. J’ai aussi appris à mieux communiquer. Pour moi, c’est un outil indispensable. Quand j’interviewais des migrants, certains étaient ouverts et d’autres non, faute de pouvoir s’exprimer. Mais ils faisaient un effort pour se libérer des maux qui les rongent. J’ai alors vu l’impact que pouvait avoir la communication sur une personne qui parle et l’autre qui l’écoute.

Parlez-nous de vos projets ?

« LAL » est en fait la première partie d’un documentaire qui en compte trois autres que je vais prochainement finaliser.

Propos recueillis par :

El Sam

Journaliste à la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Pour visionner le film « LAL » de Nazli Cogaltay  cliquez ici



4 Commentaires a «Sans la communication, on est prisonnier de ses pensées»

  1. Fernandez Cristina dit :

    Bonjour, je suis enseignante de français et la thématique de ce documentaire m’intéresse. J’enseigne à deux types de publics différents. Des requérants d’asiles qui apprennent le français et à des jeunes adolescents en difficultés scolaires. Je serais donc très heureuse de pouvoir découvrir ce documentaire et de le faire découvrir à mes élèves. Comment peut-on se le procurer ou organiser une séance de projection?

    • el sam dit :

      bonjour Cristina,

      Merci pour votre commentaire. Suite à votre demande nous avons le plaisir de vous dire que vous pouvez visualiser ce documentaire sur youtube suivant ce lien http://youtu.be/EQk69AI6P8Q. par ailleurs la réalisatrice vous écrira pour plus d’informations.
      merci à vous.

      membre de la rédaction vaudoise

      • Fernandez Cristina dit :

        merci beaucoup pour votre réponse, j’attends donc avec impatience de pouvoir discuter avec la réalisatrice et de pouvoir faire découvrir le documentaire à mes élèves!!

        Cristina

  2. Saras Pages dit :

    Félicitation Nazli Cogaltay!!. Vous avez très bien fait cette documentaire. On s’attendent curieusement de voir vos prochaines projets.

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