Sept mois à Voix d’Exils
L’expérience de Malcolm Bohnet, civiliste à la rédaction de septembre 2023 à avril 2024
Le 25 septembre 2023, je rejoins la rédaction de Voix d’Exils. Durant sept mois, j’ai eu l’honneur de suivre les récits oraux et écrits d’une multitude de personnes magnifiques que je remercie du fond du cœur. Dans les bureaux de la rédaction de Voix d’Exils se croisent des parcours aux horizons profondément différents; cependant toutes et tous partagent une splendide dignité face à la vie et à son importance. En quête de protection en Suisse pour la poursuivre, la construire, la rencontrer, s’y faire entendre, bref, exercer son droit de vivre.
Durant sept mois, chaque début de semaine fut rythmé par le Flash infos: la rubrique d’actualité sur la migration et les débats qui précèdent sa production. Les nouvelles abordées ces derniers mois furent pour la plupart du temps tragiques, brutales, rarement réjouissantes et parfois en écho avec les parcours des rédacteurs et rédactrices autour de la table de la séance de rédaction. Malgré la dureté des thèmes abordés, il y a une importance toute particulière dans ces moments ou les sujets sont saisis par les membres de la rédaction dont chacun porte des lunettes propre à son parcours.
Dans le cadre de cette rubrique, nous avons notamment abordé: bien entendu et régulièrement la situation innommable dans la Bande de Gaza, le durcissement des politiques d’asile en Suisse, en Italie et en Allemagne, la situation en mer Méditerranée, dans la Manche, le discours porté sur l’asile pendant les élections fédérales, le projet du gouvernement anglais de renvoyer des personnes migrantes vers le Rwanda, les personnes réfugiées ukrainiennes, les évolutions du permis S, l’accès au marché de l’emploi pour les personnes réfugiées, les impacts du changement climatique sur les migrations forcées, les personnes réfugiées: du Haut-Karabakh, au Soudan, Afghans au Pakistan, au Burkina Faso, dans la jungle du Darìen, Rohingyas, Haïtiens, au Niger, en Lybie ou encore dans l’Est de la RDC.
En presque sept mois, 76 actualités ont été traitées sous forme de brèves par un rédacteur ou une rédactrice et pratiquement toujours illustrées par notre brillante graphiste Kristine Kostava.
Les articles
En outre, c’est avec une grande passion que j’ai pu suivre les écrits personnels des rédacteurs et rédactrices de Voix d’Exils. Des témoignages sur les immenses difficultés que pose le système d’asile aux personnes détentrices d’un permis F et encore plus aux personnes à l’aide d’urgence, des portraits de personnes réfugiées au parcours fascinant, l’intégration des personnes détentrices d’un permis S sur le marché du travail, la situation des droits humains au Tibet, un retour sur les premiers jours de l’invasion Russe en Ukraine, ce qu’évoque le son des sirènes d’alarme pour des personnes réfugiées provenant du Burundi et d’Ukraine, des présentations d’associations de soutien aux personnes réfugiées…
Pendant sept mois, ce fut aussi une multitude de couverture d’événements en lien avec la migration : « Moi Capitaine » en avant-première au cinéma, la sortie du livre « Frontex le spectre des disparu.e.s », la journée de conférences « Tension entre aide humanitaire et crise migratoire », le salon du livre de Genève 2024, la fête Diver’Cité, les deux ans de la guerre en Ukraine, l’inauguration de la Recyclerie, la conférence-bilan du UNHCR sur le permis S…
Droit à la vie
Dans un système monde qui tend à se durcir, où les crises du Sud comme du Nord éclatent et s’accentuent, ces voix issues de parcours d’exil forcé sont essentielles pour comprendre quelles sont les dimensions des enjeux qui nous concernent tous: la paix, la justice, l’environnement.
Mes collègues de ces derniers mois ont toutes et tous connus un point de non-retour, où leurs droits fondamentaux ont été bafoués au point où le seul choix qui leur restait était l’exil. En ce sens, ces quelques mots de l’article 3 de la Déclaration universelle des droits humains : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » ne sont pas des concepts abstraits, mais bien la base concrète pour tout le reste.
Là, au milieu de cela, j’ai l’intime conviction que les contenus de Voix d’Exils, s’ils résonnent dans l’espace publique, peuvent à leur échelle, vraiment donner des clés de compréhension et d’appréhension des crises locales et globales, grâce au regard singulier et humain de personnes qui vivent l’exil.
Merci
Je quitte la rédaction de Voix d’Exils le cœur lourd, mais je suis surtout reconnaissant auprès de mes collègues de ces derniers mois et également du cadre qui permet cet espace d’expression. Sept mois, ce fut à la fois (trop) court mais tellement rempli. Je pense avoir rarement autant appris que durant ces quelques mois. Au niveau journalistique et des subtilités des procédures d’asile bien sûr, mais humainement surtout. Voix d’Exils, c’est une rédaction où se mêle des enjeux politiques et géopolitiques complexes à des individualités et des parcours de vie riches et puissants. Tout cela se ressent intensément dès lors que l’on prend le temps de se côtoyer entre collègues. Je me promets de faire le maximum pour garder au fond de moi éveillées les leçons des histoires que j’ai eu l’honneur d’écouter, tels de véritables compagnons sur le chemin encore à parcourir. Par ailleurs, Voix d’Exils n’est pas seulement le lieu où des histoires passées se racontent, c’est un lieu de passage où elles s’écrivent en partie. Observateur de la multitude d’obstacles qui sont mis en travers des aspirations des personnes en quête de protection en Suisse, j’ai pu mieux les comprendre, ressentir une infime partie des frustrations et du désarroi face à des décisions injustes ou du moins perçues comme telles. Ces quelques mois furent l’occasion de mieux réaliser le décalage vertigineux entre les parcours et les attentes brûlantes des personnes requérantes d’asile et la froideur des décisions administratives auxquelles elles font face.
Merci à mes différents collègues de ces derniers mois de m’avoir ouvert à une petite partie de leurs réalités passées et de leurs espoirs futurs. De mon côté, j’espère avoir pu apporter ne serait-ce qu’une petite contribution, que j’espère positive, à un croisement de ces chemins tortueux qui composent les parcours de l’exil.
A mes collègues, merci à vous pour qui vous êtes et merci pour tout ce que vous apportez et apporterez à la société Suisse et au-delà.
Malcolm Bohnet
Ancien civiliste à la rédaction de Voix d’Exils
Bernard Pivot, amoureux des mots récemment décédé, disait que « les mots sont pleins de vie » et qu' »ils sont nos amis, nos proches, no serviteurs, respectons-les ». Malcom, les mots sont si bien respectés dans ton bilan, chacun d’eux est choisi et compte. Bravo pour cet essai journalistique et Merci ! Quel plus bel endroit que Voix d’Exil (et l’Asile en général) pour effectuer un service civil de l’Armée Suisse. Bravo, et bonne suite.
Cher Malcolm,
tu étais l’un des meilleurs civilistes de la rédaction, tant sur le plan professionnel qu’en tant que personne, ami et collègue. Travailler avec toi a été très agréable et de qualité. Merci pour toute l’aide que tu avais apportée pour nous et pour moi personnellement. Je te souhaite beaucoup de succès dans ton futur parcours de vie.
À très bientot mon ami!