Des femmes migrantes inventent une entraide puissante pour conjurer la précarité
À la Bourdonnette, un projet unique voit le jour : un magasin pas comme les autres, sans caisse ni étiquettes de prix. Porté par un groupe de femmes migrantes bénévoles, un « Troc » collecte des dons de particuliers, trie et redistribue gratuitement des vêtements, jouets ou objets du quotidien à des personnes dans le besoin. Une initiative profondément humaine, née de l’expérience de la précarité, de l’envie de se rendre utile et de la force collective. Ce lieu devient bien plus qu’un point de redistribution, c’est un espace d’inclusion, de dignité et de sororité.
Un souffle nouveau est né au cœur du quartier de la Bourdonnette à Lausanne. Dans un local longtemps laissé à l’abandon, un projet solidaire porté par des femmes migrantes a redonné vie à l’endroit et à l’esprit de communauté. Tout a commencé autour d’un café dans le cadre des après-midis conviviaux organisés chaque jeudi au Centre œcuménique de la Bourdonnette. Grâce à Doris Rojas, aumônière de ce centre, plusieurs femmes du quartier : Nejla, Amina, Nursel, Anabella, Lucia et Marija ont appris à se connaître, à échanger et peu à peu à rêver ensemble. Un jour, une idée est née : créer un espace où les dons de vêtements et d’objets pourraient être redistribués à celles et ceux qui en ont besoin, gratuitement, sans condition et surtout sans jugement.
Malgré leurs propres parcours migratoires et leurs réalités parfois précaires, elles ont uni leurs forces et avec l’accompagnement de Doris Rojas, ces femmes ont constitué un comité solidaire déterminé à faire exister ce lieu. Leur initiative a reçu le soutien précieux de la Fondation Lausannoise pour la Construction de Logements (FLCL) qui leur a mis à disposition le local sans loyer ni frais d’énergie. Elles ont également été accompagnées dans leurs démarches par Mountazar Jaffar, conseiller communal socialiste, qui a activement soutenu leur projet. Plusieurs autres bénévoles du quartier ont également rejoint l’initiative après l’ouverture du Troc pour renforcer l’équipe et participer aux activités.
Un modèle d’inclusion, de dignité et de résilience
Lors de ma visite, j’ai été profondément touchée par l’ambiance qui y régnait : une atmosphère respectueuse, chaleureuse, humaine et de solidarité sincère. Des personnes venues de Lausanne, voire d’ailleurs, passaient la porte du Troc : pour donner, recevoir, ou simplement partager un sourire. Il n’y avait pas de caisse, de contrôle ou de jugement. Seulement des gestes simples et une volonté commune de se soutenir.
Les étagères du Troc débordaient de dons classés avec soin : vêtements, chaussures, jouets, livres, divers objets du quotidien… Le tout offert avec dignité. Une femme est entrée timidement. Elle s’est excusée de ne rien pouvoir donner. Une bénévole lui a répondu avec douceur : « Ici, on ne compte pas ce qu’on donne. On partage ce qu’on peut. » La femme est repartie non seulement avec ce qui lui était utile, mais plus encore: avec le cœur apaisé. Ce projet, c’est plus qu’un simple magasin gratuit. C’est un modèle d’inclusion, de dignité et de résilience. Il montre que même en situation de précarité, les personnes migrantes peuvent être actrices du changement, porteuses de solutions et de solidarité.
En valorisant leurs compétences, leur générosité et leur volonté d’agir, le Troc du cœur de la Bourdonette redonne aussi du sens au mot « communauté ». Ce lieu prouve que la solidarité ne dépend ni du statut, ni des moyens, mais de la volonté de construire ensemble un monde plus humain. Il rappelle une vérité souvent oubliée : « ce n’est pas la richesse matérielle qui fait la grandeur d’un geste, mais l’intention de tendre la main. »
Malika Khiari
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils