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Voler avec des ailes brisées

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Ce que signifie être apatride en Suisse

« Soyez fiers de vos origines et n’essayez jamais de les cacher » : c’est ce que l’on nous dit depuis que nous avons compris le monde. Mais que se passe-t-il si votre origine et l’identité qui vous sont chères vous freinent parce que certaines personnes ne les comprennent pas ou, pire, ne les acceptent pas ?

J’avais 19 ans quand je suis arrivé en Suisse, un peu immature et innocent. Cela fait désormais 10 ans que je vis en Suisse. J’en ai profité pour apprendre la langue française, que je parle et écris avec le niveau B2 avancé. J’ai également réalisé des formations: d’horlogerie entre 2018 et 2021, suivi de cours d’informatique. J’ai également pris part à des emplois temporaires, plusieurs stages etc…

Malgré mon bagage technique, mes connaissances, mes compétences, mon expérience et beaucoup de volonté, je ne peux pas entrer dans le marché du travail étant apatride avec un permis F. D’après mon expérience personnelle, lorsque je cherche un emploi en ligne, le formulaire me demande souvent une nationalité ou un permis B. J’ai passé de nombreux examens d’entrée (théoriques et pratiques) dans plusieurs agences d’emploi. Mais malheureusement, lors des entretiens, au lieu de parler de mes compétences ou de l’emploi, je dois toujours expliquer l’historique de mon permis et mon origine. En fin de compte, les potentiels employeurs hésitent toujours à m’engager pour le poste.

Les obstacles rencontrés

Il y a quelques années, une agence très connue m’a appelé et m’a demandé de passer un entretien à la Vallée de Joux qui se trouve à deux heures de train de chez moi. Après avoir passé l’examen d’entrée, le responsable de l’agence m’a dit que j’avais bien travaillé et m’a donc félicité. Cependant, lorsqu’il m’a demandé une carte d’identité je n’ai pu que lui fournir mon permis F. Il ne savait alors pas ce que c’était et ce que cela signifiait. Il a alors rejeté ma demande d’emploi et j’ai dû rentrer chez moi les mains vides. Les deux heures de train pour rentrer chez moi m’ont semblé être une éternité à l’époque. Une autre fois, je suis allé directement dans une agence et je leur ai transmis mon CV ainsi que d’autres documents. La réceptionniste a semblé impressionnée par ce que j’avais déjà fait: ma formation, mon stage et une première expérience dans l’horlogerie. Après avoir appelé son patron, ce dernier lui a dit qu’il y avait des postes intéressants qui correspondaient à mon CV. Il m’a fallu 15 minutes pour les impressionner avec ma personnalité, mon CV, mes certificats et j’ai essayé de répondre à toutes leurs questions de manière honnête et intelligente. Mais il ne lui a fallu qu’un seul coup d’œil de trois secondes sur le permis F de couleur bleu pour dire « NON » et d’enchaîner: « Désolé, nous ne prenons pas ce permis ». Ce ne sont là que quelques-unes des expériences personnelles que j’ai vécues et contre lesquelles je me bats encore aujourd’hui. Je suis très passionné et motivé par ce monde de l’horlogerie car il me fascine et me met au défi de résoudre des problèmes. Après avoir investi autant de temps et d’énergie dans le but d’aller plus loin dans cette profession ce domaine est devenu une véritable passion à mes yeux.

Se projeter dans l’avenir

Normalement, je suis quelqu’un de très optimiste, positif, plein d’humour et ambitieux. Mais, ne pas pouvoir avancer dans la vie, professionnellement ou personnellement, me met dans une situation très difficile à supporter, surtout après 10 ans. Lorsque vous êtes devenu une personne capable, dotée de toutes les compétences professionnelles nécessaires, il est frustrant de ne pas pouvoir démontrer votre valeur. C’est comme un oiseau aux ailes vibrantes et multicolores, prêt à s’envoler dans le ciel, mais prisonnier d’une cage d’acier. Ma vie a été malmenée pendant longtemps et toutes ces situations et ces crises font monter le niveau de stress. Je trouve qu’il est de plus en plus difficile de garder mon sang-froid et de rester positif quand, tout autour de moi, c’est le chaos. J’essaie constamment de repousser mes limites et de trouver des moyens de m’occuper parce que je m’inquiète pour mon avenir. Sa Sainteté le Dalaï Lama a dit un jour : « C’est dans la plus grande adversité que se trouve le plus grand potentiel de faire le bien, à la fois pour soi-même et pour les autres ». Je n’ai donc pas renoncé à mes rêves et j’ai décidé que chaque fois que je tomberai, je me relèverai encore plus fort.

Tsering

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils



Un commentaire a Voler avec des ailes brisées

  1. Jima dit :

    Mon cher Tsering,ce F est la croix Suisse que nous portons dans l’aile tel un aigle blessé. Et chaque matin nous devons essayer de prendre notre envol. Tenir ou s’écraser a-t-on encore un choix…

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