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La médecine en temps de guerre

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Nadiia Kutsyna lors d’une opération dans son centre médical.

Le point de vue d’une chirurgienne ukrainienne

Aujourd’hui, notre système médical est soumis à une pression extrême compte-tenu de la situation militaire en Ukraine. En effet, le personnel médical travaille dans des conditions difficiles pour aider les blessés ainsi que les malades. La migration de la population et la perte de spécialistes pendant la guerre s’ajoute à un déséquilibre entre l’abondance de professionnels de la santé dans l’ouest du pays et la pénurie dans l’est et le sud.

Plus de mille établissements médicaux ont été détruits ou endommagés, entraînant un retard dans la fourniture de soins médicaux dans certaines régions. Cependant, selon le ministère de la santé ukrainien, en ce qui concerne les hôpitaux publics, le pays parvient à fournir une aide d’urgence aux citoyen.es grâce à une réorganisation et à des mesures prises pour réguler la charge de travail du personnel.

 

Le 24 février 2022 a changé à jamais notre vie

Je suis une médecin passionnée par mon travail et j’ai consacré une grande partie de ma vie à cette profession. Je me suis spécialisée dans la chirurgie plastique, reconstructive et esthétique. J’ai ouvert mon propre centre médical et je regardais l’avenir avec confiance.

Le 24 février 2022 a changé la vie de tous les Ukrainiens et de toutes les Ukrainiennes à jamais. Mon centre médical était la perle de l’harmonie et du bien-être, orienté vers les besoins naturels des femmes d’être belles. Pendant la guerre, ces besoins ont été relégués au second plan.

Bien que le ministère de la santé ait annoncé une « fuite de cerveaux » du personnel de santé se limitant à 1% du personnel ukrainien, la quasi-totalité du personnel de mon centre est parti à l’étranger ou a déménagé dans une autre ville à l’intérieur du pays. De plus, la situation n’est pas favorable pour les patient.e.s. qui voulaient bénéficier d’un service esthétique surtout dans mon centre médical qui se trouvait dans la ville de Kharkiv à 50 kilomètres de la frontière russe. Cela pouvait donner une impression un peu délirante, étant donné que dans un petit centre esthétique privé, en temps de guerre, les problèmes d’approvisionnement en médicaments et en matériel sont précaires (coupures d’électricité, de chauffage), cela rend l’opération chirurgicale très dangereuses voire même impossible ; ce contrairement aux institutions publiques qui sont mieux équipées grâce à l’aide humanitaire et aux mesures spéciales prises par le gouvernement à cause de la guerre.

Mon centre médical à Kharkiv.

 

 

Des problèmes difficiles à surmonter

De manière générale, la médecine de guerre fonctionne sur la base de la nécessité et de la gravité. En outre, il existe de nombreux problèmes liés à la logistique comme les problèmes de transport et d’acheminement de médicaments. En ce qui me concerne, il y a deux problèmes fondamentaux : d’une part, la distance qui me sépare de mon pays d’origine ne me permet pas de fournir un service de qualité parce qu’elle exige ma présence physique en tant que chirurgienne. Et d’autre part, en tant que propriétaire de mon centre médical, le plus gros problème est d’avoir le contrôle à distance. Comme le fonctionnement se déroule sur place, je ne peux pas superviser mon centre de manière adéquate et vérifier la qualité des services fournis ainsi que la santé des finances. Par conséquent, j’ai dû fermer mon établissement médical. Mais, en tant que médecin spécialiste, je suis comme d’autres médecins qui quittent l’Ukraine et qui s’installent dans différents pays d’Europe dans l’espoir d’être embauchés afin de pouvoir exercer leur profession. Le fait de ne pas pouvoir exercer est très difficile pour moi !

Mon centre médical à Kharkiv.

 

Reconstruire ma vie

Ce que je trouve essentiel dans la profession de chirurgienne, c’est qu’il y a quelque chose de sacré. Le fait est qu’on ne peut pas enlever sa blouse blanche et cesser d’être médecin. Je crois que dans un avenir proche, je pourrai reconstruire ma vie et mon centre en mettant à profit l’expérience acquise dans les deux pays : celui où je suis née : l’Ukraine ; et celui qui m’a accueillie : la Suisse. Je suis convaincue qu’en tant que médecin, je continuerai à pratiquer ce que j’aime le plus : la chirurgie !

 

Nadiia Kutsyna

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils



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