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Employer les bons termes lorsqu’on parle de phénomènes migratoires : Un défi pour les journalistes!

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Sophie Malka, responsable du journal en ligne Asile.ch attire l'attention des participantes et participants sur les enjeux des statistiques. Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Sophie Malka, responsable du journal en ligne asile.ch. Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Un glossaire à l’attention des journalistes a été débattu lors d’une rencontre à Genève

Jeudi 13 octobre 2016, des journalistes, des blogueurs, ainsi que des représentants d’associations et d’instances officielles en charge de l’accueil des migrants se sont rencontrés à Genève, à l’initiative de l’association genevoise Vivre Ensemble. Cette rencontre visait à réfléchir et débattre des termes employés par les journalistes lorsqu’ils parlent d’asile et de migration dans le but de constituer un glossaire de la migration. Retour sur cette journée enrichissante à laquelle a assisté la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

En 2013, l’association Vivre Ensemble lance un projet dénommé « le comptoir des médias », dont le but est de contribuer à produire une information basée sur les éléments factuels et dénudée de préjugés à propos des phénomènes migratoires. Les informations produites par divers médias suisses sont alors vérifiées afin d’éviter qu’elles soient inexactes ou susceptibles d’alimenter des idées reçues auprès du public.

Anya Klug. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

Anja Klug. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

La création d’un glossaire de la migration, soumis à la discussion des participantes et participants de la journée, est dans la continuation logique du travail entrepris par le comptoir des médias. D’emblée, Sophie Malka, responsable du journal en ligne asile.ch, souligne la connaissance parfois très approximative des journalistes des phénomènes migratoire. Face à ce constat, Vivre Ensemble a constitué un outil destiné aux journalistes afin de leur fournir des notions utiles et des contacts d’organisations pour faciliter leur travail de vérification des informations. « L’objectif [de notre démarche ndlr.] étant de ne pas stigmatiser les travaux des médias, ni d’imposer ou aseptiser un discours unique, mais de réfléchir et d’échanger sur le contenu du glossaire. Notre association est militante dans le sens qu’elle cherche à renforcer le droit des réfugiés. Nous l’assumons totalement et notre outil est l’information : l’un des piliers de la démocratie » a précisé Sophie Malka.

Des « flux » et des « stocks »

Lors de la série de conférences qui ont précédé les ateliers thématiques, Martine Brunschwig Graf, la présidente de la Commission fédérale contre le racisme, a souligné l’importance de réhumaniser le langage lorsqu’on parle de migration et d’éviter des notions comme « flux » ou « stocks ». Elle mentionne à ce titre, non sans humour, que le terme de NEM (non entrée en matière) lui avait évoqué « les fameux rouleaux de printemps » la première fois qu’elle l’avait entendu. De même, certains sujets prennent une importance exagérée et sont non contrôlés par les journalistes. Elle cite, par exemple, les moyens de communication comme les courriers des lecteurs ou les commentaires en ligne des articles qui sont « des caisses de résonnance disproportionnées faiseuses d’une opinion du café du commerce ». Un contrôle est dès lors nécessaire pour vérifier que les termes employés restent dans la légalité. En l’absence de ce contrôle, la confusion entre l’information et l’intox est, toujours selon Madame Brunschwig Graf, un risque auquel le journaliste doit savoir faire face.

Martine Bunschwig Graf

Martine Brunschwig Graf, présidente de la Commission fédérale contre le racisme. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Une telle maîtrise passe, selon Anja Klug, directrice du Bureau du HCR pour la Suisse, par une information correcte issue d’une recherche minutieuse et complète des événements, ainsi que par l’emploi d’une terminologie correcte au niveau juridique. Anja Klug a illustré l’importance que revêtent les mots lors de la publication d’une information, en distinguant, entre autres, les termes de réfugié et migrant, qui ont des significations distinctes. Dès lors, les confondre peut poser des problèmes considérables à ces deux catégories de populations. Cependant, les mots ne sont pas seulement tributaires du champ médiatique mais également du cadre juridique. À ce titre, les termes d’illégaux et de demandeurs d’asiles déboutés nécessiteraient d’être supprimés car ils n’indiquent pas que ces personnes aient besoin de l’aide internationale. D’où l’importance du glossaire, qui aidera les journalistes à trouver un vocabulaire adéquat.

Nicolas Roget au centre évoque l'importance du tzravail des journaliste. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

Nicolas Roget (deuxième depuis la droite). Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Dominique Von Burg, président du Conseil suisse de la presse, a ajouté qu’un vocabulaire adéquat émane également du respect de la charte de déontologie journalistique en plus de la recherche de vérité et d’une information correcte. Il admet que parler de migration c’est relater de phénomènes complexes mais souligne, en même temps, le devoir de distance et de décodage des propositions politiques par les journalistes qui sont susceptibles de produire des confusions. C’est ainsi que « la droite parle plutôt de « migrants » et que la gauche parle plutôt de « réfugiés » et qu’on mélange allègrement tout » relève-t-il. Cette relation entre les médias et le politique se retrouve aussi au niveau institutionnel. Nicolas Roguet, délégué du Bureau de l’intégration des étrangers du canton de Genève, met en exergue le fait que les journalistes produisent davantage des informations utiles aux institutions au travers d’articles employant de bonnes terminologies et démontrant une compréhension du sujet et du domaine. Il gratifie aussi le travail que mène le comptoir de médias pour garantir l’équilibre et la justesse de l’information qui est très importante pour les institutions.

Dominique Von Burg. Photo: Georgi

Dominique Von Burg. Photo: Georgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Décortiquer les statistiques et les mots 

S’en est suivi des ateliers de travail qui visaient à créer une réflexion commune sur les termes employés par les journalistes ou les chiffres produits par certaines institution dans le domaine de la migration. L’objectif final étant de contribuer à alimenter un glossaire qui serve aux journalistes à produire une information qui soit correcte, factuelle et qui n’alimente ni la peur, ni les stéréotypes sur les personnes réfugiées, en procédure d’asile ou migrantes. Un exemple de question qui initiait la réflexion d’un des ateliers était : « Réfugiés ou migrants, quel mot utiliseriez vous pour une famille syrienne fuyant la guerre, un opposant politique turc et un adolescent gambien fuyant la famine ? À mes yeux, ce sont tous des refugiés » répond une blogueuse. Mais, dans les faits, la Confédération accorderait un permis provisoire aux premiers, l’asile au second, et une non-entrée en matière au dernier.

Des ateliers studieux. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Des ateliers studieux. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

L’atelier numéro 3 animé par Sophie Malka abordait le problème des confusions pouvant résulter d’un emploi inadéquat des statistiques sur les mouvements migratoires en Suisse. Selon elle, le corps des gardes-frontières ne comptabilise pas les personnes migrantes qui résident sur le sol helvétique mais alimente ses statistiques sur la base des entrées et sorties du territoire national. Dès lors, une même personne peut tenter de franchir la frontière et être renvoyée à plusieurs reprises, ce qui semble être largement le cas à Chiasso dans le canton du Tessin. De ce fait, parler de « personnes » pour décrire des mouvement induit, selon Sophie Malka,  le lecteur en erreur, car cela conduit à une surestimation du nombre de personnes effectivement rentrées ou renvoyées de Suisse. « Le chiffre de plus de 4’000 renvois à la frontière suisse durant le seul mois de juillet de cette année qui a été avancé est en réalité biaisé. Dans les faits, environ 1’000 personnes faisant des allers et retours sur le territoire suisse auraient été renvoyées » conclut-elle.

Un procès-verbal a été établi à la fin de la journée qui nourrira le glossaire du comptoir des médias des échanges fructueux qui ont eu lieu durant toute cette journée du 13 octobre. Ce glossaire deviendra, avec un peu de chance, un véritable outil de travail et de référence pour aider les journalistes à accomplir leur devoir d’information.

Propos recueillis par :

Niangu Nginamau

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 



4 Commentaires a Employer les bons termes lorsqu’on parle de phénomènes migratoires : Un défi pour les journalistes!

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  2. Dono Hayrenik dit :

    very good sammary . Thank you Niangu

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