
Défis et désir d’asile dans des pays tiers
Depuis des décennies, l’Iran accueille des millions de personnes migrantes Afghanes fuyant les conflits, la pauvreté et l’instabilité de leur pays d’origine. D’après le HCR, plus de 750’000 ont aujourd’hui reçu leur statut de réfugié. Voici un aperçu des difficultés auxquelles les réfugiés Afghans sont confrontés en Iran et certaines raisons pour lesquelles beaucoup choisissent de quitter le pays pour un avenir plus sûr.
La proximité géographique de l’Iran, les liens culturels et linguistiques partagés, ainsi que sa politique d’accueil relativement ouverte en période de crise, en font une destination privilégiée pour les Afghanes et les Afghans en quête d’un refuge. Cependant, en raison d’une combinaison complexe de pressions économiques, de restrictions légales et de défis sociaux, de nombreuses personnes réfugiées Afghanes en Iran trouvent de plus en plus difficile de rester, ce qui les pousse à chercher l’asile dans des pays tiers, notamment en Europe et en Amérique du Nord.
Pressions économiques et opportunités d’emploi limitées
Les Afghans en Iran, même celles et ceux ayant un statut de réfugié, font souvent face à des difficultés économiques et à un accès limité à un emploi stable. L’économie iranienne a été fortement affectée par des années de sanctions internationales, une mauvaise gestion économique et, plus récemment, par la pandémie de COVID-19. Les réfugiés Afghans, souvent relégués à des emplois faiblement rémunérés dans des secteurs comme la construction et l’agriculture, ressentent fortement les effets de ce ralentissement économique. De nombreux réfugiés rencontrent ainsi des difficultés pour trouver du travail en raison des restrictions imposées aux personnes étrangères, et certains ne peuvent obtenir que des emplois informels ou saisonniers sans protections ni stabilité.
En outre, les Afghans gagnent généralement moins que les travailleurs iraniens pour des emplois similaires et sont soumis à des changements abrupts de politique en matière d’emploi. Avec des taux d’inflation élevés et le coût de la vie en constante augmentation, il devient de plus en plus difficile pour les réfugiés Afghans de subvenir à leurs besoins, les poussant à envisager la réinstallation comme un moyen de survie.
Manque de protection légale et statut précaire
Les réfugiés Afghans en Iran évoluent dans un environnement juridique complexe, avec des droits limités et un statut précaire. Bien que l’Iran ait accordé des permis de séjour à une grande partie de la population Afghane, ce statut est souvent loin de leur reconnaissance complète en tant que réfugiés. De nombreux Afghanes et Afghans vivent sans documents appropriés, ce qui les expose au risque de détention et de déportation. Même celles et ceux ayant un statut légal peuvent rencontrer des difficultés pour renouveler leurs permis ou se déplacer librement dans le pays.
L’Iran n’a pas signé la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, ce qui signifie que les réfugiés Afghans en Iran ne bénéficient pas des mêmes protections internationales que dans d’autres pays. Ce vide juridique limite l’accès aux services essentiels tels que la santé et l’éducation, rendant l’intégration difficile et insécurisant leur vie. Cette incertitude sur leur statut juridique, associée à la peur de la déportation, rend difficile un séjour prolongé en Iran et pousse certaines et certains à chercher l’asile dans des pays offrant une meilleure protection légale.
Accès limité à l’éducation et à la santé
Bien que l’Iran ait fait des efforts pour améliorer l’accès à l’éducation pour les enfants Afghans ces dernières années, des obstacles subsistent, notamment pour les personnes ne possédant pas de documents. Beaucoup d’enfants Afghans ont du mal à s’inscrire à l’école et ceux qui y parviennent fréquentent souvent des institutions sous-financées où le surpeuplement et le manque de ressources freinent leur apprentissage. La barrière linguistique et les défis culturels peuvent aussi conduire à des discriminations rendant difficile la réussite scolaire des enfants Afghans.
L’accès à la santé pour les réfugiés Afghans est également limité, notamment pour les personnes sans-papiers qui ne peuvent pas bénéficier des services de santé publics. Bien que l’Iran ait mis en place des régimes d’assurance santé pour soutenir les populations de réfugiés vulnérables, ces initiatives ne répondent souvent pas à la demande. Les réfugiés, en particulier celles et ceux qui vivent dans des conditions précaires, peinent à financer leurs soins, ce qui aggrave les problèmes de santé chroniques et augmente leur vulnérabilité aux maladies.
Discrimination sociale et marginalisation
Les réfugiés Afghans en Iran subissent souvent des discriminations sociales et des stéréotypes négatifs, ce qui se conjugue aux autres défis auxquels ils sont déjà confrontés. Les attitudes publiques envers les Afghans sont ambivalentes, influencées par des décennies de tensions entre l’Afghanistan et l’Iran et par la peur que les personnes réfugiées ne mettent à mal les ressources déjà limitées du pays. Cette discrimination limite leur mobilité sociale, confinant souvent les Afghans à des quartiers spécifiques et rendant difficile l’accès à un traitement équitable dans les interactions quotidiennes.
En outre, le discours politique sur les réfugiés peut renforcer le sentiment d’exclusion parmi les communautés afghanes, alimentant leur frustration et diminuant l’espoir de s’intégrer pleinement dans la société iranienne. En conséquence, de nombreux réfugiés Afghans se sentent comme des étrangers permanents, ce qui intensifie leur désir de trouver un environnement plus accueillant et solidaire à l’étranger.
Insécurité croissante et tensions géopolitiques
L’implication de l’Iran dans les conflits régionaux et ses tensions géopolitiques avec des pays comme les États-Unis ont créé un climat d’insécurité qui affecte les réfugiés Afghans. Ces tensions ont aggravé les sanctions économiques et entraîné de plus grandes restrictions des libertés, telles que la liberté de mouvement, qui impactent également les réfugiés. En Iran, des hommes Afghans ont également été recrutés par les forces armées iraniennes pour combattre dans des conflits régionaux, notamment en Syrie, ce qui augmente l’insécurité et les risques pour les réfugiés.
Pour de nombreux Afghans, l’idée de rester en Iran n’offre plus la stabilité relative qu’elle offrait autrefois. Cette incertitude, combinée aux difficultés économiques et sociales, pousse de nombreux Afghans à envisager l’asile dans des pays tiers qui offrent de meilleures protections et opportunités.
La recherche d’asile dans des pays tiers : l’attrait de l’Europe et de l’Amérique du Nord
Face à ces défis, les réfugiés Afghans en Iran cherchent de plus en plus à se réinstaller dans des pays tiers dans l’espoir d’obtenir une plus grande sécurité économique, de meilleures protections légales et opportunités pour leur famille. L’Europe est devenue une destination particulièrement attrayante en raison de ses politiques d’asile relativement ouvertes et de ses systèmes de sécurité sociale. Ceci est bien entendu le cas tout récemment pour les femmes Afghanes qui reçoivent l’asile dans l’Union européenne. Cependant, atteindre l’Europe est périlleux et coûteux, obligeant de nombreux réfugiés à recourir à des passeurs, à endurer de longs trajets et à faire face à un avenir incertain à leur arrivée.
Des pays comme le Canada et les États-Unis sont également des destinations prisées pour les réfugiés Afghans qui peuvent obtenir un parrainage ou des programmes de visas spéciaux, notamment après le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan en 2021. Ces pays offrent des protections et des programmes d’intégration plus robustes, donnant aux familles afghanes une meilleure chance de stabilité et de sécurité.
Conclusion
Pour les réfugiés Afghans en Iran, la vie quotidienne est marquée par des difficultés économiques, des défis sociaux et des droits légaux limités. La combinaison de ces facteurs crée un sentiment de désillusion parmi de nombreux Afghans qui sont de plus en plus enclins à prendre les risques associés à une relocalisation vers des pays tiers dans l’espoir d’un avenir meilleur. Répondre aux besoins des réfugiés Afghans en Iran exige une approche multiforme, incluant un soutien économique, des réformes juridiques et une coopération régionale afin que ces populations vulnérables ne soient pas obligées de risquer leur vie pour une quête de stabilité et de sécurité ailleurs.
Reza Rezaee
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.