Quand le théâtre redonne sa voix au silence
Entre l’ombre et la lumière, entre l’exil et le retour, une parole s’élève, un chant pour les femmes qui osent parler. Le 31 août 2025, la Maison de quartier des Pâquis, à Genève, a présenté la pièce de théâtre « Barîn, au-delà des frontières ». Son auteure et scénariste, Salma Lagruni, n’a pas seulement écrit le texte, mais est également montée sur scène avec les autres comédiennes. La personne ayant inspiré l’histoire, Shahla, une femme kurde venue d’Iran, a également pris part à la représentation, rendant la pièce encore plus authentique et poignante.
Lieux de dialogue et d’échanges culturels, la Maison de quartier des Pâquis et sa salle de spectacles La Traverse se sont transformées ce soir-là en un espace de vérité et de courage. Dès les premières minutes, j’ai été emportée par une vague d’émotions, me retrouvant face à une histoire authentique, qui traverse les frontières géographiques, sociales et intérieures.
La pièce raconte l’histoire d’une femme forcée de franchir des limites imposées par le monde, par la société et par elle-même. Mais au-delà de la souffrance que cela entraîne, l’œuvre de Salma Lagruni représente un hymne à la liberté, au droit d’être soi-même et à la puissance de la voix des femmes. La présence de l’auteure sur scène a d’ailleurs conféré à la représentation une intensité rare. Voir la créatrice partager sa vérité avec le public a rendu chaque moment vivant et vibrant.
«Barîn» est une pièce d’une profondeur bouleversante : témoignages documentaires, images poétiques, musique qui devient souffle de vie, scène transformée en espace de solidarité féminine. À chaque geste, chaque mot, j’ai senti mon cœur vibrer avec celui des comédiennes et du public.
Au-delà de la scène et des frontières
La discussion qui a suivi la représentation a été tout aussi intense. Des mots forts ont résonné : « Être silencieuse, ce n’est pas possible. Il faut dire les choses ». Ces paroles, longtemps tues, sont devenues le fil conducteur de la suite de la soirée.
Des femmes venues d’Iran, de Turquie, de Tunisie, d’Espagne et du Maroc ont partagé leurs émotions : « Je me suis reconnue dans ces scènes ». Même si leurs expériences étaient différentes, leur douleur et leur lutte restaient universelles.
Les comédiennes elles-mêmes ont confié que revivre ces moments de douleur était éprouvant, mais que cela représentait une forme de catharsis, un chemin vers la guérison : « Jouer ces scènes signifiait replonger dans nos blessures. Mais c’était aussi un chemin vers la guérison ». Cette pièce n’était donc pas qu’une performance artistique, mais plutôt un espace d’émotions et de solidarité, ainsi que la promesse d’une possible transformation, nous rappelant que le silence n’est pas une option. Dans de nombreuses cultures, les femmes ont pourtant été réduites à ce silence. Mais ensemble, nos voix deviennent impossibles à étouffer. Elles sont puissantes et libératrices.
L’art comme expression de liberté
Pour moi, « Barîn » a été un moment de révélation. L’union des femmes peut changer le monde, l’art et la vérité se fondant en une seule voix : celle de la liberté. Et cette voix continuera de résonner longtemps dans mon cœur, comme un appel à l’action et à la solidarité.
Un grand merci à Salma Lagruni et à ses comédiennes pour leur performance. Le souvenir de cette soirée et des émotions que vous avez provoquées en moi ne me quitteront jamais.
Oleksandra Yefimenko
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils



