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L’exil, l’autre enfer #1

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unsplash.com / Auteur: Spenser

De la défense des droits humains à la contrainte de l’exil

Un adage dit : « On n’est nulle part mieux que chez soi », mais certaines réalités ne nous laissent pas toujours le choix face au péril, à la menace et à l’insécurité.

Billy est un défenseur des droits humains au Togo, un pays de l’Afrique de l’ouest qui vit sous un régime dictatorial de père en fils depuis plus de cinquante ans. Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils, il nous livre le récit de son calvaire, depuis son pays jusqu’en Suisse où son vécu quotidien rime toujours avec angoisse et incertitude. Episode 1/3.

« C’était le matin du 13 juin 2012, le deuxième jour d’une série de manifestations qui ont vu une marée humaine envahir les rues de Lomé. Les Togolais réclamaient des réformes institutionnelles, constitutionnelles et électorales devant normalement déboucher sur une alternance du pouvoir. J’étais au sein de la manifestation pour faire du monitoring. Alors que la foule se dirigeait vers un carrefour dénommé Déckon où elle prévoyait faire un sit-in, l’armée débarqua, faisant usage de gaz lacrymogènes et même de tirs à balles réelles. Après une course-poursuite, je suis tombé aux mains des militaires et la seule chose dont je me souviens encore est cette phrase : « ôtez-lui la camera » ; j’ai pris un coup à la nuque et me suis effondré. Je me suis réveillé en fin de journée dans une clinique de la ville avec des hématomes et des douleurs atroces tout au long de la colonne vertébrale.

Au bout de six mois, il m’était difficile de marcher et comme les hôpitaux de mon pays sont des mouroirs, j’ai dû me rendre au Maroc en 2013 pour me faire opérer d’une fracture de la colonne au niveau cervical avec un arrachement de tissus osseux.

Togo. Source: Wikipedia.

La lutte continue

De retour du Maroc, j’ai créé une association visant à impliquer les chrétiens dans la lutte pour la libération du peuple. Notre objectif était de défendre les droits humains aux côtés des autres organisations de la société civile togolaise.

En août 2016, lors d’une campagne organisée par une association en faveur des victimes de 2005, j’ai dénoncé les violations des droits humains dans mon pays lors d’une interview à la radio, relayée aussi en langue Ewé. Mes propos me valurent des messages de félicitations mais aussi de nombreuses menaces de mort. C’est ainsi qu’en 2017, lorsque le peuple descendit à nouveau dans les rues des villes du Togo pour réclamer le départ du régime, je fus ciblé et battu par des milices armées par le pouvoir. A terre, sous les coups de bottes de quatre forcenés, j’ai pensé que mon dernier jour était arrivé. Heureusement, j’eus la vie sauve grâce à l’intervention de témoins qui hurlèrent : « lâchez-le, lâchez-le ! ». Mes agresseurs montèrent à bord de leur pick-up et partirent en trombe. On me fit asseoir ; je voulus informer ma femme de ce qui m’était arrivé et elle me conjura de ne pas rentrer, car les mêmes individus étaient passés à la maison et l’avaient menacée, lui demandant où je me trouvais. « Ils n’ont pas quitté le quartier, ils sont là et attendent que tu rentres ! »

Je dus me réfugier pendant environ deux semaines dans un orphelinat dirigé par un confrère engagé en faveur des droits des enfants.

Un visa pour l’Europe

Une invitation à participer à la conférence de la COP23 de 2017 à Bonn en Allemagne me permit d’avoir un visa. Sortir du pays restait un problème à résoudre. Comment échapper aux contrôles à l’aéroport ? De plus, j’étais très mal en point, je marchais désormais avec deux cannes depuis mon agression. Mon ami directeur de l’orphelinat persuada un officier de l’armée de me faire passer jusqu’à bord de l’avion. Était-ce la fin du cauchemar ? »

Billy

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils



Un commentaire a L’exil, l’autre enfer #1

  1. Willa Anne Christine dit :

    Quel courage de Billy face aux injustices et aux violences policières!
    Son histoire se lit comme un roman (belle plume!) mais dévoile le terrible sort des défenseurs des droits humains au Togo et rappelle malheureusement des milliers d’autres témoignages.. dans d’autres pays…courage à lui dans son combat qui continue!

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