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FLASH INFOS #104

Le centre fédéral de Chevrilles. Source: SRF Region / Twitter.

Sous la loupe : Insécurité et dangers pour les réfugié·e·s ukrainien·ne·s au Centre d’asile de Chevilles / Russie : les opposant·e·s au gouvernement fuient en Turquie / Les violences continuent à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne

Insécurité et dangers pour les réfugié·e·s ukrainien·ne·s au Centre d’asile de Chevrilles

Le Blick, le 31.03.2022

Quatre réfugiées ukrainiennes logées au Centre fédéral d’asile de Chevrilles, qui se trouve dans le canton de Fribourg, ont témoigné du manque important de sécurité dans le centre. Elles dénoncent notamment les vols fréquents qui s’y déroulent et les violences racistes dont elles ont été victimes de la part d’autres réfugié·e·s du centre. Elles indiquent également être logées dans des chambres de 17 lits, avec une douche et des toilettes communes pour tout l’étage. L’absence de psychologue ou de personnel encadrant pose problème, de même que le manque de solutions proposées aux enfants qui n’ont plus de suivi scolaire. Arrivées depuis un mois dans le centre, les quatre témoins n’ont pas non plus pu rencontrer de traducteur et ne peuvent pas bénéficier du permis S car elles sont arrivées avant la prise de décision du Conseil fédéral.

Karthik

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Russie : les opposant·e·s au gouvernement fuient en Turquie

Europe 1, le 21.03.2022.

La majorité des exilé·e·s russes qui fuient la Russie à cause de la guerre en Ukraine sont des opposant·e·s politiques, des artistes et des intellectuel·le·s. Leur destination principale est la Turquie. Ceci s’explique par le fait que le gouvernement turc soutient les pourparlers entre Ukrainiens et Russes et agit comme médiateur entre les deux pays, et ce notamment depuis que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affiché sa volonté de négocier avec Vladimir Poutine.

Paulina, une opposante et activiste contre la guerre fuyant la répression du gouvernement russe a affirmé avoir reçu des menaces. Pour les personnes comme Paulina, qui ne sont pas d’accord avec la guerre, la Turquie est un pays accessible sans visa et le transport aérien est encore possible.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Les violences continuent à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne

infomigrants.net,  le 25.03.2022

Bien que le phénomène ne soit plus couvert par les médias, la crise migratoire entre la Pologne et la Biélorussie se poursuit. C’est ce que dévoile le récent témoignage de Mohsen (nom d’emprunt), un professeur d’anglais iranien, qui a décidé de quitter son pays pour l’Angleterre à la fin du mois de janvier dernier. Il s’est rendu en Biélorussie en camionnette avec plusieurs autres exilé·e·s.

Lorsqu’ils sont arrivés dans le pays, les garde-frontières biélorusses, qui savaient qu’ils voulaient traverser la frontière pour se rendre en Pologne, les ont laissés passer. Ils leur ont simplement conseillé d’aller à Minsk et de prendre l’avion pour rentrer chez eux. Arrivés en Pologne, ils ont été frappés par les garde-frontières qui leur ont projeté du gaz lacrymogène dans les yeux.

Ce récit s’ajoute aux nombreuses histoires des migrant·e·s qui ont témoigné de la cruauté et de l’humiliation qu’ils ont subi·e·s de la part des gardes-frontière polonais, mais aussi biélorusses.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




FLASH INFOS #96

Photo: « Sacs à dos sans frontières »

Sous la loupe : Plus de 4000 sacs à dos transmis aux exilé·e·s en Grèce / Restrictions financières pour les ressortissant·e·s de pays tiers / Vers une pérennisation de l’aumônerie musulmane dans les centres d’asile suisses

Plus de 4000 sacs à dos transmis aux exilé·e·s en Grèce

RTS, le 31.01.2022

Depuis plus d’un mois, Joëlle Mayoraz et Flavia Gillioz, deux jeunes femmes valaisannes, se mobilisent pour le projet « Sacs à dos sans frontières » qui vise à collecter des sacs à dos pour les personnes exilées au nord de la Grèce. Leur objectif initial était de réunir 500 sacs pour le 31 janvier 2022. Aujourd’hui, avec l’aide de la population romande, elles sont parvenues à recueillir plus de 4’000 sacs.

L’idée s’est développée alors que Joëlle travaillait pour une ONG en Grèce. À cette occasion, elle s’est rendu compte que les personnes en situation d’exil avaient un besoin réel de sacs à dos, parce qu’ils transportaient leurs affaires avec des sacs plastiques. Les sacs seront acheminés dans les prochaines semaines en Grèce par une association spécialisée.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Restrictions financières pour les ressortissant·e·s de pays tiers

24 Heures, le 31.01.2022

Le Conseil fédéral a démarré mercredi 26 janvier dernier une consultation sur un projet pour inciter les ressortissant·e·s de pays tiers ‒ c’est-à-dire les personnes originaires d’un état non membre de l’Union Européenne (UE) ‒ à intégrer le marché du travail. En réduisant de 20% l’assistance financière dont ils bénéficient, les ressortissants disposeront d’une aide sociale réduite durant les trois premières années. De même, les conditions d’octroi et de prolongement d’un permis de séjour, qui engendrent selon lui des coûts importants, seront reconsidérées et soumises à l’autorisation du Secrétariat d’État aux migrations (SEM). Le prolongement de ces permissions de séjour pourra toutefois être accordé en cas d’emploi ou de formation.

De telles restrictions visent à permettre aux cantons et communes de contenir la hausse des dépenses de l’aide sociale.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Vers une pérennisation de l’aumônerie musulmane dans les centres d’asile suisses

RTS, le 31.01.2022

Selon une étude du Centre Suisse Islam et Société (CSIS) de l’Université de Fribourg, le projet qui vise à intégrer de manière pérenne une aumônerie musulmane dans les centres d’asile fédéraux s’avère être un réel succès. Initié il y a un an sous la conduite du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), ce projet complète l’offre proposée par les églises suisses. Il a notamment permis la médiation de conflits au sein des centres et l’accompagnement de requérant·e·s originaires de 19 pays différents (à savoir principalement d’Algérie, d’Afghanistan, du Maroc et de Syrie).

Au vu de ses résultats, le projet est prolongé jusqu’à fin 2022, avec la possibilité d’être pérennisé à l’avenir.

Karim Ibsaine

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




FLASH INFOS #64

Illustration réalisée par Kristine Kostava / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Six athlètes réfugiés vivant en Suisse se préparent à participer aux JO / Le Royaume-Uni durcit sa politique migratoire / Chypre en état d’urgence migratoire

La revue de presse devient le flash INFOS de Voix d’Exils. Une formule revisitée de notre rubrique hebdomadaire qui met davantage en valeurs les compétences graphiques et visuelles de nos rédactrices et rédacteurs et qui inclut d’autres nouveautés pour encore mieux vous informer.

Logo réalisé par Kristine Kostava / Voix d’Exils.

Six athlètes réfugiés vivant en Suisse se préparent à participer aux JO

Le Temps, le 18 mai 2021

Depuis 2016, le Comité International olympique (CIO) accorde une bourse spéciale aux athlètes possédant le statut de réfugié qui ne peuvent ou ne veulent plus défendre les couleurs de leur pays d’origine. Ainsi, ces derniers ont l’occasion d’intégrer l’équipe olympique des réfugiés. Aux Jeux d’été de Rio, en 2016, ils étaient dix à défiler sous le drapeau olympique. Ils seront vraisemblablement plus du double cet été à Tokyo. Le 8 juin, le CIO choisira une vingtaine d’élus parmi les 56 athlètes bénéficiant actuellement d’une bourse de 1500 $ par mois pour s’entraîner et d’une somme forfaitaire de 5000 $ pour participer à des épreuves de sélection à l’étranger. Les critères de sélections sont clairs : il faut avoir atteint un niveau sportif reconnu par une fédération internationale et bénéficier d’un statut de réfugié délivré par un Etat. Les critères se basent également sur l’équilibre des genres, des sports et des pays d’origine. Six athlètes réfugiés membres du programme olympique vivent et se préparent actuellement en Suisse. Parmi eux, une tireuse à l’arc et un marathoniens d’Erythrée, un cycliste syrien, un taekwondoïste iranien et une tireuse à la carabine dont le pays d’origine est inconnu.

Le Royaume-Uni durcit sa politique migratoire

InfoMigrants, le 24 mai 2021

Le 24 main, Priti Patel – ministre britannique de l’Intérieure – a présenté une proposition de réforme du système d’entrée dans le pays afin d’« empêcher de graves criminels étrangers de pénétrer au Royaume-Uni ». Selon la ministre, l’objectif principal de cette mesure est de « compter les personnes à l’intérieur et à l’extérieur du pays » et vise à « contrôler qui vient au Royaume-Uni ». Ainsi, toute personne sans visa ou statut d’immigrant souhaitant se rendre au Royaume-Uni, sera obligée de remplir un formulaire en ligne afin d’obtenir une autorisation de voyage. D’ici 2025, le Royaume-Uni envisage de rendre opérationnel son système de frontière 100% numérique, ce qui demande une complète mise en jour des données relatives à l’immigration, jugées par les autorités britanniques comme obsolètes ou erronées. Les mesures annoncées sont vivement dénoncées par de nombreuses organisations qui estiment que cette réforme met en danger la crédibilité mondiale du Royaume-Uni. Les pays membre de l’Union européenne ont également fait entendre qu’ils ne concluront pas des accords bilatéraux permettant de faciliter l’expulsion de réfugiés.

Chypre en état d’urgence migratoire

RTBF, le 21 mai 2021

Le 21 mai, les autorités Chypriotes ont notifiée l’Union européenne sur leur incapacité à accueillir des personnes migrantes supplémentaires. En effet, le pays fait face à un surpeuplement de ses centres de rétention alors que des vagues d’arrivée quotidiennes des personnes en provenance de Syrie ont lieu. A cet effet, le ministre de l’intérieur chypriote, Nicos Nouris, a déclaré avoir été contraint d’envoyer une notification écrite à la Commission européenne. Pour rappel, l’île de Chypre se situe à quelques 160 Km des côtes syriennes et a reçu plus de 12 000 réfugiés depuis l’éclatement de la guerre en Syrie en 2011. En outre, le nombre de demandeurs d’asile a atteint au cours des quatre dernières années 4% de la population chypriote, contre 1% pour les autres États européens.

Rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Pour moi, le fil de l’espoir est rompu… »

Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils

Le parcours chaotique d’un requérant d’asile algérien en Suisse

Après avoir été victime de nombreuses tentatives de meurtre, de menaces verbales et morales, Rachid Boukhemis, 60 ans, décide de quitter l’Algérie pour retrouver la paix et la sérénité dans un pays démocratique. Ce professeur d’arabe laisse derrière lui sa famille, ses amis et ses biens.

Plein d’espoirs en une vie meilleure lors de son arrivée à Vallorbe, fin 2017, il va rapidement déchanter. Considéré comme cas Dublin pour être passé par la France sur le chemin de l’exil, il recevra une réponse négative à la demande d’asile qu’il a déposée en Suisse. Son rêve s’effondre et vire au cauchemar lorsque, un matin d’été, les forces de police viennent l’arrêter à son domicile pour le renvoyer en France. Il sera brutalisé et brièvement emprisonné avant d’être relâché complètement traumatisé. Rachid Boukhemis est l’un des rédacteurs de Voix d’Exils, à ce titre il a voulu témoigner de son douloureux parcours sur notre site.

« Hébergé dans un premier temps au centre d’enregistrement de Vallorbe, j’ai ensuite été envoyé dans le foyer de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) de Bex, dans le canton de Vaud. Ensuite, j’ai reçu une décision négative de la part du Secrétariat d’État aux migrations et j’ai été transféré au foyer d’aide d’urgence d’Ecublens.

En état de choc

Le 17 août 2018, à cinq heures du matin, alors que j’étais endormi, j’ai entendu une clé tourner dans la serrure. Le gardien du foyer est entré dans la chambre et, en me montrant du doigt, il a dit aux deux policiers qui l’accompagnaient: « C’est celui-là ! ». Je me suis assis sur mon lit en me frottant les yeux.

Un policier m’a demandé de m’habiller et d’emporter avec moi les médicaments que je prenais. J’ai obéi aux ordres. On m’a mis des menottes aux poignets. C’était la première fois que je voyais ces bracelets en fer d’aussi près…

J’ai été emmené au poste de police de Bussigny où j’ai tout d’abord été fouillé et forcé à me déshabiller. C’était la première fois que je me retrouvais complètement nu devant des étrangers.

Puis j’ai été placé en cellule, comme si j’étais un criminel. Je suis resté silencieux, j’étais en état de choc. Après deux heures environ, la porte de ma cellule s’est ouverte et on m’a demandé de monter à l’étage pour prendre mes empreintes digitales.

Suite à cela, j’ai été conduit à l’aéroport de Genève où je devais prendre un avion à destination de Nantes, en France, conformément à la procédure Dublin.

Quand est arrivé le moment d’embarquer, j’ai refusé de monter à bord. Le policier qui m’avait mené à la porte d’embarquement a alors commencé à me frapper jusqu’à ce que mon sang coule. La femme qui nous accompagnait, probablement une employée de l’aéroport, a réagi et a demandé au policier d’arrêter. Le capitaine de l’avion a, quant à lui, fermé la porte de l’avion et a dit qu’il ne m’emmènerait pas dans son vol. Pendant que nous descendions l’escalier qui nous avait menés à la porte d’embarquement, le policier continuait de me frapper.

Prisonnier sans culpabilité

Suite à cela, deux autres policiers m’ont emmené à la prison de Champ-Dollon à Genève. Pour dissimuler les violences commises contre moi, le responsable de la prison m’a demandé de me laver pour enlever les traces de sang. Sentant la fièvre monter, je me trouvais dans un état d’horreur, d’étonnement et de douleur. En réalité, j’étais un prisonnier sans culpabilité.

Vers 14h30, le gardien m’a informé que la prison avait reçu un ordre de libération immédiate. Une fois relâché, j’ai marché à pieds jusqu’à l’hôpital de Nyon où je suis resté jusqu’au matin. J’ai été examiné par un médecin qui a produit un certificat médical dans lequel il a confirmé que je présentais de multiples lésions, hématomes et plaies sur tout le corps. Certificat que j’ai transmis à la rédaction de Voix d’Exils.

De retour à Lausanne, j’ai contacté un avocat. Il m’a dit que le dépôt d’une plainte contre le policier me coûterait au minimum 4’000 francs suisses, et que cela ne me garantissait pas de gagner le procès, car un policier équivaut à deux témoins. J’ai alors décidé d’abandonner l’idée de porter plainte parce que je n’avais pas d’argent.

Je suis à ce jour pleinement conscient des conditions de vie sans espoir qu’endurent les réfugiés et du traitement brutal qui leur est réservé.

Pour moi, désormais, le fil de l’espoir est rompu. »

 

Rachid Boukhamis

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Des aides pour les victimes de violence

Suite au témoignage de notre rédacteur, la rédaction a contacté plusieurs institutions pour savoir auprès de qui et comment les victimes de violences peuvent obtenir une aide.

·  Selon nos interlocuteurs et interlocutrices du Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (le SAJE) et du Centre Social Protestant (le CSP), la médiatisation et/ou l’ouverture d’une procédure judiciaire sont les principaux chemins que peuvent emprunter les personnes requérantes d’asile si elles se retrouvent dans une situation similaire à celle vécue par Rachid. Par conséquent, les tarifs habituels pratiqués par les avocats s’appliquent et la somme annoncée par notre rédacteur bien qu’élevée est exacte.

·   Les centres LAVI, conformément à la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, aident les personnes victimes de violences physiques, sexuelles ou psychiques. Leurs interventions se situant à l’intersection des domaines juridique, psychologique et social. Ces centres proposent un soutien aux victimes ainsi que l’octroi de prestations financières (dont les honoraires d’avocat), en fonction de l’atteinte subie. On peut faire appel à ces centres dans les cantons romands, soit à Genève, Vaud, Fribourg, Valais, Neuchâtel et Jura.

·  Que l’on soit résident ou de passage à Genève, on peut, en cas de différend avec la police cantonale ou les polices municipales, faire appel à l’organe de médiation police (l’OMP). A noter que le recours à la violence physique n’est pas considéré comme un différend. Ainsi, si des violences physiques ont eu lieu, l’OMP invite à dénoncer les faits ou à porter plainte auprès des autorités compétentes.

Jovan Mircetic

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




L’exil, l’autre enfer #2

L’aéroport de Frankfort. Source: wikipedia.org

Des complications à l’aéroport de Frankfort

Un adage dit : « On n’est nulle part mieux que chez soi », mais certaines réalités ne nous laissent pas toujours le choix face au péril, à la menace et à l’insécurité. Billy est un défenseur des droits humains au Togo, un pays de l’Afrique de l’ouest qui vit sous un régime dictatorial de père en fils depuis plus de cinquante ans. Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils, il nous livre le récit de son calvaire, depuis son pays jusqu’en Suisse où son vécu quotidien rime toujours avec angoisse et incertitude. Episode 2/3.

Je débarquai à l’aéroport de Frankfort. Très peu renseigné sur les usages de l’exil, je savais toutefois que je devais demander l’asile à l’aéroport. J’ai salué un Africain et lui ai exposé mon problème. L’homme, sans doute un Nigérian, me répondit en anglais « You are in the right place ». Il passa un coup de fil et quelques instants après Stone, un de ses complices, vint me récupérer pour « m’aider à remplir les formalités de demande d’asile ».

Je me suis retrouvé dans un appartement de trois chambres et un grand salon où je m’installai. Stone me demanda mon passeport et s’enquit de la somme d’argent que j’avais sur moi. Je lui remis 500 euros des 1500 que j’avais. « Dans quoi me suis-je fourré? » pensais-je. J’étais interdit de toute sortie « pour ne pas me faire appréhender par la police et jeter en prison » comme Stone me l’avait expliqué dès mon entrée dans l’appartement. J’étais très fatigué et très malade. Les jours passaient, Stone me promettait que je pourrai bientôt entrer dans le camp d’enregistrement. Au bout de quelques jours, il vint me demander 500 euros de plus que je lui remis. Il ne me restait donc que le tiers de l’argent. J’ai passé en tout deux semaines chez mes ravisseurs, témoin de va-et-vient interminables de Blancs et de Noirs qui défilaient chaque jour chez Stone. Au lendemain de l’expiration de mon visa, il me dit: « Ton visa a expiré hier et tu ne m’en as pas informé ? » J’ai répliqué avec colère : « you have my passport and my visa is Inside! ». Il me fit comprendre que désormais, les choses allaient être difficiles et qu’il avait besoin du reste de mon argent ; et il promit que le lendemain nous partirions déposer ma demande d’asile.

Quelques jours plus tard, le 2 décembre 2017, nous nous mîmes en chemin vers je ne sais où ; j’étais avec Stone et une autre personne qui venait souvent à la maison. D’après eux, nous allions au camp de réfugiés. Le trajet fut très long, environ quatre ou cinq heures, après quoi, nous arrivâmes près d’une gare. Je lus le nom de la ville sur la façade : j’étais à Bâle. Stone me fit descendre du véhicule et me dit de me rendre à Vallorbe dans le canton de Vaud. Le temps de descendre du véhicule et de chercher à récupérer ma valise dans le coffre arrière, je ne vis que de la fumée : ils étaient partis à vive allure avec mon bagage et toutes mes affaires, dont mon passeport. Je suis resté hagard avec mon sac à dos.

Une femme dont j’ai gardé le prénom en mémoire – Eliane – avait assisté à la scène et m’approcha. Je lui racontai comment ces bandits m’avaient arnaqué. Je tremblais de froid et d’effroi. Elle pensa tout d’abord à alerter la police puis elle me dit qu’elle allait m’aider à rejoindre Vallorbe car elle y allait justement. J’étais dépouillé jusqu’au dernier centime. Eliane paya mon billet de train et, après une correspondance à Lausanne, nous arrivâmes à Vallorbe. Eliane m’accompagna jusqu’à la porte du centre d’enregistrement et me laissa sur ces mots : « Tout de bon, cher Billy, sois prudent et ne te laisse plus jamais avoir ! ». Après son départ, je tremblais toujours. Deux jours plus tard, ma tension artérielle s’éleva au point où je fus admis aux urgences de l’hôpital Saint-Loup à Yverdon-les-Bains.

Les terribles accords de Dublin

Huit jours après mon enregistrement au centre d’accueil de Vallorbe, je passais ma première audition. On me signifia que je devais retourner en Allemagne car c’était le pays responsable de ma demande d’asile selon les accords de Dublin. La Suisse n’entrait donc pas en matière sur ma demande d’asile. J’essayais d’objecter que je ne pourrai pas retourner en Allemagne et racontai ma mésaventure ; j’étais très fatigué et désespéré, la mort dans l’âme. J’avais aussi peur que lorsque j’étais dans mon pays.

Un mois plus tard, je fus transféré dans le canton du Valais, attendant le sort que me réservaient les fameux accords de Dublin. Je subissais des crises à répétition dues aux lésions de ma moelle épinière. Des associations, qui avaient assisté à l’une de mes crises lors d’une retraite spirituelle organisée à l’intention des refugiés et requérants d’asile, adressèrent plusieurs courriers au Secrétariat d’Etat aux migrations aux fins de surseoir à mon renvoi vers l’Allemagne, sans succès. Je reçus avec angoisse les réponses qui, toutes, exigeaient mon retour en Allemagne.

Billy

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Les épisodes précédents:

L’exil, l’autre enfer  « De la défense des droits humains à la contrainte de l’exil » épisode 1, article publié le 17.02.2020