Sous la loupe : Les renvois forcés de Suisse ont triplé en 2023 / Les Haïtiens qui ont besoin d’une protection internationale doivent la recevoir, affirme le HCR / Immigration : les techniques agressives de la police française contre les embarcations dans la Manche
Firat Kil et Vishnu Nagalingam, membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils et Zoé Maître, stagiaire à la rédaction.
Flash Infos #175
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Sous la loupe : L’exode des personnes migrantes afghanes du Pakistan s’intensifie face à la répression d’Islamabad / Tempête Ciaran : «Au moins 1500 personnes exilées sont restées sans solutions» à Calais en France / Au Burkina Faso, les violences djihadistes contraignent des populations à être déplacées et des écoles à fermer
Et à la production : Alix Kaneza, Tsering, Julia Ryzhuk et Malcolm Bohnet.
La rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Flash Infos #174
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Sous la loupe : les personnes migrantes à l’aide sociale sont nombreuses à avoir un emploi / L’UDC fait face à plusieurs plaintes pour racisme suite à sa campagne électorale / Le nombre de personnes déracinées à travers le monde continue d’augmenter à mesures que les conflits s’intensifient
« En Afghanistan, j’ai travaillé comme traductrice avec des journalistes français, j’ai aussi travaillé en collaboration avec une ONG. Ma sœur était footballeuse professionnelle et travaillait avec un ingénieur civil. Ce n’était pas notre choix de quitter le pays. Le 15 août 2021, ma famille et moi avons quitté le pays. Ce sont les premiers mots de Jamail, une jeune femme afghane qui partage avec nous son témoignage de victime du système extrémiste mis en place par les talibans.
Cependant, lorsque les talibans sont arrivés au pouvoir en 1996, les droits des femmes à l’éducation et à l’emploi ont été totalement anéantis. Les femmes afghanes ne pouvaient sortir qu’accompagnées d’un parent masculin et devaient porter une burqa qui les couvre entièrement. Elles ont également été condamnées à des mesures cruelles imposées par des règles fondamentalistes et rétrogrades, telles que les décapitations et les lapidations, pour une prétendue désobéissance.
Plus tard, lors de l’invasion américaine, la situation a un peu changé, non qu’elle se soit améliorée, car selon le mouvement des femmes RAWA, l’Association révolutionnaire des femmes d’Afghanistan, leurs droits ont été obtenus à cette époque grâce à la lutte du mouvement et non à l’intervention des États-Unis.
Cependant, ce répit a été de courte durée car après le retrait des troupes américaines en août 2021, les talibans (un mot qui signifie ironiquement « étudiants ») sont revenus au pouvoir, redoublant toutes les formes de misogynie. Puis les femmes ont commencé à subir les mêmes violences puis les portes des écoles et des universités leur ont été fermées.
« Nous aidons les professeurs à enseigner à certaines filles, car nous savons que les écoles sont fermées et que, dans les villages, la plupart des familles ne permettent pas à leurs filles d’aller à l’école. C’est donc une bonne occasion pour elles d’étudier près de chez elles » explique Jamail qui, d’ailleurs, avec sa sœur Fanoos, recherchent des aides financières pour les enseignants qui scolarisent clandestinement les filles en Afghanistan.
Aujourd’hui, l’Afghanistan est un pays frappé par la misère que les gens fuient chaque jour à la recherche d’une vie meilleure car s’ils ne sont pas tués par la faim, ils sont tués par les affrontements entre groupes religieux extrémistes. Des familles entières font d’interminables voyages à la recherche d’un avenir meilleur mais, selon la plupart des gouvernements des pays où elles arrivent, il n’y a pas de guerre officielle en Afghanistan. C’est la raison pour laquelle de nombreuses demandes d’asile sont rejetées.
« Il y a aussi beaucoup de femmes exerçant une profession, comme maîtresse d’école, qui mendient dans les rues, ce qui me fait vraiment pleurer » raconte Jamail, les larmes aux yeux. Puis, reprenant son souffle, elle poursuit : « Ce n’était pas notre choix de quitter notre pays. Tout d’un coup, en une heure, beaucoup de gens ont dû quitter l’Afghanistan. Aujourd’hui, ma famille et moi sommes sûres que nous aurons une vie meilleure ici, mais nos pensées sont toujours dans notre pays bien-aimé. Pour ma part, les rues illuminées de Shari, une place célèbre à Kaboul, me manquent toujours. Ma maison, ma chambre et toutes mes affaires me manquent encore, celles que je n’ai pas pu emporter en France… Je ne suis pas heureuse » regrette la jeune femme.
Propos recueillis par:
Renata Cabrales
Membre de la rédaction de Voix d’Exils
Jamail Baseer
Je m’appelle Jamail Baseer. J’ai 33 ans et j’ai quitté l’Afghanistan le 17 août 2012. J’étais traductrice en Afghanistan pour des journalistes français et je travaillais également avec des ONG internationales. J’ai travaillé comme interprète et traductrice auprès de journalistes français et de militants des droits des femmes en Afghanistan. Maintenant, je vis en France en tant que réfugiée.
Le peuple iranien se rebelle
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Déjà 300 morts en 3 mois de manifestations contre le régime iranien
Les manifestations pour dénoncer le meurtre de Mahsa Amini par la « police des mœurs » ne montrent aucun signe d’apaisement, malgré une réaction violente des autorités iraniennes, ce qui constitue un défi pour la République islamique depuis sa fondation en 1979. Rencontre avec Marjane*, une femme iranienne réfugiée en Suisse, qui partage son point de vue sur les raisons de l’intensité des manifestations en cours en Iran.
L’oppression des femmes en Iran a commencé suite à la révolution islamique il y a 43 ans et n’a fait que s’intensifier durant tout ce temps. La situation des femmes en Iran est donc difficile car cela fait une quarantaine d’années que l’État exerce un contrôle strict sur leur corps. D’une part, elles sont tenues à porter le voile, d’autre part, elles sont persécutées par les « gardiens de la révolution », ainsi que par la « police des mœurs »: une unité des forces de sécurité du pays dont la mission est de les harceler dans la rue afin qu’elles respectent les lois islamique du code vestimentaire en public, c’est-à-dire porter le voile correctement, de manière à ce que leurs cheveux ne soient pas visibles, ne pas porter de vêtements moulants ou colorés et bien couvrir leurs bras et leurs jambes.
La punition pour s’être dévoilée en public peut être la détention, l’emprisonnement, une amende ou des coups de fouet. Ainsi, les femmes du pays de la soi-disant « révolution » sont soumises quotidiennement à des hommes inconnus qui les poursuivent, les battent, les aspergent avec des sprays au poivre et les traitent même de « putes ».
Les plus grandes manifestations contre le régime
Les manifestations les plus récentes ont commencé parce qu’en septembre dernier, la police des mœurs est allée trop loin, étant accusée d’avoir battu à mort une jeune femme. Sa mort a suscité de vives protestations rejetant la violence religieuse machiste. Par solidarité, de nombreuses femmes sont descendues dans les rues sans voile et d’autres, dans un geste symbolique, ont mis sur les réseaux sociaux des vidéos où elles se coupent les cheveux.
Mais les personnes qui défendent les droits des femmes sont réprimées parce qu’elles s’opposent à ce système patriarcal et oppressif et la conséquence de l’opposition à la République islamique est l’exécution, souligne Marjane.
Ce peuple est victime d’actes cruels de discrimination et c’est pourquoi la jeune femme s’appelait en réalité Jina, mais Jina en kurde signifie « femme » et, en Iran, il est interdit de parler cette langue. C’est pourquoi Jina a été rebaptisée Mahsa. Or, dans les médias de tout le Kurdistan, elle est appelée Jina Mahsa: son nom kurde.
300 morts parmi les manifestant.e.s
C’est ainsi que dans le Kurdistan iranien, dans certaines régions d’Iran, on entend depuis lors des cris avec des slogans comme : « Jin, Jiyan, Azadî » ce qui signifie « Femme, vie, liberté » et « Bimre Dîktator », soit « Mort au dictateur ». Ces phrases d’indignation sont dites dans la langue interdite : le kurde.
En outre, « Jina a été violée et torturée physiquement et mentalement par la police des mœurs. De nombreuses personnes ont été tuées, emprisonnées et exécutées également. En effet, le régime utilise des armes à feu pour réprimer les révolutionnaires », s’indigne la jeune Iranienne Marjane.
Finalement, Marjane estime que pour le moment, rien n’est clair, « cette révolution a commencé il y a presque trois mois » explique-t-elle. De plus, elle espère qu’elle se terminera en faveur du peuple iranien qui se bat pour sa liberté. malgré environ 300 morts dus à la répression de la République islamique, les manifestations se poursuivent et aujourd’hui il semble impossible d’en connaître l’issue. La seule certitude est que la révolution gardera un fort caractère féministe selon la plupart des mouvements féministes qui se battent pour cette cause.