1

Quand la seule option est d’être fort

 

Même les expériences les plus difficiles peuvent être surmontées

Parfois, les étapes de notre vie sont difficiles. Nous traversons des moments ou des situations que nous ne voulons vraiment pas traverser, des expériences que nous ne voulons pas vivre, des moments de douleur et d’angoisse, des moments de déracinement, de deuil, de peur ou de colère. Toutes ces situations que n’importe quelle personne disposant d’un jugement sain souhaiterait vraiment éviter.

Mais ces moments sont là: ils font partie de la vie de beaucoup de gens, de différentes manières, mais ils sont là.

Sous l’angle plus précis de la migration, il y a des moments très durs et difficiles que nous qui avons dû fuir nos pays devons affronter. Je peux en énumérer certains que j’ai dû vivre comme le décès de ma petite-fille, l’abandon de nos proches, le déracinement familial, culturel, social, politique, avec le lâcher prise de la réalité de qui nous sommes, de ce que nous avons construit, de nos avancées, de ce que chaque jour de notre vie nous considérons comme notre bien-être, la construction d’un projet de vie qui nous garantirait une stabilité future. Cette dure expérience, je l’ai faite à l’âge de 45 ans après un parcours familial et professionnel organisé et réussi.

Nous pouvons nommer un grand nombre de situations tristes et tragiques vécues bien avant que chacun ne prenne la décision de fuir son pays, et la profondeur de la douleur et des dommages que ces situations causent en chacun de nous, mais surtout ce dont je veux parler c’est de résilience: cette capacité que nous avons toutes et tous à construire une nouvelle vie, à apprendre et à surmonter les douleurs du passé.

Ces situations passées ne sont jamais oubliées; mais peut-être que ça fait un peu moins mal, ou peut-être apprenons-nous à cacher la douleur, ou peut-être encore apprenons-nous chaque jour à contrôler nos émotions. Et cela signifie être plus forts que nos propres peurs ou angoisses, c’est être plus forts que la solitude, que le déracinement, que l’abandon, c’est être plus forts que les traumatismes psychiques, c’est être plus forts que les cauchemars ou même les souvenirs, c’est tenir tête à soi-même, à sa faiblesse.

Et c’est là que nous trouvons notre résilience, qui est la capacité d’une personne à surmonter des circonstances traumatisantes, et cela ne peut être réalisé qu’avec la seule option que nous ayons: être forts.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Où est notre maison ?

Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils

L’exil comme recherche d’un chez-soi

Des milliers de personnes désespérées face aux destructions causées par la guerre sont obligées de quitter leur terre, leurs souvenirs et de laisser toute leur vie derrière elles.

Quand on voit tant de personnes abandonner leurs souvenirs d’enfance aux quatre coins de leur Terre ou laisser derrière elles leurs premiers amours et amis, on ne peut s’empêcher de se demander où elles vont pouvoir trouver leur nouvelle maison.

Avant de trouver une réponse à cette question, nous devons nous en poser une autre : qu’est-ce qu’une maison pour nous ?

Est-ce que un endroit avec des murs, des rideaux ou des meubles est une maison? Que signifient pour nous les quatre murs dans lesquels nous inscrivons nos joies et nos peines? Ou faut-il plutôt dire que nos maisons sont notre zone protégée, le lieu où nous nous sentons en sécurité et à l’aise, et que nous considérons comme un refuge pour nous reposer lorsque nous sommes fatigués ?

Au cœur de la vie en exil, chaque question porte un sens profond, parce que l’exil est un état de recherche d’un « chez-soi ».

Une cassure spirituelle

Là où elles arrivent, ces milliers de personnes qui ont quitté leur foyer et leur pays pour différentes raisons, et laissé derrière elles les périodes les plus importantes de leur vie, essaient de se construire une nouvelle vie. Cette grande lutte conduit à un profond fossé spirituel entre leurs deux vies.

Cette cassure spirituelle amène de grands traumatismes. Les exilé.e.s doivent parcourir des chemins difficiles, surmonter les traumatismes de la guerre, de la destruction et de la persécution et trouver la force de prendre un nouveau départ.

Arrivé.e.s dans un nouveau lieu, ils et elles pensent tout d’abord que les difficultés sont dépassées et qu’une nouvelle vie va pouvoir commencer. Mais, avec le temps, il devient de plus en plus clair que la vérité ne ressemble pas à ça. C’est à ce moment-là que commencent des défis différents et plus complexes.

Lorsque les personnes exilées ont surmonté, d’une manière ou d’une autre, les obstacles majeurs et qu’elles arrivent dans un pays où elles se sentent en sécurité, la plus grande difficulté qui les attend est le processus d’obtention d’un permis de séjour. Dans ce processus, elles sont confrontées à une société différente, à une langue étrangère et ont du mal à satisfaire même leurs besoins de base. Elles doivent lutter contre des difficultés économiques tout en affrontant une grande solitude. Durant cette période, elles ne peuvent pas créer leur propre équilibre émotionnel et se sentent toujours comme si elles étaient dans le vide.

La maison symbolique

L’une des personnes qui s’est exprimée avec le plus de force sur cette question est le réalisateur grec Theo Angelopoulos, qui a souvent mis en scène dans ses films des travailleurs, des immigrés, des exilés et des frontaliers. Il a évoqué le concept de maison pour les personnes migrantes dans une interview : « Les héros sont à la recherche de la maison symbolique dans leur tête. Je me concentre sur le concept de chez-soi car les gens ont constamment besoin de voyager. Ils pensent qu’en se déplaçant, ils atteindront le concept de chez-soi dans leur esprit, même pour un instant. Ce qu’ils recherchent, c’est un lieu où s’établissent des équilibres entre eux et le monde. Cet équilibre est assez difficile à atteindre… de plus, il est très rare… » et il ajoute : « Personnellement, je n’ai pas trouvé ma maison, c’est-à-dire l’endroit où je peux vivre en harmonie avec moi-même et avec le monde ».

Ainsi, pour le célèbre réalisateur, le domicile d’une personne est le lieu où s’établit un équilibre émotionnel entre la vie et la survie. Il me semble que c’est la définition la plus juste du « chez soi ». En même temps, cela nous a fait réaliser une fois de plus combien il est difficile de trouver notre « maison », c’est-à-dire de trouver cet équilibre entre nous et le monde en raison de la fragmentation émotionnelle provoquée par la migration. Mais, bien sûr, le désir de chercher son chez-soi et l’effort pour le retrouver continuent de nous animer. Ce désir et cet effort sont très précieux pour nous les personnes migrantes.

Esra Sheherli

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Revue de presse #53

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous loupe: Le Centre d’asile de Boudry accusé de maltraiter des personnes migrantes / La guerre en Syrie : une catastrophe qui n’est pas encore terminée / Migration et asile: l’UDC recalée à deux reprises

Le Centre d’asile de Boudry accusé de maltraiter des personnes migrantes

RTS.ch, le 13 mars 2021

L’association Droit de rester Neuchâtel a envoyé une lettre ouverte au Secrétariat d’État aux migrations (le SEM) pour dénoncer un accroissement préoccupant, depuis plusieurs mois, de mauvais traitements envers les personnes migrantes du Centre fédéral d’asile (CFA) de Boudry à Neuchâtel. L’association pointe du doigt les abus de pouvoir de certains agents de sécurité de l’entreprise Protectas qui auraient fait preuve de mépris et de comportements racistes et auraient créé un climat de peur.

Denise Graf, juriste, militante et signataire de la lettre adressée au SEM, appelle à mettre immédiatement fin à cette situation. Invitée à l’émission Forum de la RTS samedi dernier, elle souligne que le système actuel n’est pas adapté à la situation de certaines personnes migrantes qui arrivent en Suisse avec des traumatismes graves. Elle demande d’arrêter toute sous-traitance avec des sociétés de sécurité privées très mal formées et d’engager des professionnels qui ont des compétences pour s’occuper de ce public comme cela était présenté par le SEM dans le « Centre test » où l’encadrement a été assuré par des institutions de droit public et où la sécurité a été peu visible.

La guerre en Syrie : une catastrophe qui n’est pas encore terminée

Caritas.ch, le 10 mars 2021

La guerre en Syrie est l’une des plus grandes catastrophes humanitaires depuis la deuxième guerre mondiale. Après dix ans de guerre, l’aide humanitaire en Syrie et dans les pays voisins est toujours essentielle. Après dix ans de guerre, environ 80 % des habitantes et habitants du pays vivent dans la pauvreté. Caritas Suisse a mis en œuvre des projets humanitaires d’un montant de plus de 76 millions de francs en Syrie, au Liban et en Jordanie. Depuis 2012, les mesures d’aide de Caritas ont bénéficié à environ 670’000 personnes selon l’organisation.

La guerre a engendré énormément de déplacés. Sur une population de 21 millions de personnes, plus de 6,5 millions de Syriennes et Syriens ont fui leur pays pour se réfugier principalement dans les pays voisins. Environ un million de réfugiés Syriens sont arrivés en Europe et un peu plus de 6 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Environ 20’000 Syriennes et Syriens vivent actuellement en Suisse. Près de la moitié d’entre eux — 8’500 personnes environ — n’ont pas le statut de réfugié, mais seulement celui de personnes admises à titre provisoire et Caritas demande au Conseil fédéral de leur octroyer le plus rapidement possible le statut de réfugiés.

Migration et asile: l’UDC recalée à deux reprises

www.msn.com, le 16 mars 2021

Dans ces temps de Covid-19, l’Union démocratique du centre (UDC) a réussi à obtenir une session extraordinaire du parlement suisse sur le thème « Migration et asile ». Michaël Buffat UDC/VD est le conseiller national qui a défendu deux motions pour durcir les conditions d’entrée en Suisse des personnes qui font l’objet de programmes de réinstallation avec l’aide du l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.

L’UDC demande que la Suisse n’octroie plus l’asile à des groupes de réfugiés « comprenant des personnes qui ne disposent pas d’une identité attestée » ou « s’il est avéré ou soupçonné qu’elles sont originaires d’une région à forte concentration de courants radicaux ». Elle demande aussi que cette catégorie de personnes en Suisse soit mise dans des centres fermés ou surveillés en permanence. Du côté alémanique, Andreas Glarner UDC/AG accuse le Conseil fédéral de jouer le rôle de « passeur ».

En guise de réponse, Ada Marra PS/VD a rappelé des chiffres: « En 8 ans, 4’752 personnes ont bénéficié de ces programmes de réinstallation, dont 4’000 environ de Syrie. On peut y ajouter 90 mineurs non accompagnés. Elle a accusée l’UDC de chercher des poux à des mesures « lilliputiennes ». Marco Romano, pour le groupe du Centre tessinois, a déploré de son côté deux motions « qui stigmatisent et créent de la peur », alors le programme de réinstallation concerne des enfants et des familles en détresse. Un point que Damien Cottier (PLR/NE) a repris parlant de « la Suisse de la Croix-Rouge » qui vient en aide et protège « des femmes, des enfants et des personnes qui n’ont plus rien ».

Résultat: lors du vote du parlement, l’UDC a essuyé deux revers consécutifs au refus de ces deux motions.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils