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Music is a universal language that crosses all borders

Auteur: pixabay.com

Enrico Macias song « J’ai quitté mon pays » then and now

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Music is a universal language that crosses all borders; a tool for arousing emotions and feelings, as well as for bringing hope and healing. It is said that the Arab philosopher and musician Al-Farabi, (872–950), was able to make people laugh and then make them cry by his wonderful performance on the Oud.

I was born and grown up in the rural north east of Syria, a neglected, impoverished region, considered as the center of numerous ethnic groups. Tough, resilient people, mostly descendants of refugees fled from atrocities in Turkey. Strongly attached to their ethnic music and culture; perhaps because of the relief it brought to them from long years of deprivation and traumatism.
As an adolescent, my mind was receptive to this rich, multi-ethnic music. At those days, the mid-seventies, we didn’t have a TV set. My parents had an old cassette-recorder, where I used to spend long hours listening to the charming songs of the diva of Arab music, Oum Kalthoum, and the adored youth singer Abdoul Halim Hafez, as well as to Adis (1), M.Shekho (2) and many others.

Tom Jones, Charles Aznavour, Julio Iglesias, Enrico Macias…!

However, those years brought us also western music and songs recorded on audio cassettes, mostly from Beirut-Lebanon, the cultural hub of the Arab world at that time. Like many of my peers, I was fascinated by Tom Jones, Aznavour, Julio Iglesias, Enrico Macias…!

I had a guitar those days, and was trying to learn to play simple tunes. So naturally, I developed a liking for Enrico, particularly his song « J’ai quitté mon pays ».

J’ai quitté mon pays
J’ai quitté ma maison
Ma vie, ma triste vie
Se traîne sans raison

I loved this song! I don’t know why! Certainly, not because of its nostalgic lyrics, or the moving historical background: Enrico Mascias left his native country Algeria and went into exile in 1961. My knowledge of French was very little then. But probably, because of its melancholic oriental melody and the heartfelt performance on the guitar! It was tender and relaxing, evoking mixed emotions of joy and sorrow! In fact, my interpretation of the song was purely romantic and emotional!

The magic city of Aleppo!

At those carefree days, during my college years in Aleppo, Syria, my mind was full of rosy things and wild expectations. Part of it was connected to my fascination with this magical city, where history and modernity combine. Where the Citadel of Aleppo , the Great Mosque the madrasas and the aroma of spices in the old souks and Khans of the old city, carry you away with caravans that used to cross the city from China, Bukhara and Isfahan to the West, during the Golden Age of the Silk Roads from 12th to the early 15th centuries…

It was time of optimism and dreams! How could I have imagined what destiny had in store for Syria!

Then, years rolled by… And one day, all of a sudden, the sky fell on our heads and turned our world upside down! The country was ripped apart and the civil war ruined all aspects of life, including the magic city of Aleppo!

Diaspora

At this point came the moment of revelation with all its poignancy and intensity! Uprooted from homeland, we have become a diaspora! A displaced people, thrown to strange shores and under makeshift camps! Our warm houses, our childhood playgrounds, our blue sea, everything… were all stolen from us!

Having been transferred to a completely different reality, I have come to fully understand what Enrico went through some sixty years ago, when he was forced to sing farewell to his beloved city of Constantine, Algeria!

J’ai quitté mon soleil
J’ai quitté ma mer bleue
Leurs souvenirs se réveillent
Bien après mon adieu

The lovely melody of « J’ai quitté mon pays », which once used to cheer me up and arouse feelings of joy and love, now evokes multiple memories and images, extremely poignant! Extremely nostalgic!

H. DONO

Contributeur externe de Voix d’Exils

1. A popular Armenian singer
2. A popular Kurdish singer

 

 




La chanson « J’ai quitté mon pays » de Enrico Macias

ractapopulous/2998. Pixabay.com

Hier et aujourd’hui

La musique est un langage universel qui traverse toutes les frontières. Un outil pour susciter des émotions et des sentiments, ainsi que pour apporter espoir et guérison. On dit que le philosophe et musicien arabe Al-Farabi (872–950), a pu faire rire les gens puis les faire pleurer par sa merveilleuse performance sur le Oud.

Je suis né et j’ai grandi dans le nord-est rural de la Syrie, une région négligée et appauvrie, considérée comme le centre de nombreux groupes ethniques. Des gens durs et résilients, pour la plupart, des descendants de réfugiés qui ont fui les atrocités en Turquie. Très attaché à leur musique ethnique et à leur culture; peut-être à cause du soulagement qu’elles leur ont apporté après de longues années de privation et de traumatisme.

Adolescent, mon esprit était réceptif à cette musique riche et multiethnique. À cette époque, au milieu des années 70, nous n’avions pas de téléviseur. Mes parents avaient un vieux magnétophone, et je passais de longues heures à écouter les charmantes chansons de la diva de la musique arabe, Oum Kalthoum, et du jeune chanteur adoré Abdoul Halim Hafez, ainsi que celles d’Adis [1] , de M. Shekho [2] et de bien d’autres.

Cependant, ces années nous ont également apporté de la musique occidentale et des chansons enregistrées sur des cassettes audio, principalement de Beyrouth, la capitale du Liban, qui était le centre culturel du monde arabe à cette époque. Comme beaucoup de mes pairs, j’étais fasciné par Tom Jones, Aznavour, Julio Iglesias, Enrico Macias …!

J’avais une guitare à l’époque et j’essayais d’apprendre à jouer des airs simples. Alors naturellement, j’ai développé un penchant pour Enrico Macias, et en particulier pour sa chanson : « J’ai quitté mon pays »!

J’ai quitté mon pays

J’ai quitté ma maison

Ma vie, ma triste vie

Se traîne sans raison

J’ai adoré cette chanson et je ne sais pas pourquoi! Certainement pas à cause de ses paroles nostalgiques, ou du contexte historique émouvant: Enrico Macias a quitté son pays natal l’Algérie et s’est exilé en France en 1961. Ma connaissance du français était encore très sommaire à l’époque. Mais probablement, à cause de sa mélodie orientale mélancolique et de la performance touchante à la guitare! C’était à la fois tendre et relaxant, et suscitait en moi des émotions de joie et de tristesse! En fait, mon interprétation de la chanson était purement romantique et émotionnelle!

En ces jours d’insouciance, pendant mes années d’Université à Alep, mon esprit était plein de choses roses et d’attentes folles. Une partie de cela était liée à ma fascination pour cette ville magique, où l’histoire et la modernité se combinaient. Là où la Citadelle, la Grande Mosquée, les Madrasas [3] et l’arôme des épices dans les vieux souks [4] et les Khans [5] de la vieille ville d’Alep, vous emportaient avec des caravanes qui traversaient la ville depuis la Chine, Boukhara et Ispahan vers l’Ouest, à l’âge d’or des Routes de la Soie à partir du XIIe jusqu’au début du XVe siècle…

C’était le temps de l’optimisme et des rêves. Comment aurais-je pu imaginer alors ce que l’avenir réservait à la Syrie ?!

Puis, les années se sont écoulées … Et un jour, tout d’un coup, le ciel est tombé sur nos têtes et a bouleversé notre monde! Le pays a été déchiré par la guerre civile qui a ruiné tous les aspects de la vie, y compris la ville magique d’Alep!

C’est alors qu’est venu le moment de la révélation, avec toute sa force et son intensité! Déracinés de notre patrie, nous sommes devenus une diaspora! Un peuple déplacé. Jeté sur des rivages étranges et dans des camps de fortune! Nos maisons chaleureuses, nos terrains de jeux d’enfance, notre mer bleue, tout … nous a été volé!

Transféré dans une réalité complètement différente, j’en suis venu à comprendre pleinement les sentiments que le célèbre chanteur a traversé, il y a une soixantaine d’années, lorsqu’il a été contraint de dire adieu à sa ville natale bien-aimée de Constantine!

J’ai quitté mon soleil
J’ai quitté ma mer bleue
Leurs souvenirs se réveillent
Bien après mon adieu

La belle mélodie de « J’ai quitté mon pays », qui jadis me remontait le moral et suscitait des émotions de joie et d’amour, évoque désormais de multiples souvenirs et images extrêmement poignants! Extrêmement nostalgiques!

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[1] Chanteur arménien populaire

[2] Chanteur kurde populaire

[3] Établissement qui enseigne la théologie musulmane

[4] Marché, Bazar

[5] Vaste cour entourée de bâtiments où les caravanes font halte

DONO

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils