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Flash Infos #158

Sous la loupe : Au Tessin, les passeurs sont toujours plus nombreux, les victimes de traite d’êtres humains aussi / La fronde de Varsovie et Budapest empoisonne le sommet européen / Les expulsions de personnes migrantes vers le Rwanda jugées illégales par la justice britannique

Nos sources:

Au Tessin, les passeurs sont toujours plus nombreux, les victimes de traite d’êtres humains aussi

Le Temps, le 02 juillet 2023

La fronde de Varsovie et Budapest empoisonne le sommet européen

Le Temps, le 30 juin 2023

Les expulsions de migrants vers le Rwanda jugées illégales par la justice britannique

RTS Info, le 29 juin 2023

 




Revue de presse #36

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe: Procédure d’asile trop rapide et problèmes de traduction lors des auditions / Une double peine frappe les personnes sans passeport suisse / La pandémie a accru la vulnérabilité des migrants / L’OIM dénonce l’incapacité des Etats à décider d’un dispositif de secours en Méditerranée

Présidente d’ASYLEX, Léa Hungerbühler : procédure d’asile trop rapide et problèmes de traduction lors des auditions

Le Temps, le 4 novembre 2020

Léa Hungerbühler préside ASYLEX, une association spécialisée dans l’assistance juridique en ligne. En pleine pandémie, les conseils en ligne ont explosé et l’association a gagné cette année de nombreux recours au Tribunal fédéral en faveur de personnes enfermées à Zürich au Centre de détention administrative. Possédant des antennes à Bâle, Berne Zurich en Suisse romane et au Tessin, l’association parvient à aider les requérants d’asile grâce à un vase réseau de juriste et d’avocats bénévoles. En outre, l’organisation est soutenue par de nombreux experts en droit des réfugiés et de la migration.

Publié le 07 octobre 2020, un rapport de la Coalition des juristes indépendants a révélé de nombreux problèmes dans la nouvelle procédure accélérée pratiquée depuis le mois de mars 2019. A ce sujet, dans le cadre d’une interview accordé au Temps, la présidente de l’association a souligné : « je pense, comme beaucoup d’autres juristes que la procédure est trop rapide, trop superficielle. Il y a des problèmes de qualité des traductions durant les auditions d’asile, il y a des employés racistes, il y a un énorme problème avec l’isolement des requérants d’asile dans les centres fédéraux qui y subissent une quasi-détention. »

Au sujet des problèmes de traduction lors des auditions, la présidente de l’organisation soutien qu’il y a des interprètes qui se positionnent du côté du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) ce qui a pour effet de rendre les requérants d’asile moins à l’aise et moins ouverts. « Durant les auditions beaucoup d’interprètes ne font pas une traduction fidèle et ne sont pas compétents, elles ou ils utilisent des termes qui ne conviennent pas. Ensuite il peut arriver, selon les situations, que la première audition se fasse en français, puis la deuxième en allemand alors que la décision finale soit en italien. Cela rend la compréhension des procès-verbaux et de la décision souvent difficile. De l’information précise peut se diluer à chaque fois qu’on utilise plusieurs traducteurs sur un dossier unique » conclu-t-elle.

Une double peine frappe les personnes sans passeport suisse

L’Événement syndical, le 18 novembre 2020

Le 31 octobre 2020, lors de la conférence des migrations d’Unia qui s’est tenue à Berne, les délégués ont réclamé une plus grande protection des travailleurs immigrés particulièrement fragilisés par la pandémie du Covid-19. En soulignant que les salariés sans passeport suisse travaillent principalement dans les métiers essentiels où les salaires sont bas et les conditions de travail précaires, le syndicat a mis en lumière qu’en période de fermeture d’entreprises et de licenciements, les migrants sont exposés à un double danger : le risque de perdre leur emploi et leur permis de séjour. Les délégués ont demandé la suppression de cette double peine qui est imposée aux salariés sans passeport suisse. Selon le syndicat, le fait de bénéficier de l’aide sociale pendant et en raison de la crise du coronavirus ne peut pas être interprété par les autorités comme le signe d’une intégration insuffisante. Et les personnes doivent avoir accès aux assurances sociales sans encourir de sanctions sur le plan du droit des étrangers.

Les délégués exigent également l’accueil immédiat de réfugiés vivant dans les camps des îles grecques et en Grèce continentale, et ce indépendamment de leur âge ou de leurs liens avec la Suisse. Selon le syndicat, le Conseil fédéral doit s’engager pour la création de routes migratoires sûres, et contre les renvois forcés illégaux aux frontières extérieures de l’UE. De plus, les procédures d’asile doivent être conduites dans le respect des personnes, avec une réelle reconnaissance des motifs de fuite spécifiques aux femmes.

La pandémie a accru la vulnérabilité des migrants

ONU Info, le 10 novembre 2020

Selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, publié le 10 novembre 2020, la pandémie du Covid-19 a aggravé l’insécurité alimentaire et a accru la vulnérabilité des migrants ainsi que des familles qui dépendent des envois de fonds. Les communautés contraintes de quitter leur foyer en raison de conflits, de violences et de catastrophes sont également concernées.

Les deux agences des Nations Unies avertissent que le bilan social et économique de la pandémie pourrait être dévastateur. Selon le rapport, les 164 millions de travailleurs migrants dans le monde, en particulier ceux qui travaillent dans le secteur informel, sont parmi les plus touchés par la pandémie. Ces derniers travaillent souvent dans des secteurs temporaires ou saisonniers pour de faibles salaires sans avoir accès aux systèmes de protection sociale. En période de crise économique, ces populations sont souvent les premières à perdre leur emploi. Sans revenu durable, le rapport avertit donc que de nombreux migrants seront non seulement poussés à rentrer chez eux, mais qu’ils provoqueront également une baisse temporaire des envois de fonds dans leur pays d’origine. « Les envois de fonds des travailleurs à l’étranger vers leurs familles au pays se sont également taris, ce qui a entraîné d’immenses difficultés. En conséquence, les taux de sous-alimentation montent en flèche dans le monde entier », a fait valoir M. António Vitorino, chef de l’OIM. Comme pour aggraver ces projections, le PAM prévoit que d’ici à la fin de 2021, au moins 33 millions de personnes supplémentaires pourraient être poussées vers la famine en raison de la seule baisse prévue des envois de fonds.

D’une manière générale, « l’impact de la pandémie sur la façon dont les gens se déplacent est sans précédent ». En effet, les mesures et les restrictions mises en place dans plus de 220 pays, territoires ou zones pour contenir la propagation du coronavirus ont limité la mobilité humaine, les possibilités de travailler et de gagner un revenu. Une situation qui a mis à rude épreuve la capacité des personnes migrantes et déplacées à se procurer de la nourriture et à satisfaire d’autres besoins fondamentaux. Les deux agences appellent la communauté internationale à faire en sorte que tous les efforts soient faits pour limiter l’impact immédiat sur les plus vulnérables, tout en assurant des investissements à plus long terme qui garantissent une voie vers la reprise. « L’impact de la crise de Covid-19 sur la santé et la mobilité humaine menace de faire reculer les engagements mondiaux, notamment pour le Pacte mondial sur les migrations, et d’entraver les efforts en cours pour soutenir ceux qui ont besoin d’aide », a conclu António Vitorino.

L’OIM dénonce l’incapacité des Etats à décider d’un dispositif de secours en Méditerranée

Le Nouvelliste, le 12 novembre 2020

Au moins 74 migrants sont décédés dans un naufrage survenu le 12 novembre au large de la Libye. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), l’embarcation transportait plus de 120 personnes. Les autorités libyennes et des pêcheurs ont pu ramener 47 rescapés à terre. A cet effet, L’OIM a une fois de plus dénoncé l’incapacité des Etats à décider d’un dispositif de secours en Méditerranée. Elle souhaite un mécanisme clair de débarquement dans des ports sûrs. Selon l’organisation, depuis janvier, au moins 900 personnes sont décédées dans ces naufrages. Des milliers d’autres ont été ramenées en Libye où elles font face à des détentions arbitraires et des menaces de violations des droits de l’homme identifiées par l’Organisation des Nations Unies (ONU). En outre, l’OIM a observé une augmentation récente des départs depuis la Libye (près de 3000 depuis un peu plus d’un mois). Les conditions de détention des migrants dans des centres surchargés se détériorent, selon l’OIM. Par ailleurs, l’agence onusienne appelle également à lever les restrictions contre les ONG qui œuvrent en mer. A cet effet, elle demande de réévaluer la zone de sauvetage libyenne pour permettre à des acteurs internationaux d’aider les personnes en difficulté.

Masar Hoti 

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« L’ampleur du « non » à l’initiative en faveur de six semaines de vacances pour tous est surprenant »

Nicky Le Feuvre, Professeure à l’Université de Lausanne

Le peuple suisse a rejeté l’initiative en faveur de six semaines de vacances pour tous par 66,5% des voix le 11 mars dernier, ce qui a suscité de vives réactions de la part des pays voisins européens. Pour mieux comprendre ce phénomène, Voix d’Exils a choisi de donner la parole à Nicky Le Feuvre, Professeure ordinaire en sociologie du travail à l’Université de Lausanne. Interview. 

Voix d’Exils : Pouvait-on s’attendre à ce que cette initiative soit acceptée ou rejetée et pourquoi ?

Nicky Le Feuvre : Le rejet de cette initiative était plutôt prévisible. C’est davantage l’ampleur du « non » qui était surprenant, même si la plupart des commentaires soulignent les écarts entre la suisse romande et le Tessin (plutôt partagés sur cette question) et la suisse alémanique (franchement hostile à l’initiative).


Quelle est la place du travail dans la vie des Suisses ?

La Suisse fait partie des quelques pays européens où la durée moyenne du travail est très élevée. En réalité, la situation varie beaucoup selon le sexe. Les hommes suisses connaissent des durées du travail très au-dessus de la moyenne européenne, alors que les Suissesses travaillent beaucoup plus souvent que leurs voisines européennes à temps partiel.


Selon vous, que ce serait-il passé dans les années à venir si les Suisses et les Suissesses avaient accepté l’initiative ?

Défendue par l’organisation syndicale faîtière Travail Suisse, l’argumentaire en faveur de l’initiative se fondait sur deux arguments principaux : les effets délétères pour la santé des travailleurs / travailleuses de l’intensification actuelle des rythmes de travail (représentant des dépenses élevées pour l’Assurance-invalidité, notamment) et les difficultés de « conciliation » de la vie professionnelle et familiale induites par les durées élevées de travail. Pour leur part, les opposants à l’initiative ont surtout mis l’accent sur les risques en matière de compétitivité des entreprises suisses en cas d’augmentation des congés payés et ont brandi la menace d’une augmentation potentielle des taux de chômage.


Quels sont selon vous les facteurs qui ont favorisé ce rejet massif de l’initiative ?

De toute évidence, l’argument économique s’est avéré beaucoup plus convaincant que l’argument en faveur de la santé et du bien-être des salarié·e·s. Il faudrait évidemment mener des recherches plus approfondies pour comprendre précisément ce qui a motivé ce choix, mais l’on peut déjà noter que, dans toutes les enquêtes menées sur ce sujet, les Suisses déclarent des niveaux de satisfaction au travail qui sont largement supérieurs à ceux que l’on trouve dans la plupart des pays voisins. Indépendamment des conditions objectives de travail (horaires, salaraires, etc.), ces résultats témoignent surtout de l’attachement fort des Suisses à la « valeur travail » et c’est bien cela qui semble avoir primé lors de cette votation.


Pourquoi le « non » massif est-il si incompréhensible pour les voisins européens de la Suisse ?

Les résultats de cette votation ont surtout été accueillis avec une certaine incrédulité en France, où la réduction du temps de travail et l’augmentation des congés payés sont généralement perçus comme un facteur de bien-être par les salarié·e·s. Certes, les employeurs se sont également mobilisés en faveur d’un assouplissement de la Loi Aubry de 2001 sur les 35 heures, mais celle-ci demeure une référence dans beaucoup de secteurs d’activité. Lors de son adoption en France, cette mesure de réduction du temps de travail était surtout présentée comme une solution au chômage (partage du travail entre un plus grand nombre de travailleurs) et non pas comme un risque pour la performance économique du pays. Assez curieusement, pourtant, même avec ces durées réduites de travail et ce supplément de vacances (5 semaines), les Français et les Françaises se déclarent moins satisfait·e·s de leur situation de travail que les Suisses et les Suissesses…


Est-ce que deux semaines de vacances en plus améliorerait la santé des travailleurs et travailleuses suisses?

L’intensification des rythmes de travail et leurs effets négatifs sur la santé des travailleurs sont des réalités confirmées à maintes reprises dans la littérature scientifique. Il n’empêche, les recherches récentes tendent à suggérer qu’une réduction des durées quotidiennes ou hebdomadaires de travail offrirait une meilleure solution à ces problèmes, et aux difficultés de « conciliation » des temps de vie, que l’octroi de semaines supplémentaires de vacances.


Qui est selon vous gagnant avec ce rejet et pourquoi ?

Il s’agit là d’une victoire très nette pour les entreprises et les employeurs, qui ont emporté l’adhésion du plus grand nombre. Néanmoins, les syndicats peuvent se féliciter d’avoir réussi à inscrire la question de la durée et des rythmes de travail à l’agenda d’un grand débat national. De mon point de vue, avec le vieillissement de la population et l’allongement de la vie active, ce sont là des questions qui devront être prises très au sérieux par les responsables politiques au cours des années à venir.

Propos recueillis par :

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils