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Une soirée au théâtre

Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils

La transformation de Topaze ou l’argent ne fait pas le bonheur

Après la pandémie de COVID-19, je suis allé au théâtre pour la première fois dans un autre pays, dans une autre langue : c’était à la salle polyvalente à Champlan dans la commune de Grimisuat dans le Canton du Valais, en Suisse.

Les gens étaient venus à la fois pour satisfaire leur envie de théâtre et pour se changer les idées après la pandémie. Sur les visages des spectatrices et spectateurs, je pouvais voir que les sourires remplaçaient les yeux fatigués et tristes.  En les regardant, j’ai senti à quel point un environnement où le rire et la paix étaient intenses m’avait manqué.

« Certaines scènes m’ont rappelé le théâtre au Kurdistan » 

Mes amis et moi avons pris un verre et discuté avant le début du spectacle.  J’ai même goûté pour la première fois un vin qui s’appelle « la Petite Arvine » et j’ai beaucoup aimé… A l’approche du spectacle, nous avons terminé notre belle conversation et avons pris nos places. Certaines scènes que j’ai observées dans le public m’ont rappelé d’anciens moments vécus au théâtre au Kurdistan. Par exemple, les gens qui prennent discrètement des photos et des vidéos, les demandes des enfants qui dérangent leur mère, etc. Mais boire du vin pendant la pause ou avant le départ, bavarder chaleureusement, c’était nouveau, tout comme le petit jeu de loterie proposé à la fin.

Dans l’ensemble, j’ai apprécié chaque instant de cette bonne soirée parce que, pour la première fois, j’ai eu le plaisir de voir une pièce de théâtre dans une langue étrangère. De plus, les décors de la scène, les costumes des acteurs, les accessoires et l’ambiance étaient super. Donc, si je voulais critiquer la pièce, je devrais la critiquer d’être si belle.

« Topaze » de Marcel Pagnol

Le nom de la pièce qui m’a donné cette première expérience est « Topaze » et son auteur est Marcel Pagnol.  Elle raconte la transformation de Topaze, le personnage principal. Au début, il est aimé et respecté de tous. C’est un enseignant idéaliste qui protège sa personnalité contre l’injustice. Mais il perd son emploi parce qu’il refuse d’élever la note d’un de ses élèves qui est l’enfant d’une famille riche. Personne ne le soutient dans un premier temps après qu’il a été renvoyé de son travail mais, plus tard, un patron fait de lui le responsable de l’école. A ce moment-là, Topaze démarre une carrière et gagne de l’argent. Les gens commencent à le respecter à cause de son rang social et de son argent. L’honnête Topaze devient alors une personne malhonnête en vendant son âme, sa personnalité pour de l’argent. 

Il y a malheureusement beaucoup de gens dans nos vies qui respectent notre rang, notre argent et notre statut mais pas qui nous sommes, alors que la seule chose qui nous fait exister, c’est notre personnalité.  Lorsque nous comprendrons que l’argent n’apporte pas le bonheur, nous apprendrons à respecter le caractère.  J’espère que nous parviendrons à rester honnêtes, comme le personnage de Topaze au début de la pièce.

Aydin KINNA

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d`Exils




Mots, Merveilles et Migration en scène

Interview de Valérie Despont par Doaa.
Photo: Omar Odermatt / Voix d’Exils

Interview avec Valérie Despont au sujet du spectacle adapté de son livre « Mots & Merveilles, après la route »

Humour, musique et émotions sont au programme du spectacle « Mots & Merveilles, après la route » actuellement en tournée en Suisse romande. Un spectacle qui met en scène l’expérience des nouveaux et nouvelles arrivant·e·s afghan·e·s, syrien·ne·s, érythréen·ne·s ou irakien·ne·s en Suisse et le choc culturel provoqué par leur confrontation avec un monde nouveau. Dans cette interview, Valérie Despont, autrice du livre duquel est issu le spectacle, nous raconte la genèse du projet, sa réception par le public mais aussi, et surtout, ce que le théâtre et la musique peuvent dire des enjeux liés à la migration.

Pour écouter l’interview, cliquez sur le lecteur ci-dessous:

 


Prochaines représentations :

Les billets peuvent être réservés directement sur les sites internet des établissements.


 

L’interview a été réalisée par Doaa, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.




« J’utilise au quotidien les répliques des pièces que je joue »

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » au Théâtre de la Poche à Leysin . A gauche: Valéry Martseniuk, au centre: Isabelle Burger, à droite: Chloé Tissot. Auteur: Yazan / Voix d’Exils

Vaud: la comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » au théâtre de Poche de Leysin fait un carton!

La troupe du Théâtre de Poche de Leysin (TPL), vient de terminer sa saison de représentations pour l’année 2019. A l’affiche des quatre week-ends du mois de novembre: la comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » qui avait dans le rôle principal du comptable Grobichon un acteur Ukrainien: Valéry Martseniuk, également rédacteur à Voix d’Exils.

Des « acteurs en téléchargement »

Delphine Chablaix, Présidente du Comité de TPL, nous raconte la vie du Théâtre de Poche de Leysin – le TPL – qui a été fondé en 1975 par une troupe d’amateurs. Leur but premier était (et est toujours) « de participer activement à la vie socio-culturelle du village de Leysin et d’offrir à tous, jeunes et moins jeunes, le plaisir de faire du théâtre ». Mais pas seulement, ajoute Delphine Chablaix, car il s’agit aussi « d’égayer nos salles ».

Depuis ses débuts, elle enchaîne les présentations : vaudevilles, pièces policières, comédies, spectacles poétiques et créations, qui sont toujours présentées en automne. Un spectacle au moins est assuré chaque année, mais il leur arrive de se produire dans 2 spectacles la même année.

Prévoyante, la troupe entretient des acteurs en herbe depuis 2013. Le Théâtre de Poche des Juniors de Leysin-les Ormonts (TPJLO), qui a commencé avec 12 membres, en compte 45 aujourd’hui. C’est dire si la tâche d’éveiller le goût du théâtre chez les jeunes entre 10 et 16 ans a été accomplie ! Et la pérennité de l’activité assurée. Comme ils disent entre eux, et comme on peut le lire sur le dos de leurs polos, ces jeunes sont des « acteurs en téléchargement ». Ils prendront un jour la relève. Mais pour le moment, ils assurent un spectacle annuel et sont heureux et fiers de se produire.

Quand ils atteignent l’âge de 16 ans et qu’ils se sentent prêts, ils franchissent le pas et jouent dans la troupe des adultes. Sinon, à part leur spectacle annuel, les jeunes prêtent main forte lors des représentations en assurant l’accueil, le relais entre le coin bar et les auditeurs, ou le protocole des spectateurs.

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer », Théâtre de la Poche à Leysin, salle du Nord. Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

TPL vraiment inclusif

Mais le Théâtre de Poche ne s’en tient pas là. Ses portes sont aussi ouvertes aux acteurs étrangers francophones comme Valéry …. qui incarne Monsieur Philémon Grobichon. Comme tous les comptables, il est méticuleux et pointilleux. Il est aussi le seul dans la société de fabrication de ressorts à ne pas être intimidé par la patronne, la hautaine et contrôleuse Madame Duressort. Contrarié par le fonctionnement de l’entreprise, il fait néanmoins son travail et obtient la signature d’un gros contrat … par la société de son « ex d’une nuit » qui le retrouve tout à fait par hasard dans la société Duressort. Monsieur  Grobichon devient le promoteur discret de l’embauche de Monsieur Duressort par l’entreprise de son « ex » au grand désespoir de sa femme qui perd deux employés.

Valéry Martseniuk, acteur amateur dont c’est la deuxième prestation avec la troupe du Théâtre de Poche de Leysin nous a accordé une interview.

Voix d’Exils :  Dis-moi Valéry, combien de langues parles-tu couramment ?

Valéry : Je parle couramment cinq langues : l’ukrainien, le russe, le polonais, l’italien et le français.

Y en a-t-il d’autres que tu comptes apprendre ?

Je m’intéresse à l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le grec moderne et le serbo-croate. Et aussi le turc et le latin. Les langues étrangères c’est ma passion et l’un de mes hobbies. Si je pouvais, je les apprendrais toutes !

Où as-tu appris le français et depuis combien de temps le parles-tu ?

J’ai essayé à plusieurs reprises d’apprendre le français en Ukraine, mais j’ai rapidement abandonné, car je trouvais cette langue trop difficile et je n’étais pas suffisamment motivé à l’apprendre. J’ai recommencé après mon arrivée en Suisse début 2014. D’abord, au Foyer de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM) à Sainte-Croix, ensuite au Centre de Formation de l’EVAM à Lausanne. Et enfin, j’ai continué à le perfectionner par moi-même. J’ai commencé à me débrouiller en français après une année et demie de séjour en Suisse, notamment après avoir suivi un cours cours intensif. Donc, on peut dire que je parle le français depuis quatre ans.

Tes premiers pas dans le théâtre… c’était ici ou en Ukraine?

Quand j’étais adolescent, j’ai joué une pièce de théâtre dans mon école et puis j’ai fréquenté un cercle théâtral dans ma ville: Bila Tserkva (Eglise Blanche) en Ukraine.

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer ». Théâtre de la Poche à Leysin. Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

 

Et ici en Suisse, qu’est-ce qui t’a poussé à en faire ? Comment es-tu monté sur les planches ?

Au début, c’est ma fille qui a fréquenté la troupe junior du Théâtre de Poche de Leysin. Ensuite, une voisine qui connaissait bien la troupe m’a proposé de la rejoindre. J’ai accepté et elle m’a invité à participer à l’assemblée générale du Théâtre de Poche en mars de 2017. J’ai alors exprimé mon désir de jouer dans la pièce suivante. Ma candidature a été acceptée et quelques mois plus tard, en novembre de 2017, j’ai reçu mon premier rôle dans « Un dîner bien tranquille ». La trame est celle d’un père de famille dont la fille devait épouser un garçon de bonne famille. Pour préparer la rencontre de nos deux familles et pour faire semblant d’être du même milieu qu’eux, nous avions aussi des domestiques. j’engage alors deux clochards et ma femme, de son côté, engage une prostituée pour faire la cuisine. C’était un succès.

J’ai beaucoup apprécié les expressions et tournures utilisées dans la pièce, qui étaient parfois très subtiles ! N’est-ce pas difficile d’apprendre par cœur des textes complexes en langue étrangère? Quelle est ta méthodologie ?

Si, en effet, ce n’est pas si facile que ça. Des répliques avec des jeux de mots et des expressions idiomatiques que j’ai dû apprendre par cœur. Ce devait vraiment « être pris à cœur » pour être bien fixé dans ma mémoire. Une fois la distribution des rôles effectuée, je me suis mis au travail le soir même en mémorisant les quatre  premières répliques. Ensuite, j’ai répété chaque jour ce que j’avais appris la veille, en ajoutant une ou plusieurs nouvelles répliques. J’avoue que c’était un sacré travail ! J’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur ma prédisposition pour les langues.

Combien de répliques devais-tu apprendre et en combien de temps ? Avais-tu un répétiteur ?

J’avais presque 150 répliques à apprendre et j’ai mis quatre mois et quelques semaines pour bien les connaître. Non, je n’avais pas de répétiteur. Si j’avais des doutes par rapport à la prononciation de certains sons, je posais des questions pendant les répétitions.

Que peux-tu partager avec nous de ton expérience de « comédien en français téléchargé » ?

Pour un Slave, se produire sur scène en français et être compris par tout le monde est une grande satisfaction et un plaisir. Et puis, grâce à cela, mon niveau de français s’est considérablement amélioré. J’utilise dans ma vie quotidienne certaines répliques des deux pièces auxquelles j’ai participé. Et parfois, je m’amuse à les citer. Faire du théâtre, cela augmente également la confiance en soi.

Considères-tu ta participation au théâtre comme un signe que tu es « intégré » dans la vie sociale de Leysin ?

Ma participation au théâtre contribue de façon substantielle à mon intégration dans la société suisse en général et dans la vie sociale de Leysin en particulier.

Ta fille et ton fils font aussi partie de la troupe. Qu’est-ce que cela leur apporte ?

Premièrement, cela leur permet de s’intégrer davantage. Deuxièmement, le réseau de leurs amis s’est élargi. Troisièmement, le temps qu’ils passent devant leurs petits écrans a considérablement diminué et cela les fait bouger davantage. Et enfin, leur vocabulaire s’enrichit aussi.

As-tu d’autres participations dans ta ville de Leysin ?

Pour l’instant je ne participe qu’au théâtre, cela me prend déjà pas mal de temps et d’énergie. Surtout des pièces comme « Chéri (e), je peux tout t’expliquer » dont je peux dire que je suis très content !

En tout cas, bravo Valéry ! Il fallait vraiment le oser le faire….!

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils

Propos recueillis par:

Marie-Cécile Inarukundo,

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Photoreportage

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

 

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

 

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

 

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils.




La Fête des Vendanges de Neuchâtel débute aujourd’hui!

Source: pixabay.com. Pixabay Licence.

La Fête des Vendanges est devenue l’une des plus grandes fêtes du vin en Europe. Une tradition vivante.

Depuis plus d’un siècle, Neuchâtel célèbre la Fête des Vendanges. Le temps d’un long week-end de septembre, les rues de cette ville suisse d’un peu plus de 33’000 habitants et habitantes sont le théâtre d’une fête à ciel ouvert. Elle marque le début de la récolte du raisin avec lequel les caves de la région produiront les nouveaux millésimes.

Véritable institution depuis plus d’un siècle, la Fête des Vendanges est devenue l’une des plus grandes fêtes du vin en Europe et accueille aujourd’hui jusqu’à 340’000 personnes sur trois jours. Cette fête populaire, d’une réputation qui va au-delà des frontières, valorise un patrimoine apprécié et revendiqué dans toute la Suisse. Si les premières traces de la culture de la vigne dans la région de Neuchâtel datent d’un acte d’échange de biens en l’an 944, il a fallu attendre près de mille ans pour qu’une fête s’organise pour marquer le début de la récolte du raisin.

Bien ancrée dans les événements de la région depuis le début du XXe siècle, la fête et ses cortèges marquent un coup d’arrêt entre 1914 et 1920. Elle sera de retour dès 1921 avec un concept similaire au spectacle que les rues du centre historique de la ville présentent aujourd’hui encore chaque dernier week-end de septembre.

Petite région lacustre mai grande passion du vin

L’Œil-de-perdrix, une spécialité locale qui coule à flot lors de la Fête des Vendanges. Source: www.neuchatel-vins-terroir.ch .

Afin de conserver qualité et authenticité, seuls douze cépages peuvent prétendre à l’appellation d’origine contrôlée de Neuchâtel. Les viticulteurs neuchâtelois cultivent essentiellement le chasselas, le pinot gris et le chardonnay pour les vins blancs, le pinot noir pour les vins rouges. Près de la moitié de la production de ce dernier cépage est destinée à l’Œil-de-perdrix, une spécialité locale qui coule à flot lors de la Fête des Vendanges.

Si la tendance au vin bio est à la hausse partout en Suisse, Neuchâtel fait figure de champion au niveau national. Avec son vignoble de moyenne importance, la région cherche à produire du vin bio pour se démarquer de la concurrence, d’où une progression plus importante de la part des exploitations viticoles biologiques sur les coteaux qui dominent le lac de Neuchâtel. Tous ces vins sont en dégustation durant la fête, en particulier lors du corso fleuri du dimanche.

Un corso fleuri grandiose

Le corso fleuri de la fête des vendanges. Source: fete-des-vendanges.ch

Dès les premières éditions, la Fête des Vendanges de Neuchâtel a proposé des parades de chars fleuris. Autrefois tirés par des chevaux, voire des vélos, ces véritables œuvres d’art habillées de fleurs multicolores sont aujourd’hui tractées par des automobiles. Ce corso fleuri, l’un des plus importants au monde avec plus de 55 chars, assure une renommée internationale de rêve et de noblesse à cette fête locale.

Quelques mois seulement après la fête, les concepteurs de chars reprennent la réalisation de leurs nouvelles maquettes. Comme chaque édition suit une thématique différente, chaque corso fleuri est unique. Chaque char du corso fleuri est paré d’environ 30 000 fleurs, principalement des dahlias et des œillets, pour colorer sa structure. Ce travail d’orfèvre est effectué par des bénévoles de la région qui s’investissent sans compter pour perpétuer cette tradition vivante de Suisse.

Une fête populaire qui rassemble

La Fête des Vendanges est l’occasion pour toutes les couches de la population de se rassembler de manière festive pour célébrer les vignobles régionaux. Nombreux sont les politiques, aussi bien élus locaux que conseillers fédéraux, à être passés par Neuchâtel pour partager de façon détendue un verre de vin et des spécialités locales avec la population. 180 stands tenus par des sociétés locales fournissent à boire et à manger. Assister au corso fleuri de la Fête des Vendanges, c’est prendre part à l’évènement phare de la manifestation. De plus, depuis 35 ans, une Miss Neuchâtel-Fête des vendanges est élue et perchée sur un char fleuri, elle salue la foule au son des fanfares et guggenmusik !

Finalement, les canons à confettis repeignent les rues en arrosant les quelques 30 000 spectateurs. Et pour plus de magie, un spectacle pyromélodique est proposé au public le samedi soir à la nuit tombée, le lac prend littéralement feu !

Muslim SABAH

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Source: : www.houseofswitzerland.org

 

Fête des vendanges de Neuchâtel 2019

Début:  , Vendredi 27 septembre 18:00 – dimanche 29 septembre 00:00

Pour plus d’infos cliquer ici

fete des-vendanges.ch

 

 

 




« Mon handicap est devenu une opportunité au lieu d’un obstacle »

Mamadi Diallo (au centre)sur scène. Photo: Grégoire Tafelmacher.

Participer à la création d’une pièce puis la jouer: la plus belle expérience de ma vie !

Mamadi Diallo, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils, a participé à la dernière création d’Angélica Liddell « Una costilla sabre la mesa : Madre » au théâtre de Vidy à Lausanne.

Depuis trois ans, je suis formateur bénévole à Palabres, une association lausannoise à but non lucratif qui œuvre auprès de personnes migrantes en situation de précarité économique et/ou psychosociale.

L’année dernière, La Marmite, qui se définit comme une université populaire et nomade de la culture, a pris contact avec Palabres. La Marmite collabore avec une association différente chaque année afin de réunir un groupe de personnes autour d’une thématique à développer ensemble. Ces groupes sont ensuite accompagnés dans leur travail par deux médiatrices. J’ai eu la chance de faire partie du groupe de Palabres et je suis resté en contact avec une des médiatrices, Anouk Schumacher, chargée de médiation culturelle au Théâtre Vidy-Lausanne.

« Una costilla sobre la mesa: Madre ». Une pièce d’Angélica Liddell. Photo: Théâtre de Vidy.

Etre acteur pour une grande metteuses en scène d’Europe

En janvier de cette année, Anouk m’appelle pour me dire que la compagnie de théâtre d’Angélica Liddell est à la recherche de figurants malvoyants pour sa dernière création : « Una costilla sabre la mesa : Madre ». Anouk me demande si je suis intéressé par cette expérience. Je ne connaissais pas Angélica Liddell, mais j’avais toujours eu envie de monter sur scène pour ressentir les émotions que peuvent connaître les acteurs face au public. Alors, j’ai tout de suite accepté la proposition et tenté ma chance.

Anouk m’a mis en contact avec Valentin Augsburger, l’attaché au développement des publics et à la communication du théâtre de Vidy. Valentin était chargé du recrutement des figurants pour la compagnie d’Angélica Liddell. C’est donc à lui que j’ai transmis une photo et un texte qui fais part de ma motivation à faire partie de cette aventure. En attendant la réponse, j’en ai profité pour parler à des amis qui connaissaient déjà Angélica Liddell et ses créations. J’ai alors compris qu’elle est une grande metteuse en scène européenne, connue pour ses œuvres fortes qui sont toujours en lien avec l’intime et le cosmique. Après quelques recherches, j’ai été stupéfait par ses œuvres et j’ai compris que le fait de jouer sur scène avec elle serait rien d’autre qu’un grand honneur, si je venais à être choisi.

Un mois plus tard, je reçois une décision me confirmant que je répondais au profil recherché. J’ai sauté de joie, c’était une occasion inespérée de monter sur scène.

« Una costilla sobre la mesa: Madre ». Une pièce d’Angélica Liddell. Photo: Théâtre de Vidy.

Jouer de son handicap

Une semaine avant les répétitions, tous les figurants et acteurs ont été invités à faire connaissance et à rencontrer Angélica qui nous a expliqué nos rôles respectifs.

Cette première rencontre, toutes les répétitions et les 7 représentations du spectacle ont eu lieu dans le nouveau Pavillon de Vidy, une magnifique structure en bois dont la salle est peinte en noir avec des gradins modulables en velours rouge et qui peut accueillir jusqu’à 250 spectateurs.

A notre entrée dans la salle, Angélica était présente, prête à nous accueillir ! Elle était remarquablement sympathique et admirable ! Connaissant un peu son vécu douloureux, j’avoue avoir été surpris par une personnalité si ouverte.

Une fois installée, Angélica nous raconte le pourquoi de ce spectacle et ce qu’il représente pour elle. Elle venait de perdre sa mère avec laquelle elle n’avait pas eu de bons rapports durant sa jeunesse. Mais avant le décès de sa mère, Angelica avait renoué des liens avec elle. Elle nous précise aussi que sa mère n’avait jamais vu aucun de ses spectacles et que pour lui rendre hommage : « je fais un spectacle auquel elle aurait voulu assister ». Comment ne pas admirer une telle intégrité ? Ensuite, elle explique à chacun des figurants son rôle respectif. C’est là que je me suis dit : « Enfin, mon handicap devient un atout ! ». Nous étions trois non-voyants à jouer le rôle de malvoyants qui voient au-delà du visible et qui sont les messagers des dieux de l’Olympe. On retrouve souvent de tels personnages dans les tragédies grecques et dans le théâtre classique.

« Una costilla sobre la mesa: Madre ». Une pièce d’Angélica Liddell. Photo: Théâtre de Vidy.

« Un grand défi et une certaine crainte »

Angélica nous explique que lors d’un des deux passages sur scène, nous devions symboliquement toucher le ventre d’une femme enceinte. Cette interprétation représentait un grand défi pour moi et une certaine crainte aussi, je dois le dire. Mais le contact avec la troupe a été immédiatement excellent. Grâce à cela, j’ai pu m’ouvrir aux autres figurants. J’avais une certaine réticence parce que je n’avais encore jamais touché le ventre d’une femme enceinte, je ne savais pas comment j’allais réagir sur scène. C’est vrai que pour ce rôle très particulier, les deux femmes enceintes, figurantes comme nous, nous ont donné en toute confiance la possibilité de toucher leur ventre et de transmettre ainsi une intense émotion aux spectateurs, puisqu’il s’agissait de parler de vie et de maternité qui sont des éléments essentiels dans toutes les mises en scène d’Angélica Liddell. Dans ce spectacle elle parle à la fois de sa mère, de la moitié de l’humanité, c’est-à-dire toutes les femmes mais aussi de sa souffrance intime, celle ne pas avoir pu vivre l’expérience de la maternité.

Malgré mes craintes devant les défis de cette mise en scène exigeante, j’avoue que je n’ai pas eu de difficulté à jouer mon rôle, grâce au respect et à la confiance dont la troupe d’Angelica Liddell qui nous entourait à chaque instant.

C’est une extraordinaire chance qui s’est offerte à moi, j’en avais rêvé si souvent et, de plus, mon handicap devenait une opportunité et non plus un obstacle. J’étais sur la scène du théâtre de Vidy, figurant dans la nouvelle création d’une importante metteuse en scène européenne et une incroyable actrice, oui c’est vraiment la plus belle expérience de ma vie!

 

Mamadi Diallo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils