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L’aide sociale

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Un droit ou une honte ?

En Suisse, l’aide sociale a pour objectif d’aider les personnes dans le besoin, tout en préservant leur dignité humaine. Sont concernés: les chômeurs en fin de droit, les personnes en situation de handicap et les réfugiés dans l’impossibilité de travailler.

Dans la plupart des pays occidentaux, l’accès à diverses mesures sociales garantit aux citoyens en difficulté des conditions de vie décentes. Un toit, l’accès aux soins, l’école pour les enfants, à manger en suffisance… En assurant la satisfaction des besoins de base, les aides sociales permettent également le maintien de l’ordre public. En Occident, on ne verra pas d’émeutes de la faim dans les rues des grandes villes.

Si travailler permet de vivre dignement des fruits de son labeur, que faire lorsque le travail est un rêve inaccessible après un licenciement, une maladie, une période de chômage prolongée, une incapacité à intégrer le monde professionnel ? Faire appel à l’aide sociale.

Dans la réalité, ce recours peut s’avérer impossible. Ainsi, certaines personnes refusent d’y faire appel parce qu’elles ont honte d’avouer qu’elles sont dans le besoin. Elles préfèrent puiser dans leurs économies au lieu de faire valoir leurs droits. En agissant ainsi, elles espèrent éviter qu’on leur reproche de profiter du système.

D’autres personnes ne reçoivent pas l’aide sociale simplement parce qu’elles sont mal informées et ne font pas les démarches nécessaires pour y avoir droit.

Aide-toi, et le ciel t’aidera

A Djibouti, d’où je viens, comme dans beaucoup de pays africains, le peuple ne reçoit aucune sorte d’aide sociale. Ceux qui se retrouvent au chômage ou qui ne gagnent pas suffisamment d’argent pour vivre et faire vivre leur famille n’ont d’autre alternative que de se débrouiller par eux-mêmes ou de faire appel à la générosité familiale.

En l’absence d’un système d’aide proposé par les États, la solidarité familiale et le système D restent les moyens les plus utilisés et les plus profondément inscrits dans les cultures locales.

Aux yeux de beaucoup d’Africains qui émigrent en Europe, l’aide sociale ne représente pas un droit, mais une aide faite aux mendiants. Les Djiboutiens utilisent le terme péjoratif de « caydh », à traduire par « pauvreté extrême », pour qualifier le statut de ceux qui en bénéficient.

C’est pourquoi, les réfugiés installés en Europe qui confient à leur famille restée au pays qu’ils sont sans travail et qu’ils dépendent de l’aide sociale sont très mal vus. Mieux vaut ne pas en parler pour éviter les préjugés et les déceptions.

Finalement, je pense qu’il faudrait faire abstraction des préjugés qui pèsent ici comme ailleurs sur les personnes à l’aide sociale. Là où elle est proposée, les hommes et les femmes dont les difficultés financières justifient qu’ils la reçoivent devraient la considérer comme un droit et non pas comme une honte.

Oumalkaire

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




« Le personnel médical vaudois offre une aide considérable aux migrants »

Fbradley Roland en compagnie du personnel médical de la PMU du Flon à Lausanne. Photo: Voix d’Exils.

Fbradley Roland en compagnie du personnel médical de la PMU du Flon à Lausanne. Photo: Voix d’Exils

Ecrivain et ancien rédacteur de Voix d’Exils, Fbradley Roland s’adresse au personnel de la Policlinique Médicale Universitaire du canton de Vaud

A l’heure où de nombreux Européens se mobilisent pour accueillir des migrants chez eux, le personnel médical de la Policlinique Médicale Universitaire (PMU) a invité à la permanence du Flon l’écrivain et ancien rédacteur de Voix d’Exils FBradley Roland. A bâtons rompus, ce dernier retrace le parcours difficile des migrants et souligne l’apport vital du personnel de santé qui les accueille. 

Dans son exposé du jeudi 23 juillet 2015, FBradley Roland porte la voix des migrants devant une dizaine d’infirmières et de médecins. Compte rendu.

Depuis ses débuts dans le journalisme, il dit avoir toujours manifesté son désir de « parler sans être interrompu…». Une façon, pour lui, de s’opposer aux entraves dont souffre la liberté d’expression. Pour mieux réaliser son vœu, il sort un livre intitulé « Air Mawari ». Un moyen de corriger par la plume les non-sens concernant les vérités sur les odyssées des migrants en direction de l’Europe, de « dénoncer l’ignominie dans laquelle nous évoluons… Sensibiliser les européens et surtout humaniser les politiques ». L’essentiel, selon lui, est que les acteurs de la santé ne se laissent jamais influencer par les discours politiques beaucoup plus concentrés sur « les chiffres alarmants » que sur l’aspect humain de la question migratoire. Pour cela, il pense que « si on n’arrête pas de dire que c’est un numéro de plus, un requérant d’asile de plus, on s’en fout de ce qui arrive, c’est comme si on passe à côté de sa vocation. ». Derrière chaque requérant, dit-il à son auditoire, il y a toute une vie, toute une histoire qui doit être sérieusement prise en compte. C’est très important de comprendre que nous autres qui venons d’ailleurs, on a une histoire, il faut essayer d’entrer dans la vie de la personne même pour quelques secondes, c’est très important, poursuit-t-il.

Le migrant : une personne dangereuse ?

« L’immigré n’est pas une personne dangereuse, mais une personne en danger ». Un message fort qu’il lance pour recentrer le débat sur la récupération politique dont fait l’objet l’immigration. Les requérants d’asile sont, d’après lui, des boucs émissaires qui continuent d’avoir mauvaise presse dans les pays d’accueil. Ceci, n’étant pas un fait du hasard, démontre nettement la volonté de certains politiques de vouloir vaille que vaille criminaliser l’impact socio-économique de ces mouvements humains. « L’immigration c’est le fonds de commerce pour certains politiques, on monte les uns contre les autres. On se trouve dans une situation où on croit que l’immigré, qui est là à côté, est la source des problèmes. » déclare-t-il.

Les lois sur l’accueil, mises en place, semblent être axées sur le dissuasif pour rendre moins attractive la destination suisse. Les longs séjours dans les abris de Protection Civile (abris PC) ou « bunkers », les longues durées de procédure pour certaines catégories de personnes ne font qu’accentuer la vulnérabilité de ces derniers.

Pour cela, les auxiliaires de santé ont toujours du pain sur la planche, car pour garantir l’intégration de cette catégorie d’étrangers, il faut assurer une bonne prise en charge de leurs problèmes émotionnels.

Le personnel médical au chevet des migrants

Bien que tout ne soit pas rose dans l’accueil, le grand tableau qu’offre ce phénomène de la migration comporte néanmoins des faits positifs appréciables. D’après FBradley, le programme d’assistance médicale pour les migrants, mise en place dans les cantons, joue encore un rôle fondamental dans leur accompagnement. En effet, beaucoup d’entre eux ont réussi à surmonter des épreuves difficiles grâce au soutien psychologique des membres du Centre de Soins Infirmiers (CSI) de Béthusy, du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) ou des autres structures de santé du canton. L’accueil, l’écoute et le suivi de personnes ayant perdu l’équilibre moral, contribuent à établir le climat de confiance nécessaire pour comprendre les mobiles de certains comportements. En pareilles occasions, les infirmières s’investissent beaucoup avec les manières adéquates. L’ouverture d’esprit, la souplesse et l’appréhension positive à l’endroit des sujets qui se présentent à elles, sont hautement appréciées d’après l’auteur de « Air Mawari ».

Madame Pascale, l’une parmi elles, demande en substance : « Est-ce que par rapport aux bunkers, puisque maintenant il y en a de plus en plus, est-ce que vous avez conscience, quelque part, des limites dans lesquelles les infirmières travaillent ? ». Pour conforter la légitimité de cette question, FBradley souligne les risques que prennent certains auxiliaires de santé dans l’exercice de leur mission. Souvent des actes extra-professionnels sont posés dans le souci d’épauler l’autre qui est manifestement dans le désarroi. « Faire bien son boulot, c’est déjà remarquable, le reste peut-être ne dépend pas de vous, il y a beaucoup de gens qui ne savent pas aller jusqu’au bout et qui s’arrêtent au moindre obstacle. » répond-t-il. D’ailleurs, dans son exposé et au nom de tous les requérants d’asile, il rend hommage à ces braves dames en ces termes : « Vous faites un boulot incontournable, vous ne pouvez pas imaginer combien de vies vous sauvez ». Ce témoignage de reconnaissance, bien accueilli par ses hôtes, n’a pas manqué de susciter la réaction du Docteur Jacques Goin qui ajoute : « Merci de venir nous dire ça parce qu’on a souvent pas de retours de la part de ces patients, parce qu’on les voit durant une petite période de leur vie. Ensuite, soit ils disparaissent dans la clandestinité, soit ils obtiennent le permis B. On bénéficie de peu de retours quant à ce qui s’est passé, est-ce que ça s’est bien passé par eux ? Finalement, vous nous rendez une partie de la monnaie…».

Après une série de témoignages et de remerciements formulés de parts et d’autres, une séance de dédicace du livre « Air Mawari » marque la fin de la rencontre. L’enthousiasme et la cordialité s’affichent dans les visages d’un personnel de santé motivé et encore prêt à agir  pour sa mission sacerdotale : veiller à la bonne santé physique et mentale des migrants.

Issa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« La diversité culturelle apporte une énorme richesse aux soins dispensés aux résidents »

Mme Lydia Pasche, résidente et Laetitia Toh, auxiliaire de santé

Mme Lydia Pasche, résidente et Laetitia Toh, auxiliaire de santé à la Résidence La Girarde. Photo: Voix d’Exils.

La Résidence La Girarde, sise à Épalinges à proximité de Lausanne, accueille des personnes d’âge avancé en longs séjours. Voix d’Exils s’est rendu sur place pour rencontrer une auxiliaire de santé d’origine africaine, une résidente vaudoise et la directrice des soins de l’établissement. Regards croisés.

Laetitia Toh, 28 ans, est auxiliaire de santé à La Résidence La Girarde depuis novembre 2013. Originaire de Côte d’Ivoire, elle a demandé l’asile en Suisse en 2012.

Voix d’Exils : Quelles sont vos tâches quotidiennes à La Résidence la Girarde ?

Laetitia Toh : Durant la matinée, jusqu’à 11:00, je m’occupe de six résidents : je leur prépare le petit déjeuner, je les aide à se laver et je range leurs vêtements. Je fais en sorte que chacune des personnes dont je m’occupe soit propre et jolie. Ensuite, il y a un colloque, soit une petite réunion entre les infirmiers et les aides pour faire le point sur ce qui s’est passé pendant la matinée. A 11:30, je commence à les installer à table pour le dîner. L’après midi, et ce jusqu’à la collation, je partage avec eux différentes activités comme, par exemple, les accompagner en promenade, discuter et je leur lis les journaux pour les mettre au courant des événements qui se produisent dans le monde.

Aviez-vous de l’expérience dans le domaine des soins avant de venir en Suisse ?

Non, mais j’ai fait la formation d’auxiliaire de santé proposée par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants. Cela a duré 6 mois, plus un mois de stage.

Comment avez-vous été accueillie lors de votre arrivée par les résidents et par le personnel de La Résidence La Girarde?

L’équipe m’a bien accueillie dès le premier jour d’observation. Je me suis aussi investie auprès des résidents, ce qui m’a permis de mieux les approcher.

Quelles ont été vos premières impressions?

Le premier jour, c’était un peu stressant. Je n’avais jamais travaillé auparavant… J’étais un peu perdue, je me demandais : « Qu’est-ce que je fais ici ? ». Mais ça a été en fait.

Vous est-il arrivé de ressentir une distance ou une réticence de la part de certains résidents au regard de vos origines?

Non. Ils n’ont pas cette mentalité de prendre de la distance à cause de mon origine étrangère. Au contraire, ils sont curieux de savoir qui je suis. Les résidents m’apprécient moi et ma couleur de peau. Ça fait plaisir ! Je n’ai jamais ressenti de distance entre les résidents et moi.

Qu’appréciez-vous le plus aujourd’hui à La Résidence La Girarde?

J’ai trouvé une famille ici. Je m’occupe de personnes très sociables qui s’occupent aussi de moi quand je vais mal.

Comment évoluent vos relations avec les résidents dont vous vous occupez ?

Les relations sont très amicales, parfois familiales. Comme avec Madame Pache, par exemple. Cette résidente m’apporte beaucoup d’amour. Je l’appelle « Maman » parce qu’elle demande à ce que je l’appelle ainsi. Ce sont des liens qui se sont tissés au fur et à mesure.

Que pensez-vous leur apporter ?

Au niveau des soins, je participe avec toute l’équipe soignante pour qu’ils se sentent bien. Sinon, j’apporte mon naturel. Dans ma culture, on prend soin des personnes âgées pour lesquelles on a beaucoup de respect et que l’on considère comme des petits dieux. Ma culture est axée sur la famille. C’est ce que je cultive aussi ici.

Madame Pache (lire son interview ci-dessous) est l’une des résidentes de La Girarde, pourriez-vous nous dire comment s’est déroulé votre première rencontre?

Je me suis présentée, elle s’est présentée. C’est plus tard que des liens se sont formés, gentiment. C’est une dame qui aime bien rigoler. Je me suis adaptée à son humeur du moment, et ce même lorsqu’elle ne va pas bien.

Qu’est-ce que cela vous apporte de partager votre quotidien avec des personnes âgées?

De la satisfaction.

Auriez-vous un message à adresser aux personnes migrantes à la recherche d’un emploi ?

Tout est possible pour celui qui le veut ! Si tu as l’occasion d’avoir une formation, il faut la prendre, il faut vouloir se battre pour réussir. Si tu te dis que tu ne vas pas y arriver, tu n’y arriveras pas ! Moi, je n’ai pas pensé aux obstacles, comme la langue française ou l’âge. Après tout ce que j’avais traversé, je n’allais pas m’arrêter là, je suis allée de l’avant. Quand tu arrives ici, tu dois te plier aux lois d’ici, les respecter. Quand tu les respectes et que tu appliques ce que tu dois appliquer, tout s’ouvre.

Mme Lydia Pache est résidente à La Girarde depuis 6 mois. Cette Vaudoise a fêté ses 93 ans.

Voix d’Exils : Côtoyiez-vous beaucoup de personnes d’origine étrangère avant d’arriver à la La Résidence La Girarde ?

Mme Lydia Pasche : J’ai l’habitude des étrangers ! Pour moi, il n’y a pas de différences et pas de problème. Quand j’étais patiente au Service de gériatrie et réadaptation gériatrique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), il y avait aussi beaucoup d’étrangers.

Cela fait presque 6 mois que Laetitia s’occupe de vous, racontez-nous comment s’est déroulé votre première rencontre…

Super dès le premier contact, elle est très sympathique ! J’ai essayé de l’approcher aussi parce que nous sommes de couleurs différentes. Il faut qu’on s’habitue et cela va tout seul.

Qu’appréciez-vous spécialement chez elle ?

J’apprécie sa simplicité, son sourire, sa gentillesse. Elle est toujours prête à rendre service. Elle n’a que des qualités.

Que vous apporte-t-elle ?

Tout d’abord la tranquillité, parce qu’on est bien ici, la maison est bien et Laetitia est toujours là, quand elle n’a pas congé. On s’entend bien. Elle a toujours le sourire quand elle vient, et moi pas toujours parce que ce n’est pas toujours facile de vivre comme je vis maintenant. Mais autrement ça va. Je crois que je suis facile, je m’adapte. Et puis, au fond, Madame s’adapte aussi avec moi.

Quelles sont les activités communes que vous partagez ?

Elle m’apporte du thé, un sourire, on regarde le sport à la télé.

Avez-vous un message à transmettre aux personnes qui vivent en Établissement socio-médicaux (EMS) et qui sont entourées de personnes d’origine étrangère ?

Les personnes de couleurs ne sont pas différentes de nous, elles ont un cœur, elles sont comme nous. Elles vivent comme nous et elles ont besoin de nous car ça ne va pas dans leur pays. Elles sont contentes de venir en Suisse. Et nous, en Suisse, nous pouvons aussi faire un geste pour bien les recevoir. Vous ne croyez pas que tout le monde peut faire un effort ?

Ellen Cart est directrice des soins de l’EMS La Résidence «La Girarde. Elle y travaille depuis 11 an.

Mme Ellen Cart est directrice des soins de l’EMS La Résidence «La Girarde». Photo: Voix d'Exils

Mme Ellen Cart est directrice des soins de l’EMS La Résidence «La Girarde». Photo: Voix d’Exils

Voix d’Exils: Vous avez, dans votre établissement, du personnel issu de la migration et de l’asile. Combien de requérants d’asile avez-vous engagé dans votre établissement ces dernières années?

Ellen Cart : Il y a 11 employés engagés à La Girarde qui sont requérants d’asile.

Êtes-vous satisfaite des auxiliaires de santé formés par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) ?

Je les engage pour la formation, donc je sais qu’ils sont bien. Sophie Rothrock, qui est l’une des deux coordinatrices du Programme de santé EVAM, les forme pour qu’ils acquièrent les connaissances nécessaires pour avoir le bagage demandé. Nous avons confiance et la collaboration avec l’EVAM est excellente.

Qu’apportent-ils à votre établissement ?

Je pense que nous avons besoin de toutes sortes de personnes. Nous avons besoin de mélanger les cultures et les croyances pour avancer. Si tout le monde est identique, on tombe dans la monotonie, on ne se remet pas en question. La diversité culturelle amène et apporte une richesse, qu’on ne trouve pas si tout le monde vient du même moule. Elle nous apporte une richesse énorme dans les soins dispensés aux résidents.

Sont-ils appréciés par les équipes, les résidents et les familles ?

Laetitia a une joie débordante ! Cette joie traverse tout son travail. Elle a cet engagement, cette reconnaissance ; c’est beau à voir et beau à partager avec les résidents.

Recommanderiez-vous ces auxiliaires de santé EVAM à d’autres employeurs

Non, je les garde pour moi (rires) ! Oui, je parle de l’EVAM autour de moi et j’en ai parlé dans les autres services de La Résidence La Girarde. Au début, il y avait beaucoup d’hésitations et, maintenant, je vois qu’il y a une deuxième personne qui a rejoint la cuisine par exemple.

Vous arrive-t-il qu’un résident refuse le contact ou la prise en charge par un auxiliaire d’origine étrangère? Si oui, cette réticence peut-elle être dépassée ?

Certains résidents ont des problèmes avec les auxiliaires hommes : ils refuseront donc un homme quel que soit son origine ou sa religion. Certains ont plus de peine avec les personnes de couleur. Mais là où il y a le plus de problèmes, c’est lorsque les auxiliaires ne parlent pas bien le français, car cela met autant le résident que le patient en porte-à-faux. Il y a une difficulté de communication. Si nos résidents n’arrivent pas à rentrer en contact et à tisser des liens, il y aura davantage de frustration. Ainsi, en raison du niveau de français d’une personne, j’ai dû lui demander de diminuer son pourcentage pour qu’elle puisse travailler son français. C’est essentiel, parce qu’un résident qui ne comprend pas les instructions du soignant et un soignant qui ne comprend pas un résident, et bien ça ne va pas.

Dans le cas d’un comportement raciste avéré de la part d’un résident envers un soignant, que feriez-vous ?

Il faut toujours protéger le soignant, parce qu’il est là pour faire son travail. Il ne vient pas pour se faire maltraiter. Nous parlons alors avec les résidents qui se permettent d’être malhonnêtes en raison de leur maladie ou de leur âge.

Trouvez-vous que le personnel d’origine étrangère s’intègre bien dans l’établissement ?

Tout à fait. C’est vrai que certains sont plus timides que d’autres, mais ce n’est pas forcément en lien avec l’origine.

Quelles sont selon vous les facilités que rencontre le personnel d’origine étrangère?

C’est individuel. Si j’engage des gens, c’est que j’ai vraiment l’impression qu’ils vont s’intégrer. Nous avons un système, le compagnonnage. Cela veut dire : manger son pain avec, être avec les résidents. Nous ne faisons pas pour les résidents, mais avec les résidents. C’est exactement la même chose avec le personnel : nous faisons avec les collaborateurs. Ce qui fait que, quand un nouveau collaborateur arrive, on lui attribue quelqu’un qui va l’aider à s’intégrer dans son service et dans les autres, qui va le suivre dans son travail quotidien pour apprendre le système informatique, la communication de la maison, et où se trouvent les choses. Il y a les ressources humaines qui aident avec tout ce qui est administratif. Nous suivons la personne sur les trois premiers mois, d’une manière très proche, pour faciliter au maximum son intégration.

… et les difficultés ?

Le français, mais c’est rare ; autrement, c’est la fatigue. Quand on commence un nouveau métier, on prend un autre rythme de vie. Ici, il y a des horaires très irréguliers. J’essaie d’engager des gens qui n’habitent pas trop loin. Si les gens habitent trop loin, ils ne peuvent pas s’impliquer dans les activités.

Votre établissement pourrait-il se passer de ce personnel issu de la migration ?

Quand je mets une annonce, sur 20 dossiers reçus, 19 sont envoyés par des personnes d’origine étrangère. La majorité des auxiliaires de santé ne sont pas suisses.

Que diriez-vous aux employeurs qui hésitent encore à engager des requérants d’asile et des migrants en général ?

Il faut donner à chacun sa chance ! C’est vrai qu’il faut être prêt à proposer un accompagnement, parce que si ces gens sont des requérants d’asile, c’est qu’ils ont vécu des choses personnelles dans leur pays qui ne sont pas très gaies. Il faut être prêt à les accompagner, à pouvoir les soutenir. Il faut s’investir.

Amra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Hommage à un inconnu bien réel

Balla K. Photo: Voix d'Exils.

Balla K., ancien membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Balla K., un ancien membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils, a été transféré le 27 février dernier sur France, en raison de l’application des accords Dublin, alors qu’il était sur le point de subir une opération qui aurait pu lui rendre l’usage d’une jambe. En effet, dans son pays, la Côte d’Ivoire, Balla K. s’est fait tabasser à coups de matraque, ce qui a gravement endommagé sa hanche. Jamel, le dernier arrivé dans la rédaction, lui rend hommage.

 

 

Balla, c’est un frère, un ami, un père et, pour certains, un exemple de courage, un symbole de résistance contre la violence, un rayon d’espoir.

Victime de l’injustice, il a fui son pays à la recherche de la paix, de la sécurité et surtout de la justice.

Je n’ai pas connu Balla et je ne le connaîtrai jamais. Mais je sais qu’il compte beaucoup pour ceux qui l’ont connu et que son absence touche profondément ses amis, témoins de ce qu’il a subi, enduré et de ce qu’il affronte toujours.

Balla a été battu par les autorités de Côte d’Ivoire : un pays d’Afrique où l’injustice règne, où le pauvre n’a aucun droit, où le faible ne reprend jamais ses forces. Il a été massacré jusqu’au point d’avoir impérativement besoin d’une opération pour retrouver l’usage d’une jambe.

Balla a fini par devenir un demandeur d’asile en Suisse, là où il espérait trouver la justice. Mais on se demande comment ce pays l’a vu : comme une victime d’injustice ou un profiteur? D’après son médecin traitant, Balla a besoin d’une opération, mais celle-ci est lourde et demande une longue préparation. Son renvoi étant programmé, le Service de la population et de la migration valaisan n’a pas voulu attendre. J’ai été choqué que dans un pays qui défend les droits de l’homme, on puisse renvoyer quelqu’un sans le soigner d’abord. Est-ce une question de procédure, d’argent, de racisme, ou bien juste une erreur ?

Balla attend des réponses à ces questions, car il a laissé sa famille et toute sa vie derrière lui à la recherche de la justice. Il espérait la trouver en Suisse, mais il a été ignoré, il n’a même pas eu droit à la santé. Son opération n’a pas eu lieu. Il a été renvoyé en France juste avant. Banal cas Dublin. Tout ceci s’est passé en Suisse, pays d’Europe, pays champion de la paix, pays neutre, un pays qui se dit plus humain et plus juste que les pays du tiers monde. Et je demande : sans même parler des droits de l’homme, où est passé l’humanisme ?

Jamel

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Tout est possible!

Une étudiante en soins infirmiers. Auteur: Lower Columbia College (CC BY-NC-ND 2.0)

Pita, jeune Guinéen de 23 ans et requérant d’asile dans le canton du Valais depuis 14 mois a accepté de répondre à nos questions.

Quand Pita (nom d’emprunt) est arrivé en Suisse, il n’avait comme bagage que ses trois années passées à la faculté de médecine de son pays. Très vite, il a intégré l’équipe valaisanne de Voix d’Exils, ainsi que l’atelier de formation serrurerie du centre de formation et d’occupation « Le Botza » à Vétroz. Aujourd’hui, il se confie à nous :

« Dès mon arrivée en Suisse, mon premier objectif était d’éviter l’inactivité qui est la source de tous les maux des requérants d’asile (vol, vente de drogue, etc.), je savais que le chemin serait long et semé d’embûches. Mon souhait était de continuer mes études dans un domaine médical, même si j’avais de la peine à croire que ce soit possible. Après un laps de temps nécessaire pour m’adapter à mon nouveau pays d’accueil et grâce à l’écoute des encadrants qui s’occupaient de moi, j’ai émis le désir de m’inscrire à la HES-SO (Haute Ecole Spécialisée de Suisse occidentale) de Sion, dans le domaine d’étude de la santé. Cette école,  avec ses sept filières de spécialisation, prépare des professionnels à participer à la promotion de la santé et au développement d’une politique de santé communautaire. Les formations sont conçues en alternance entre études et terrain dans des lieux de pratiques professionnelles.

Après une première demande écrite qui a été refusée par le SPM (Service cantonal de la population et des migrations), j’ai reçu une réponse positive, un mois plus tard, suite à une deuxième demande.

A l’époque j’habitais à Martigny avec plusieurs colocataires qui n’avaient pas le droit de travailler ; ainsi ils veillaient la nuit et dormaient la journée, donc c’était compliqué pour moi d’étudier et de trouver l’argent pour me payer les transports jusqu’à la HES-SO. Mais tout s’est enchaîné pour mon plus grand bonheur, le Service de l’asile m’a trouvé, à Sion, une petite chambre qui n’a pas de cuisine mais qui me permet de me concentrer sur mes études, sans être dérangé. En contrepartie, j’officie en tant qu’appui aux devoirs scolaires pour les requérants d’asile mineurs accueillis au RADOS (structure d’accueil pour requérants d’asile mineurs non accompagnés à Sion) et je peux y prendre mes repas.

A l’école, la couleur de ma peau me fait de la pub. Jamais je n’aurais cru être si bien accueilli, tout le monde me connaît et discute avec moi. Pour eux, je ne suis pas un requérant d’asile, je suis un collègue. Une étudiante venant de Brigue m’a avoué n’avoir jamais discuté avec un Noir avant de m’avoir rencontré. Elle m’a proposé de me donner des cours de ski cet hiver. Je dois vous avouer que j’ai été très surpris de remarquer que ce que racontent certains politiques et médias afin de discréditer les requérants d’asile est totalement différent de ce que pensent les étudiants de cette école. Ce qu’il y a de bien, à part les cours, c’est l’ouverture d’esprit des étudiants et…le nombre de jolies filles !

Dans le cadre de ma formation, j’ai eu l’opportunité d’effectuer mon stage au sein du service de gériatrie d’un établissement hospitalier. Les objectifs de ce stage étaient de découvrir les différentes professions du domaine de la santé; de réaliser des actions de soins et d’accompagnement; d’évaluer mes aptitudes à travailler dans une équipe de soins et d’affirmer ma motivation de poursuivre mes études dans le domaine de la santé en général et, plus particulièrement, en soins infirmiers. Ce stage a été très enrichissant pour moi, tant au point de vue professionnel (j’ai pu valider mon stage avec 92 points sur 100) que relationnel et, sur ce deuxième point, je vais vous conter quelques anecdotes.

Souvent les patients me demandaient d’où je venais et je leur répondais que j’étais Haut-Valaisan. Devant leur mine ahurie et quand ils me demandaient : mais de quelle commune ? Je précisais enfin que je suis Africain.

Un jour, une patiente m’a demandé : Est-ce que vous faites de la magie pour changer aussi souvent de taille: le matin vous êtes petit et le soir vous êtes grand ? Je suis resté sans voix et, en réfléchissant, j’ai compris ce qu’elle voulait dire. Dans le même service que le mien se trouvait un collègue Sud-Américain très grand et de peau foncée. En fait, cette dame, très âgée, nous confondait (je suis plutôt petit). Une autre patiente m’appelait son rayon de soleil, cela me réchauffait le cœur.

Au terme de ce stage, j’ai eu la satisfaction d’avoir atteint mes objectifs. Mais plus que cette satisfaction, ce stage a été très enrichissant pour moi. J’espère donc continuer mes  études de Bachelor en soins infirmiers, en Suisse ou ailleurs, car je n’ai toujours aucune garantie de pouvoir rester ici. »

Ce que Pita nous a transmis par son témoignage, c’est que la clé de réussite est d’essayer car tout est  possible avec de la bonne volonté.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils