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Flash infos #184

Sign of the area office of the United nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the near East (UNRWA) in Tyre/Sour, southern Lebanon / Roman Deckert

Sous la loupe : Le chef de l’ONU appelle à continuer à financer l’UNRWA dont dépendent 2 millions de palestiniens à Gaza / Pakistan : 1,7 million d’Afghan.es expulsé.es dans le silence international / Le SEM doit indemniser un canton même après un refus légitime de renvoyer un requérant d’asile

Nos sources : 

Le chef de l’ONU appelle à continuer à financer l’UNRWA dont dépendent 2 millions de palestiniens à Gaza

ONU Info , Le 28 Janvier 2024

Pakistan : 1,7 million d’Afghan.es expulsé.es dans le silence international

asile.ch, Le 17 janvier 2024

Le SEM doit indemniser un canton même après un refus légitime de renvoyer un requérant d’asile

RTS, Le 26 Janvier 2024

Ce podcast a été réalisé par :

Liana Grybanova et Alix Kaneza, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils ainsi que Malcolm Bohnet, civiliste à la rédaction




Bevel ON

Anna Bielientsova / Bevel On

Une association qui favorise l’intégration des personnes réfugiées ukrainiennes en Suisse

Avec le début de la guerre en Ukraine en février 2022, près de 8 millions de personnes réfugiées ukrainiennes ont demandé l’asile dans le monde entier. En réponse à cet appel, l’association suisse Bevel ON a pris l’initiative d’aider l’intégration et le placement professionnel de cette population en situation de vulnérabilité.

Suite à la prolongation du statut S des personnes ukrainiennes, le Conseil fédéral a également précisé que 40 % des personnes réfugiées ukrainiennes devraient être employées d’ici fin 2024. Ainsi, les valeurs de l’association Bevel ON ont pour but de coïncider avec la vision étatique de l’intégration continue des professionnels déplacés en Suisse.

Éducation et accompagnement professionnel

Bevel ON affirme son rôle dans l’intégration en proposant des programmes éducatifs novateurs pour les professionnels ukrainiens. Les séminaires, axés sur le rétablissement de la confiance en soi, de la motivation professionnelle, le développement de l’employabilité, de l’entrepreneuriat et de la maîtrise du réseautage, sont des éléments fondamentaux du programme. La participation des Ukrainiens et des Ukrainiennes à ces formations est gratuite, avec un encadrement assuré par des mentors et des coachs de haut niveau.

 

Interview d’Inna Malaia

Présidente de Bevel ON, Directrice du programme et formatrice en leadership

 

Voix d’Exils : En quoi le travail contribue au processus d’intégration des personnes réfugiées ?

Le travail constitue un élément essentiel pour aider les personnes réfugiées à s’adapter à une nouvelle vie. Chaque personne employée devient le fondement d’une intégration réussie dans une nouvelle société d’accueil. C’est pourquoi Bevel ON encourage fortement le renforcement des efforts de soutien à l’éducation et à l’intégration professionnelle, croyant en la puissance transformative du travail pour créer des opportunités, promouvoir une vie épanouissante, alléger les systèmes sociaux et valoriser le rôle des stages et du bénévolat dans la facilitation de l’intégration et de l’emploi.

Pouvez-vous nous donner un aperçu du programme Bevel ON et de son impact sur l’intégration des personnes réfugiées ukrainiennes en Suisse ?

Inna Malaia : Depuis le printemps 2022, notre programme de formation a déjà connu trois éditions couronnées de succès et nous sommes actuellement à la fin de la quatrième. Plus de 180 participants et participantes ont réussi à le terminer et les résultats sont encourageants. Plus de la moitié d’entre eux ont trouvé un emploi, un stage, ont participé à des activités de bénévolat ou ont entamé des études en Suisse.

Comment le programme Bevel ON fait pour garantir le succès de l’intégration de ses participant.e.s ?

Bevel ON a établi des partenariats avec de nombreuses organisations, associations communautaires et établissements éducatifs afin de trouver de nouvelles voies d’intégration et de formation pour les professionnels déplacés de l’Ukraine. Nous organisons également des forums et des rencontres en collaboration avec des entreprises internationales, favorisant ainsi l’échange d’informations, l’expansion de notre réseau et la recherche de solutions collaboratives. Nos coaches et mentors sont des professionnels avec beaucoup d’expérience qui partagent des connaissances exceptionnelles sur la Suisse et qui fournissent une assistance dans la planification de carrières et la réorientation professionnelle.

Enfin, comment Bevel ON envisage l’avenir et quel message souhaitez-vous transmettre à celles et ceux qui cherchent un soutien et un nouveau départ ?

Bevel ON n’est pas simplement une initiative éducative, c’est une force motrice pour le changement et de nouvelles opportunités. Aujourd’hui, avec environ 66’000 personnes réfugiées ukrainiennes en Suisse, nous percevons en chaque individu un nouveau potentiel pour une histoire réussie. De plus, nous adoptons une approche unique dans notre collaboration avec des professionnels déplacés anglophones à travers toute la Suisse et certains pays voisins tels que la France, l’Allemagne, l’Autriche et Malte. Nous regardons l’avenir avec optimisme, rempli de perspectives lumineuses et d’unité. Notre message est simple : le soutien est là et chaque personne a le potentiel de créer un nouvel espace pour elle-même et de contribuer positivement à la société.

Natalia Gorbachenko

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Plus d’informations:

Visiter le site internet de Bevel ON




Le journalisme pour acquérir des compétences transversales

Un reportage sur Voix d’Exils

Insertion Vaud, une association qui regroupe des institutions vaudoises actives dans l’insertion socioprofessionnelle, vient de publier un reportage sur Voix d’Exils sur son site internet. L’angle choisi est l’acquisition des compétences transversales à travers la pratique du journalisme. Les compétences transversales sont des capacités dont dispose une personne et qui peuvent lui être utile dans des situations professionnelles variées. Plongée au cœur de la rédaction vaudoise le temps de la fabrication d’un « Flash infos ».

Cliquer ici pour découvrir le reportage complet.

Un grand merci un Loïc Delacour, chargé de communication d’Insertion Vaud et auteur du reportage.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




Grandir entre plusieurs cultures

L.B. / Voix d’Exils

Une ancienne rédactrice de Voix d’Exils nous raconte son expérience

La migration ne va pas uniquement avoir un impact important sur la vie des parents migrants. Elle a aussi une importance dans la vie des enfants nés dans le pays d’accueil. 

L’intégration culturelle est un processus qui s’étend sur plusieurs générations. Les enfants nés dans le pays d’accueil de parents immigrés ont besoin d’un lien avec leurs origines pour s’établir.

Premièrement, la culture regroupe les valeurs, l’idéologie, les croyances, les connaissances, les normes, la langue, les rituels ainsi que les comportements d’une personne. Chaque culture a des expressions, des normes culturelles et des coutumes différentes. La culture se reflète donc dans nos actions quotidiennes.

La richesse de la multiculture

Beaucoup maintiennent la culture d’origine dans la vie familiale. Cela a été le cas pour moi qui parle couramment mes langues maternelles: le turc et le kurde; ce tout en parlant la langue du pays d’accueil: le français en public et en participant pleinement à la société. Personnellement, ma triple appartenance dans le milieu social et culturel dans lequel j’ai grandi exerce une influence sur moi.

En grandissant entre plusieurs cultures, nous pouvons avoir le sentiment d’appartenir à une ou plusieurs d’entre elles à la fois. Nous avons ainsi le choix de nous référer ou non à nos différentes cultures.

La multiculture peut-elle faire la force d’un individu?

On construit notre identité en fonction de nous-mêmes et de notre situation. Dès la naissance, on incorpore ce que nos parents ressentent, pensent et la manière dont ils se comportent. Cette culture est intériorisée au plus profond de notre être de manière inconsciente.

Comme pour beaucoup de personnes, je suis très attachée à mon pays de naissance, de même qu’à ceux de mes parents, ce malgré le fait que je n’y sois jamais allée. Cela se reflète dans ma façon de me comporter et de penser, dans les valeurs et les normes auxquelles j’adhère.

Avoir plusieurs cultures peut rendre difficile de savoir qui l’on est vraiment et surtout d’imaginer la personne que l’on veut devenir. Afin de construire sa propre identité, il faut être capable de trouver son équilibre et réussir à saisir un peu de chaque culture différente.

Notre identité se construit tout au long de notre vie, la culture n’en est qu’une partie. Nos rencontres et nos expériences nous permettent aussi d’évoluer et de mieux nous connaître. Personnellement, ma triple appartenance fait partie intégrante de ma personnalité: c’est ce qui me définit aujourd’hui et fait de moi la personne que je suis.

Les inconvénients de la multiculture

Si cela peut être bénéfique pour certaines personnes, avoir plusieurs cultures peut être contre-productif pour d’autres. Il est compliqué de posséder plusieurs modèles de référence, de parler d’autres langues, de posséder plusieurs façons de penser et des traditions diverses.

Quelques fois, il arrive que l’on renonce à une partie de notre culture d’origine pour diverses raisons. Accepter ce renoncement varie d’une personne à une autre et la société dans laquelle nous avons grandi joue un rôle à cet égard.

Il est même parfois très difficile – voire impossible – de garder « primitive » notre culture, comme certains voudraient qu’elle soit: intacte, pure et non interprétée. Mais j’aime bien avoir ce petit plus, ne pas appartenir à quoi que ce soit et imaginer qu’un jour je pourrai partir pour découvrir ce pays que je connais si peu.

Malgré que cela puisse être un inconvénient pour certains; pour d’autres, avoir plusieurs cultures permet donc d’avoir une plus grande liberté de choix, de possibilités et d’avantages dans une société qui se diversifie de plus en plus.

L.B.

Ancienne membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Les Golems de l’asile

Illustration : Harith Ekneligoda

Ou l’expérience corrosive du permis F

C’est l’automne et le soleil tardif illumine de mille couleurs la nature en pleine métamorphose. Mes yeux contemplent, mon cœur se tourne vers lui-même et dans cet espace de silence, il devient mon seul interlocuteur. La belle mosaïque du paysage suisse comporte une grosse tache de peur, un petit point de joie et un grand rectangle de souffrances.

J’avais reçu un avis négatif du SEM à ma demande de protection. L’injonction de quitter le territoire m’avait été signifiée quelques jours après. Je me souviens même que je m’étais rapproché de service d’aide au départ volontaire et réfléchissais encore sur la pertinence de la décision finale à prendre car, entre temps, j’avais été diagnostiqué d’une maladie grave et incurable.

Des policiers à ma porte

Il était neuf heures du matin ce jour-là quand j’entendis frapper à ma porte. C’était la police valaisanne.

« Habillez-vous » me dit l’agent qui se tenait devant la porte « Nous avons pour mission de vous conduire à Berne ».

Aucun recours n’était possible.

En bas de l’immeuble, deux autres policiers en civil attendaient près d’un bus ; ils se présentèrent et me lurent leur ordre de mission. Le chef me demanda si j’avais auparavant reçu une convocation directe du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), je lui répondis tranquillement « non » . Il s’interrogea :

« Alors pourquoi réquisitionner la force ? Il n’y a manifestement pas refus d’obtempérer ». Ce détail sera important pour la suite des événements ce jour-là.

Arrivés à Berne et après la fouille au corps usuelle, l’agent bernois voulut me mettre en cellule et décharger l’ordre de mission de mon escorte en attendant mon audition.

Le policier valaisan, qui était resté silencieux jusque-là, opposa un refus ferme et dit :

« Vous n’avez jamais adressé de convocation à ce Monsieur. Vous ne pouvez donc pas le traiter comme s’il avait refusé de collaborer. Nous attendrons ensemble l’heure de l’audition et nous repartirons en Valais avec lui ». Et il en fut ainsi.

Un policier qui me soutient contre son collègue? Je n’en revenais pas.

La suite fut plus facile à assumer: même quand la délégation de l’ambassade de mon pays tenta de m’humilier, je restais attentif à mon combat. Le fonctionnaire du SEM mit fin à l’entretien en ces termes :

« Ce n’est pas à moi que reviens le mot final, mais laissez-moi vous dire que vous avez tout au plus un pour cent de chances de rester en Suisse ».

Je répondis « merci de ne pas m’avoir complètement fermé la porte ». Il fut très surpris par ma réaction.

Le permis F, oui mais…

Moins de deux semaines après, je reçois un courrier qui m’annonce que la Suisse m’a accordé un permis F. Une joie immense inonda alors mon cœur et que de projets…

Tout ceci fut de courte durée, quand on m’expliqua exactement quels étaient les contours du permis F (admission provisoire). Entre autres limites, je ne peux pas voyager hors de Suisse et n’ai pas la possibilité de faire venir ma famille en Suisse dans le cadre d’un regroupement familial.

Ainsi, depuis environ sept ans, je suis enfermé dans les limites de mon document de résidence en Suisse.

– Oui je suis reconnaissant à la Suisse.

– Oui je suis en vie.

– Oui j’ai un soutien pour vivre.

La Suisse est un très beau pays et sa population est globalement accueillante. Tout ceci fait sens, quand le système d’accueil ne transforme pas le contexte de notre existence en prison.

Depuis huit ans, j’ai quitté les miens: mon épouse et ma fille.

Aujourd’hui, les conditions de vie que m’accorde mon permis ont fait de moi un mari et un père indigne. J’ai déserté le foyer conjugal, laissant derrière moi une épouse éplorée et une jeune adolescente qui se sent abandonnée. Quels mots puis-je trouver face aux questions de mon enfant qui veut me faire comprendre sa douleur ? Que puis-je lui expliquer de la douleur et du mal qui me ronge la chair et l’âme ? Comment lui faire comprendre qu’elle n’est pas mon dernier choix, malgré les apparences ? Comment expliquer à chaque téléphone à mon épouse que mon absence n’est pas un divorce ?

Le permis F jour après jour fait son œuvre corrosive dans les liens sociaux.

L’alchimie du système d’asile en Suisse a ainsi fabriqué des centaines de milliers de Golems: espèces d’individus, apparemment vivants, qui traînent autour d’eux une tristesse qui tue et qui déshumanise.

On n’en parle pas assez, mais la société est-elle vraiment prête à assumer ce gâchis ? Comment peut-on offrir du miel avec un arrière-goût si amer ?

Jima

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils