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Revue de presse #49

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Le gouvernement suisse favorable au Pacte mondial pour les migrations / Un migrant sur trois en situation irrégulière renvoyé par l’UE en 2019 / Londres promet de vacciner gratuitement les migrants quel que soit leur statut

Le gouvernement suisse favorable au Pacte mondial pour les migrations

RTS, le 4 février 2021

Dans un message adressé au Parlement, le Conseil fédéral a soutenu l’adhésion de la Suisse au Pacte mondial pour les migrations. Selon le gouvernement, refuser ce pacte aurait des répercussions négatives pour le pays, notamment concernant la gestion de sa politique migratoire, tant au niveau bilatéral que multilatéral. Brigitte Crottaz, conseillère nationale socialiste, insiste quant à elle sur la notion de cohérence, en soulignant que la Suisse a participé à l’élaboration de ce projet. Elle rappelle également que la Confédération se présente comme le pays des droits humains avec le siège des Nations Unies en matière de politique migratoire à Genève. Ses arguments sont néanmoins rejetés par le conseiller national UDCMichaël Buffat – qui insiste sur l’impact défavorable qu’aurait ce traité sur la politique migratoire suisse. Selon lui, ce pacte est une ouverture totale à l’immigration en direction de notre pays. « Pour gagner un siège à l’ONU, ça ne vaut pas la peine » conclut-il. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) souligne cependant que la signature de ce pacte n’implique rien de contraignant, d’autant plus qu’une modification de la législation n’est pas obligatoire.

Une personne migrante sur trois en situation irrégulière a été renvoyée par l’UE en 2019

Euractiv, le 11 février 2021

Selon un rapport de la Commission européenne, sur les 491’195 ressortissantes et ressortissants de pays tiers qui se trouvaient en situation irrégulière sur le territoire de l’Union européenne (UE) en 2019, seuls 142’320 ont été renvoyés par les États membres. Jugé insatisfaisant par Bruxelles, ce taux de retour et de réadmission est dû aux divers défis auxquels les États membres sont confrontés lorsqu’ils mettent en œuvre les procédures pour ordonner le retour des personnes migrantes en situation irrégulière et lorsqu’ils coopèrent avec les pays tiers en matière de réadmission. Le rapport relève également qu’il existe de grandes différences entre les procédures juridiques et administratives de chaque État membre. Par ailleurs, la Commission européenne reconnaît que la pandémie de Covid-19 a rendu plus complexe le fonctionnement des opérations de retour et de réadmission. A cet effet, Bruxelles souligne qu’un système européen commun de retour nécessite des règles et des procédures claires, par le biais de démarches efficaces, qui garantissent le respect des droits fondamentaux. Le futur pacte sur les migrations et l’asile, actuellement en cours de négociation, va dans ce sens.

Londres promet de vacciner gratuitement les personnes migrantes quel que soit leur statut

InfoMigrants, le 9 février 2021

Le 8 février, un porte-parole du gouvernement du Royaume-Uni a annoncé que les vaccins contre le coronavirus seront proposés gratuitement à toutes celles et ceux qui vivent au Royaume-Uni, quel que soit leur statut migratoire. Ainsi, le gouvernement a fait savoir aux responsables du service public de santé du pays que la vaccination, de même que le dépistage et les traitements du coronavirus, ne seraient pas soumis à des vérifications du statut migratoire. Figurant parmi les pays européens comptant le plus grand nombre de morts dus à la Covid-19, une vaste campagne de vaccination à récemment été lancée dans le pays. Selon certaines estimations, le nombre de sans-papiers au Royaume-Uni se monterait à 1,3 million.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




Revue de presse #47

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : De plus en plus de personnes issues de l’asile intégrées sur le marché du travail vaudois / Frontex suspend ses activités en Hongrie / Un vol spécial pour l’Éthiopie malgré une mobilisation citoyenne / Génération identitaire sur la sellette ?

De plus en plus de personnes issues de l’asile intégrées sur le marché du travail vaudois

swissinfo.ch, le 27 janvier 2021

Lors d’une conférence de presse en ligne qui s’est tenue le 27 janvier, Erich Dürst – directeur de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM) – s’est réjoui de la progression sur le marché du travail des personnes détentrices d’un permis F (personnes au bénéfice d’une admission provisoire). Si la dynamique est positive depuis plusieurs années, les répercussions du Covid-19 sur leur prise d’emploi s’avèrent quant à elles marginales. Selon M. Dürst, l’an dernier, 1’038 personnes (37%) au bénéfice d’un permis F exerçaient une activité lucrative, contre 990 (35,9%) en 2019. Or, elles n’étaient que 588 (25,7%) il y a trois ans.

Dans la même lignée, le directeur de l’EVAM a souligné que 41% des personnes arrivées en Suisse en 2014 (et même 47% de celles arrivées en 2015 et 2016) ont aujourd’hui un emploi. Les autres cantons constatent des hausses similaires. Ces résultats positifs ont un effet bénéfique important sur l’intégration de ces personnes, mais aussi sur les finances publiques, a également affirmé M. Dürst. L’un des objectifs de l’Agenda Intégration Suisse de la Confédération est donc en voie d’être atteint. En effet, la Confédération a fixé aux cantons un objectif lié à l’emploi : sept ans après leur arrivée en Suisse et le dépôt de leur demande d’asile, 50% des personnes adultes détentrices d’un permis F doivent être durablement intégrées sur le marché du travail. Toutefois, « Si ces chiffres sont positifs, il reste beaucoup à faire » a averti Erich Dürst.

Frontex ne veut pas être complice de la politique migratoire hongroise

Le 24 Heures, le 27 janvier 2021

Le 27 janvier 2021, l’agence de surveillance des frontières de l’Union européenne – Frontex – a suspendu toutes ses activités opérationnelles sur le terrain en Hongrie. Cette décision fait suite au constat établi en décembre dernier par la Cour de justice de l’Union européenne qui soutenait l’existence de nombreuses failles dans les procédures d’asile du pays. A cet effet, Andras Lederer, membre du Comité Helsinki hongrois (HHC) – un organisme de surveillance non gouvernemental – a déclaré que la décision de Frontex est importante puisque l’agence n’a jamais suspendu ses activités auparavant. M. Lederer estime que Frontex a été forcée de suspendre ses opérations en Hongrie car elle risquait d’être tenue pour « complice » de la politique migratoire hongroise.

Un vol spécial pour l’Éthiopie diligenté malgré une mobilisation citoyenne

RTN, le 28 janvier 2021  

La mobilisation en Suisse pour empêcher le renvoi forcé de plusieurs personnes en procédure d’asile déboutées vers l’Éthiopie n’a pas suffi. Le 27 janvier dernier, les principaux concernés (cinq requérants d’asile selon plusieurs organisations) ont pris un vol spécial en direction de l’Éthiopie. L’un d’eux vivait dans le canton de Vaud depuis plusieurs années et y était bien intégré, a relevé Élise Epiney de l’association Stop Renvoi. Du côté du Secrétariat d’état aux migrations (le SEM), on souligne que ce vol spécial était publiquement connu et que plusieurs personnes ont été renvoyées à bord de ce dernier. Alors que le départ du vol était imminent, plusieurs ONG humanitaires ont demandé l’arrêt immédiat des rapatriements forcés depuis la Suisse vers l’Éthiopie. En effet, la situation du pays est jugée particulièrement précaire par de multiples organisations rappelle la section vaudoise de la Ligue suisse des droits de l’Homme. Le SEM estime pour sa part que les voyages de retour de requérants d’asile déboutés restent possibles malgré la pandémie. L’exécution des renvois n’est donc pas stoppée, mais cela dépend toutefois fortement du pays concerné.

Génération identitaire sur la sellette ?

Le 24 Heures, le 26 janvier 2021

En évoquant la possibilité d’une dissolution de « Génération Identitaire » (GI), le ministre français de l’Intérieur – Gérald Darmanin – a condamné publiquement les agissements du groupe militant. Pour rappel, fin janvier, une trentaine de militants de GI se sont installées au Col du Portillon et ont utilisé un drone pour surveiller la frontière franco-espagnole. Selon un message posté sur les réseaux sociaux de GI, cette action entendait lutter contre le « risque terroriste et migratoire dans les Pyrénées ». Ce mouvement politique a également fait parler de lui en multipliant les démonstrations d’hostilité envers les personnes migrantes à la frontière franco-italienne. A cet effet, plusieurs élus du sud-ouest de la France, dont la présidente socialiste de la région, Carole Delga, avaient demandé au ministère de l’Intérieur la dissolution du groupuscule.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




«Combattre l’injustice, c’est mon leitmotiv»

Josiane Jemmely, présidente de la Commission "Migrations féminines" du canton de Neuchâtel

Josiane Jemmely, présidente de la Commission « Migrations féminines » du canton de Neuchâtel

Josiane Jemmely est membre de la Communauté de Travail pour l’Intégration des Etrangers (CTIE) du canton de Neuchâtel depuis 2005 et préside la Commission « Migrations féminines » qui s’occupe des problèmes que rencontrent les migrantes lors du processus d’intégration. Voix d’Exils s’est entretenu avec elle pour parler des difficultés que doivent surmonter les migrantes vivant à Neuchâtel, ainsi que des actions que mène sa Commission afin d’améliorer leurs conditions de vie dans le pays d’accueil. Interview.

Voix d’Exils : Pouvez-vous nous présenter les missions assignées à la Commission « Migrations féminines » ?

Josiane Jemmely : La Commission «Migrations féminines» est une branche de la Communauté de Travail pour l’Intégration des Etrangers qui deviendra prochainement la Commission d’Intégration de la Cohésion Multiculturelle (CICM). Elle s’occupe essentiellement des problèmes liés à la migration féminine, en faisant notamment au début de chaque législature des recommandations afin de faciliter l’intégration professionnelle et sociale des concernées.

Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les migrantes en matière intégration dans le canton de Neuchâtel?

Les difficultés sont de plusieurs ordres. Il y d’abord des difficultés au niveau de la langue. Certaines femmes ne maîtrisent pas la langue du pays d’accueil, qui est ici la langue française, en particulier celles qui viennent des pays anglophones et lusophones. Une autre difficulté est liée à l’intégration professionnelle. Certaines femmes n’arrivent pas à s’intégrer parce qu’elles rencontrent des difficultés au niveau de l’embauche car leurs diplômes ne sont pas reconnus. Ces femmes se sont formées dans leur pays d’origine mais pas dans le pays d’accueil et ont, du coup, de la peine à trouver un travail. Ce problème est en train d’être résolu par une structure mise en place par Berne qui s’occupe de ce problème spécifique. Nous avons aussi le problème de la violence conjugale qui affecte les mariages mixtes. Dans ce cas de figure, les femmes migrantes rencontrent beaucoup de difficultés à s’intégrer dans le pays d’accueil, parce qu’elles sont dépendantes de leur époux qui est tributaire du permis de séjour. Les maris peuvent alors abuser de leur autorité, comme c’est souvent le cas, en privant leurs femmes d’une indépendance financière par l’interdiction totale de travailler ou d’avoir des contacts avec des compatriotes ou avec toute personne pouvant leur apporter une éventuelle émancipation. Bien entendu, des cas d’exception existent. Mais les barrières à l’intégration liées à ces agissements pervers demeurent. Notre Commission a donc pour mission d’identifier ces problèmes, de les recenser, pour ensuite les traiter et trouver des solutions.

Vous occupez-vous aussi des migrantes qui sont en procédure d’asile ?

Partiellement. C’est vrai que ce champ d’action ne nous est pas trop permis et je pense qu’on a jamais demandé une autorisation pour visiter ces femmes. Nous savons que des problèmes existent dans les centres d’accueil, mais nous n’avons jamais entrepris une quelconque action pour aller les visiter dans leur lieux d’hébergement provisoire. Mais nous les approchons une fois qu’elles sont placées en deuxième accueil, c’est-à-dire dans les appartements. Celles qui sont au courant de l’existence de notre structure nous demandent de suivre des dossiers en retard relatifs à l’attribution de logements, à la réparation d’appareils ménagers défectueux ou au suivi scolaire pour leurs enfants.

Concrètement, quelles sont les actions que mène votre Commission pour favoriser l’intégration des migrantes?

Nous détectons premièrement les difficultés et essayons d’y remédier. La concrétisation se fait une fois que le problème est identifié. Les femmes viennent nous exposer leurs problèmes, on essaie ensemble d’en discuter et, ensuite, avec l’accord de la coordinatrice et des membres de la CTIE, ainsi que du chef du service de la cohésion multiculturelle (COSM), nous trouvons des solutions pour soulager les peines de ces femmes.

Quelles solutions proposez-vous aux migrantes qui ont connu des problèmes comme les mutilations génitales féminines (MGF) et les mariages forcés?

Pour les mutilations génitales féminines, le Conseil d’État neuchâtelois a pris position face au risque qui existait de voir cette pratique se développer sur son territoire, en mettant en place une stratégie cantonale coordonnée en matière de MGF. Ce, bien avant que la mesure ait été clarifiée au niveau fédéral.

La stratégie cantonale coordonnée en matière de MGF prévoit un plan d’action qui se déploie en trois axes:

L’axe «traitement» poursuit l’objectif d’assurer une réponse optimale des services de santé publique dans la prise en charge des femmes migrantes victimes des MGF.

L’axe «prévention» a pour objectif d’assurer une action ciblée de prévention continue et coordonnée auprès des populations migrantes potentiellement concernées par la problématique des MGF.

L’axe «sanction» consiste à dénoncer les cas avérés de MGF en faisant intervenir le cadre légal à travers des sanctions pénales, mais aussi administratives comme la perte du titre de séjour ou le refus de l’octroi de la nationalité.

Quelles valeurs les migrants doivent-ils adopter pour faciliter la coexistence pacifique avec la population suisse ?

Aujourd’hui, les migrants ont compris que l’intégration est une adaptation réciproque, mais ils attendent de l’autochtone une ouverture d’esprit. En principe, un migrant responsable est conscient de son devoir d’intégration. Le migrant a beaucoup de valeurs à mettre en avant. Pour lui, le travail est une valeur. Le respect des citoyens et des institutions est une valeur. Les échanges culturels avec les amis d’ici et d’ailleurs sont des valeurs. La reconnaissance de ce que le pays d’accueil leur apporte est une valeur. La paix et la sécurité dont jouit leur pays d’adoption est aussi une valeur.

Depuis 1995, le Conseil d’État neuchâtelois a institué le prix «Salut l’étranger» et vous l’avez obtenu en 2007. Peut-on connaître votre mérite?

Je ne parlerais pas de mérite, mais je pense que c’était simplement le résultat d’une volonté d’aider, d’apporter cette pierre à la construction de l’édifice dans lequel on a été accueilli. Moi, j’ai toujours été une activiste, une militante. J’ai la volonté de combattre l’injustice et c’est mon leitmotiv. Vouloir changer les choses, c’est-à-dire : aller vers l’autre, voir ce qu’il a, ce que je peux lui apporter, ce que lui peut m’apporter, s’il y a des besoins à couvrir et si j’ai peut-être les moyens et la disponibilité pour pallier à ses besoins, alors j’entre en matière. J’ai envie de partager, de découvrir. C’est vraiment ces motivations-là qui m’ont amené à obtenir ce prix : la volonté d’aller vers l’autre pour découvrir et aussi apporter à l’autre ce dont il a besoin.

Vous êtes  par ailleurs conseillère générale, députée suppléante à La Chaux-de-Fonds et cadre du parti socialiste neuchâtelois.  Nous savons que le canton de Neuchâtel est aujourd’hui dirigé par un Conseil d’État à majorité socialiste. Cependant, lors de la votation de la loi sur le durcissement de l’asile, le canton a massivement voté oui. Comment expliquez-vous cet état de fait ?

Pour moi, c’est une déception. Je ne m’attendais pas à un vote aussi tranché de la part de mon canton d’origine. Mais il faut comprendre qu’aujourd’hui la migration est un problème pour la population d’accueil, même si on nous dit qu’il faut faire avec ceux qui sont intégrés. On réalise sur le terrain que ça reste un problème compliqué et difficile à résoudre. Le migrant reste quand même une difficulté pour la personne qui l’accueille, c’est aussi la raison pour laquelle on a eu ce vote qui exprime bien ce qu’est la pensée intérieure des gens. Ce vote a bien exprimé que le migrant n’est plus du tout apprécié, surtout le migrant en provenance des pays du tiers-monde. Peut-être parce qu’il n’apporte pas grand chose sur le plan financier.

Le fait que le canton vire à gauche n’augure-t-il pas de un changement positif pour les migrants?

Oui et non. Parce que la gauche ne peut pas tout changer, elle doit aussi composer avec ses adversaires de la droite et ceux-ci ne partagent pas du tout la même vision de l’immigration. Elle va certes vouloir apporter des améliorations dans le cadre de l’intégration sur le plan cantonal et régional, mais elle ne règlera pas tous les problèmes liés à la migration et à son intégration. Nous restons confiants quant à l’avenir, car la gauche de notre canton a toujours une écoute attentive et fait tout ce qui est en son pouvoir pour donner une place et une visibilité aux minorités de notre République neuchâteloise.

Que pensez-vous de Voix d’Exils?

J’ai déjà lu Voix d’Exils alors qu’il était encore un journal papier. Mais, depuis qu’il est devenu un blog, je ne l’ai pas relu. Ce média qui informe les autochtones et les étrangers sur l’actualité de la problématique migratoire a toute sa raison d’être. Je ne peux que lui souhaiter une longue existence et m’engage à le lire.

Propos recueillis par :

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils