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FLASH INFOS #166

Sous la loupe : En France, l’immigration pourrait combler le déficit démographique / Traversées de la Manche: un record / Accueil des requérants d’asile: le Valais répond à l’appel de la Confédération

Nos sources:

France,  l’immigration pourrait combler le déficit démographique     

Le Figaro,  Le 01 Septembre 2023

Traversées de la Manche : 872 arrivées de migrants recensées samedi, un record depuis le début de l’année

France Info, le 03 septembre 2023

Accueil des requérants d’asile : le Valais a répondu à l’appelle de la Confédération

Rhône FM, 01 septembre 2023

 

 

 




La Suisse: mon nouvel abri

L’expérience d’Eddy-Claude, rédacteur valaisan

Originaire du Burundi, réfugié en Suisse, Eddy-Claude est avocat et journaliste de formation. Père d’une jeune famille en exil au Rwanda depuis près de 8 ans, il partage avec nous son expérience, loin des siens.

« Nous sommes en exil depuis que les médias burundais ont été la cible du régime qui ne supporte pas la critique de voix discordantes. »

Réfugié statutaire depuis fin août 2022, j’ai été attribué en septembre au canton du Valais pour poursuive ma destinée de vie d’exil. Avec cette chance de ne pas être obligé d’apprendre le français, je m’attèle à mon intégration. Bien que cela ne soit pas facile, je fais des recherches sur le marché de l’emploi dans les domaines compatibles avec ma formation. Je m’y mets à chaque fois qu’une offre se présente et envoie une postulation. Ne dit-on pas « qui ne tente rien n’a rien ! » ?

« Bienvenue à la cuisine ! »

Je me réjouis des découvertes que je ne cesse de faire dans ce canton viticole et riche de cultures variées. C’est une expérience nouvelle dans les domaines de la religion, des sports d’hiver, de la gastronomie, etc.

Arrivé fraîchement dans les montagnes de la belle commune touristique de Crans-Montana, je découvre une autre vie au foyer Sanaval: une vie différente de celle de chez moi et des centres d’accueil pour requérants d’asile en Suisse car je dois me préparer à manger en faisant moi-même les commissions. C’est un vrai défi quand on n’a jamais été à la cuisine ou au marché faire des achats de denrées alimentaires. Je demande parfois conseil à des amis et pourquoi pas en téléphonant à mon épouse qui doit être informée de la vie quotidienne du père de ses enfants !

Je n’oublierai jamais ma première soirée dans la cuisine quand je me suis blessé le doigt en épluchant des pommes de terre. Et pour compatir, mon épouse m’a simplement dit en rigolant : « Bienvenue à la cuisine ! ».

Peu à peu, on apprend et l’intégration se fait. 

L’obligation d’entretien de la famille en exil : un grand souci !

Le père en exil doit veiller coûte que coûte à sa survie personnelle quotidienne et à celle des siens, également en exil. La responsabilité est grande, sans travail des deux côtés puisque mon épouse elle aussi est sans emploi. Il faut payer le loyer mensuel, l’eau et l’électricité, les frais de scolarité de nos deux enfants, etc… L’obligation d’entretien parental se pose comme une équation à plusieurs inconnues.

Je perçois une aide sociale du fait de mon statut de réfugié en Suisse. Lors du premier versement du mois, je réserve une part à ma famille en exil pour assurer entre autre le paiement du loyer mensuel tous les débuts du mois, l’eau et l’électricité à hauteur de 250 CHF. Lors du deuxième versement du mois, une part sera réservée à la ration alimentaire. Par chance, les enfants ne tombent pas souvent malade et les coûts mensuels de la ration alimentaire sont minimisés.

Le regroupement familial : notre espoir

Depuis que j’ai obtenu le statut de réfugié, la suite très attendue est le regroupement familial. J’ai constitué à la mi-novembre un dossier de demande avec l’aide du Centre Suisses-Immigrés à Sion. Cependant, la patience est de mise avant d’avoir une réponse positive pour passer au regroupement effectif de ma famille.

J’espère que ma femme et mes enfants me rejoindront bientôt. Je me réjouis de pouvoir leur présenter leur nouveau pays!

Eddy-Claude Nini

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




« L’art : mon nouveau départ »

Photo: Sahar Zaire

Sahar Rezaï, une femme pleine de talents

Cette jeune femme de 21 ans très talentueuse habite Sion, une ville proche des montagnes valaisannes. Elle est arrivée en Suisse en 2017 quand elle avait 14 ans. Sahar Rezaï vient de vernir sa première exposition de peinture à Aigle qui est visible jusqu’au 2 mai à l’Espace AMIS.

Sahar a commencé à peindre à l’âge de 13 ans. C’est en Grèce qu’elle a commencé à peindre après avoir quitté l’Afghanistan, son pays d’origine. Dans l’interview qu’on a réalisé avec elle, Sahar Rezaï nous confie son parcours souriante avec un regard rempli d’espoir devant ses tableaux : « J’ai commencé à peindre après avoir quitté mon pays d’origine. On était avec ma famille dans un camp de réfugiés en Grèce. Par chance, un bénévole et journaliste du nom de Théodore m’a vue assise seule parmi les autres enfants qui jouaient juste devant moi et il m’a offert un cadeau. J’étais jeune, dans une chaise roulante à cause de la poliomyélite, une maladie que j’ai attrapée quand j’avais 2 ans, et je n’arrivais pas à jouer comme les autres enfants. Désespérée de tout ce qu’on avait vécu avec ma famille, je m’ennuyais beaucoup mais ce cadeau de ce bon samaritain m’as redonné de l’espoir. C’était le meilleur des cadeaux : un sac rempli de matériel pour faire de la peinture : les couleurs, les toiles des pinceaux etc. Et depuis ce jour, je n’ai plus jamais lâché mes pinceaux ». 

Un retour impossible en Afghanistan

En 2016, Sahar et sa famille ont été victimes d’une fatwa des talibans et ont décidé de quitter leur pays d’origine pour la Grèce qui a été la première étape de leur exil. Arrivée en Suisse au printemps 2017 avec ses parents et son petit frère, elle a commencé à chercher ce qu’elle pourraient faire ici. Sarah était troublée et disait qu’elle ne pouvait plus continuer à peindre ses tableaux. Elle nous confie « Je me demandais si je pouvais continuer à peindre car mon enfance me manquait beaucoup et les montagnes suisses me rappellent celles de chez nous. Mais c’est un sujet tabou à cause de ce qu’on a traversé dans notre pays. Du coup, je ne voulais plus continuer mes dessins parce que ça m’aidait à traverser cette période. Et aussi, j’avais remarqué que la vie en Suisse est chère et je ne pouvais plus continuer à me procurer du matériel; mais heureusement, des bénévoles suisses m’ont aidé à reprendre mon activité de peintre ».   

 

Sahar Zaire et Alix Kaneza. Photo: Voix d’Exils

« L’art m’a sauvée »

« L’art a été un nouveau départ pour moi. il a soigné mes blessures du passé parce que je me demandais ce que je pouvais faire ici en Suisse ou ailleurs. Mais quand je commence à dessiner, je n’arrive plus à quitter la toile. Je voulais sortir toutes les souffrances qui étaient en moi et je voulais parler à travers mes dessins de tout ce que je ressens. Et quand les autres jouaient, moi je préférais être devant mes tableaux. J’ai commencé à traduire mes tristesses et mes ressentis dans mes tableaux » s’exclame Sahar.

Dans la parole qu’elle a prise lors de son vernissage qui s’est déroulé à Aigle le jeudi 13 avril à 18h, Sahar a partagé avec confiance et espoir son rêve de travailler dans l’humanitaire et son projet de faire davantage de tableaux pour venir en aide aux jeunes filles qui n’arrivent pas à aller à l’école et aux femmes non scolarisées en Afghanistan.

Alix Kaneza et Renata Cabrales

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Informations sur l’exposition

Sahar Rezai expose ses toiles à Aigle dans la hall de l’Espace AMIS, Chemin de la Planchette 1, 1860 Aigle jusqu’au 2 mai 2023

 




Les « Livres de verre »

Image: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Sion: une exposition de vitraux réalisés par des personnes migrantes à voir à la Médiathèque du Valais jusqu’à fin juillet

Neuf personnes migrantes ont suivi un cours d’initiation à la confection de vitraux l’Ecole de vitrail et de création de Monthey, dans le cadre d’un projet de développement durable lié à la mixité sociale dans le Canton du Valais. Leurs travaux, présentés sous la forme de « Livres de verres » sont exposés à la Médiathèque du Valais à Sion (aux Arsenaux) jusqu’à la fin du mois de juillet.

Le 19 juin, coïncidant avec la Journée des réfugiés, les vitraux ont pris place, disposés sur les établis de l’Ecole, devant les arcades jouxtant le restaurant de la Médiathèque. Les regards s’arrêtent sur les reflets multicolores créés par les rayons du soleil.

Les neuf personnes migrantes qui ont eu la chance de participer à ce projet ont des parcours très différents. Ils viennent d’Iran, d’Ethiopie, d’Arménie, de Géorgie, de Tchétchénie… Toutes et tous présentent leurs travaux avec fierté. Certains n’avaient jamais tenu de leur vie une pince ou un fer à souder; mais cela ne les a pas empêchés de bien faire leur travail…

« Chacun a su saisir l’espace de créativité et d’expression qui lui était proposé »

Image: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Guy Cristina, le directeur de l’École de vitrail, qui a pris en charge cette volée particulière avec son équipe, nous fait part de son avis : « les travaux réalisés sont très variés. Les techniques apprises sont parfois complexes et malgré les difficultés, tout le monde est allé au bout du projet.

Chaque «Livre de verre » est une histoire personnelle et je crois qu’on le comprend bien, chacun a su saisir l’espace de créativité et d’expression qui lui était proposé.

Notre école s’efforce de promouvoir le vitrail comme un art vivant. Le public est toujours touché par les effets magiques de la lumière colorée. Personnellement, je suis ému par cette exposition. »

Une visiteuse partage ses réactions : « Je trouve que les différents « Livres de verre » évoquent des traits personnels profonds, des éléments essentiels de l’identité individuelle et de l’appartenance, et formulent des souhaits forts pour l’avenir. C’est touchant. »

 

« Chaque « Livre de verre » a laissé dans mon cœur les mêmes émotions vives que l’éclat multicolore des vitraux »

Image: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

« Les œuvres présentées ont été réalisées à l’aide de différentes techniques : la technique la plus traditionnelle du plomb – celle des artisans des cathédrales –  mais aussi le Tiffany, le fusing ou la peinture. Toutes ces techniques exigent à la fois de l’attention, un œil vif et des mains habiles, car un mauvais geste peut détruire l’ensemble du tableau. Je le sais avec certitude car j’ai personnellement participé à ce projet.

J’ai eu beaucoup d’impressions vives à la fois pendant mes études à l’école du vitrail et lors de l’exposition.

Chaque « Livre de verre » a laissé dans mon cœur les mêmes émotions vives que l’éclat multicolore des vitraux. Cependant, les cordes les plus profondes de mon âme ont été touchées par la peinture de Qeti. Elle m’a rappelé ma lointaine enfance heureuse : dans notre bibliothèque familiale, parmi la variété de livres, il y avait un poème Shota Rustaveli, un poète géorgien « Le chevalier à la peau de panthère ». Je me souviens d’avoir lu son épopée. Qeti a fait surgir l’écrivain avec une telle précision qu’au premier coup d’œil j’ai reconnu Shota Rustaveli. Bravo, Qeti !

Image: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

C’est toujours triste de se séparer du beau. Après cette introduction dans le monde du vitrail, nous sommes plusieurs à espérer pouvoir continuer notre apprentissage et approfondir nos connaissances.

En fin de compte, je voudrais exprimer ma profonde gratitude à toutes celles et ceux qui nous ont aidés à croire en nous-mêmes et en nos capacités. Pour nous, de tels projets sont une grande joie d’être entendus et compris, non seulement du côté de l’expression de soi créative, mais aussi sur le chemin de l’intégration sociale se transformant en un système intégral d’intérêts et d’objectifs communs. MERCI A TOUS !

 

 

Mes chers lectrices et lecteurs, j’espère que vous trouverez aussi dans ces «Livres de verre » quelque chose qui vous est propre… quelque chose qui résonnera dans votre cœur.

Tamara Akhtaeva

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




« Si j’ai quitté mon pays, c’est pour parler librement »

Jamal Bugti, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils. Photo: Voix d’Exils

Portrait de Jamal Bugti, rédacteur de Voix d’Exils

Les lecteurs et lectrices fidèles de Voix d’Exils ont probablement repéré sa signature au bas d’articles vibrants consacrés au Baloutchistan et aux violations des droits de l’homme au Pakistan. Madeline Heiniger, du Journal du Centre Suisses-Immigrés à Sion, sensible à son engagement politique, a eu l’excellente idée de lui consacrer récemment un portrait, qui a été publié dans le numéro 22 du journal paru en hiver 2018, que nous reprenons ci-dessous.

Mme Madeline Heiniger : Jamal Bugti, pouvez-vous vous présenter?

Jamal Bugti : Je viens du Baloutchistan, l’une des quatre provinces du Pakistan. Je suis en Suisse depuis 2012 et j’ai reçu un permis F qualité réfugié en juillet 2018. Toute ma famille est aujourd’hui en Afghanistan: ma femme et nos trois enfants qui ont entre douze et cinq ans, mes parents, mes frères. Ils ont été reconnus comme réfugiés par l’UNHCR, et ils pourront venir en Suisse si ce pays les accepte. Pour le moment, c’est encore difficile de les recevoir ici. Il faudrait un appartement assez grand, un travail.

Mme M.H : Quels problèmes avez-vous rencontrés dans votre pays?

J.B. : Nous avons quitté le Pakistan en raison de problèmes politiques. Je suis parti seul pour la Suisse, parce que j’étais pauvre et qu’il y avait trop de dangers pour emmener toute la famille. Ma femme était enceinte quand j’ai dû fuir. La petite ne m’a jamais vu, je lui parle au téléphone. Le Baloutchistan est une région très riche en ressources naturelles comme le gaz naturel, le charbon, etc. mais le gouvernement s’en saisit et la province reste très pauvre. On manque d’écoles, d’hôpitaux… Je faisais partie d’un mouvement qui demande l’indépendance et un retour des richesses naturelles pour la population. Mais l’armée a été envoyée, elle prend les hommes qui luttent contre le gouvernement et les fait disparaître. On retrouve parfois les corps. Notre tribu avait des revendications, mais l’armée force les gens au silence et ceux qui parlent disparaissent.

Mme M.H: Vous pourriez être tranquille, ici en Suisse, mais vous continuez votre combat politique…

J.B: Je lutte encore depuis la Suisse, bien sûr. Je participe à des manifestations à Genève, nous allons devant les Nations Unies, j’utilise Facebook. Je suis très engagé. Non… je ne peux pas être tranquille, ici, sachant ma famille là-bas. Je suis humain, j’ai le cœur avec ma femme et mes enfants, ma famille. Je vois aussi sur Facebook ce qui se passe là-bas. Les femmes manifestent dans la rue contre le gouvernement parce que leurs maris ont disparu. Ici, les médias n’en parlent pas. J’ai beaucoup d’amis là-bas et je vois leurs photos sur les réseaux sociaux. Je ne prends plus contact avec eux: comme je prends part à des manifestations ici, ce serait dangereux pour eux. Jamal Bugti montre une photo de femmes manifestant dans la rue au Baloutchistan, ainsi qu’une autre qui le touche beaucoup: c’est une fillette au regard réprobateur qui porte contre elle la photo de son papa disparu. Quand je vois ces photos, ça me touche. Si je restais tranquille ici, tout ce que je vis là ne servirait à rien. Si j’ai quitté mon pays, c’est pour pouvoir parler librement, manifester, m’adresser à l’ONU. Là-bas, je devais rester silencieux, je suis ici pour lutter. Quand ma femme et mes enfants seront ici, je pourrai être un peu tranquille. Mes frères peuvent s’occuper de mes parents. Mais ma femme et mes enfants, c’est ma responsabilité. Et la vie est difficile pour eux.

Mme M.H. : Il vous arrive de regretter d’être parti?

J.B. : Oui, parfois. Je ne savais pas que ça allait durer comme ça. Je pensais que la séparation pourrait durer, peut-être deux ans, mais pas si longtemps. J’ai fait recours pour obtenir un permis B. Mon fils me dit au téléphone: c’est quand qu’on vient chez toi, papa?

Madeline Heiniger

Article paru dans le journal du Centre Suisses-Immigrés

Pour approfondir le sujet:

Réfugiés politiques, article paru initialement dans le numéro 22 du journal du Centre Suisses-Immigrés en hiver 2018

Une révolte méconnue, article paru dans Voix d’Exils le 24 janvier 2018

Les disparitions forcées, article paru dans Voix d’Exils le 15 novembre 2018

«Nous existons pour aider les migrants à faire usage de leurs droits», article paru dans Voix d’Exils le 6 janvier 2015

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