1

Je suis clandestin, mais je suis toujours là

Auteur: Roma.

Auteur: Roma.

Témoignage

Comment devient-on clandestin après être requérant d’asile? Tout d’abord, une personne peut faire une demande d’asile en Suisse et reçoit une première réponse négative de la part de l’Office fédéral des migrations (l’ODM). Elle fait alors recours, mais sa demande est rejetée une seconde fois suivie d’une réponse négative du Tribunal administratif fédéral (TAF). Le séjour devient alors illégal et l’on passe dans la clandestinité. Mais pourquoi ne quitte-t-on pas la Suisse lorsque qu’on est clandestin ? C’est une bonne question! 

La plupart des personnes migrent généralement en Suisse pour avoir une vie meilleure. La grande majorité des familles, et même une personne seule qui a laissé sa famille derrière elle, sacrifient presque tout pour venir dans ce pays. Ils vendent tout: leur maison, leur voiture, etc. et ils n’ont plus rien.

Je vais commencer par le début de l’histoire. Une fois que l’on a réussi à se rendre en Suisse, qu’est-ce qui nous attire dans ce pays ? Qu’est-ce qui nous fait tomber amoureux de ce pays? Pourquoi les Suisses sont si intéressants pour nous? À mes yeux, les raisons principales sont qu’on traite ici tout le monde de la même manière, qu’il y a du respect mutuel, qu’il n’y a pas de corruption et que le niveau de vie est bon. Pourquoi ne voudrions-nous pas rester définitivement alors? Ça, c’est la grande question! Pour cela, il faut faire différentes choses. Mais débuter par quoi ? Tout d’abord, il faut apprendre une langue nationale. Cela commence bien. On va à l’école. Ma femme, mon fils, ma fille et moi-même, on est dans la même classe ! La vie est complètement gratuite, on a pas besoin de travailler sept jours sur sept, 15 heures par jour pour avoir un petit bout de pain.

Après avoir acquis les connaissances suffisantes d’une d’une langue nationale, j’ai commencé à me sentir petit à petit intégré. Vous pouvez me féliciter parce que j’ai alors trouvé un travail ! J’ai travaillé pendant trois ans, tout le monde était content de moi. Alors tant mieux! Franchement, je veux vous dire une chose: c’est très dur pour moi de travailler en Suisse car c’est très exigeant, mais j’ai réussi.

Puis, après quatre années de vie en Suisse, j’ai reçu une mauvaise nouvelle. Vous savez ce qui s’est passé ? J’ai dû quitter mon travail sur le champ. Pourquoi ? Alors c’est la politique Suisse. Avant de me faire arrêter mon travail, personne n’a demandé l’avis de mon patron. C’est vrai que c’était très dur de trouver un travail avec un permis N. Je ne suis pas sûr que mon patron engagera à nouveau des personnes avec ce permis après cette histoire.

Alors, grâce à cette politique Suisse, je suis là, ça fait 8 ans et sans emploi. Vous pensez que j’accuse les politiciens suisses? Mais non! Ça fait quatre ans que je ne travaille pas et je touche la même somme que lorsque je travaillais. Mais je suis confronté à un problème : depuis que l’ODM  m’a fait arrêter de travailler, je pense beaucoup, j’ai mal à la tête, j’ai presque mal partout. Alors, pour cette raison, je dois me rendre deux à trois fois par semaine chez le médecin. Franchement, je ne sais pas combien ça coûte les médicaments chaque mois, mais je n’ai pas le choix. Quand je travaillais, j’étais vraiment en bonne santé, qu’est-ce qui m’arrive depuis ? Je ne sais pas.

Aujourd’hui, ça fait huit ans que je suis en Suisse, j’ai tout ce qu’il me faut, mais je suis clandestin. Pourquoi? Parce que je n’ai pas de permis. Vous savez, la Suisse veut que je quitte le pays, mais je ne veux pas, surtout après avoir vécu huit ans ici. En toute honnêteté, je n’ai jamais croisé une personne qui voulait volontairement quitter la Suisse, sauf ceux qui franchissent les frontières pour commettre des braquages.

Je pense qu’on peut facilement faire le calcul : garder des personnes des années sans emploi ou leur donner l’autorisation de travailler. Quelle est la bonne politique? Je ne peux pas vous le dire. Mais, pour ma part, j’ai perdu l’habitude de travailler et, aujourd’hui, je ne sais pas si je pourrai réintégrer le marché de l’emploi.

Roma⃰

Contributeur externe de Voix d’Exils

⃰ Roma est un pseudo

Roma : illégal en Suisse mais reconnu comme réfugié par son pays d’origine

Roma est un homme de 40 ans originaire de la ville de Khodjaly, sise dans la région du Haut-Karabakh qui se trouve en Azerbaïdjan. La région du Haut-Karabakh est actuellement occupée par l’armée arménienne depuis 1992. Durant la nuit du 25 au 26 février 1992, les troupes arménienne ont envahi la ville de Khodjaly et ont exterminé en quelques heures 613 civils, dont 106 femmes et 83 enfants. Ce dernier affirme que son statut de réfugié est reconnu par son pays d’origine.




Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse

Logo de la campagne d'Amnesty International

Logo de la campagne « Protection, vérité et justice pour la population sri-lankais »

Amnesty International, en collaboration avec la Société pour les peuples menacés et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), a lancé la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise». Une pétition et un documentaire entendent sensibiliser la population suisse à la situation délicate dans laquelle se trouvent les réfugiés tamouls.

Quatre ans après la fin de la guerre civile entre les forces gouvernementales et les Tigres tamouls, la situation des droits humains au Sri Lanka reste alarmante. 26 ans de conflit armé ont laissé des traces profondes et la paix a un goût amer. Selon Amnesty International «Le gouvernement refuse toujours qu’une enquête indépendante soit menée sur les crimes de guerre commis par l’armée et les Tigres tamouls. Les voix critiques sont menacées, emprisonnées ou victimes de disparitions forcées.»

Soupçonnée d’entretenir des liens avec les Tigres tamouls, la communauté tamoule est la plus touchée par ces violences. C’est pourquoi les Tamouls de Suisse vivent dans la crainte d’être renvoyés au Sri Lanka. En 2011, un arrêt du Tribunal administratif fédéral prétendait que toutes les régions tamoules du Sri Lanka étaient en sécurité ce qui justifiait des expulsions. Entre temps, et au vu des risques encourus suite au renvoi et à l’arrestation de plusieurs personnes lors de leur arrivée sur le sol sri-lankais, la Suisse a provisoirement suspendu les renvois.

Mais cela ne suffit pas. Amnesty International, l’OSAR et la Société pour les peuples menacés dénoncent la violation des droits humains, l’absence d’enquête fiable sur les crimes de guerre et la situation des requérants d’asile en détresse. Ces organisations ont lancé une pétition afin que la Suisse s’engage pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants.

La campagne prévoit encore la projection d’un documentaire sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile en 2009 : « No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka » (2013). Prévue le 4 novembre à 18:30, au Casino de Montbenon, à Lausanne, la séance est gratuite et sera précédée d’un cocktail sri-lankais, occasion d’une rencontre avec la communauté sri-lankaise de Suisse romande.

Pour mieux comprendre la situation de la grande communauté sri-lankaise, composée pour la Suisse de 50’000 personnes dont 22’000 naturalisés, Voix d’Exils a interviewé David Cornut, coordinateur de campagne d’Amnesty International, et vous propose de partager l’histoire de Vignesh qui explique comment il a évité in extremis d’être renvoyé au Sri Lanka après avoir été débouté.

Interview de David Cornut, Coordinateur de la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise» d’Amnesty International

David Cornut et

Ganimete Heseti et David Cornut

Voix d’Exils : Quel est le but principal de votre campagne ?

David Cornut : Amnesty International veut dénoncer la situation qui prévaut au Sri Lanka, un pays qui viole les droits humains, est coupable de persécutions, de tortures et d’atteintes à la liberté d’expression. Pourtant, la Suisse considère le Sri Lanka comme un pays sûr. Des accords de facilitation des réadmissions entre la Suisse et le Sri Lanka sont actuellement en cours. Or, les renvois dans un pays qui n’est pas sûr sont complètement interdits par la loi suisse.

Pourtant, le gouvernement suisse a décidé de stopper l’exécution de renvois vers le Sri Lanka…

Cette mesure est provisoire et ne suffit pas. Amnesty demande que la Suisse stoppe tous les renvois sur le long terme, et pas seulement de cas en cas, tant que la situation au Sri Lanka n’est pas sûre pour tout le monde.

Comment peut-on aider la population du Sri Lanka?

Il faut faire toute la lumière sur les crimes de guerre et rendre la justice dans les deux camps : l’armée officielle et les Tigres tamouls. Grâce aux pressions politiques et économiques de la communauté internationale, qui observe en permanence le Sri Lanka, la situation de la population sri-lankaise va pouvoir changer. L’Inde, par exemple, a passé une résolution sur la violation des droits humains au Sri Lanka. Et l’inde est un partenaire important.

Quelles sont les chances de succès de votre campagne ?

L’arrêt – même provisoire – des renvois au Sri-Lanka est un premier succès. Maintenant, on a besoin que les gens signent la pétition pour la Suisse. On a besoin que les gens parlent du Sri Lanka, car le pire c’est le silence. C’est important que l’opinion publique pense au Sri Lanka autrement que comme une destination pour passer des vacances. Et aussi, pour que la population suisse sache qui sont les Tamouls.

A votre avis, quelles seront les réactions du gouvernement du Sri Lanka vis-à-vis de votre campagne ?

Il est difficile de faire des pronostics… Le gouvernement du Sri Lanka est très sensible à la critique. Il essaie de se construire une nouvelle image et il a essayé d’empêcher la projection du film «No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka» à Genève.

Propos recueillis par Lamin et Sara Pages

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Vignesh, débouté Sri-Lankais, évite in extremis d’être renvoyé de Suisse

Vignesh*, 25 ans, est un demandeur d’asile Sri-Lankais. Arrivé en Suisse en 2009, il a reçu une décision négative à sa demande d’asile à deux reprises, et aurait dû être renvoyé au Sri Lanka le 8 août dernier.

Mis sous pression, Vignesh appose sa signature pour l’obtention d’un passeport provisoire valide pour trois jours et, de manière inattendue, se voit remettre immédiatement un ticket de vol pour le 8 août avec l’ordre de se présenter à l’aéroport de Cointrin à Genève pour son rapatriement.

Lorsque le jour du vol arrive, il ne se présente pas à l’aéroport. Il se cache dans différents lieux : chez des amis, à la gare ferroviaire de Genève ou dans un arrêt de bus, ce par temps froid comme par temps chaud.

Durant la même période, deux familles renvoyées par le canton de Saint Gall sont arrêtées sur le sol sri-lankais. Suite à ces événements, le gouvernement suisse décide de geler immédiatement tous les rapatriements des ressortissants Sri-Lankais.

Vignesh prend connaissance de cette nouvelle, en parle à un avocat social, se rend au Service de la population du canton de Vaud (SPOP), et demande à nouveau l’aide d’urgence. Le SPOP refuse de répondre favorablement à sa demande, car il n’a pas été notifié de la décision de l’Office fédéral des migrations (ODM) et lui reproche de séjourner de manière illégale en Suisse à partir de la date arrêtée pour son renvoi.

Un jour plus tard, le SPOP prend contact avec son avocat pour l’informer qu’il entre en matière à propos de l’octroi de l’aide d’urgence. Ce retournement de situation est tout à fait exceptionnel par rapport à la situation des Sri-Lankais déboutés résidant en Suisse et témoigne de la force de la décision de l’ODM. A nouveau, Vignesh est logé dans l’abri de la protection civile où il séjournait auparavant et, de surcroît, il a obtenu un permis N.

Que lui serait-il arrivé s’il avait été renvoyé le jour prévu au Sri Lanka ? Le gouvernement suisse affirmait à l’époque être en mesure de conserver le contact avec les personnes renvoyées. Dans les faits, ce contrôle s’est avéré très difficile à mettre en œuvre, en particulier en dehors de Colombo, la capitale, à fortiori après que plusieurs mois se soient écoulés depuis la date du renvoi. Mentionnons également qu’une loi anti-terroriste promulguée par le gouvernement sri-lankais menace potentiellement quiconque appartenant à la diaspora sri-lankaise, dont les membres sont suspectés presque systématiquement de collaborer avec les Tigres tamouls. La suspicion concerne, en particulier, les personnes provenant de Suisse ; et celles-ci s’exposent à des peines d’emprisonnement de 12 ans au minimum.

Pour l’heure, Vignesh est satisfait de sa situation et espère pouvoir rester en Suisse. Il pense qu’il obtiendra un statut de réfugié ou que son autorisation de séjour temporaire sera prolongée sur le long terme, étant donné que la situation au Sri Lanka met en danger les populations tamoules. Il est également persuadé que le gouvernement et le peuple suisses comprennent aujourd’hui la dangerosité de la situation qui règne dans son pays.

L. et S.P.

*Nom d’emprunt

Informations

NO FIRE ZONE : LES CHAMPS DE LA MORT DU SRI LANKA, documentaire, 2013, Vo/St.fr, Callum Macrae

Affiche du film "No fire zone"

Affiche du film « No fire zone »

Présenté par Amnesty International, ce film braque les projecteurs sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile, en 2009. Le documentaire, dont les réalisateurs ont été nominés au Prix Nobel de la Paix, a provoqué une vive émotion lors de sa projection en marge du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Avec une introduction de Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse  et Namasivayam Thambipillai, conseiller communal de la ville de Lausanne.

Quand      4.11.2013

                      18h30 Cocktail sri lankais, 19h00 Film

Où               Casino de Montbenon – Salle des Fêtes

                      Allée Ernest-Ansermet 3

                      1003 Lausanne

                      m1: Vigie; m2, LEB: Lausanne-Flon; tl 3, 6, 21: Cécil

Entrée      Entrée libre – inscription préalable : info@amnesty.ch

                      Scènes choquantes, destiné à un public adulte.