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Le tragique « Rêve d’Olympe» de Samia Yusuf Omar

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles. Page de couverture.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles. Page de couverture.

Ou lorsqu’un rêve se fracasse sur les récifs de la réalité

Alors que les médias de monde entiers s’agglutinent à Rio pour suivre d’au plus près les Jeux olympiques (JO), Voix d’Exils a choisi de mettre le projecteur sur une bande dessinée qui vient de paraître et qui relate du destin tragique – et malheureusement réel – de Samia Yusuf Omar, une jeune athlète Somalienne, qui périt en mer alors qu’elle tentait de se rendre aux derniers jeux Olympiques de 2012 à Londres. L’histoire de Samia a pu être reconstituée sur la base des nombreuses publications qu’elle a posté sur sa page Facebook à l’intention de sa famille et de ses amis restés au pays durant son périple.

Cela fait à présent quatre jours que les jeux Olympiques 2016 ont débutés. Les athlètes du monde entier affluent à Rio pour se surpasser. Mais il y en a aussi un certain nombre qui n’y arriveront jamais, l’instar des précédents JO de Londres en 2012 lors desquels une athlète n’a pas pu disputer « son épreuve ». Non pas pour un retard de vol, un problème de dopage ou de claquage musculaire, mais en raison de sa quête de liberté qui lui a été fatale.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.25

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.25

Le rêve d’une adolescente sportive

L’histoire relatée dans « Rêves d’Olympe » nous projette dans les jeux Olympiques de Pékin de 2008. La jeune coureuse Samia Yusuf Omar, alors âgée de 17 ans, représente son pays – la Somalie – aux épreuves éliminatoires du 200 mètres féminin. Bien qu’elle n’arrive qu’en dernière place de la course, elle bat néanmoins son propre record ce qui lui vaut des généreuses ovations du public. De retour en Somalie, sa famille et ses amis viennent l’accueillir à l’aéroport de Mogadiscio comme une vraie championne et font la fête jusque tard la nuit. Ce soir-là, elle retrouve ses copines et elles parlent de sujets et d’autres mais aussi du futur. C’est alors que Samia se met pour la première fois à rêver des Jeux Olympiques de Londres de 2012.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.22

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.22

Braver les interdits

Ce qu’elle venait de vivre à Pékin la remplissait de courage, voyant son échec comme une motivation supplémentaire pour s’entrainer encore plus dur pour se dépasser. Or, dans les pays musulmans où l’on pratique la Charia – ce qui est le cas de la Somalie – s’entrainer correctement est impossible car les Al-Shabbaab – les fondamentalistes musulmans – n’autorisent pas les femmes pratiquer des activités sportives. Bon gré malgré, elle décide de faire fi de ces règles liberticides et c’est alors que Samia se retrouve à jouer cache-cache avec des miliciens d’Al-Shebbaab qui patrouillent dans les rues de Mogadiscio avec la peur au ventre, ne sachant si elle rentrerait vivante à la maison. Malgré les interdits et les menaces de mort qu’elle reçoit sur son portable, Samia multiplie les entrainements sur une piste truffée de mini-cratères creusés par les bombes et réussit à améliorer son temps sur le 200 mètres.

Un beau jour, un membre du ministère du sport lui propose de représenter la Somalie aux Jeux Olympiques de Londres sans passer par la qualification et de rejoindre ainsi directement l’équipe nationale qui se trouve à Addis Abeba, la capital de l’Ethiopie. Tante Mariam vient la chercher à l’aéroport.

A l’entrainement avec l’équipe nationale, la jeune femme était loin d’être dans sa meilleure forme physique pour les JO de l’avis de son entraineur. De plus, en Somalie, il faut les bons appuis pour évoluer…Son autorisation n’est alors pas reconduite et les autorités Ethiopiennes refusent de prolonger la validité de ses papiers.

Le commencement d’une périlleuse odyssée

C’est alors que débute son calvaire clandestin. Nous sommes au mois de juillet 2011 et il ne reste qu’un an avant le début des JO de Londres. La jeune femme, alors à peine âgée de 20 ans, décide de s’aventurer sur la route périlleuse de l’immigration clandestine pour rejoindre l’Europe. Elle quitte Addis Abeba en bus avec sa tante Mariam qui se joint à elle dans son périple. Arrivées à la frontière, elles se font déjà arrêter par la police faute de papiers valables. Mais Samia parvient néanmoins à s’échapper alors que sa tante est renvoyée à Addis Abeba.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.55

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.55

Samia arrive donc seule au rendez-vous du passeur. Ce dernier est un horrible personnage arrogant qui lui demande d’aller rejoindre le groupe assis par terre dans l’attente de recevoir ses ordres. Après une demi-journée de marche dans le désert sous un soleil de plomb, le groupe rejoint un camion qui ressemble à une espèce de container à marchandise qui est surchargé de voyageurs assoiffés et affamés et qui les conduit jusqu’à Khartoum, la capitale du Soudan. Elle passe plusieurs jours à Khartoum dans un camp et, avec l’aide de membres de sa communauté sur place, elle trouve un autre passeur. Ce dernier leur annonce qu’il y a un véhicule qui partira pour Tripoli, la capital de la Lybie. Sur la route, ils se font braquer et dépouiller de tous leurs biens et, pour s’en sortir, elle doit  s’acquitter d’une somme conséquente. Elle demande alors l’aide de sa sœur qui vit en Finlande et qui lui achemine l’argent par le biais d’une agence. En échange, elle promet de la rembourser une fois installée en Europe.

Illustration: Georgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

Illustration: Georgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

La route de tous les dangers

A peine sortie de prison, elle entame une longue marche. La jeune athlète arrive dans un camp de réfugiés situé dans la capitale libyenne Tripoli où elle rencontre des membres de sa communauté. Les jeux olympiques sont dans 6 mois, il lui faut se dépêcher d’arriver en Europe. La première tentative de traversée par bateau en Italie échoue. Dans la nuit, ils se font arrêter par les garde-côtes libyens et Samia est renvoyée en prison. A sa sortie, elle retourne au camp où elle se trouvait au départ et, dans la nuit, elle entend une voix l’appeler « Samia »… « Samia » ! Et là, ce fut un moment de joie extraordinaire car c’était tante Miriam qui l’avait retrouvée par hasard. Toutes les deux allèrent trouver le passeur qui leur demande une somme exorbitante qu’elle doit recevoir encore de sa sœur de Finlande pour financer le voyage.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.108

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.108

Cette nuit-là le calme règne dans le camp et, soudain, retentit l’appel. C’est l’heure de se rendre sur la plage mais le bateau pneumatique à moteur est trop petit pour le nombre de voyageurs, et plusieurs personnes refusent d’embarquer. Or, plus moyens de faire marche arrière! Les passeurs sont nerveux avec leurs armes à la main et ils les obligent coûte que coûte à monter dans l’embarcation dans laquelle se trouvaient des hommes, des femmes et aussi des enfants. L’histoire nous dit que personne n’arriva jamais en Italie.

Rendons hommage à Samia Yusuf Omar, à sa tante Miriam, à toutes les personnes qui se trouvaient dans ce bateau qui a chaviré, mais aussi aux 3000 migrants qui, en quête d’une vie meilleure, se sont noyés en Méditerranée depuis janvier 2016.

 Niangu Nginamau

 Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Une équipe composée d’athlètes réfugiés participe aux Jeux olympique de Rio

Peut-être que le périple tragique de Yusuf Omar a inspiré le Comité International Olympique qui a formé, pour la première fois, une délégation spéciale regroupant une dizaine d’athlètes frappés par la crise mondiale des réfugiés pour participer aux jeux de Rio 2016. Cette équipe internationale, portant le drapeau Olympique, contribue à faire reconnaître la problématique de la migration forcée comme un fléau d’envergure mondial qui n’est que l’expression de l’instabilité du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Un problème global qui nécessite de toute urgence une réponse coordonnée de l’ensemble de la communauté internationale!

N.N.

Infos

Source : « Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles

Pour commander « Rêve d’Olympe » cliquer ici

 




Une traversée funeste

Un jeune homme traversant clandestinement la méditerranée en 2009. Photo exclusive: Voix d'Exils.

Un jeune homme traversant clandestinement la Méditerranée en 2009. Photo exclusive: Voix d’Exils.

J’étais un peu seul pendant les vacances d’été, c’est la raison pour laquelle j’ai pu suivre les Jeux Olympiques de Londres, de la cérémonie d’ouverture jusqu’à leur clôture. Les Jeux de Londres allaient rester un souvenir mémorable, si ce n’est que quelques jours après la cérémonie de clôture, j’ai appris que le rêve d’une athlète somalienne , Samia Yusuf Omar, s’était arrêté en mer Méditerranée. 

Je dois avouer que je suis seulement venu à connaître Samia après l’annonce de sa mort tragique en mer Méditerranée, lors de sa tentative de rejoindre l’Europe, et Londres en particulier, pour représenter son pays à l’occasion des Jeux Olympiques. Je me demande si elle aurait pu participer, ou si elle aurait même pu s’en sortir avec les questions d’immigration. Les ambitions du sport expliquent non seulement le courage de Samia de la Somalie, un pays déchiré par la guerre, mais aussi son envie de survivre!
Depuis que le printemps arabe a éclaté au début de l’année 2011 en Afrique du Nord, le monde porte davantage d’intérêt aux accidents qui ont lieu lors des traversées de migrants en mer Méditerranée. Pendant que les italiens et les français se disputent de la manière dont ils vont se partager le fardeau des réfugiés, la préoccupation majeure des refugiés est la lutte désespérée qu’ils mènent pour survivre. Les réfugiés n’hésitent pas à entreprendre des voyages dangereux, dans des bateaux surchargés, et à courir le risque de se noyer en mer. Plus je m’informe sur le sort des clandestins qui traversent la mer, plus grand est mon étonnement et mon chagrin d’apprendre qu’en moyenne 1500 personnes se noient par an dans leurs tentatives de rejoindre l’Europe en traversant la mer Méditerranée. Ceci fait de ces eaux les pires du monde, avec le plus grand nombre de morts par an. Quelques médias soupçonnent que leur nombre pourrait être même doublé, car il y a beaucoup d’embarcations qui disparaissent sans que le nombre de personnes à bord ne soit enregistré.
Quand je suis arrivé en Suisse, en août 2011, j’ai rencontré un jeune homme du nom d’Abu, qui m’a donné plus de détails à propos des dangers encourus lors de la traversée de la mer Méditerranée. Abu a 25 ans, il est célibataire et originaire du Nigeria, où il travaillait dans une imprimerie avant de rencontrer les problèmes qui l’ont forcé à quitter son pays. Il m’a parlé des détails terrifiants de son voyage, qui l’a mené du Nigeria au Maroc et puis sa traversée de la mer Méditerranée pour l’Europe.
Le voyage d’Abu a commencé avec la traversée du désert de Sahara. Il m’a dit comment le groupe de huit personnes, dont il faisait partie, s’est réduit au fur et à mesure du voyage, par la mort des uns et des autres en raison du sable du désert et de la déshydratation. Ils avaient commencé leur périple en recourant aux services d’un gang qui avait un véhicule tout-terrain, une Land Rover Defender, qui devait leur permettre de traverser le Sahara. Ils avaient de l’eau et d’autres provisions nécessaires et la destination initiale était le Maroc, où ils espéraient trouver des réseaux de passeurs afin de regagner l’Europe par voie navale.

Perdu au milieu du désert du Sahara

Après une traversée de plusieurs centaines de kilomètres, lors de laquelle ils avaient probablement traversé

Le désert du Sahara. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

Le désert du Sahara. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

un quart du désert du Sahara, la voiture est tombée en panne. Après plusieurs manœuvres pour réparer le moteur, les passeurs ont demandé aux réfugiés de sortir de la voiture, pour voir si celle-ci pouvait être poussée avec moins de charges. Une fois que la voiture a redémarré, les passeurs sont partis, emportant avec eux les milliers de dollars qu’avaient payé les voyageurs et, surtout, en abandonnant les réfugiés en pleine désert du Sahara. C’était le début de l’horreur. Les 6 hommes et les 2 filles affaiblis, qui composaient le groupe, venaient tout juste de se rendre compte qu’ils avaient été dupés et qu’ils étaient condamnés à une mort certaine en y passant un par un.
Après quatre jours de marche (d’habitude pendant les nuits, pour éviter le soleil insupportable de la journée dans le désert), seulement 3 personnes étaient toujours vivantes. Ils avaient survécu en buvant leur urine et avaient strictement rationné la nourriture. Parmi eux, l’on comptait une fille, Abu et un autre homme. C’était pendant la nuit du quatrième jour qu’ils ont été sauvés par une patrouille de gardes-frontières marocains. Fatigués, déshydratés, avec des corps squelétiques, ils ont étés immédiatement admis dans un centre de la Croix-Rouge pour y recevoir une assistance médicale d’urgence. La fille avait par la suite perdu la tête, car parmi les morts du groupe figuraient son frère et son petit ami.

Perdu en mer

Abu s’est remit du traumatisme du désert et a passé deux années difficiles de sa vie au Maroc : dormant dans les rues d’un port, vivant de la mendicité et de petits boulots au noir, en espérant un jour réunir la somme d’argent exigée par les passeurs qui organisent les voyages clandestins en bateau pour l’Espagne.

Un jeune homme du Kurdistan traversant clandestinement la Méditerranée. Photo exclusive: Voix d'Exils

Un jeune homme du Kurdistan traversant clandestinement la Méditerranée. Photo exclusive: Voix d’Exils

Après avoir essuyé plusieurs refus, du fait qu’il ne disposait pas de la somme requise par les passeurs qui organisent des voyages clandestins en Espagne, la chance finit par sourire à Abu. Le leader du gang lui dit : « Je te prends dans mon bateau, parce que j’éprouve de la pitié pour toi. Tu aurais dû retourner dans ton pays, mais je sais que tu ne peux pas traverser le désert à nouveau. Convenons d’une chose : en cas d’ennuis en mer et si nous devions jeter des bagages du bateau, tu seras le premier à être jeté par-dessus bord, parce que tu as payé très peu d’argent pour la traversée. Abu promet à l’homme qu’il sauterait dans l’eau volontairement, avant même d’être jeté par-dessus bord pour leur éviter des ennuis. Le voyage était prévu pour durer 15 heures, si tout se passait comme prévu.
Juste la vue du bateau a suscité les premières craintes d’Abu, car le bateau était surchargé. Ils ont levé l’encre en début d’après-midi avec 70 personnes à bord. Parmi les réfugiés se trouvait un pasteur, qui a commencé à prier et à rassurer les passagers de la protection de Dieu, qui étaient tous apeurés. Après quoi, chacun a commencé à prier dans sa propre langue. Ils savaient tous que des milliers de personnes étaient mortes dans cette mer lors de leur tentative de la traverser pour rejoindre l’Europe.

Les premières heures du voyage se sont déroulées tranquillement, à part les sanglots d’enfants ainsi que le hurlement constant du moteur du bateau. La majorité des femmes avaient des enfants, et certains avaient été conçus suite à des viols au Maroc ou d’autres endroits où elles étaient passées sur la route de l’Europe. Il y a aussi les gangs qui utilisent les filles désespérées comme des esclaves sexuels, en les forçant à se prostituer et certaines finissent par tomber enceinte.
C’était tard dans la nuit, la mer était sombre comme les ténèbres, des étoiles brillaient dans le ciel quand, soudain, le moteur s’arrêta, créant une panique dans le bateau! Après plusieurs tentatives pour réparer le moteur, en vain, Abu a pensé que son heure de plonger volontairement dans la Méditerranée était venue. Le capitaine a ordonné que tous les bagages soient jetés dans l’eau, tout en continuant à essayer de réparer le moteur. Entre temps, les passagers criaient désespérément, dans l’attente d’une mort possible.
Les passeurs comptent toujours sur deux choses : la boussole et la patrouille espagnole. Il y a un point dans l’océan où le réseau téléphonique est coupé. Les passeurs ont d’habitude de prendre avec eux deux téléphones : un pour le réseau marocain et un autre pour le réseau espagnol.
Mais, manque de chance, le moteur est tombé en panne à l’endroit où ni le Maroc et ni l’Espagne ne pouvaientt être atteints. L’option pour l’Espagne est toujours la meilleure, parce que s’ils peuvent appeler les services espagnols de secours, cela signifie qu’ils sont déjà dans les eaux espagnoles, et donc sur le territoire espagnol. Malheureusement, ils étaient ni du côté marocain, et encore moins du côté espagnol.
Trois heures plus tard, alors que l’embarcation sombrait dans la mer, ils sont repérés par une patrouille espagnole, héliportés puis enregistrés en Espagne comme refugiés. Cinq mois dans une  Espagne frappée par la crise économique ont une fois de plus transformé Abu en mendiant, comme il avait été au Maroc.

La désagréable surprise de l’Europe

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

Tandis qu’Abu relatait cette histoire, il n’était plus en Espagne mais en Suisse. Un jeune homme intelligent aux bords de la dépression, car l’Europe lui avait réservé une surprise désagréable, comme à beaucoup d’autres immigrés africains qui vivaient en Espagne dans des conditions  inhumaines,  dans des maisons abandonnées, et ainsi de suite. En terminant son histoire, n’étant pas sûr de son destin dans le pays alpin où il s’était déplacé, fuyant les difficultés de l’Espagne, il m’a demandé : « Marcus, penses-tu que c’est normal que tous les africains passent par ces difficultés juste pour aller en Europe? » Je lui ai répondu : « Certains n’ont aucun choix, que de fuir, peu importe où ». Il se mit à pleurer, murmurant comment il avait gaspillé trois années de sa jeunesse. Abu a été finalement arrêté, puis expulsé en Espagne, en raison de la Convention de Dublin, car il avait déjà sollicité l’asile en Espagne. Quand j’ai appris son arrestation, les larmes ont commencé à couler sur mes joues. La question qui m’est venue à l’esprit est: qui  doit être blâmé pour tout ça? Les guerres ? La pauvreté ? Les violations massives des droits de l’homme qui amènent des milliers de réfugiés à fuir? Soudain, j’ai cessé de réfléchir à cela, parce que je me suis rappelé la citation de Luc dans la Bible: « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugé. Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamné. Pardonnez, et vous serez pardonné ».

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Traduction de l’anglais de l’article original publié sur Voix d’Exils le 15.01.2013:

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Crossing death

The cross of the Mediterranean sea in 2009 by a young man from Kurdistan. Exclusive pictures taken by Voix d'Exils.

A young man from Kurdistan is crossing the Mediterranean sea in 2009. Exclusive photo: Voix d’Exils.

I was a little bit lonely during the summer holidays, and maybe that’s why I was able to follow the London Olympics Games, from the opening ceremony up to the closing. The London Games were going to remain perfect in my mind, if not for the fact that a few days after the closure, I learned that the dream of a Somali athlete, Samia Yusuf Omar, had ended in the Mediterranean sea.

I must confess that I only came to know Samia through the report of her death, when she died in the sea trying to make her way to Europe, and London in particular to represent her country in the Olympic Games. I wonder if she would have been able to participate, or if she would have even struggled with immigration issues? The courage of Samia from Somalia, a country torn by war, is not only explained by sport’s ambitions but also her sense of survival!

Since the Arab spring erupted in early 2011 in North Africa, the world carries more interest in crossing accidents in the Mediterranean sea. As the Italians and the French were arguing on how they should share the refugee burden, to me, the major interest was the way people, in their quest for survival, undertake hazardous journeys, board over crowded boats, with great risks of drowning and most end up losing their lives, drowningt in the dark waters of the sea. The more I tried to read about the sea deaths, the more I was surprised as I learned that on average of 1500 people drown per year as they try to cross from Africa to Europe. This makes these waters, the worst of the world, with the biggest number of dead people annually. Some media suspect that the number might even be doubled since there are many boats that disappear with no recorded number of people on board.
When I reached Switzerland, in August 2011, I met a young man called Abu, who gave me more details about the dangers of crossing the Mediterranean sea. Abu was 25 years old, single, and is originated from Nigeria where he was working in Printing and Press before facing problems that forced him to leave his country. He told me horrific details of his journey, from Nigeria to Morocco, and then later crossing to Europe.
Abu’s journey started with the crossing of the hot Sahara desert. He told me how the group of eight people he was part of kept reducing with deaths due to sand and dehydration. They had started off by hiring the services of a gang who had a speedy Land Rover Defender vehicle, which enabled them to cross the Sahara. They had water and other necessities and the initial destination was Morroco, where they could find the boat connection services to Europe.

Lost in the middle of the Sahara desert

Le Sahara et ses dunes à perte de vue. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

The Sahara desert. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

After driving for several hundred kilometers, possibly a quarter of the desert, the car broke down. After several manoeuvres to repair the engine, the refugees were told to get out to see if the car could be pushed to start again with less load. The pushing succeeded and the car started. But yes, it was the beginning of the horror, as the two transporters just sped back leaving the refugees stranded more than a hundreds of kilometres inside the desert. They had been robbed of thousands of dollars, which they had paid to be transported to Morocco. Well, food and water had also been removed to reduce the weight in the car. The poor 6 men and 2 girls just realised that they had been conned to their death as they were to later die one by one.

After four days of walking (usually during the nights, to avoid the unbearable sun in the desert), only 3 people were still alive. They had been surviving by drinking their urine and strictly rationed food. Among them was one girl, Abu and another boy. Its was during the night of the fourth day that they were rescued by patrolling moroccan border guards with barely tired, dehydrated, with now skeletal bodies. They were immediately rushed to the Red Cross facility for intensive medical attention to recover from hard beatings of the Sahara. The girl was to later lose her mind, as among those who had died on the way was her brother and her boy friend.

Lost in no man’s water sea
Abu did recover from the desert trauma, and spent two years of hard life: sleeping on the streets of  a maroccan port, begging money to survive, and doing odd jobs on the black market; hoping one day he would get enough money to pay the boat to Spain illegally organised by gangs in Morocco.

Traversée de la Méditerranée en 2009 par un Kurde âgé de 25 ans. Photo exclusive de Voix d'Exils.

A young man from Kurdistan is crossing the Mediterranean sea in 2009. Exclusive photo: Voix d’Exils

After being rejected several times by the gangs which organise clandestine journeys to Spain, for lack of sufficient money, a gang leader he had approached fifteen times during his two years in Morrocco, finally felt sorry for him. The gang leader told him, “I am taking you on my boat because I feel pity for you. You should have tried to go back to your country, but I know you cannot cross the desert again. Lets agree on one thing: in case of trouble in  the sea and  if we need to throw things off the boat, you will be the one to be thrown out first, because you have paid the least”. Abu promised the man that he would jump into the water  voluntarily before being thrown out in the case of trouble.

The journey was expected to take 15 hours if all factors remained constant. First, the boat raised with Abu’s fear as it was fully packed. They started off in the afternoon with 70 people on board. Among the refugees was a pastor, who started to pray and assured the trembling travellers of God’s protection and then each one started to pray in his or her own language. They all knew that thousands had died in that sea in their attempt to cross to Europe.

The journey started with hours of quietness but for the sobbing of children also present and the constant roar of the boat engine. The majority of women had children, and some had conceived as a result of rape in Morocco or other places where they had passed on their way to Europe. There are gangs who use the desperate girls as sex slaves forcing them into prostitution and some end up getting pregnant.

It was late at night, the sea was dark as hell, in sight of stars in the sky, then fear erupted because suddenly the engine stopped ! After several attempts to re-start the engine in vain, Abu thought that his time of voluntary plunge into the Mediterranean had arrived. The captain ordered all the luggage to be thrown into the water but, in the meantime, he attempted to fix his engine with cries filling the air from the  boat’s occupants as they waited for their death.
These transporters always rely on 2 things, the compass and the spanish coastal patrol. There is a point in the ocean where the telephone network is cut out. The transporters usually have two phones, one for Moroccan network and another for Spanish connection.

The engine died unfortunately where neither Morocco nor Spain could be reached via telephone. The option for Spain is always the best, because if they can call the Spanish rescue services, it means that they are already in Spanish waters, thus Spanish territory. Unfortunately, this time, they belonged to no man’s waters.

They had been spotted by the patrol chopper after 3 hours of floating waiting for their final minutes of drowning. The chopper called the vessel and they were officially registered in Spain as refugees. 5 months in economic stricken Spain turned Abu into a beggar again, like he had been in Morocco.

The unpleasant surprise of Europe

While Abu was narrating this story, he was no longer in Spain but in Switzerland. A young intelligent man now getting depressed, because Europe had given him an unpleasant surprise, like many other African immigrants who were living in Spain : living in very inhumane condition in deserted houses, and so on.

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

The Alps. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

As he concluded his tale and no more sure of his fate in the Alpine country where he had moved from the suffering of Spain, he asked me: “Marcus, do you think it is worthy for all the fellow Africans to go through these difficulties to make it way to Europe?” I answered him: “ Some have no choice, but to run wherever they can”. He then broke down and cried, murmuring how he has wasted 3 years of his youth.

Abu was later arrested and deported to Spain, because of the Dublin Regulation, as he had already applied for asylum in Spain. When I was told of his arrest, tears came down my cheeks. The question that came to my mind was: who is to blame of all this? The wars? Poverty? The gross abuse of human rights that lead to thousands of refugees? But then, I stopped thinking because I recalled the biblical quote of Luke, that goes: “Do not judge, and you will not be judged. Do not condemn, and you will not be condemned. Forgive, and you will be forgiven”.

La traduction française de ce témoignage paraîtra prochainement sur Voix d’Exils

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils