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A quoi ressemble le quotidien des requérants vivant en foyer ?

Zahra Ahmadiyan devant le foyer de Sainte-Croix
Photo: Voix d’Exils

« Le manque d’intimité, c’est le plus difficile à supporter ! »

À son arrivée en Suisse, notre rédactrice iranienne Zahra découvre les difficultés de la vie en foyer. Seule, désorientée, elle va lutter pour acquérir les codes de cet univers inconnu qui heurte sa sensibilité mais lui réserve aussi de beaux moments de solidarité. Son témoignage.

« J’ai d’abord été hébergée dans le Centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe, dans le canton de Vaud. A la réception, un homme m’a demandé de remplir une fiche traduite en farsi, ma langue maternelle, avec les informations habituelles : nom, prénom, date de naissance, langues… Une femme m’a ensuite fouillée de la tête aux pieds et a contrôlé mon sac à dos.

Puis, j’ai attendu, assise sur un banc, sans que personne ne s’occupe de moi ou ne me donne une quelconque explication. J’étais tétanisée à l’idée qu’on me renvoie en Iran. Après une demi-heure, un homme est venu me chercher, m’a accompagnée jusqu’à la chambre qui m’avait été attribuée et m’a donné une couverture, un oreiller et des articles de toilette.

Dans la chambre, il y avait six lits superposés, et cinq femmes de plusieurs nationalités qui me regardaient. Leurs visages me semblaient étranges… J’avais 24 ans, et c’était la première fois que je quittais mon pays. Je n’avais jamais vu de peau noire, de cheveux aussi blonds, d’yeux bridés, même leurs habits étaient bizarres… Tout dans ce Centre était nouveau et désécurisant. J’ai éclaté en sanglots.

Par chance, deux jeunes Afghanes qui parlaient le dari, une langue proche du farsi, m’ont servi de guides et ont partagé leur repas avec moi. Elles m’ont aussi appris que plusieurs rumeurs circulaient dans le Centre. Par exemple, certains migrants pensaient que les petits capteurs anti-incendie installés dans toutes les chambres étaient en fait des caméras qui nous espionnaient. Moi, je n’y ai pas cru une seconde et j’en ris encore quand j’y repense aujourd’hui !

La peur d’être expulsée

Le lit collé au mien était occupé par une vieille femme malade qui toussait sur moi et s’essuyait le nez avec ma couverture. Elle se levait au milieu de la nuit, déroulait un petit tapis et faisait ses prières. J’étais très énervée contre elle, car elle m’empêchait de dormir.

On avait toutes et tous un espace personnel dans l’armoire disponible dans chaque chambre, mais on ne pouvait rien mettre sous clé. Les Securitas avaient le droit de fouiller en tout temps les armoires pour vérifier qu’on n’y cachait pas des marchandises interdites. Parfois, les migrants se volaient des affaires entre eux.

Le matin, on déjeunait rapidement entre 7h00 et 7h30 au réfectoire. C’était bon, il y avait du pain, du beurre, de la confiture, des cornflakes, du lait, du thé et du café. Le midi et le soir, il y avait aussi des horaires stricts à respecter. A tous les repas, des Securitas surveillaient que personne n’emporte un fruit ou du pain pour aller les manger ailleurs ou les apporter à quelqu’un.

On recevait 21 francs par semaine pour nos achats personnels : cigarettes, friandises, produits de toilette, etc. Mais on avait l’interdiction de ramener de la nourriture au Centre.

Après 13 jours à Vallorbe, j’ai été transférée dans un foyer de l’Établissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM) à Sainte-Croix. J’ai quitté le Centre à 8h30 et je suis arrivée à ma nouvelle adresse 12 heures plus tard complètement épuisée car j’avais passé la journée à prendre des trains, des bus, à marcher, à me perdre…

Lorsque je suis arrivée à mon premier rendez-vous, au Service de la population (SPOP) à Lausanne, j’ai croisé dans la salle d’attente des Afghans qui m’ont dit « Ici c’est le Centre de renvoi ! » J’ai pensé qu’on allait m’expulser et j’ai beaucoup pleuré. Finalement, on m’a donné des papiers d’identité et on m’a demandé de passer à un bureau de l’EVAM situé à l’autre bout de la ville.

Quand j’ai enfin trouvé cette nouvelle adresse, c’était pour qu’on m’explique que je devais traverser tout le canton pour rejoindre le foyer de Sainte-Croix. Quelle journée horrible ! Je me sentais complètement perdue, j’avais peur et je n’avais mangé qu’un biscuit et bu un peu de thé de toute la journée.

Des tensions entre requérants

A mon arrivée au foyer de Sainte-Croix, on m’a fourni un matelas, des draps, un oreiller et des ustensiles de cuisine, puis on m’a conduite jusqu’à ma chambre. Elle était occupée par trois femmes.

En me promenant pour faire connaissance avec mon nouvel environnement, j’ai vu que l’évier de la cuisine était bouché par des eaux usées et des déchets. Les toilettes et les salles de bain aussi étaient sales. J’ai découvert par la suite que les espaces publics du foyer étaient correctement entretenus au quotidien, mais la propreté ne durait pas longtemps. Chaque jour, il y avait des disputes parce que certains migrants qui avaient sali la cuisine ou les salles de bains ne voulaient pas les nettoyer et cela créait beaucoup de tensions entre nous.

Le jour de mon arrivée, je n’avais qu’une envie c’était de quitter ce foyer, j’avais le ventre vide et j’ai commencé à pleurer. Heureusement, une jeune Afghane qui habitait là depuis quelque temps a eu pitié de moi et m’a invitée à partager son repas.

Contrairement à Vallorbe, il n’y avait pas de réfectoire à Sainte-Croix. En soi, c’était plutôt une bonne chose, car ça nous occupait de faire les courses et de préparer à manger. Et c’était aussi agréable de pouvoir préparer des plats de notre pays natal. Mais, avec une seule cuisinière pour 19 personnes c’était compliqué, et puis il fallait aussi trouver une place pour manger à la petite table disponible dans chaque chambre.

Le studio, oasis de tranquillité et de paix

Une de mes trois voisines de chambre passait l’essentiel de son temps sur son lit en compagnie de son copain. Ils discutaient, écoutaient de la musique, mangeaient ensemble. Parfois, elle invitait d’autre filles et garçons à venir les rejoindre. Ils occupaient tout l’espace et faisaient beaucoup de bruit, je ne pouvais pas changer d’habits ou me reposer, sans compter que le manque d’intimité me rendait dingue !

Le règlement interdisait d’amener des hommes dans la chambre, et je me suis plainte à plusieurs reprises auprès de mon assistante sociale qui, à chaque fois, a demandé à un Securitas de passer et de mettre les intrus à la porte. Le Securitas faisait le travail et ma chambre retrouvait un peu de calme pendant deux ou trois jours, mais après le cirque recommençait.

Parfois, ma voisine sortait le soir pour rejoindre son copain à l’extérieur. Quand elle revenait, elle nous réveillait en faisant du bruit et en allumant la lampe. Elle s’excusait en riant…

Après une année et deux mois de vie au foyer, j’ai enfin emménagé dans un petit studio à Grandson. J’y ai découvert le bonheur de me reposer, me laver, me préparer à manger dans un environnement sain et paisible ! »

Zahra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« En Suisse, je me sens valorisée et acceptée »

Source: pixabay.com

La culture de l’encouragement

Lorsqu’elle dépose sa demande d’asile en Suisse, il y a cinq ans, Zahra découvre progressivement ce qu’on pourrait définir comme la culture de l’encouragement. A son grand étonnement, plutôt que de relever son ignorance des us et coutumes locaux, ses différents interlocuteurs répondent à sa curiosité, la soutiennent dans ses démarches et la félicitent pour ses progrès. Malgré son statut précaire – elle est à l’aide d’urgence -, la jeune Kurde veut croire qu’elle a un avenir possible dans ce pays où elle se sent bien.

Elle a souhaité partager avec les lecteurs et lectrices de Voix d’Exils quelques expériences marquantes et dire sa reconnaissance aux personnes qui l’ont aidée depuis son arrivée sur le sol helvétique.

En Iran, on échange beaucoup de critiques et peu de compliments

« En 2016, j’habitais dans le foyer d’accueil des migrants de Sainte-Croix, dans le canton de Vaud. Grâce à l’aide d’un groupe de bénévoles qui venaient trois soirs par semaine nous donner des cours, j’ai appris le vocabulaire de base pour me débrouiller dans la vie quotidienne.

Un jour, j’ai reçu un courrier pour un rendez-vous médical mais sans précision de l’adresse. J’ai croisé mon assistante sociale dans les corridors et je lui ai demandé si elle pouvait m’aider. Pascal, le responsable du foyer qui passait par là, m’a entendue et il a pris la peine de s’arrêter pour me complimenter sur mes progrès en français.

J’ai été très surprise par la façon chaleureuse et encourageante dont il s’est adressé à moi. D’ailleurs, des années plus tard, je m’en souviens comme si c’était hier… Pour que vous compreniez ma réaction, je dois préciser que dans mon pays d’origine, ça ne se passe pas du tout comme ça. Les relations interpersonnelles sont plutôt rugueuses, et les compliments sont très rares contrairement aux critiques qui sont faites pour un oui ou pour un non.

En Suisse, mon handicap n’a pas été une barrière

Avant d’arriver à Sainte-Croix, j’avais été hébergée pendant deux semaines dans le foyer de Vallorbe. Je venais d’arriver en Suisse, et je découvrais une nourriture dont le goût, la préparation, les couleurs étaient très différents de la nourriture que j’avais l’habitude de manger en Iran. Comme le domaine culinaire m’a toujours beaucoup intéressée, j’ai cherché des informations sur Internet et j’ai aussi posé des questions aux cuisiniers du foyer pour connaître les recettes et les ingrédients des plats qui nous étaient proposés. Ils ont répondu à ma curiosité avec une patience et une gentillesse qui m’ont beaucoup touchée.

Par la suite, je me suis inscrite dans le Programme cuisine proposé aux migrant.e.s par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM). J’avais peur de ne pas être acceptée, parce que j’ai une main handicapée à laquelle il manque des doigts. Mais j’ai été rapidement rassurée, mon handicap ne constituait pas une barrière pour la réalisation de mon projet qui était d’obtenir le certificat d’aide en cuisine. J’ai fait une semaine de stage préliminaire dans le self-service de l’EVAM à Lausanne et tout s’est très bien passée. Là encore, personne ne m’a fait de remarques désobligeantes, et personne n’a mis en doute mes capacités à travailler en cuisine.

A la fin de ma formation, avant d’obtenir mon certificat, j’ai fait un mois de stage à la Fondation Mère Sophia, à Lausanne. Avec une petite équipe de bénévoles, nous préparions la soupe que nous servions tous les soirs, dans la grande salle de la fondation, aux personnes dans le besoin. J’épluchais et je coupais les légumes, le travail était simple et se faisait dans une très bonne ambiance. Les bénévoles m’ont tout de suite adoptée et j’ai pu prolonger le stage d’un mois. J’aurais bien voulu continuer, mais l’expérience s’est ensuite arrêtée parce que mon statut – je suis à l’aide d’urgence -, ne me donne pas le droit de travailler.

J’ai été rassurée sur mes compétences

Je suis une jeune femme célibataire qui – comme beaucoup de migrant.e.s – vit seule, loin de sa famille. Mes parents et une de mes sœurs sont restés en Iran. Mon autre sœur habite en Suisse alémanique, dans le canton d’Argovie, mais je la vois seulement deux-trois fois par année, car le train coûte très cher et j’ai un tout petit budget.

Cet isolement est difficile à supporter. Comme tout le monde, j’ai besoin de contacts humains pour préserver mon équilibre, j’essaie aussi d’avoir des objectifs, un but à atteindre. J’ai l’espoir de voir ma demande d’asile évoluer. Je rêve d’obtenir le permis B et de pouvoir enfin travailler dans mon domaine de formation qui est la comptabilité.

En attendant, et pour ne pas rester les bras croisés après mon passage en cuisine, je me suis intéressée à une autre activité proposée par l’EVAM : le Programme Cybercafé. Ma mission consistait à gérer de façon presque autonome le relais internet destiné prioritairement aux migrants hébergés dans le foyer de Sainte-Croix. Malheureusement, un mois après mes débuts dans ce programme, le Cybercafé a été fermé pour cause de Covid…

Que faire ? J’ai alors été orientée vers le Programme Voix d’Exils. Omar, mon responsable, m’a proposé d’écrire des articles pour le site Voix d’Exils. Le premier jour, je n’avais aucun sujet d’article à proposer. Pour moi, qui vient de la comptabilité, c’était un exercice très difficile. J’étais très stressée et déçue, j’étais sûre que Omar allait me dire que je n’avais pas les compétences nécessaires et que je ne pouvais pas rester. Mais, à ma grande surprise, il m’a rassurée, il m’a dit qu’on allait en parler avec Afif, le deuxième responsable du programme. Les deux ont pris le temps de m’expliquer à nouveau quel était mon rôle et ce qu’ils attendaient de moi. Comme ils m’ont fait confiance et qu’ils m’ont encouragée, je n’ai pas voulu les décevoir, je me suis accrochée et maintenant, cinq mois après mes débuts, grâce à l’aide et au soutien de différents collaborateurs de ce média en ligne, j’ai écrit et publié plusieurs articles dont je suis très fière.

Ma situation n’est pas facile, mais j’essaie d’avancer, de ne pas perdre l’espoir. À toutes les personnes qui, depuis mon arrivée en Suisse, m’ont soutenue, à toutes celles et ceux qui m’ont redonné confiance et qui m’ont permis de grandir, je voudrais ici vous dire : MERCI !

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Escapade à Berne

Palais fédéral: explication du fonctionnement des institutions fédérales. Auteur: Voix d’Exils

Visite du Palais fédéral, rencontre avec les ours et balade dans la vieille ville

Organisée par le foyer Sainte-Croix de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) et destinée à une trentaine de migrants fraîchement arrivés en Suisse, la journée découverte du 26 septembre dernier leur a permis de découvrir les charmes de la capitale et les institutions politiques du pays.Voix d’Exils les a accompagnés.

Lorsque la sortie leur a été proposée, les bénéficiaires de l’EVAM et  du Centre social d’intégration des réfugiés (CSIR) vivant dans le foyer de Sainte-Croix se sont rapidement inscrits, ravis à l’idée de découvrir la ville de Berne que la majorité d’entre eux n’avait jamais visitée.

Berne, ville fédérale

Sur place, ils ont découvert que la capitale helvétique accueille le Parlement suisse, soit le Conseil national qui représente le peuple et le Conseil des États qui représente les cantons. Sans oublier le Conseil fédéral.

Les visiteurs ont eu l’opportunité d’assister aux débats qui se déroulaient ce jour-là au Parlement. Comme c’était la journée du plurilinguisme, la quasi-totalité des interventions concernaient cette thématique. Chaque parlementaire a donc saisi l’occasion pour parler dans une autre langue nationale. Les parlementaires francophones ont, par exemple, salué leurs collègues en allemand avant de poursuivre dans leur langue. Quant aux parlementaires alémaniques ou tessinois, ils ont fait de même : salutations en français, allemand ou italien avant de continuer dans leur langue.

Les migrants ont ensuite enchaîné avec une courte visite guidée du Palais fédéral. Dans le magnifique hall central, la guide a commencé par une brève présentation historique en racontant comment de petits États se sont réunis pour former la Confédération suisse et en présentant les pères fondateurs.

Puis le groupe a visité brièvement les salles du Conseil des États et la salle des Conseillers fédéraux.

Des ours nageurs

L’après-midi, tout le monde est parti faire un tour dans la vieille ville de Berne et a visité la collégiale Saint-Vincent, qui est le plus grand édifice religieux de Suisse avec une tour de 100 mètres de haut.

L’escapade bernoise s’est terminée par la visite de l’endroit le plus populaire de la ville : le Parc aux ours. Les participants ont eu la chance de voir de jeunes ours nager dans l’Aar. Au final, c’était difficile de quitter cet endroit tellement les ours étaient amusants !

Sur le chemin du retour, j’ai demandé aux personnes présentes comment elles avaient vécu cette journée. J’ai eu des réponses intéressantes et contrastées.

La plupart m’ont répondu qu’ils avaient passé un bon moment et que pour eux c’était une journée exceptionnelle.

Par contre, ceux qui ne parlent pas bien le français, m’ont dit que cette sortie n’était pas très intéressante parce qu’ils n’avaient pas compris grand-chose.

 

Oumalkaire

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Photoreportage

Palais fédéral, Berne. Auteur: b1-foto / Licence pixabay / pixabay.com

 

Collégiale Saint-Vincent de Berne, le plus grand édifice religieux de Suisse avec une tour de 100 mètres de haut. Auteur : fotoerich / Licence pixabay / pixabay.com

 

Parc aux ours, Berne. Auteur: Voix d’Exils

 

Sur la place fédérale, Berne. Auteur: Voix d’Exils

 




«Mes premiers jours en Suisse»

La Suisse. Auteur: Damien Ligiardi (CC BY-NC-ND 2.0)

La Suisse. Une photo de Damien Ligiardi (CC BY-NC-ND 2.0)

André, un jeune Congolais de 21 ans, raconte son arrivée en Suisse. De surprises en déceptions, de rencontres en découvertes, il nous emmène sur les chemins tortueux de l’asile. Témoignage.

«Le mercredi 14 mars 2012, j’arrive au Centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe où je vis mon premier choc : lors du dépôt de ma demande d’asile – mon premier jour en Europe – je suis placé en «semi-détention» (selon les propos d’un gardien), comme l’exige la procédure.

Au centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe

Je passe donc près d’un mois en semi-détention à Vallorbe et cette expérience est très traumatisante. Mis à part le décor qui a changé, je retrouve ce que je fuyais dans mon pays : des hommes en uniforme qui se prennent pour des dieux, le mépris, l’enfermement, la misère lisible sur le visage des résidents et une alimentation bizarre, comme des macaronis roses mélangés à de la salade.

Au moment du départ du centre, on me remet un ticket de train. Destination : la ville de Lausanne. Arrivé à Lausanne, je me rends au service de la population de Canton de Vaud – le SPOP – qui me délivre un permis N, puis à l’antenne administrative de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants – l’Evam – qui me remet 12 francs d’assistance financière journalière. Je me rends alors compte que je vais être transféré à Sainte-Croix ! je me demande alors «c’est où Sainte-Croix ?» J’interroge un Monsieur à la gare de Lausanne qui m’explique l’itinéraire à prendre. Désorienté et n’ayant pas la connaissance du pays, j’arrive à la gare de Sainte-Croix et je me demande si je suis toujours en Suisse, parce que dans mon imagination et vu le trajet effectué depuis Vallorbe, je pense être renvoyé hors des frontières du pays.

Arrivé au foyer Evam de Sainte-Croix

Arrivé au foyer Evam de Sainte-Croix, et selon le protocole, je me rends à l’intendance où l’on m’attribue un lit ainsi que quelques ustensiles pour la cuisine. Après m’être installé dans la chambre que je partage avec quatre autres requérants d’asile qui sont arrivés avant moi, je sors prendre l’air à la découverte du village qui m’accueille. Durant mon parcours à pieds, je me rends compte combien je suis loin de chez moi : Boma, une ville portuaire qui se trouve en République démocratique du Congo. Je ne peux retenir mes larmes qui se mettent alors à couler telles la pluie un jour d’orage. Je me rappelle alors les miens que je ne reverrai pas de si tôt et je me dis alors qu’il y a vraiment de quoi péter un plomb et devenir fou, se mettre une balle en pleine tête ou simplement essayer d’écrire un livre de deux mille pages jusqu’à en devenir ivre.

M’ayant aperçu en train de pleurer, un groupe de requérants d’asile s’approche de moi pour me consoler en me disant de prendre courage, que je m’adapterai, que ce parcours de la procédure d’asile me fortifiera et me rendra plus endurant. Ils m’invitent alors à jouer avec eux au volley-ball, histoire de me changer les idées. Une fois la nuit tombée, impossible pour moi de fermer l’œil, car ma tête est bourrée d’appréhensions. Je passe alors une nuit blanche. Le lendemain matin, avec mes compagnons de chambre, impossible de communiquer, car on ne parle aucune langue commune. Une vraie Tour de Babel ! C’est ainsi que s’ajoute l’ennui et l’isolement à la litanie de mes soucis. N’ayant personne avec qui discuter dans la chambre et n’étant pas enthousiaste à l’idée d’aller à l’extérieur à cause du froid extrême inconnu du jeune Africain que je suis, je pense alors à mes amis d’autrefois jouant au football pieds nus sous la chaleur brûlante de l’Afrique. Je m’exclame alors: « Dieu sauve moi ! ». Après mon bain, n’arrivant pas à manger par manque d’appétit et à cause de mes tourments, je cherche alors à savoir s’il y a dans le foyer des gens provenant du même pays que moi. C’est alors que j’en découvre un avec qui je sympathise et que je ne le lâche plus de la journée, soulagé de ne plus être seul. Avec ce dernier, on discute alors de tout et de rien et on mange avec appétit de la nourriture de notre pays. Le soir tombé, nous décidons d’aller regarder la télévision dans la salle prévue à cet effet, où je croise des gens venus des quatre coins du globe. Après avoir échangé avec eux, je commence enfin à me réjouir de mon séjour au foyer, qui m’offre la possibilité de mieux connaître le monde en étant en contact avec des personnes de diverses origines et cultures.

Quelques mois plus tard

C’est ainsi que débuta mon parcours en Suisse. D’un côté certes peu évident quant à ses débouchés, mais enrichissant et fortifiant de l’autre.

Aujourd’hui, mon activité de rédacteur à Voix d’Exils me permet de sortir de ma coquille de Sainte-Croix et de rencontrer du monde – dont le syndic de la Ville de Lausanne – par le biais d’interviews et de reportages. Je suis encore dans la même situation stressante, improbable et sans perspectives d’avenir. Mais, depuis que je suis à Voix d’Exils, je suis sorti de la déprime. Le sentiment d’utilité conféré par le choix, l’élaboration et l’aboutissement d’un article me redonne confiance en moi et fait que je ne me considère plus comme la cinquième roue du carrosse.»

André

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Nous contribuons à créer une harmonie entre les requérants d’asile et la population locale »

Le Café contact. Photo: Usaque BAHATI WAMUNGU

Beaucoup de requérants d’asile vivant au sein de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), à Sainte-Croix, éprouvent des difficultés d’adaptation à leur nouvel environnement. Pour créer un lien social entre eux et la population locale, les bénévoles de l’association « Café contact » les réunissent une fois par semaine dans le local de l’EVAM mis à disposition. Arlette Schneider et Anne-Lise Tanner, membres fondatrices de l’association, répondent aux questions de Voix d’Exils.

Arlette Schneider et Anne-Lise Tanner. Photo: Usaque BAHATI WAMUNGU

Voix d’Exils : Pouvez-vous nous présenter votre Café contact ?

Arlette Schneider et Anne-Lise Tanner : Nous proposons un lieu de rencontre entre les migrants et la population locale de Sainte-Croix et, d’une façon générale, entre tous ceux qui ont l’envie de partager un moment avec nous. Nous recevons entre trente à cinquante personnes chaque lundi.

Où peut-on vous trouver ?

Nous sommes à trois minutes de la gare de Sainte-Croix, dans un local du bâtiment de l’EVAM, sis à la rue de l’industrie 11. Nous sommes ouverts le lundi matin de 10h00 à 11h30.

Quels sont vos objectifs ?

Nous voulons favoriser les échanges entre la population locale et les personnes suivies par l’EVAM pour qu’ils se familiarisent les uns aux autres.

L’équipe Café contact

Quels sont les sujets abordés avec les personnes qui viennent vous voir ?

C’est essentiellement des explications concernant leur courrier officiel, des demandes de travail, des questions sur le bénévolat et des questions personnelles, comme par exemple : comment faire venir leur famille en Suisse ? Ou encore comment se procurer certains documents administratifs ?

Quand et comment est née l’association Café contact ?

Elle est née en 1984 sous l’impulsion de personnes qui étaient actives auprès des ressortissants du Sri Lanka installés à Sainte-Croix. Ces personnes étaient alors logées, mais ne disposaient pas d’un centre d’accueil et n’avaient pas d’encadrement officiel ou administratif. Nous organisions à leur intention des cours de français, une aide juridique ainsi que les transports. A partir de 1991, nous avons organisé des rencontres appelées « Café contact ». Elles avaient lieu tous les 15 jours dans le local des jeunes de la paroisse protestante. Nous proposions un café et des activités pour les enfants.

De quels moyens disposez-vous ?

Nous avons toujours fonctionné avec une dizaine de bénévoles. A tour de rôle, une personne de l’association est responsable du Café contact hebdomadaire. Elle apporte la collation, par exemple des fruits, des gâteaux, des biscuits… qu’elle paie de sa poche. Mais, nous disposons d’une caisse de 300 à 400 Frs, pour financer la fête de Noël et la Journée des refugiés.

Quels sont les liens que vous entretenez avec l’EVAM ?

L’EVAM nous met à disposition le local que nous occupons. Nous avons aussi des contacts avec Madame Cécile Ehrensperger, responsable du secteur Nord et Ouest de l’EVAM, lors de l’organisation d’événements en commun, comme la Journée des réfugiés.

Quel bilan faites-vous de votre action auprès des requérants d’asile ?

Notre bilan est positif. Nous sommes intervenus, en 2003 déjà, auprès du Conseil d’Etat pour améliorer l’encadrement et l’assistance des résidents. Le Café contact contribue à créer une harmonie entre les requérants d’asile et la population locale. Beaucoup de liens se sont créés entre eux depuis. Pour notre part, nous continuons à rencontrer certaines personnes ou familles, même lorsqu’elles n’habitent plus à Sainte-Croix. Heureusement, il y a quand-même une partie de la population d’ici qui a une perception positive des résidents de l’EVAM. C’est un processus qui demande de la persévérance.

Quels sont vos projets d’avenir ?

Nous voulons continuer à faire entendre notre voix, en organisant des rencontres publiques pour être visibles, favoriser l’information et contribuer à donner une image plus objective des migrants.

Usaque BAHATI WAMUNGU

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Informations

Association Café contact

Paul Schneider, Président

Avenue des Gittaz 18, 1450 Sainte-Croix

Téléphone : 024/454.33.20

E-mail : paul.schneider@ssgmt.com