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« Nous » de Ievgueni Zamiatine

1ères de couverture de « Nous ».

Recension – des fictions dystopiques devenues les miroirs de notre réalité ?

Ievgueni Ivanovitch Zamiatine (1884 – 1937), est un écrivain russe, créateur d’un genre unique et moderne : le roman anti-utopique ou dystopique. Ceux qui ont déjà lu des ouvrages du genre dystopique, comme « 1984 » de George Orwell ou encore « Le meilleur des mondes » de Aldous Huxley, ne savent peut-être pas que le pionnier de ce genre est justement Zamiatine. Tout commence avec son roman « Nous ». Cet article est le premier d’une nouvelle rubrique de Voix d’Exils qui consiste en des recensions de livres et de films qui éclairent notre réalité d’aujourd’hui. 

Écrit en 1920, « Nous », connu également sous le titre « Nous autres », a tout d’abord été traduit et publié en anglais en 1924. En raison du contexte soviétique, l’œuvre ne sera publiée en Russie, pays d’origine de son auteur, qu’en 1988. La version française, quant à elle, est parue aux éditions « Gallimard » en 1929 sous le titre « Nous autres » puis a été rééditée en 2017 par la maison d’édition « Actes Sud » sous le titre « Nous ».

Le récit du roman se situe dans le futur et se concentre sur « D-503 », un ingénieur de l’espace vivant dans le « One State » ou l’État Unique. Il s’agit d’une nation urbaine construite presque entièrement en verre, ce qui facilite la surveillance de masse. Dans le roman, les habitants et habitantes de l’État unique sont dépersonnalisés. Il n’y a pas d’autres moyens de se référer aux gens que par le nombre qui leur est attribué. Ces derniers sont également constamment vêtus d’un uniforme ce qui les dépersonnalise encore plus. Le comportement de l’individu et la société dans laquelle ils évoluent sont basés sur la logique définie par l’État unique grâce à des formules et des équations produites par lui-même. Le travail de « D-503 » consiste en la fabrication d’un vaisseau spatial destiné à convertir les civilisations extraterrestres au bonheur, ces dernières ayant été soi-disant découvertes par l’État Unique. Alors que cet État totalitaire définit avec précision toutes les activités de ses habitants, « D-503 » commence à envier le passé et à être attiré par un autre monde plus ancien…

Pourquoi (re)lire « Nous » de Zamiatine aujourd’hui ?

Il apparaît que la lecture « Nous » de Zamiatine est intéressante à plusieurs titres. Tout d’abord, car il s’agit d’un roman fondateur du genre dystopique, un genre très populaire actuellement. Deuxièmement, car le contexte historique dans lequel s’est déroulé la publication de l’œuvre est controversé. En outre, il regorge d’allusions à des expériences personnelles de son auteur ainsi qu’à la culture et à la littérature. Le roman reste très actuel.

Avec ce roman, Zamiatine prédit la tendance à la concentration des pouvoirs au niveau d’un seul parti (communisme, fascisme, nazisme) et entre les mains d’un chef unique qui contrôle tous les autres pouvoirs concurrents au sein et en dehors du parti. Notre continent a connu des expériences totalitaires similaires au cours du XXe siècle avec les régimes communistes, fascistes et nazi qui vouaient un culte absolu au chef (Lénine, Staline, Mussolini, Hitler, etc.). La réactualisation du roman de Zamiatine intervient à un moment où l’on assiste à une réactivation des structures totalitaires des pouvoirs politiques que l’on rencontre ces dernières décennies dans certains régimes d’Europe centrale et orientale.

La recension: une nouvelle rubrique de Voix d’Exils

J’ai débuté cette rubrique en choisissant « Nous » pour deux raisons principales :

Premièrement, connu seulement des lecteurs et lectrices spécialisés, Zamiatine n’est pas assez crédité en tant que fondateur de la dystopie, ce qui lui fait, à mon avis, du tort en quelque sorte. Nous connaissons principalement Orwell ou encore Huxley cités plus haut. Dernièrement, Margaret Atwood est également arrivée sur le devant de la scène avec son conte « La Servante Ecarlate ». L’œuvre d’Atwood, une romancière que j’apprécie et dont j’ai traduit des poèmes en albanais est, je pense, une pâle tentative d’approche du roman dystopique avec sa fin très faible et controversée.

Deuxièmement, nous vivons à une époque où toute la science-fiction ainsi que les réalités les plus incroyables issues des romans dystopiques écrits au début du XXe siècle semblent se transformer en réalités telles des prophéties. Alors que les romans dystopiques semblaient dévoiler les réalités les plus absurdes issues de l’imagination des auteurs, nous pouvons nous demander si ce genre littéraire qui a précédé les régimes totalitaires que le monde a connu (et continue de connaître) remplit toujours sa fonction compte tenu de la réalité dans laquelle nous évoluons? La question que je me pose également est la suivante : quelles connaissances ou quel pouvoir avaient ces écrivains pour prévoir une réalité qui désormais dépasse la fiction d’une certaine manière ? Cette interrogation me fait penser que durant les premiers mois de la pandémie, il y a eu la redécouverte d’un livre où tout ce qui se passait était en train d’arriver en quelque sorte. Je parle du roman de Dean Koontz « Les Yeux des ténèbres » dans lequel est évoqué un virus dont les propriétés sont proches de celles du coronavirus. Ainsi, l’œuvre décrit les ravages causés par une pneumonie perçue comme une arme biologique.

Elvana Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




Revue de presse #25

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : La sécurité chinoise enquête en Suisse / Des Neuchâtelois excédés par l’augmentation de la délinquance / Les « Dix petits nègres » changent de nom

La Suisse ouvre la porte à la sécurité chinoise

RTN.ch 23/08/2020

Depuis 2015, les services de sécurité chinois ont le droit d’enquêter en Suisse pour déterminer la provenance et l’identité de ressortissants qui y résident de manière illégale, soit des demandeurs d’asile déboutés, des immigrés clandestins ou encore des sans-papiers. Ils peuvent également mener des interrogatoires. Cette coopération les amène à aider le Secrétariat d’État aux Migrations (SEM) pour les rapatriements. Dès que la nationalité des personnes concernées est établie, elles reçoivent des documents de voyage et sont reconduites en Chine. Le SEM ignore ce qui se passe après leur retour mais souligne que les rapatriés peuvent contacter l’ambassade de Suisse à tout moment. Pour ce qui concerne les Tibétains et les Ouïghours dont la demande d’asile a été refusée, ils ne seraient pas reconduits en Chine.

Le SEM indique qu’il s’agit d’un accord technique entre la Suisse et la Chine et non d’un traité international. Certes, mais la prolongation de cet accord pose problème au sein de la commission de politique extérieure du Conseil national qui juge ce traité inacceptable et demande sa résiliation.

C’est aussi l’opinion d’Amnesty International pour qui l’accord helvético-chinois est très problématique, notamment au vu de la répression chinoise qui s’est fortement accrue à Hong Kong.

Explosion de la petite délinquance, les Neuchâtelois veulent se faire justice face

valeursactuelles.com, le 22.08.2020

Les Neuchâtelois crient leur ras-le-bol face à l’augmentation de la petite délinquance. Ils ont placardé des affichettes un peu partout dans les rues pour sensibiliser les autorités au problème. On peut y lire « Nous sommes fiers, organisés et en colère. Nous avons la capacité d’être dangereux pour ceux qui troublent à ce point la paix sociale ». Si les autorités ne réagissent pas, ces citoyens excédés menacent de faire justice eux même. D’ailleurs, certains sont déjà passés à l’acte en tabassant des délinquants accusés de semer la panique.

De son côté, la police neuchâteloise estime que cette attitude est inacceptable : « Personne ne peut se substituer à la police. Nous sommes dans une démocratie et le dispositif mis en place porte ses fruits ». Selon son porte-parole, la police a procédé à 500 interventions et 184 interpellations au mois de juillet. Elle précise que ces délinquants sont de jeunes Africains du Nord « en errance », et souvent liés à l’asile. Toujours selon la même source, les principaux délinquants auraient pour l’heure été neutralisés.

Le roman « 10 petits nègres » d’Agatha Christie rebaptisé

valeursactuelles.com, le 26.08.2020

Sur décision de James Prichard, petit-fils de l’écrivaine britannique Agatha Christie, le célèbre roman « 10 petits nègres » change de titre dans sa version française et s’appelle désormais « Ils étaient 10 ».

James Prichard a commenté sa décision en expliquant que, à l’époque de la publication du livre en 1939, on utilisait des mots aujourd’hui oubliés ou malvenus et précise qu’aux États-Unis, le titre original n’a jamais été utilisé. Au Royaume-Uni, il a été modifié dans les années 1980 et à partir de 2020 il sera modifié dans toutes les langues.

Selon James Prichard, sa grand-mère écrivait avant tout pour divertir son lectorat et elle n’aurait pas aimé l’idée que quelqu’un soit choqué par une de ses tournures de phrases. « Nous ne devons plus utiliser des termes qui risquent de blesser : voilà le comportement à adopter en 2020 », a-t-il conclu.

Oumalkaire / Voix d’Exils