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Grandir entre plusieurs cultures

L.B. / Voix d’Exils

Une ancienne rédactrice de Voix d’Exils nous raconte son expérience

La migration ne va pas uniquement avoir un impact important sur la vie des parents migrants. Elle a aussi une importance dans la vie des enfants nés dans le pays d’accueil. 

L’intégration culturelle est un processus qui s’étend sur plusieurs générations. Les enfants nés dans le pays d’accueil de parents immigrés ont besoin d’un lien avec leurs origines pour s’établir.

Premièrement, la culture regroupe les valeurs, l’idéologie, les croyances, les connaissances, les normes, la langue, les rituels ainsi que les comportements d’une personne. Chaque culture a des expressions, des normes culturelles et des coutumes différentes. La culture se reflète donc dans nos actions quotidiennes.

La richesse de la multiculture

Beaucoup maintiennent la culture d’origine dans la vie familiale. Cela a été le cas pour moi qui parle couramment mes langues maternelles: le turc et le kurde; ce tout en parlant la langue du pays d’accueil: le français en public et en participant pleinement à la société. Personnellement, ma triple appartenance dans le milieu social et culturel dans lequel j’ai grandi exerce une influence sur moi.

En grandissant entre plusieurs cultures, nous pouvons avoir le sentiment d’appartenir à une ou plusieurs d’entre elles à la fois. Nous avons ainsi le choix de nous référer ou non à nos différentes cultures.

La multiculture peut-elle faire la force d’un individu?

On construit notre identité en fonction de nous-mêmes et de notre situation. Dès la naissance, on incorpore ce que nos parents ressentent, pensent et la manière dont ils se comportent. Cette culture est intériorisée au plus profond de notre être de manière inconsciente.

Comme pour beaucoup de personnes, je suis très attachée à mon pays de naissance, de même qu’à ceux de mes parents, ce malgré le fait que je n’y sois jamais allée. Cela se reflète dans ma façon de me comporter et de penser, dans les valeurs et les normes auxquelles j’adhère.

Avoir plusieurs cultures peut rendre difficile de savoir qui l’on est vraiment et surtout d’imaginer la personne que l’on veut devenir. Afin de construire sa propre identité, il faut être capable de trouver son équilibre et réussir à saisir un peu de chaque culture différente.

Notre identité se construit tout au long de notre vie, la culture n’en est qu’une partie. Nos rencontres et nos expériences nous permettent aussi d’évoluer et de mieux nous connaître. Personnellement, ma triple appartenance fait partie intégrante de ma personnalité: c’est ce qui me définit aujourd’hui et fait de moi la personne que je suis.

Les inconvénients de la multiculture

Si cela peut être bénéfique pour certaines personnes, avoir plusieurs cultures peut être contre-productif pour d’autres. Il est compliqué de posséder plusieurs modèles de référence, de parler d’autres langues, de posséder plusieurs façons de penser et des traditions diverses.

Quelques fois, il arrive que l’on renonce à une partie de notre culture d’origine pour diverses raisons. Accepter ce renoncement varie d’une personne à une autre et la société dans laquelle nous avons grandi joue un rôle à cet égard.

Il est même parfois très difficile – voire impossible – de garder « primitive » notre culture, comme certains voudraient qu’elle soit: intacte, pure et non interprétée. Mais j’aime bien avoir ce petit plus, ne pas appartenir à quoi que ce soit et imaginer qu’un jour je pourrai partir pour découvrir ce pays que je connais si peu.

Malgré que cela puisse être un inconvénient pour certains; pour d’autres, avoir plusieurs cultures permet donc d’avoir une plus grande liberté de choix, de possibilités et d’avantages dans une société qui se diversifie de plus en plus.

L.B.

Ancienne membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La Suisse, pays riche ou pauvre?

Source: pixabay.com. Image sous licence libre Pixabay License.

Cliché ou réalité? La richesse d’un pays comme la Suisse intrigue. Un rédacteur de Voix d’Exils mène l’enquête

Il y a le cliché persistant du banquier Suisse qui compte ses pièces d’or à l’abri des regards indiscrets, mais qu’en est-il des faits? Est-ce un mythe ou une réalité? Pour une personne étrangère, il est pour le moins surprenant d’entendre des citoyennes et citoyens suisses se plaindre en ces termes: « La Suisse n’est pas un pays riche, nous sommes pauvres! ». Mais cette affirmation est-elle réellement infondée?

La Suisse est-elle riche? C’est une question qui, loin des apparentes évidences et des convictions ancrées dans l’imaginaire populaire, est pourtant difficile à trancher sans une analyse objective et argumentée. Tentons d’y répondre dans les limites des quelques lignes proposées ci-dessous.

Pour commencer, partons de la définition du Larousse. « Riche », adjectif :

  1. Qui a de la fortune, des biens importants. Exemple : « Une riche héritière ».
  2. Se dit d’une collectivité dont la situation financière ou économique est « prospère ».

Alors, la population suisse est-elle fortunée? Sa situation économique est-elle prospère ? Interrogeons les principaux concernés : les Suissesses et Suisses eux-mêmes !

Selon un graphique (reproduit ci-dessous) issu d’un sondage de l’institut DemoSCOPE publié en 2013 dans Bilan, un magazine économique bimensuel suisse, 94% des Suissesses et Suisses estiment qu’ils vivent dans un pays riche.

Par ailleurs, selon le même sondage, seuls 36 % de la population suisse considéreraient être riches en possédant moins d’un million de francs de fortune (voir le graphique ci-dessous):

Notons, enfin, qu’environ un demi-million de la population suisse a une fortune supérieure à un million de francs; et que 1% des plus riches possèdent environ 40 à 50% de la richesse totale de la Suisse.

Partant des indications ci-dessus, il n’est pas surprenant que beaucoup de Suissesses et Suisses se considèrent comme pauvres dans un pays pourtant considéré comme étant riche.

Pour compléter cette analyse, il faut aussi envisager la richesse au niveau macroéconomique, c’est-à-dire en considérant les mécanismes de production des richesses au niveau des États ou des organisations internationales. Dans cette optique, qu’est-ce qu’un pays riche ?

Dans l’absolu, « être riche » ne veut rien dire. C’est une question de rapport entre différentes situations ; on est riche par rapport à quelqu’un ou à quelque chose. C’est là qu’entrent en scène les indicateurs usuels : Produit Intérieur Brut (PIB), Revenu par habitant, Indice de Développement Humain (IDH) etc.

Au moment de la rédaction de cet article, il est bientôt l’heure de « souper » comme on dit en Suisse pour le dîner. J’ai donc retenu un indicateur qui se mange : l’Indice Big Mac qui permet de mesurer la parité du pouvoir d’achat entre les pays en étudiant le prix du fameux hamburger de chez McDonald’s. Nul suspens, selon le classement réalisé par le site The Economist, la Suisse arrive en tête juste devant la Norvège et le Danemark avec le prix de 7.54 US $.

Bref, les Suisses sont-ils riches comme Crésus ? Pour les huit millions de Suissesses et de Suisses disposant d’une fortune inférieure à 1 million de francs suisse, non ! Pour les autres : Oui !

Phil,

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 

 




« Crise » des réfugié.e.s

Auteur: jamboo7809 / pixabay.com.

Et si la solution dépendait de notre regard ?

Depuis des années, la question des réfugiés occupe largement le débat public. L’opinion publique est extrêmement divisée sur ce sujet.

Les uns considèrent les réfugiés comme une menace. Dans leur discours, les réfugiés détruisent la culture du pays d’accueil, volent les emplois des autochtones, amènent la criminalité et le terrorisme au sein de la population. Le migrant est celui qui vient parasiter la prospérité locale. En conséquence, on le rejette ; seul, il ne peut pas donner de contribution à son pays d’accueil. Ce scénario est triste car il ne fait que des perdants.

Cependant il n’y a pas moins de personnes qui ont une attitude positive vis-à-vis des réfugiés. Ces gens jugent nécessaire de porter assistance à tout être humain dont la vie est en danger. Ils estiment que la Suisse peut faire encore plus d’efforts pour leur prise en charge. Fondamentalement, ils sont convaincus que les réfugiés sont une richesse, tant sur le plan culturel qu’économique, qu’ils ne demandent qu’à s’intégrer pour participer au développement du pays d’accueil. Ce deuxième scénario, à l’exact inverse du premier, permet un épanouissement de tous.

Nous avons toutes et tous, individuellement, la responsabilité de faire un choix entre ces deux avenirs possibles.

Pour faire le bon choix, je propose un exercice imparable : que chacun considère le réfugié comme une partie de lui-même. Le regard porté sur lui changera instantanément. La peur s’évanouira et il deviendra tout naturel de l’accueillir et de lui faire une place.

Kodzovi A.

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 

 




Le rêve volé d’un exilé

Des militaires des Forces armées de la République Démocratique du Congo. Source: Wkipedia.

« La Suisse, ma seconde chance »

Quand l’espoir de réaliser ses ambitions est remise en question par le népotisme, la corruption et la violence ; partir afin de réaliser ses rêves devient parfois nécessaire.

Je viens d’un pays – la République démocratique du Congo (RDC) – si riche qu’on parle, à son propos, de « scandale géologique ». D’après un article du Monde Diplomatique paru en décembre 2008, «Le sous-sol congolais regorge de matières rares. Il renfermerait 60 % des réserves mondiales connues de tantale, 10 % du cuivre, 30 à 40 % du cobalt, mais aussi 10 % du niobium, 30 % des diamants (dans la seule région du Kasaï) ainsi que des gisements d’or parmi les plus prometteurs de la planète. ». Pourtant, le peuple de RDC est l’un des plus pauvres du monde.

Le pays est pris en otage par des multinationales qui dictent leurs lois au gouvernement. La population survit au rythme des coupures d’eau, d’électricité, d’internet et de pénuries en tous genres. Le problème à résoudre chaque matin, pour un Congolais, c’est de trouver comment obtenir du pain et du sucre à crédit, le seul repas pour passer la journée. Les revendications sont interdites. L’éducation est réservée aux enfants des privilégiés qui nous dirigent. Le salaire d’enseignant revalorisé à 85 dollars US reste 353 fois plus bas que celui d’un ministre qui est à 30.000 dollars US. Les politiciens sont plus riches que des commerçants. L’ancien Président Joseph Kabila a une fortune personnelle estimée à 15 milliards de dollars US et est propriétaire de 80 entreprises. Dans nos hôpitaux, tous les soins sont monnayés. Pour nos politiciens, les Occidentaux sont responsables de tous nos malheurs.

Tous les ministères ont à leur tête des universitaires, mais rien ne marche. Incompétence ou manque de volonté ? Le mérite n’a pas de place chez nous ; le népotisme est l’ascenseur social. Avec une concentration de plus de 20 églises par rue, Dieu n’entend-t-il-pas nos prières ? Ne voit-il pas toutes ces fosses communes pleines d’innocents ? Au nord Kivu et au sud Kivu, au rythme de multiples guerres, plus de six millions de personnes sont mortes durant les vingt dernières années

Mon pays est un enfer sur terre. Les justes sont malmenés, les méchants célébrés. Le rêve de ma vie était d’être cadre dans une entreprise. Après trois années d’études en gestion informatique à l’université Révérend Kim à Kinsahasa, je fais connaissance de Monsieur Rossy Mukendi Tshimanga et son mouvement Collectif 2016. On y parle de politique, de la situation socio-économique et sécuritaire de la RDC.

Ce qui nous unissait le plus, c’était la convergence de nos opinions politiques par rapport au système de Joseph Kabila qui voulait manifestement manipuler la constitution pour demeurer en place après la fin de son mandat. Le mouvement Collectif 2016 était un forum d’expression libre, alors je l’ai intégré. Après plusieurs manifestations, nous sommes arrêtés. En février 2018, la police ouvre le feu contre des manifestants dans la paroisse Saint Benoît de Lemba à Kinshasa. Monsieur Rossy Mukendi Tshimanga est tué à bout portant. Je suis arrêté, emprisonné et torturé pendant un mois. On m’oblige à faire des faux témoignages sur les circonstances de la mort de Rossy Mukendi Tshimanga. Grâce à l’aide d’un officier de l’armée proche de ma famille, je suis libéré, puis poussé à quitter le pays au risque d’être tué. Dernièrement, il y a eu des élections au Congo comme l’a souhaité le peuple. Si Monsieur Kabila n’est plus là, il reste influent. Son parti est majoritaire au Parlement et au Sénat et il contrôle toujours l’armée.

En Suisse, j’ai compris le mot démocratie et la perversité des dirigeants africains. Aujourd’hui, ici, à chances égales, la volonté et la détermination vont me permettre de réaliser mes rêves volés. L’espoir de vivre est de retour. J’ai appris beaucoup de choses, comme le respect du travail, le respect de la volonté du peuple par les dirigeants.

C’est à moi de m’intégrer dans cette société et de respecter ses lois. J’espère que les autorités suisses me donneront cette chance.

Gospel Kanza Luyindula,
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 




« J’ai nonante ans et je vois aujourd’hui une Suisse riche de ses étrangers »

Photo: Voix d’Exils

L’ouverture et le dynamisme ne sont pas réservés à la jeunesse, c’est un état d’esprit ! La preuve : des personnes âgées sont venues à la rencontre des requérants d’asile en formation au Centre du Botza, en Valais le 14 novembre dernier. C’est Paulina, à la fois requérante d’asile et retraitée, qui leur a soufflé cette très bonne idée.

« Bienvenue au Botza ! », c’est par ces mots que Madame Virginie Disero accueille les résidents du foyer de jour Chantovent de Martigny. Elle présente ensuite la structure de façon succincte : « Nous accueillons ici les candidats à l’asile du canton du Valais, pour un accompagnement dans la voie de l’intégration. Ils reçoivent des cours de français et peuvent fréquenter plusieurs ateliers de formation pour se préparer à entrer dans la vie active. Le pavillon que vous visitez aujourd’hui est celui de l’économie domestique : il comprend une garderie d’enfants, une buanderie et un atelier de couture. Pour la petite histoire, Paulina, votre résidente, s’est formée ici, c’était la vedette de nos défilés de mode » (rires et applaudissements dans l’assistance).

La convivialité de la pause-café favorise la conversation et rapproche naturellement les visiteurs du jour et les apprenants, offrant de belles images de rencontres transgénérationnelles et métissées. Voix d’Exils a recueilli la pensée des uns et des autres.

Photo: Voix d’Exils

Voix d’Exils (VDE): Madame Fabienne Lepori, vous dirigez le Foyer Chantovent. Pouvez-vous nous le présenter ?

Fabienne Lepori: Chantovent est un foyer de jour pour personnes âgées. Nous nous donnons la mission d’éloigner nos résidents de la solitude et de l’ennui, en leur proposant un programme d’animation adapté. Être accueillis ici, en toute quiétude, est une belle découverte.

VDE: Une sortie, c’est bénéfique pour vos résidents mais pourquoi avez-vous choisi le Botza ?

Paulina, qui fréquente notre foyer, aime la couture et cela lui tenait à cœur de nous faire découvrir ce lieu où elle a été formée. A cela s’ajoute le fait que nos résidents sont très ouverts à l’idée de faire des expériences nouvelles. Ils se sont montrés intéressés à rencontrer cette population issue de l’immigration, pour se faire une opinion personnelle et, pourquoi pas, casser une certaine image que nous avons des étrangers.

Photo: Voix d’Exils

Le Botza vu par nos visiteurs

VDE à Paulina (résidente du Foyer de jour): C’est un peu grâce à vous cette visite …

Paulina (rires) : Je suis tout simplement contente. Au foyer, je fais beaucoup de petits travaux de couture, des tabliers et bien d’autres choses et, interrogée sur mes capacités, je leur ai parlé de ce centre où j’ai tout appris. Et aujourd’hui, nous sommes là. C’est formidable !

VDE  à Messieurs Jimmy Martinetti et Albert Hasler: Après cette visite, quelles sont vos pensées ?

Jimmy Martinetti: Avant notre venue ici, je ne savais pas qu’un centre comme celui-ci existait. Voir ces étrangers formés ici par mon pays est fabuleux. Je pensais que les demandeurs d’asile restaient cantonnés dans des maisons à ne rien faire. Là, je viens de voir autre chose que ce que j’ai toujours entendu sur les étrangers. Je crois que bien formés ils ne seront pas moins bons que les autres…

Robert Hasler: J’ai vu des gens qui veulent apprendre et partager un idéal de vie. Ceci est bénéfique pour eux et pour nous. C’est la première fois que je suis en contact avec eux et je vois autre chose. Vous savez, j’ai nonante ans et je vois aujourd’hui une Suisse riche de ses étrangers.

Photo: Voix d’Exils

Confidence pour confidence

VDE à Madame Marie-Christine Roh, collaboratrice au Centre du Botza: Après avoir entendu les impressions de vos visiteurs, que ressentez-vous?

Marie-Christine Roh : C’est la première fois que nous avons une visite de personnes âgées. Généralement, nous recevons des groupes de jeunes et des étudiants qui s’intéressent à la question de la migration. Ça me fait plaisir d’entendre ces paroles positives sur les migrants et notre centre de formation. Nous sommes persuadés que ce que nous faisons ici a du sens et de la valeur, maintenant, il faut que la population en prenne conscience. À cet égard, ces personnes âgées vont nous aider à nous faire connaître, car elles vont en parler autour d’elles, à leurs enfants et leurs petits-enfants. De plus, elles parlent vrai et disent les choses comme elles le pensent.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils