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La Fête Diver’cité et la Journée internationale des migrantes et migrants

Une célébration lausannoise où les différences culturelles deviennent la force de l’unité

Photos: Voix d’Exils / Natalia Gorbachenko.

Le 9 décembre 2023, une ambiance festive et unifiée régnait dans les locaux élégants du Casino de Montbenon à Lausanne. Le collectif Traits d’union et le Bureau lausannois pour les immigrés (BLI) ont conjointement convié les résidents et résidentes de la ville à un événement significatif : la Fête Diver’cité et la célébration de la Journée internationale des personnes migrantes.

Dès le début des festivités à 14h, le public a été immergé dans une grande diversité culturelle. Des animations, des jeux et des délices venant des quatre coins du monde ont créé un kaléidoscope raffiné d’impressions. Des traditions anciennes aux arts contemporains, chaque élément du programme a été soigneusement sélectionné pour que les convives découvrent quelque chose de spécial parmi cette multiplicité incroyable.

La journée entière a été remplie de couleurs vives, de langues magnifiques, de tenues vestimentaires traditionnelles, de danses énergiques et de chansons émouvantes. Toutes les personnes présentes ont activement participé à des tirages au sort, des quizz et des ateliers. Un esprit de respect mutuel, de convivialité et d’amitié prévalait.

C’était une expérience merveilleuse de s’imprégner des traditions culturelles de pays que l’on ne visitera peut-être jamais. Cette fête a offert l’opportunité de mieux connaître les cultures de différents peuples à travers des conversations agréables et beaucoup d’interactivité.

Des discours marquants

L’importance de cet événement a été soulignée lors des discours officiels.

Émilie Moeschler, Conseillère municipale directrice des sports et de la cohésion sociale de la Ville de Lausanne, Bashkim Iseni, délégué à l’intégration de la Ville de Lausanne, ainsi que les représentantes et représentants de Traits d’union, Perpétue Nshimirimana et Angèle Buyangu, ont exprimé leur gratitude envers les associations pour leur contribution à l’intégration et à la lutte contre le racisme. Ce n’était pas seulement une plongée intellectuelle dans le sujet, mais aussi un appel à l’action pour toutes les participantes et tous les participants.

Le mélange du traditionnel et du moderne est devenu le point central de l’intervention du sociologue et professeur Sandro Cattacin qui a abordé l’importance du rôle des associations dans l’intégration au sein de la société. Il a également désigné trois défis pertinents dans le contexte de la migration, de l’intégration et de la socialisation.

Le premier défi est lié aux personnes âgées qui sont souvent en décalage avec le monde numérique : le rôle des associations est très important ainsi que la création de lieux de rencontre conviviaux et accessibles.

Le second défi est lié aux discriminations : la lutte contre les discriminations devient toujours plus compliquée car les formes de discriminations évoluent constamment et se mélangent. Il s’agit de trouver une manière de parler à la société pour faire en sorte que toutes les discriminations sont problématiques.

Le troisième défi est lié aux vulnérabilités croissantes dans la société : organiser la société en tenant compte des vulnérabilités croissantes, touchant non seulement les personnes migrantes, mais la société dans son ensemble. Le défi est comment parler à une société où ces fragilités augmentent ? Les fragilités liées au handicap, à la vieillesse, à la jeunesse. Comment est-ce qu’on peut faire travailler ensemble les personnes fragiles et pas les monter les unes contre les autres ?

Une soirée immortalisée dans les cœurs

Une part délicieuse de la fête était l’apéritif dînatoire offert par la Ville de Lausanne. Toutes et tous ont savouré des saveurs exquises, fusionnant en harmonie avec les cultures et les traditions. En clôture de la soirée, au son de la musique du groupe Professor Wouassa et du DJ Rumba Stereo, l’événement s’est achevé par un concert rythmé et enflammé.

La Fête Diver’cité a laissé son empreinte dans les cœurs et les souvenirs, rappelant à chacune et chacun que dans l’union des différences culturelles, nous trouvons la force, la compréhension mutuelle et la véritable joie de vivre.

Lors de cette soirée, la rédaction de Voix d’Exils a mené une interview avec Madame Émilie Moeschler, Conseillère municipale directrice des sports et de la cohésion sociale et Monsieur Bashkim Iseni, délégué à l’intégration. Ces derniers reviennent sur cet événement passionnant, joyeux et porteur d’un message d’espoir pour le vivre ensemble.

Natalia Gorbachenko          

Membre de la rédaction Voix d’Exils




LA RESPONSABILITÉ POLITIQUE DE L’EUROPE

Photo du marché aux esclaves de Zanzibar, deuxième tiers XIXe. Bojan Brecelj/Corbis. {{PD-US-expired}}

Le cas de la migration issue de l’Afrique

 

Pendant les siècles d’esclavage et de la traite négrière, en passant par les colonisations jusqu’à nos jours, l’Afrique est victime d’un épuisement intensif de ses ressources, tant humaines que naturelles, promu surtout par des pays de l’Occident qui s’en nourrissent.

De nos jours, le pillage systématique des ressources naturelles de l’Afrique se fait dans le cadre d’une politique agressive néo-coloniale encouragée par le silence complice des pays soi-disant neutres et sans passé colonial – comme la Suisse – qui en profitent quand même eux aussi.

C’est déjà conventionnel de parler de la « malédiction des ressources » quand on fait référence à l’Afrique et au paradoxe entre son grand potentiel qui va de la faune, des ressources forestières, maritimes, hydrographiques, des terres arables aux minéraux dont regorge ses sols, desquels dépendent dans une large mesure de l’industrie, du commerce et de l’économie en générale de l’Europe qui s’enrichit au détriment du sous-développement de l’Afrique, ainsi que de la pauvreté et de la misère de ses peuples.

Depuis les indépendances – il y a de cela plus d’un demi-siècle – dans le but de maintenir l’accès illimité à ses ressources, au prix de bananes, sans aucun souci d’ordre éthique ou moral, des pays tels que les États-Unis d’Amérique, la France, le Royaume-Uni et le Portugal, que ce soit au travers de leurs gouvernements, et très souvent à travers leurs multinationales et grandes corporations, participent de façon très active à la corruption des élites politiques et militaires à la tête des régimes autoritaires.

En effet, la corruption a toujours deux acteurs, à savoir: Le corrupteur et le corrompu. Dans ce cas précis, les dictateurs africains ne sont que des corrompus. C’est d’ailleurs avec la complaisance des gouvernements occidentaux, qui les reçoivent avec tous les honneurs, qu’ils détournent les miettes encaissées par leur pays – une espèce de cadeaux – vu les prix dérisoires payés pour les ressources pillées et gardent les fortunes mal acquises dans les banques pour qu’ils s’achètent des villas; comme dans le cas du défunt dictateur zaïrois Mobutu Sessesseko, à Savigny dans le canton de Vaud. En gros, ils investissent dans les économies européennes qui semblent n’avoir aucun souci ni sur la provenance et ni sur la nature sale de cet argent.

Incapables d’investir dans leurs propres pays en créant des conditions qui pourraient bénéficier à leurs populations, c’est en Europe – où  ils sont toujours les bienvenus – qu’ils éduquent leurs enfants, où ils passent leurs vacances, font des achats et très souvent se rendent pour recevoir des soins médicaux. Comme le cas le plus emblématique du dictateur camerounais Paul Biya, au pouvoir depuis 40 ans dont 5 ans à l’étranger, officiellement pour des « visites privées », la Suisse étant sa destination favorite et l’Hôtel Intercontinental de Genève comme son « habitat » de prédilection. C’est là que pendant ses habituels et longs séjours, payant environ 40’000 dollars par nuit pour sa suite présidentielle qui occupe au moins deux dizaines de chambres pour l’accommodation de ses nombreux convives.

Dans des conditions normales, ce devrait être honteux que de tels pays qui devraient promouvoir des valeurs dites « universelles » comme le respect des droits de l’homme, le respect des libertés individuelles, la transparence et la bonne gouvernance soient les premiers à les bafouer, niant aux africains à la fois la possibilité de jouir des bénéfices qui émanent de la démocratie, mais aussi d’en tirer les avantages des revenus des ressources – qui leurs appartiennent – et qui pourraient servir à leur épanouissement et à leur bien-être.

Ça reste donc une contradiction majeure des pays occidentaux qui se vantent d’être les hérauts de la démocratie et qui sont les mêmes qui promeuvent, soutiennent et protègent des régimes anti-démocratiques et des dictateurs qui n’hésitent pas à persécuter, terroriser, voir même empoisonner et exécuter toutes celles et ceux qui osent exercer leurs droits fondamentaux – comme penser et s’exprimer librement – et qui sont, paradoxalement, consacrés par des Constitutions.

Le résultat de la combinaison de ces facteurs ne peuvent qu’être désastreux, donc voilà l’une des raisons de fond qui explique, en particulier, les grandes vagues d’émigrants qui viennent d’Afrique vers « la forteresse de l’Europe », s’exposant à des périls inimaginables, notamment durant les traversées du désert du Sahara et de la mer Méditerranée, où des centaines des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants perdent leur vie ou disparaissent simplement.

Dans tout cela l’Europe, n’étant point une victime, a une part majeure de responsabilité à la fois historique, politique et morale qu’elle doit assumer au lieu de durcir encore davantage sa stratégie anti-migratoire déjà assez agressive envers les personnes migrantes.

L’Europe doit aussi cesser tout sorte de violences de masse qu’elle commet à l’encontre des personnes migrantes, qui sont déjà persécutées par des régimes dictatoriaux et qui fuient ces pays pour sauver leur vie, ou encore celles et ceux qui sont contraints de quitter leur pays à la recherche e d’une vie meilleure, dans le cadre de l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En effet, on ne résout pas la question de la migration en érigeant encore plus de murs ou en accroissant davantage la violence de masse contre eux à travers des mécanismes de répression comme l’Agence Européenne de garde- frontières et de gardes-côtes Frontex. 

Par contre, l’Europe devrait s’engager dans la construction de relations politiques avec l’Afrique non teintées de paternalisme et fondées sur les principes de la démocratie, du respect des droits de l’homme, du respect mutuel, qui promouvraient des relations économiques plus justes et équitables basées sur le principe gagnant-gagnant en vue de tisser et développer un partenariat fort capable de créer des solutions soutenables et durables à la migrations.

Alcibiades Kopumi

Ancien rédacteur de Voix d’Exils