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Le voleur de Singapour

Quand se faire dérober son portefeuille déclenche une chaîne d’événements surprenants!

Après avoir perdu son emploi, un fils écrit une lettre à sa mère. Un geste surprenant lui permet de surmonter l’adversité. Une histoire touchante de solidarité inattendue.

En 2002, je me suis rendu à Singapour pour travailler. Suite à un désaccord avec mon employeur, je me suis vu être forcé de quitter mon emploi. Un jour, en descendant du bus, j’ai réalisé que j’avais égaré mon portefeuille contenant neuf dollars ainsi qu’une lettre que j’avais écrite à ma mère. Le message exprimait ceci :

« Ma chère Maman, comme tu le sais, j’ai été viré de mon travail. Ce mois-ci, ma situation est difficile au point que je ne pourrai pas t’envoyer la somme de cinquante dollars que je t’envoie habituellement ».

J’avais glissé cette lettre dans mon portefeuille avec l’intention de l’expédier ultérieurement. J’étais inquiet : bien que neuf dollars puissent sembler insignifiants, dans ma situation d’antan, ils représentaient toute ma fortune.

Une lettre mystérieuse

Quelques jours passèrent et j’ai reçu une lettre de ma mère. Je me sentais très gêné, craignant qu’elle ne réclame la somme d’argent que je lui envoyais chaque mois. Cependant, en lisant la lettre, j’ai été agréablement surpris par les remerciements de ma mère. Voici ce qu’elle m’a écrit:

« J’ai reçu cinquante dollars de ta part grâce à ton envoi. Mon fils, tu es vraiment merveilleux ! Tu as réussi à m’envoyer la somme à temps, malgré la perte de ton emploi. Je prie pour ton succès. »

Ces mots ont suscité en moi de l’hésitation et de la perplexité pendant plusieurs jours. Qui avait bien pu envoyer cet argent à ma mère ? Quelques jours plus tard, une autre lettre arriva, signée par l’auteur suivant :

« J’ai trouvé votre adresse au dos de l’enveloppe de votre lettre. J’ai ajouté quarante et un dollars à vos neuf dollars et j’ai envoyé cette somme à l’adresse indiquée sur l’enveloppe. Franchement, j’ai pensé à ma mère, puis à la vôtre, et je me suis dit : pourquoi laisser votre mère affamée et pourquoi devrais-je porter ce fardeau ? 

S’il vous plaît, acceptez mes excuses et pardonnez-moi.

Salutations à vous. Je suis l’ami qui vous a volé dans le bus. »

Il arrive parfois que l’on tombe sur des voleurs bien honorables !

Wael Afana

Membre de la rédaction valaisanne Voix d’Exils

 




« En Suisse, je me sens valorisée et acceptée »

Source: pixabay.com

La culture de l’encouragement

Lorsqu’elle dépose sa demande d’asile en Suisse, il y a cinq ans, Zahra découvre progressivement ce qu’on pourrait définir comme la culture de l’encouragement. A son grand étonnement, plutôt que de relever son ignorance des us et coutumes locaux, ses différents interlocuteurs répondent à sa curiosité, la soutiennent dans ses démarches et la félicitent pour ses progrès. Malgré son statut précaire – elle est à l’aide d’urgence -, la jeune Kurde veut croire qu’elle a un avenir possible dans ce pays où elle se sent bien.

Elle a souhaité partager avec les lecteurs et lectrices de Voix d’Exils quelques expériences marquantes et dire sa reconnaissance aux personnes qui l’ont aidée depuis son arrivée sur le sol helvétique.

En Iran, on échange beaucoup de critiques et peu de compliments

« En 2016, j’habitais dans le foyer d’accueil des migrants de Sainte-Croix, dans le canton de Vaud. Grâce à l’aide d’un groupe de bénévoles qui venaient trois soirs par semaine nous donner des cours, j’ai appris le vocabulaire de base pour me débrouiller dans la vie quotidienne.

Un jour, j’ai reçu un courrier pour un rendez-vous médical mais sans précision de l’adresse. J’ai croisé mon assistante sociale dans les corridors et je lui ai demandé si elle pouvait m’aider. Pascal, le responsable du foyer qui passait par là, m’a entendue et il a pris la peine de s’arrêter pour me complimenter sur mes progrès en français.

J’ai été très surprise par la façon chaleureuse et encourageante dont il s’est adressé à moi. D’ailleurs, des années plus tard, je m’en souviens comme si c’était hier… Pour que vous compreniez ma réaction, je dois préciser que dans mon pays d’origine, ça ne se passe pas du tout comme ça. Les relations interpersonnelles sont plutôt rugueuses, et les compliments sont très rares contrairement aux critiques qui sont faites pour un oui ou pour un non.

En Suisse, mon handicap n’a pas été une barrière

Avant d’arriver à Sainte-Croix, j’avais été hébergée pendant deux semaines dans le foyer de Vallorbe. Je venais d’arriver en Suisse, et je découvrais une nourriture dont le goût, la préparation, les couleurs étaient très différents de la nourriture que j’avais l’habitude de manger en Iran. Comme le domaine culinaire m’a toujours beaucoup intéressée, j’ai cherché des informations sur Internet et j’ai aussi posé des questions aux cuisiniers du foyer pour connaître les recettes et les ingrédients des plats qui nous étaient proposés. Ils ont répondu à ma curiosité avec une patience et une gentillesse qui m’ont beaucoup touchée.

Par la suite, je me suis inscrite dans le Programme cuisine proposé aux migrant.e.s par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM). J’avais peur de ne pas être acceptée, parce que j’ai une main handicapée à laquelle il manque des doigts. Mais j’ai été rapidement rassurée, mon handicap ne constituait pas une barrière pour la réalisation de mon projet qui était d’obtenir le certificat d’aide en cuisine. J’ai fait une semaine de stage préliminaire dans le self-service de l’EVAM à Lausanne et tout s’est très bien passée. Là encore, personne ne m’a fait de remarques désobligeantes, et personne n’a mis en doute mes capacités à travailler en cuisine.

A la fin de ma formation, avant d’obtenir mon certificat, j’ai fait un mois de stage à la Fondation Mère Sophia, à Lausanne. Avec une petite équipe de bénévoles, nous préparions la soupe que nous servions tous les soirs, dans la grande salle de la fondation, aux personnes dans le besoin. J’épluchais et je coupais les légumes, le travail était simple et se faisait dans une très bonne ambiance. Les bénévoles m’ont tout de suite adoptée et j’ai pu prolonger le stage d’un mois. J’aurais bien voulu continuer, mais l’expérience s’est ensuite arrêtée parce que mon statut – je suis à l’aide d’urgence -, ne me donne pas le droit de travailler.

J’ai été rassurée sur mes compétences

Je suis une jeune femme célibataire qui – comme beaucoup de migrant.e.s – vit seule, loin de sa famille. Mes parents et une de mes sœurs sont restés en Iran. Mon autre sœur habite en Suisse alémanique, dans le canton d’Argovie, mais je la vois seulement deux-trois fois par année, car le train coûte très cher et j’ai un tout petit budget.

Cet isolement est difficile à supporter. Comme tout le monde, j’ai besoin de contacts humains pour préserver mon équilibre, j’essaie aussi d’avoir des objectifs, un but à atteindre. J’ai l’espoir de voir ma demande d’asile évoluer. Je rêve d’obtenir le permis B et de pouvoir enfin travailler dans mon domaine de formation qui est la comptabilité.

En attendant, et pour ne pas rester les bras croisés après mon passage en cuisine, je me suis intéressée à une autre activité proposée par l’EVAM : le Programme Cybercafé. Ma mission consistait à gérer de façon presque autonome le relais internet destiné prioritairement aux migrants hébergés dans le foyer de Sainte-Croix. Malheureusement, un mois après mes débuts dans ce programme, le Cybercafé a été fermé pour cause de Covid…

Que faire ? J’ai alors été orientée vers le Programme Voix d’Exils. Omar, mon responsable, m’a proposé d’écrire des articles pour le site Voix d’Exils. Le premier jour, je n’avais aucun sujet d’article à proposer. Pour moi, qui vient de la comptabilité, c’était un exercice très difficile. J’étais très stressée et déçue, j’étais sûre que Omar allait me dire que je n’avais pas les compétences nécessaires et que je ne pouvais pas rester. Mais, à ma grande surprise, il m’a rassurée, il m’a dit qu’on allait en parler avec Afif, le deuxième responsable du programme. Les deux ont pris le temps de m’expliquer à nouveau quel était mon rôle et ce qu’ils attendaient de moi. Comme ils m’ont fait confiance et qu’ils m’ont encouragée, je n’ai pas voulu les décevoir, je me suis accrochée et maintenant, cinq mois après mes débuts, grâce à l’aide et au soutien de différents collaborateurs de ce média en ligne, j’ai écrit et publié plusieurs articles dont je suis très fière.

Ma situation n’est pas facile, mais j’essaie d’avancer, de ne pas perdre l’espoir. À toutes les personnes qui, depuis mon arrivée en Suisse, m’ont soutenue, à toutes celles et ceux qui m’ont redonné confiance et qui m’ont permis de grandir, je voudrais ici vous dire : MERCI !

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Bonne année!

Voix d’Exils vous remercie pour votre fidélité et vous souhaite une heureuse année 2011!