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« L’armée russe n’a aucune chance de gagner cette guerre »

Valerii Martseniuk. Photo: Guillaume Stern / Voix d’Exils

Une interview de Valerii Martseniuk, réfugié ukrainien en Suisse

Valerii Martseniuk est un réfugié d’origine ukrainienne et un ancien rédacteur de Voix d’Exils. Il a trouvé refuge avec sa famille en Suisse suite au premier conflit russo-ukrainien qui est survenu en 2014. Lors de cette interview réalisée le 8 mars, Valerii Martseniuk partage avec nous sa vision de la situation 13 jours après le début l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Erratum:

* L’invasion russe a débuté le 24 février et non pas le 24 janvier comme évoqué à 3’12 »

** 200’000 soldats russes sont mobilisés dans ce conflit et non pas 20’000 comme évoqué à 10’42 »

 




FLASH INFOS #94

Bundesministerium für europäische und internationale Angelegenheiten / Flickr.com

Sous la loupe : Suisse : un référendum contre le financement de Frontex aboutit / Une enquête dévoile l’insalubrité des logements pour réfugié·e·s en Angleterre / Turquie : multiplication des appels à renvoyer les réfugié·e·s

Suisse : un référendum contre le financement de Frontex aboutit

Le Courrier, le 12.01.2022

En Suisse, la majorité de droite au parlement fédéral a décidé, en automne dernier, d’augmenter sa participation au budget de l’Agence européenne de garde-frontières et garde-côtes – Frontex – afin de consolider les actions de celle-ci.

Cependant, cette décision met en danger la vie des réfugié·e·s qui traversent des frontières dangereuses, notamment en Méditerranée. En effet, Frontex viole régulièrement le principe de non-refoulement inscrit dans la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.

Pour s’opposer à cette décision de parlement, le référendum « No Frontex » a été lancé le 12 octobre 2021 par l’association Migrant Solidarity Network. La nombre de signatures ayant été atteint en date du 20 janvier 2022, le référendum contre le financement de Frontex constitue donc une affaire à suivre…

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Une enquête dévoile l’insalubrité des logements pour réfugié·e·s en Angleterre

infomigrants.net, le 11.01.2022

Le média britannique BBC a mené une enquête sur les conditions déplorables dans lesquelles se trouvent certains logements fournis aux demandeurs et demandeuses d’asile en Angleterre. Ces logements, dont certains ont vu leur plafond s’effondrer au cours des derniers mois, sont souvent décrits comme insalubres, voire dangereux.

Ce n’est pas la première fois que le traitement des réfugiés au Royaume-Uni suscite des inquiétudes. Dans son rapport, l’organisation Independent Monitoring Boards (IMB) signale que des plaintes sont rapportées par des réfugié·e·s à propos de leur logement presque toutes les semaines. L’organisation dénonce également le fait que les femmes violées ne sont pas « assez soutenues », que les blessures ne sont pas traitées et que les personnes migrantes sont obligées de dormir à même le sol lors de leur arrivée en Angleterre.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Turquie : multiplication des appels à renvoyer les réfugié·e·s

France 24, le 17.01.2022

En raison de la dégradation de la situation économique en Turquie, les appels à renvoyer les réfugié·e·s syrien·ne·s dans leur pays se font de plus en plus nombreux. C’est notamment le cas dans la ville de Bolu, au nord d’Ankara, où un maire nationaliste tente de faire passer des lois discriminatoires contre les étrangers et étrangères arabes.

Il est à noter que la Turquie compte le plus grand nombre d’immigrant·e·s au monde, la plupart étant des Syrien·ne·s qui sont soigné·e·s et soutenu·e·s gratuitement par la Turquie.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La guerre hybride : une façon moderne de faire la guerre

Kramatorsk est une localité ayant une population de 200 000 habitants située dans la province de Donetsk qui est devenue l’un des principaux foyers du conflit en Ukraine. Les forces gouvernementales spéciales, comme celle sur l’image, ont pris le contrôle de l’aéroport, mais des miliciens pro-russes occupent le centre de la ville. Marko Djurica / Reuters / 19.04.2014 / CC BY 2.0.

Opinion sur la guerre hybride qui sévit en Ukraine depuis plus de 5 ans

L’humanité évolue tout le temps, et avec elle évolue aussi la façon de faire la guerre. Au XXI siècle, pour faire la guerre, il n’y a pas forcément besoin de la déclarer. Il s’agit d’un type de guerre généralement présenté comme alliant guerre conventionnelle et non conventionnelle, guerre régulière et irrégulière, guerre de l’information et cyberguerre. La formule « guerre hybride » est apparue encore en 2006 pour décrire la stratégie employée par le Hezbollah lors de la guerre du Liban, mais elle a été développée plus largement un peu plus tard.

Voici un exemple. Après la Révolution de la Dignité en Ukraine en 2014 et la fuite du Président ukrainien Viktor Yanukovych, l’Etat ukrainien était décapité. Personne ne pouvait donner d’ordres adéquats à l’armée ukrainienne. D’un autre coté, l’armée ukrainienne, elle-même, était affaiblie par la gestion inefficace, le financement insuffisant et la corruption. Le président de la Fédération de Russie a profité de la situation de chaos en Ukraine. En effet, les Russes ont porté un coup dans le dos de ceux qu’ils appelaient depuis plusieurs siècles « les frères ». Et pourtant, cela ne les avait jamais empêchés de tenter d’effacer ces « frères » de la surface de la Terre, par de multiples guerres, par l’assimilation de l’Ukraine en entier, par des russifications diverses, des répressions sanglantes, ou encore l’extermination par la famine appelée Holodomor etc.

Donc, cette fois-ci, les Russes n’ont de nouveau pas hésité à attaquer leurs « frères », en profitant du fait que l’Etat ukrainien se trouvait temporairement dans le chaos et l’anarchie. Ils ont envoyé leurs soldats déguisés, sans signes de reconnaissance, en leur inventant la légende qu’ils sont des « forces locales d’auto-défense ». Ils ont commencé à encercler des bases militaires ukrainiennes pour contraindre les gardes-côtes à rendre les armes. Ensuite, après le prétendu référendum tenu le 16 mars 2014, en fait illégal, de l’attachement à la Russie qui n’était qu’un spectacle organisé par les envahisseurs et mené sous la menace des Kalachnikov, la Crimée a été annexée.

Mais les Russes ne se sont pas arrêtés là, ils voulaient toute l’Ukraine ou du moins celle du sud-est. Dès lors, ils ont commencé à envoyer des militaires déguisés à l’Est de l’Ukraine, notamment dans la région de Donetsk et de Louhansk, qui se faisaient passer pour des rebelles locaux. Certes, il y avait des individus parmi les gens locaux qui ne voulaient pas que leur région fasse partie de l’Ukraine, mais ils étaient minoritaires, voire ultra-minoritaires. Les Russes ont organisé à travers les parties de la frontière ukrainienne, qui n’étaient pas sous le contrôle des autorités ukrainiennes, la livraison continue des armements et des personnes prêtes à tirer sur les Ukrainiens. Ils se sont engagés dans cette aventure délictueuse, autant de véritables militaires, officiellement retirés de l’armée russe, que toutes sortes de « bénévoles » qui étaient prêt à tirer sur les Ukrainiens, mais aussi des armées privées, comme le groupe Wagner.

Selon l’Amnesty International, les rebelles plaçaient des cibles militaires dans des quartiers d’habitation. A mon avis, l’objectif était que l’armée ukrainienne bombarde ces quartiers d’habitation pour que les Russes puissent montrer à la télévision comment l’armée ukrainienne « massacre » son propre peuple. A mon sens, ils se cachaient donc, un peu comme en Crimée, mais de façon beaucoup plus « sophistiquée », derrière et parmi les civils, en provocant les militaires ukrainiens pour qu’ils tirent dans leur direction. Cette guerre non déclarée dure toujours et on n’en voit pas la fin.

Voilà pour ce petit exemple. Il y en a d’autres, mais ils ne peuvent pas être décrits dans un seul article. A part le désastre, l’horreur, les douleurs et les tortures qu’engendre la guerre, la question subsidiaire est la suivante: est-il possible d’octroyer le statut de réfugié aux demandeurs d’asile qui viennent de pays où la guerre n’est même pas déclarée officiellement ? Cette question reste toujours ouverte.

VALMAR

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




MNA jugés trop coûteux à Berne

CC0 Public Domain

CC0 Public Domain.

La Canton de Berne refuse d’augmenter le budget dédié à l’accueil des mineurs non accompagnés

Le 21 mai dernier, les citoyens et citoyennes bernois ont été appelés à se prononcer sur l’augmentation du budget 2016-2019 dédié à l’accueil des mineurs non accompagnés (MNA). Augmentation soutenue par le Grand Conseil et rejetée par la population suite à un référendum.

Le Grand Conseil bernois avait prévu, en septembre 2016, un budget de 105 millions de francs pour financer sa politique d’asile pour la période 2016-2019. Il prévoyait d’augmenter le budget affecté spécifiquement aux MNA pour renforcer leur encadrement à hauteur de 90 millions de francs. Une augmentation du budget affecté aux MNA jugée trop coûteuse par l’UDC et d’autres signataires qui ont alors  lancé un référendum. Les référendaires soutiennent que chaque migrant mineur coûte plus de 5’000 francs par mois, alors que la plupart des familles suisses n’ont pas de tels moyens. Or, selon le Grand conseil bernois, ce crédit est justifié par le fait que les fonds fédéraux ne suffisent pas à couvrir les coûts de l’asile, en particulier pour les mineurs non accompagnés. Ainsi, malgré la recommandation du Grand conseil de voter ce budget, la population bernoise s’est laissée convaindre par les arguments du référendum et a rejeté cette mesure par 157’589 voix contre 132’689.

Selon le Grand Conseil bernois, le Canton de Berne accueille actuellement plus de 400 MNA et dépense, pour chacun d’eux, 171 francs par jour. Or, seuls 36,50 francs sont couverts par les forfaits de la Confédération. Cette votation risque alors de remettre en question les mesures d’accompagnement dédiées aux MNA par le Canton de Berne. D’après Hans-Jürg Käser, conseiller d’État bernois en charge de la police et des affaires militaires, « Privés de l’encadrement spécifique et des mesures d’intégration dont ils bénéficient actuellement, les RMNA éprouveront des difficultés dans leur parcours scolaire ou dans leur formation professionnelle; à long terme, ils risquent de devenir durablement dépendants de l’aide sociale. »

Des mineurs non accompagnés livrés à eux-mêmes ?

Certains cantons ont des structures sommaires dédiées spécifiquement à l’accueil des MNA; alors que leur nombres est en forte augmentation en Suisse. La mise en place de ces structures relève de la responsabilité des cantons. En 2015, déjà, l’émission de la RTS Temps Présent avait mis en lumière des pratiques cantonales choquantes en la matière et la méconnaissance de ces dernières par le Secrétariat d’État aux Migrations « alors que la Confédération de son côté assure que tous les cantons respectent la Convention des droits de l’enfant ». Pour répondre à ces critiques, le Secrétariat d’État aux migrations prévoit d’améliorer son dispositif de prise en charge des requérants mineurs non accompagnés au niveau des centres d’hébergement de la Confédération.

Niangu Nginamau

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Alors qu’ils venaient de traverser l’enfer – Commentaire

Ces enfants n’ont rien demandé à personne, traversant les déserts et les océans au péril de leur vie, parfois violés et battus, leur seul motif est de fuir l’oppression, la misère, les idéologies machiavéliques des grandes personnes ou de politiciens criminels. Chacun d’eux porte son histoire, surtout l’histoire d’un enfant quittant ses parents et voyageant seul pour venir chercher la protection d’un pays réputé être le berceau du droit humanitaire.

N.N

 

 




Requérants-épouvantails

Un épuvantail. Photo : Jc (CC BY-NC-ND 2.0)

Un épouvantail. Photo : Jc
(CC BY-NC-ND 2.0)

Le 9 juin prochain, le peuple suisse se prononcera sur une énième révision de la loi sur l’asile… Ou plutôt un énième durcissement de la loi sur l’asile consécutif au fait que « le Parlement a révisé la loi sur l’asile et a déclaré urgentes plusieurs dispositions qui sont entrées en vigueur le 29 septembre 2012 ». Pour une population qui représente à peine 1% des résidents en Suisse, les autorités helvétiques n’en font-elle pas trop ?

N’est-ce pas là une sorte de diabolisation d’une couche de personnes très vulnérables, dont la majorité ont été contraintes de quitter leur pays en catastrophe ? On parle notamment de la suppression des demandes d’asile dans les ambassades, de la suppression de la désertion comme motif d’asile, de la création de « centres spéciaux » pour « requérants d’asile récalcitrants ».

Qui sera considéré comme « récalcitrant » ?

Penchons-nous justement sur l’idée de créer des « centres spéciaux » pour « requérants récalcitrants », une idée qui fait couler beaucoup d’encre et de salive. Qui seront les pensionnaires ? Quels seront les critères ? Ne sommes nous pas en train d’assister à la création d’un nouveau statut de requérants par Berne ? Après l’invention du statut de NEM (Non Entrée en Matière), ou encore celui de « requérants à l’Aide d’urgences » pour des requérants déboutés, avec la stigmatisation que l’on sait ? Certains partis de la droite suisse évoquaient dans un premier temps (il y a quelques mois déjà) l’idée de construire des « camps d’internement », nous rappelant les tristement célèbres camps de concentration nazis… Une idée qui avait vite été réfutée par les autres partis suisses, mais qui semble aujourd’hui (au moins pour certains) acceptable. La question qui taraude l’observateur neutre est de savoir pourquoi certains politiciens essaient d’attiser dangereusement les passions anti-immigrés ? par calcul politique à court terme ! Comment en est-on arrivé là ?

Philippe Currat, membre de la commission des Droits de l’homme de l’Ordre des avocats de Genève avertit déjà dans Le Matin dimanche du 30 mars 2013 que « la notion de récalcitrant est très floue et j’ai l’impression que c’est intentionnel. Ça laisse le champ libre aux autorités pour écarter quelqu’un sans avoir à se justifier. » Un requérant, que nous avons rencontré, dit « avoir peur que certains employés dans le milieu de l’asile s’en servent pour « régler des comptes » puisque rien est défini ». Alors qu’un autre nous demandait innocemment si « l’oubli d’acheter un ticket de métro ou de train, qui est déjà sanctionné par une amende, serait considéré comme un motif d’envoi dans un centre pour récalcitrants ? »

Autant de questions sur lesquelles les autorités devront se pencher !

« Acharnement incompréhensible » sur une population qui représente moins de 1% de résidents en Suisse

La création de centres pour récalcitrants, sans en avoir prédéterminé les règles, ouvre la voie à de possibles dérapages. Aldo Brina, co-président de Stop Exclusion, est clair là-dessus : « La création de centres pour récalcitrants n’apporte rien de bon, elle n’apporte que de l’arbitraire, car on ne sait pas qui est un récalcitrant, ni qui va être envoyé. Surtout qu’une personne placée dans un centre spécifique ne peut pas contester la mesure immédiatement. Elle ne peut le faire qu’après avoir passé quelques jours là-bas », conclut-il sur les ondes de la RTS.

Les révisions d’asile se succèdent rapidement en Suisse, certaines ONGs parlent « d’acharnement incompréhensible » sur une population qui représente moins de 1% des résidents en Suisse. Mais Jo Lang, Vice-président des Verts temporise « en Suisse, il n’y a pas que l’anti-asile et la xénophobie, il y a aussi de l’humanisme. »

« On ne reste pas des réfugiés pour la vie »

Les auteurs du referendum contre la modification de la loi sur l’asile dénoncent « des mesures urgentes inutiles et inhumaines », et se plaignent « de l’hystérie permanente et de la méfiance systématique envers les réfugiés. »

A qui profite ce climat malsain ? Cette zizanie semée entre personnes vivant dans un même pays ? La Suisse pays réputés humanitaire ?! Pourquoi vouloir toujours criminaliser, diaboliser, stigmatiser une catégorie minoritaire, souvent silencieuse et désorganisée, qui accepte l’humiliation par nécessité ? L’immigré est-il devenu la victime collatérale des aléas de l’humeur de la classe politique suisse ?

« Je serai toujours reconnaissant à la Suisse de nous avoir accueilli comme réfugiés en 1981. Depuis lors, j’ai été à l’école, je me suis engagé en politique et je suis devenu parlementaire. Je fais partie de la société suisse. Je veux dire qu’on ne reste pas des réfugiés à vie. En général, ils s’intègrent et ils contribuent à l’enrichissement économique et culturel du pays. Je ne comprends donc pas que le Parlement s’acharne de cette manière en durcissant continuellement la loi sur l’asile », dit à haute voix Antonio Hodgers, Président cantonal genevois du parti des Verts et Conseiller national. Propos rapportés par le site swissinfo.ch. Une belle leçon de morale à ceux qui veulent l’entendre, et surtout à ces politiciens qui détournent le regard des vrais problèmes en Suisse.

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils