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« Nous pouvons abattre toutes les frontières qui cloisonnent les esprits et les peuples »

Dialogue d’un père avec son fils. Illustration de Kristine Kostava/Voix d’Exils

Dialogue d’un père avec son fils peu avant sa naissance

Noé, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils, s’adresse à son fils sur le point de naître : « les nouvelles du dehors ne sont pas très bonnes! » et se met d’accord avec lui d’abattre ensemble toutes les frontières qui cloisonnent les esprits et les peuples pour bâtir un monde meilleur.

Père: Fils, il y a quelque chose que je dois te dire …

Fils: Qu’est-ce que c’est ?

– Ils ne veulent pas de nous ici !

– Que veux-tu dire ? De toute façon tu sais que j’arrive !

– Ils veulent que nous retournions là d’où nous venons.

– Si je pouvais, je vous emmènerai tous avec moi. Mais de là d’où je viens, il n’y a pas de retour. Père, tu devrais voir cet endroit! Je ne connais pas assez de mots pour te décrire toutes ses merveilles et ses couleurs. Je peux encore apercevoir les lumières célestes à l’autre bout du tunnel. Mais ne t’inquiète pas, j’apporte un petit bout de paradis avec moi dans votre monde.

– Fils, l’endroit dont je veux te parler n’est pas d’un autre monde, il s’agit d’un pays. Le pays où ta mère et moi nous sommes nés.

– C’est quoi un pays !?

– Eh bien, un pays est un endroit encerclé par des frontières naturelles telles que les mers, les montagnes, les déserts, les lacs… Ainsi que des frontières artificielles faites par l’homme.

– Est-ce une sorte de prison ?

– Non, nous sommes des Hommes libres ! Enfin, en théorie.

– Alors nous devrions être libres d’aller où bon nous semble !

– Ce n’est pas si simple, Il existe des lois qui limitent nos droits naturels, et nous devons y obéir.

– Je ne comprends pas les règles qui vous gouvernent. Tous les Hommes obéissent-ils à ces mêmes lois ?

– Non, pas tous, ces lois ne s’appliquent qu’à nous… Je ne voudrais pas déjà te décourager, mais je dois te le confesser: Ta mère et moi, nous ne sommes pas nés sous la lumière des plus belles étoiles. Ils nous appellent le tiers-monde, en vérité nous sommes bien plus qu’un tiers de cette planète. Nous sommes la majorité invisible! On ne peut être vus ni entendus, peu importe notre nombre. Car les ombres n’ont pas de voix.

– Mais ne dit-on pas que tous les Hommes naissent libres et égaux !?

– Oui, en théorie… Tu sais, je me demande parfois si tu peux me voir sourire depuis là où tu es. Peux-tu voir quand je suis triste ? Je suis déjà si fier de toi ! L’ironie est une assurance survie dans ce bas monde et je sais que tu en as plus qu’il n’en faut.

– Père, Je n’essayais pas de te faire sourire.

– Je sais, crois-moi ! Ton grand-père me disait : « Fais ce que je te dis et non ce que je fais ! ». Il me semble que cela résume bien un monde.

– Nous allons guérir le monde ! Abattre toutes les frontières qui cloisonnent les esprits et les peuples.

– Mon fils, tu n’es même pas encore né ! Et tu es déjà plus déraisonnable que ton pauvre père. Où penses-tu que nous irons ainsi ?

– Vers un endroit meilleur ! Je te montrerai le chemin.

– Tu sais qu’il n’existe aucun endroit où je n’irai pas pour toi, même si je dois le bâtir de mes propres mains.

– Nous allons le bâtir ensemble, et le monde entier se joindra à l’ouvrage !

– Un endroit où l’humanité ne connaîtra plus de frontières…

– Père, je sais que nous pouvons le faire.

– Mon cher fils, oui, nous le pouvons!

– Je suis en chemin…

Noé

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Et si on désapprenait tout pour redevenir des enfants!

Daniel Esteban Léon Campo, fils de Marta Campo, rédactrice à Voix d’Exils/Photo prise, depuis 7 ans, au bord d’une piscine.

 Le monde sera plus juste.

À quoi ressemblerait notre monde et notre société s’ils étaient dirigés par des enfants ? C’est la question à laquelle essaye de répondre notre rédactrice Martha Campo au travers de cet article qui nous invite à la réflexion.

«Avant d’apprendre à lire aux enfants, vous devez les aider à apprendre ce que sont l’amour et la vérité» (Mahatma Gandhi).

Un peu en désaccord avec la phrase du Mahatma Gandhi, je dirais que les enfants sont amour et vérité et que ce sont les adultes qui finissent par corrompre leur esprit, leur cœur, leurs actions. Je ne sais pas quand cette simplicité, cette innocence, cette gentillesse, cette façon sincère d’agir et de parler que les enfants amènent avec eux à la naissance se perd et si les comportements des enfants changent en fonction de l’environnement qui les entoure, de ce qu’ils entendent et de ce qu’ils voient.

Suivez-moi dans un rêve : et si le monde était gouverné par des enfants, c’est-à-dire par des personnes qui auraient conservé le cœur et l’esprit d’un enfant ?

Imaginons un ministère de la santé : avec la sensibilité d’un enfant, son empathie pour les autres, on ne regarderait pas combien coûte un traitement ou si le malade y a droit ou pas en fonction de son assurance ; on ne regarderait qu’une seule chose : qui a besoin d’aide, à qui il faut sauver la vie et on ne lésinerait sur rien pour le faire.

Imaginons maintenant les ministères de l’environnement et de l’agriculture :  nous savons que les enfants aiment la nature, la terre, ils adorent jouer dans la boue, ils sèment, ils pleurent quand un petit ver ou une fourmi meurt sous une chaussure humaine. Ils ne sont pas des consommateurs, ce sont des amoureux de la récupération et du recyclage, ils transforment tout ce qu’ils trouvent, ce sont des créateurs… donc, avec eux, pas de problèmes de pollution ou de contamination !

Que diriez-vous d’un pays gouverné par le cœur d’un enfant, avec des lois justes, de la solidarité et beaucoup d’amour pour le peuple ? Il n’y aurait pas besoin de réformes puisque l’équité, l’égalité, la justice et le bien-être seraient présents depuis le début. Dans ce monde, le bonheur du peuple serait le premier objectif et l’être humain la priorité.

Dans ce monde dirigé avec le cœur d’un enfant, il pourrait y avoir des disputes mais toujours la réconciliation, les haines n’existeraient pas, le câlin serait donné sans regarder la race, la couleur, le milieu social, la nationalité, l’âge ou le genre, tout le monde se tiendrait ensemble, chacun se soucierait de l’autre, donnant et recevant tour à tour. Tout sortirait de la simplicité, de l’innocence, de la vérité, du naturel avec lequel nous sommes nés.

Nous devrions y penser pour construire un monde plus juste.

Martha Campo Millan, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Les luttes féministes

La grève nationale des femmes du 14 juin 2019 en Suisse. Un cortège à Lausanne. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Une histoire écrite avec le sang

L’histoire des luttes féministes, de ses débuts à nos jour, montre la voie à notre génération pour enfin parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes.

On observe les premières figures de libération des femmes vers la fin du treizième siècle avec, par exemple, Guglielma de Milan qui créa la première église de femmes.

La Révolution française marque un changement important dans l’évolution de l’égalité entre les sexes. Olympe de Gouges, une femme politique et l’une des pionnières du féminisme français, affirme déjà en 1791 dans sa Déclaration des droits des femmes et des citoyens que « les droits naturels des femmes sont limités par la tyrannie des hommes, situation qui doit être réformée selon les lois de la nature et de la raison ». Elle fut guillotinée le 3 novembre 1793 par le gouvernement de Robespierre.

En Angleterre, Mary Wollstonecraft écrivit en 1792 que « la revendication des droits des femmes » soulève les questions du droit de divorcer librement, de l’égalité des droits civils, du travail, des droits politiques et de l’accès à l’éducation.

C’est surtout au dix-neuvième siècle que commence une lutte organisée et collective. A cette époque, les femmes décident de participer à de grands événements historiques jusqu’à obtenir le droit de vote et avec lui la reconnaissance de leur autonomie. Les femmes ont commencé par faire partie des révolutions socialistes mais de manière subordonnée. Flora Tristan est une figure de ces femmes engagées dans les luttes ouvrières féministes. Elle écrit en 1842 que « la femme est la prolétaire du prolétariat […] même le plus opprimé des hommes veut opprimer un autre être: sa femme ». Le 19 septembre 1893, les femmes accèdent au droit de vote en Nouvelle-Zélande. Puis d’autres pays vont suivre tels que l’Australie, la Finlande, la Norvège, l’Union soviétique, l’Allemagne et les États-Unis 20 ans plus tard. Rappelons qu’en Suisse, les femmes n’eurent le droit de vote qu’en 1971!

La grève nationale des femmes du 14 juin 2019 en Suisse. Un cortège à Lausanne. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

De nos jours

Dans l’histoire contemporaine, la militante et combattante pour l’égalité des sexes Malala Yousafzai a changé l’histoire des droits des femmes au Pakistan. La jeune écolière de 15 ans défie les talibans qui interdisaient aux filles d’aller en classe. Elle tenait un blog dans lequel elle racontait sa vie, comment elle progressait et ses difficultés quotidiennes pour se rendre à l’école. Le 19 octobre 2012, des hommes armés arrêtent le bus dans lequel elle se trouve et lui tirent dessus à trois reprises. L’un des coups de feu atteint son crâne, la laissant presque morte. Elle passe alors plusieurs semaines aux soins intensifs et réussit à s’en sortir in extremis.

Malala est devenue le symbole de la lutte féministe pour l’égalité. Son message de courage a eu un écho mondial. Elle a notamment déclaré que « l’éducation est un pouvoir pour les femmes, et c’est pourquoi les terroristes ont peur de l’éducation. Ils ne veulent pas qu’une femme soit éduquée car dès lors celle-ci sera plus puissante. »

L’autonomie pour toutes et tous

Lors de la convention de l’ONU sur les droits des femmes qui s’est déroulée à New York en juin 2017, l’un de nos principaux thèmes était l’égalité et le respect entre les sexes et cela commence par l’éducation de nos enfants, garçons et filles.

Il est essentiel de déconstruire la soumission des femmes au cours des siècles et de chercher à atteindre une autonomie pour toutes et tous au-delà des différences de genre.

Durant mon exil, en raison de mon engagement politique et en tant que défenseuse des droits des femmes, je continue à insister sur le fait que l’autonomisation des femmes passe nécessairement par leur pleine intervention dans la vie politique et dans la prise de décisions.

Nous ne pouvons pas abandonner les luttes qu’ont mené les femmes qui nous ont précédées. Nous sommes leurs héritières et c’est grâce à elles que nous vivons aujourd’hui avec de plus grandes opportunités. Il y a encore un long chemin à parcourir, de nombreux combats à mener et droits à conquérir.

Il y a eu des progrès substantiels dans la lutte contre le machisme, la violence et les abus. Mais il faut trouver davantage de mécanismes pour éliminer les obstacles qui empêchent les femmes d’exercer leurs droits économiques ce qui les maintient dans la pauvreté.

Martha CAMPO

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Le 1er août

Emilio Guzman / Unspash.com

Une nouvelle fête dans nos vies

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils réunit des représentants de différents pays : la coordinatrice est Suissesse, je viens d’Azerbaïdjan, mes autres collègues viennent du Cameroun, du Burundi, de Tchétchénie, du Togo, du Yémen, de Turquie, d’Iran et de RDC Congo. Nous formons une carte assez multicolore et surtout une vraie famille internationale!

Le point central dans notre vie de migrants est l’intégration. Tout est nouveau pour nous : nouveau pays, nouvelle langue, nouveau style de vie, nouvelle culture, nouvelle cuisine… Presque tout est réinitialisé et nous devons recommencer notre vie à partir de zéro.

Un mystérieux 1er août

Et, bien sûr, il y a des nouvelles fêtes, de nouveaux jours significatifs de cette nouvelle vie. Vous vous couchez un soir et le lendemain, au réveil, c’est le 1er août. C’est un jour férié en Suisse, on voit des drapeaux partout, il y a des pétards et des feux d’artifice. Pour comprendre ce qui se passe, vous devez vous adresser à quelqu’un. Et vous devez préalablement connaître la langue pour être capable de demander. Sinon, l’espoir réside dans le langage international: expressions faciales et gestes de la main. Dans tous les cas vous voulez savoir : quelle est la particularité du 1er août? Personnellement, j’ai appris cela de Wikipedia, que je cite :

« Cette fête fut célébrée pour la première fois en 1891, à l’occasion du 600e anniversaire du pacte de 1291, qui est alors choisi comme acte fondateur plutôt que le mythique Serment du Grütli qui était commémoré auparavant. La date du 1er août est déterminée ainsi car ce pacte, qui renouvelle une alliance, est daté du début du mois d’août sans mentionner le jour exact.

Depuis 1994, le 1er août est un jour férié officiel dans toute la Suisse. »

L’avis des migrants

Ainsi, le 1er août est la Fête nationale des Suisses. Mais que signifie pour nous, les migrants, le jour de la création de ce pays qui nous donne une nouvelle vie ? Pour répondre à cette question, j’ai mené ma petite enquête auprès de mes collègues rédacteurs et rédactrices:

«Mes amis, j’ai une question pour vous tous. Que signifie le 1er août pour vous ?»

Il y a un moment de silence.

«Le 1er août, c’est mon anniversaire!»

Après cette réponse inattendue, des rires emplissent l’air. Nous regardons tous notre ami avec une étincelle dans nos yeux.

Surpris par nos regards et nos rires, il reprend :

«Vous allez peut-être vous moquer de moi, et ne pas me comprendre, mais je suis sérieux. Symboliquement, le 1er août est vraiment mon anniversaire!»

Il lève son verre de jus d’abricot bien valaisan.

«Santé! La Suisse et moi fêtons notre anniversaire le même jour. Et j’ai beaucoup de chance, car j’ai un deuxième anniversaire le 1er janvier !»

Cette fois, il éclate de rire!

Nous l’avons applaudi : «Joyeux anniversaire!»

Je me suis tourné vers un autre ami :

«Et pour toi ?»

«Le 1er août reste gravé dans ma mémoire grâce aux feux d’artifice.»

Tout le monde approuve.

«Pour moi, le 1er août est une journée ordinaire, comme toutes les autres» dit un autre ami.

«C’est la fête nationale en Suisse.»

«Et encore ?» Ai-je demandé.

«C’est la fête des drapeaux volants et des feux d’artifice!»

Curieusement, aucun de mes amis ne s’est intéressé à ma réponse… La voici:

«Le 28 mai est la fête de la République en Azerbaïdjan. «Le Jour de la République  est le jour de 1918 où la République démocratique d’Azerbaïdjan – le premier État démocratique laïque de l’Est musulman – a été établie. Depuis 1990, le Jour de la République est célébré comme une fête nationale. Le 1er août signifie le 28 mai pour moi. La Suisse est devenue ma Patrie. Mon ami a probablement raison, c’est notre anniversaire symbolique. Si nous n’étions pas en Suisse aujourd’hui, qui sait où nous serions, et dans quelles circonstances…»

Oui, le 1er août est une nouvelle et formidable fête dans nos vies. Et notre cœur veut, si fort que le monde s’en arrête presque, en l’honneur et pour le bien de la Suisse, pour le bien de notre nouvelle vie. Que les drapeaux volent dans le ciel et qu’il y ait des feux d’artifice!

Je pense qu’il est tout à fait possible de sauver le monde avec un enthousiasme aussi grand!

Samir Murad

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Droit international et valeurs démocratiques ou pétrole?

Le chef de la commission d’une circonscription en Azerbaïjan explique à des électeurs âgés comment voter. Auteur: Carpeblogger /flicker.com.

La démocratie à intensité variable : le match Suisse Azerbaïdjan

En Azerbaïdjan, il n’y a pas de vrai processus électoral comme celui que j’ai pu observer dernièrement en Suisse. Tout est mensonge, tout est spectacle!

Le 19 octobre dernier, des élections ont eu lieu en Suisse. J’ai regardé de nombreuses interviews à la télévision ; j’ai lu beaucoup d’articles et d’informations dans les journaux et les médias en ligne. J’ai été témoin d’une véritable compétition électorale, d’une concurrence loyale, d’une campagne électorale progressiste.

Oui, j’ai assisté à un processus électoral normal. Mais…

Dans mon pays, ce processus électoral n’existe pas depuis des années et il n’y a vraiment pas d’élections comme en Suisse. Le gouvernement actuel de l’Azerbaïdjan a transformé le pays en un grand théâtre et les élections en grande représentation. Tout est mensonge, tout est spectacle. Les citoyens n’ont pas le choix. Bien entendu, la Constitution contient des dispositions sur le droit des citoyens de choisir leurs représentants et d’être élus. Mais le gouvernement ne respecte pas ses propres lois. De facto, les citoyens ont été privés de ces droits.

Depuis des années, le gouvernement manipule le vote et falsifie les élections. La violence policière est utilisée contre les personnes qui revendiquent leurs droits. Des centaines de personnes ont été arrêtées ou enlevées. Des milliers de personnes ont été victimes de violence et de vandalisme. Les prisons sont également des machines de torture, des dizaines de personnes y sont mortes. Les arrestations illégales et la torture sont les caractéristiques de tous les régimes autoritaires et des dictatures.

Tout cela se passe sous les yeux des grandes nations du monde qui parlent de valeurs démocratiques. Les pays démocratiques du monde ne font que regarder. Oui, ils regardent seulement, il n’y a pas de réaction appropriée. Après tout, les droits de l’homme sont violés de manière flagrante. Après tout, les institutions actuelles ne respectent pas les obligations internationales ni les normes du droit international et les droits de l’homme sont violés de manière flagrante. Face à cela, le monde démocratique reste silencieux.

La question qui se pose, c’est : pourquoi ce silence ?

L’Azerbaïdjan est un pays riche en champs de pétrole et de gaz. C’est l’un des principaux exportateurs d’énergie en Europe et dans le monde.

Peut-être que c’est la raison?

Non, c’est peut-être la réponse?

Samir Murad

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils