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Flash infos #187

Sous la loupe : Le village thurgovien de Steckborn refuse la fermeture de son centre d’asile / Elections européennes : quatre questions sur le ralliement au RN de Fabrice Leggeri, ancien patron de Frontex / Situation humanitaire très alarmante en RDC

 

Le village thurgovien de Steckborn refuse la fermeture de son centre d’asile

 Le Temps, le 16 février 2024

Elections européennes : quatre questions sur le ralliement au RN de Fabrice Leggeri, ancien patron de Frontex

Franceinfo, le 19 février 2024

Situation humanitaire très alarmante en RDC

DW, le 15 février 2024

Ce podcast a été réalisé par :

Zana Mohammed et Kristine Kostava, membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils et Malcolm Bohnet, civiliste à la rédaction.




Les femmes en Suisse sont en grève le 14 juin

Senawbar, originaire d’Afghanistan. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Zoom : six migrantes vivant en Suisse témoignent de la condition des femmes dans leur pays d’origine

En cette journée du 14 juin 2019, LA journée tant attendue par les femmes en Suisse, les rédactrices de Voix d’Exils se sont intéressées aux migrantes inscrites dans des programmes d’activité proposés par l’EVAM (Établissement vaudois d’accueil des migrants). Elles leur ont demandé quelle est la situation des femmes dans leur pays d’origine : ce qui leur est accessible en matière de scolarité, de vie familiale et professionnelle, d’héritage, de soutien social, de latitude à s’organiser en associations pour revendiquer leurs droits…

Six d’entre elles: Wafa, Merveille, Senawbar, Diana, Gladys et Oumalkaire ont accepté de témoigner.

 

Wafa, Yéménite

Wafa, originaire du Yemen. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Yemen. Source: Wikipedia

« Avec la guerre qui ravage le pays depuis 2014, les femmes tentent de faire face à la situation d’urgence. Elles voient leurs pères, frères, maris et fils partir au front, certains pour ne jamais revenir. Tandis qu’un embargo frappe le Yémen et le paralyse – il dépend à 90% des importations – les enfants meurent de faim ou de maladies bénignes tandis que les femmes décèdent en nombre affligeant sur les tables d’accouchement.

Dans ce contexte, les Yéménites ont commencé à dire NON au système patriarcal et à participer à la vie politique. Exposées et rendues vulnérables par la violence ambiante, beaucoup d’entre elles se sont mobilisées. Résultat : sur les 565 personnes appelées à rédiger la nouvelle constitution et à penser le nouveau Yémen voulu par le peuple, le quart sont des femmes.

Certes les choses changent, mais il reste du chemin avant que la société yéménite très conservatrice et très à cheval sur la loi islamique autorise les femmes à remplacer leurs pères, frères et maris dans la prise de décisions portant sur leur éducation (en particulier dans les milieux ruraux) ou sur le choix de leur époux, pour ne mentionner que ces exemples-là.

Actuellement, les préoccupations premières des femmes restent centrées sur les questions basiques de survie au quotidien en temps de guerre ; des questions tellement graves et aigües, que malgré leur bravoure, elles ne peuvent se disperser dans d’autres revendications. »

 

Merveille, Congolaise

Merveille, originaire de RDC. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

RDC Congo. Source: Wikipédia

« En République démocratique du Congo (RDC), les femmes jouissent des mêmes droits fondamentaux que les hommes, tels que l’accès automatique à l’éducation à tous les niveaux, le droit à une succession équitable, le droit de voter et de se faire élire.

Cependant, la route vers l’égalité est encore longue. Par exemple, la majorité des Congolaises doivent obtenir l’autorisation de leur mari pour pouvoir travailler. Et quand elles reçoivent cette précieuse autorisation, ce n’est pas gagné pour autant. En raison du peu de confiance personnelle qu’elles ont développé depuis leur enfance, certaines préfèrent s’auto-écarter, laissant le chemin libre aux hommes pour occuper les postes à responsabilités.

Par ailleurs, les Congolaises se sentent libres de porter plainte – et le font souvent – en cas de harcèlement sexuel. Mais quand on les questionne sur le viol et les violences conjugales, elles se renferment et gardent le silence. Bien que des structures d’accompagnement existent et sont là pour les aider, la peur du jugement de la société est la plus forte.

Le même comportement de repli sur soi s’observe par rapport à l’homosexualité qui n’est pas du tout toléré et qui est même considéré comme une abomination. Par peur d’être rejetées, les femmes concernées n’osent pas faire leur « coming out ».

Fortement désapprouvé dans une société où les familles sont généralement nombreuses et les femmes mariées valorisées pour leur fécondité, l’avortement est peu répandu, illégal et se pratique par conséquent dans la clandestinité. »

 

Senawbar, Afghane

Senawbar, originaire d’Afghanistan. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Afghanistan. Source: Wikipédia.

« Malgré le recul général consécutif à l’arrivée des Talibans dans les années 90, les Afghanes participent depuis plusieurs décennies à la vie politique de leur pays. Elles sont représentées à 27,7% au Parlement et au Sénat et bénéficient d’un quota de 20% dans les conseils communaux.

Mais il ne faut pas se fier aux apparences, car ici encore l’égalité hommes-femmes reste à conquérir. Les conditions de vie, dictées par la politique et la loi musulmanes – qui se confondent -, ne sont pas favorables aux femmes. C’est le cas notamment pour le droit de succession. Certes, les Afghanes peuvent hériter, mais la part qui leur est réservée s’élève à 25% contre 75% pour leurs frères.

Considérées comme d’éternelles mineures, leur liberté de mouvement est, quant à elle, assujettie à l’autorisation soit de leur père ou de leur frère quand elles ne sont pas mariées, soit à l’autorisation de leur mari quand elles le sont.

Théoriquement, les Afghanes ont le droit d’étudier, de travailler et de s’organiser en associations, mais dans les régions où la loi islamique est dure, elles le font à leurs risques et périls. Sans compter que celles qui travaillent gagnent beaucoup moins que leurs collègues masculins et sont souvent menacées de mort. »

 

Diana, Syrienne

Diana, originaire de Syrie. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Syrie. Source: Wikipedia

« En Syrie, les femmes chrétiennes bénéficient de beaucoup plus de droits

que les femmes musulmanes. Elles sont libres de choisir notamment: de leurs choix, notamment leurs études, leur carrière, leur mari, etc.

Les chrétiennes participent à la vie politique, économique et administrative du pays, et bénéficient de l’autonomie de gestion de leur patrimoine. Cependant, beaucoup d’entre elles sont dans une vision traditionnelle de la femme et préfèrent s’occuper de leur mari et des enfants.

En cas d’abus sexuels, elles ont le droit de porter plainte et sont encouragées à le faire. Mais, en raison du poids de « la réputation » sur la vie sociale, les femmes renoncent à dénoncer leur agresseur.

En général, les femmes syriennes ont une bonne opinion d’elles-mêmes et sont admirées et respectées par leur entourage. Catholiques et musulmanes partagent des règles communes : la virginité avant le mariage, l’interdiction de l’avortement, etc.

Celles qui ont dû s’exiler suite à la guerre souffrent d’être loin de chez elles, mais découvrent avec intérêt la liberté de pouvoir travailler comme les hommes le jour, et redevenir femmes et mères le soir ! »

 

Gladys, Ivoirienne

Côte d’Ivoire. Source: Wikipédia.

« En Côte d’Ivoire, les femmes ont le droit de voter depuis 1955. Tout n’est pas rose pour autant. Bien que la politique de l’État prône l’éducation pour tous, la scolarité des femmes reste mal vue dans les régions rurales, en raison de certaines coutumes locales  passéistes. Mais dans les régions urbaines, on constate des ouvertures en faveur d’une intégration des femmes dans la vie professionnelles.

En matière de travail et d’égalité de salaires, les Ivoiriennes ont trouvé en leurs maris leurs meilleurs avocats. En effet, les hommes qui ont besoin des revenus de leurs compagnes pour qu’elles contribuent financièrement au ménage, revendiquent et se battent avec elles pour leurs droits !

Alors que les femmes sont absentes des milieux masculins tels que l’armée et l’ingénierie, au cours de ces cinq dernières années, on a relevé des avancées dans d’autres domaines tels que la police et la gendarmerie qui se féminisent peu à peu.

Paradoxalement, les Ivoiriennes bénéficient de l’autonomie pour gérer leurs biens alors qu’elles n’ont pas de droits en matière de succession…

Concernant les violences faites aux femmes, la Côte d’Ivoire ne recense que peu de structures dédiées à l’accueil et à l’accompagnement des victimes. Malgré quelques avancées, la société ivoirienne reste très fermée sur des points tels que le respect des coutumes, les bonnes mœurs, l’importance de la famille, et préfère que le « linge sale se lave en famille ».

Des sujets comme l’homosexualité – qui peut entraîner la peine de mort – restent tabous. Une vision partagée aussi bien par la société que par l’Etat. »

 

Oumalkaire, Djiboutienne

Oumalkaire, originaire de Djibouti. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Djibouti. Source: Wikipédia.

« A 100% musulman, depuis son indépendance en 1977, Djibouti se montre plutôt favorable à l’octroi de droits aux femmes. Elles vont à l’école comme leurs camarades masculins, ont le droit de voter depuis belle lurette (acquis avant l’indépendance), et connaissent une certaine indépendance matérielle que leur prodigue leur droit au travail et à une rémunération équitable.

De même que les Ivoiriennes, les Djiboutiennes bénéficient de l’appui de leurs maris qui apprécient l’aide financière apportées par le travail féminin pour subvenir aux frais du ménage.

Malheureusement, le droit de succession n’est pas respecté et a besoin d’un bon coup de pouce. La femme n’a droit qu’à la moitié de ce que reçoit son frère.

Donc, les parts de deux femmes comptent pour celle d’un homme. Elles n’ont pas le droit de se plaindre contre une décision prise par un membre masculin de la famille ou de porter des revendications politiques.

Malgré les violences conjugales ou autres formes de violences commises à leur encontre, les femmes ne peuvent pas compter sur l’aide d’associations, car celles-ci sont quasiment inexistantes. »

Propos recueillis par :

Marie-Cécile Inarukundo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Elections en RDC : « Il faut un souffle nouveau »

M. Freddie Malumba: Photo: Voix d’Exils

M. Freddie Malumba: Photo: Voix d’Exils.

On peut avoir quitté son pays depuis longtemps, s’être parfaitement intégré à son pays d’accueil, le lien avec la mère patrie ne se casse jamais. Les exilés suivent de près l’évolution de leur pays d’origine, surtout lorsque les événements s’emballent. C’est le cas de Freddie Malumba, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), qui reste très attentif aux soubresauts qui agitent Kinshasa à la veille de l’année 2016, annoncée comme cruciale au niveau calendrier politique du pays.

L’année 2016 sera décisive pour l’avenir de la RDC (ex Congo belge) puisque le deuxième mandat présidentiel du chef d’Etat actuel, Joseph Kabila, arrivent à terme. Alors que ce vaste pays d’Afrique centrale (avec près de 80 millions d’habitants et une superficie de 2, 3 millions de km2, soit 80 fois plus grand que la Belgique) joue son avenir, la rédaction valaisanne de Voix d’Exils a trouvé un observateur privilégié en la personne de Freddie Malumba. Ce dernier est arrivé en Suisse comme demandeur d’asile le 3 novembre 2003 suite aux problèmes politiques rencontrés dans son pays et est, aujourd’hui, responsable du foyer des requérants d’asile de St-Gingolph en Valais.

Voix d’Exils : Loin de votre pays, comment avez-vous vécu les manifestations de janvier 2015 dans les rues de Kinshasa, la capitale de la RDC, et à l’Est du pays ?

Freddie Malumba : Sincèrement je suis déçu par les politiciens, qu’ils soient de la mouvance présidentielle ou de l’opposition. Ils se fichent complètement du bien-être du peuple. Ce qui compte pour eux, c’est de s’enrichir sur dos de la population. Ils servent leurs intérêts personnels. Que le peuple vive ou crève, ce n’est pas leur préoccupation majeure.

Quel chemin prendre pour mener des élections transparentes et apaisées en 2016?

Il faut savoir que le Président Kabila ne s’est jamais prononcé pour un troisième mandat. Il a même déclaré qu’il respectera la Constitution. L’opposition, quant à elle, pense le contraire. Tout comme Mobutu à la fin de son règne, Kabila est poussé par son entourage à demeurer au pouvoir pour ne pas perdre leurs intérêts. De mon point de vue, il faut un souffle nouveau, une nouvelle génération de politiciens aux affaires. Que la fine fleur de ce pays puisse prendre le flambeau.

Au regard de ce qui se passe en République centrafricaine, pays limitrophe de la RDC, la question de l’insécurité, surtout celle liée à la cohabitation des différentes religions se pose. Qu’en pensez-vous ?

La région des Grands Lacs africains, comprenant le Rwanda, le Congo RDC, l’Ouganda, le Burundi et la Tanzanie est confrontée à un problème ethnique plutôt que religieux. Les musulmans dans cette zone sont minoritaires et ont toujours été respectés dans leur foi et leurs pratiques. Si un problème devait se poser, ça serait entre l’Eglise catholique et les mouvements de réveil.

Quel est votre avis concernant la problématique liée aux mouvements des populations dans votre pays ?

Il existe un problème de souveraineté dans mon pays. La carte du Congo est là, mais les frontières ne sont pas respectées. La conférence de Berlin a limité les frontières sans tenir compte de la réalité du terrain, raison pour laquelle on retrouve les mêmes familles des deux côtés de la frontière : les bangala au Congo Brazzaville, en République centrafricaine et au Congo belge, le peuple kongo en Angola et au Congo belge. Ensuite, Il n’y a pas de carte d’identité, on ne sait pas qui est congolais et qui ne l’est pas. Alors que le droit de la Cité et du sol doivent exister.

Pour conclure, comment voyez-vous l’avenir de votre pays la RDC ?

L’avenir de la RDC est dans la conscience retrouvée. Le monde doit savoir que le Congo n’est pas une usine mais un pays qui a des femmes et des hommes capables de prendre en main leur propre destinée et c’est avec eux qu’il faut composer.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Sommet de la Francophonie à Kinshasa: chronique d’une rencontre controversée

Le président français François Hollande. Photo: Jean-Marc Ayrault (CC BY 2.0)

Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), accueille du 12 au 14 octobre 2012 le 14ème Sommet de la Francophonie, qui réunit les chefs d’Etats et de gouvernements des 75 Etats membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) autour du thème : « Francophonie, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale ».

Si cette rencontre est une grande opportunité pour la RDC – le plus grand pays francophone et le plus peuplé du globe – de présenter au monde l’état de son évolution politique, économique et sociale ; son organisation politique par un pouvoir contesté pose problème et suscite diverses interrogations. 

L’on se rappelle que le 28 novembre 2011, les Congolais étaient appelés à élire leur président et la Commission électorale nationale et indépendante (CENI) qui avait annoncé la victoire du président sortant Joseph Kabila, 41 ans, vainqueur de ce scrutin avec 49,95 % face à l’opposant historique Etienne Tshisekedi, 79 ans, qui n’aurait obtenu que 32,33%.

Élections truquées

Après la proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême de justice, des observateurs nationaux et internationaux, y compris la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE), avaient déploré de nombreuses irrégularités lors du processus électoral et douté de la légalité et de la transparence du scrutin présidentiel.

Suite à des fraudes massives constatées à travers le pays, plusieurs associations de Congolais à travers le monde avaient demandé au nouveau président français François Hollande de ne pas se rendre en RDC lors du Sommet de la Francophonie pour ne pas cautionner la mauvaise situation des droits de l’homme dans le pays ainsi que le régime de Joseph Kabila au pouvoir depuis 2001, en soulignant que les élections de 2011 avaient suscité de nombreuses critiques.

L’association Convergence pour l’Emergence du Congo (CEC) a même engagé une action en référé (procédure d’urgence) devant le tribunal de grande instance de Paris dans le but d’empêcher la tenue de ce Sommet à Kinshasa. Pour la CEC, il serait « immoral » que le Sommet de l’OIF se tienne à Kinshasa alors que Kabila « n’a pas tenu ses promesses » d’organiser des élections « transparentes et démocratiques ». Mais la CEC a été déboutée.

Les conditions de Hollande

Le 9 juillet 2012, dans un communiqué, François Hollande demandait aux « autorités de la RDC de démontrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l’État de droit », tout en parlant de la réforme de la CENI et de la Justice afin d’assurer la transparence des prochains scrutins et le jugement des « vrais coupables » dans l’assassinat de Floribert Chebeya, un éminent défenseur des droits de l’homme congolais dont le corps sans vie a été retrouvé le 1er juin 2010 dans la périphérie de Kinshasa alors qu’il avait rendez-vous la veille avec le chef de la police, le général John Numbi.

Avant de se décider à se rendre à Kinshasa, le président français avait posé deux conditions: la réforme de la CENI et celle de la Justice. Et pour s’assurer que ces deux conditions soient remplies avant sa venue en RDC, il dépêcha fin juillet sa ministre déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui. Une fois à Kinshasa, la ministre française déclara être venue sans à priori ni préjugé, et après avoir reçu plusieurs opposants au régime de Kabila, ainsi que des défenseurs des droits de l’homme, elle affirma que « très peu ne veulent pas que le Sommet ait lieu ». A l’arrivée mercredi 25 juillet à Kinshasa de la ministre française, l’Union pour le progrès et le progrès social (UDPS), principal parti d’opposition dirigé par Etienne Tshisekedi, avait demandé, dans une pétition à l’ambassade de France la délocalisation du Sommet qui confirmerait, selon elle, une victoire électorale « usurpée ».

 Changement de cap de Hollande

Un mois après la venue de son envoyée spéciale à Kinshasa, le lundi 27 août à Paris, le président François Hollande annonce, lors de son discours de politique étrangère inaugurant la traditionnelle conférence des ambassadeurs, qu’il participera au Sommet de la Francophonie.

« Je me rendrai dans quelques semaines au Sommet de la Francophonie à Kinshasa. J’y rencontrerai l’opposition politique, des membres de la société civile et des militants », a-t-il déclaré. En promettant de se rendre à Kinshasa, François Hollande a-t-il oublié ses conditions posées pour des avancées concrètes en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme ? A cette question, C’est Yamina Benguigui qui répond : « les élections de 2011 y ont été contestées mais validées par la communauté internationale. On ne pouvait pas pratiquer la politique de la chaise vide ».

Le 9 octobre, lors du passage à Paris du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, le président français a tenu une conférence de presse conjointe lors de laquelle il a tenu des propos durs envers le régime du président Kabila. « La situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l’opposition », a fustigé le président français.

Kinshasa ne s’est pas fait prier pour répondre. « Nous sommes le pays le plus avancé dans les droits de l’opposition », a soutenu le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, pour qui les propos de François Hollande ne correspondent « à aucune réalité ». Et de suggérer au président français de « compléter son information » pour rendre son bref séjour à Kinshasa « très utile ».
Le prochain déplacement de François Hollande au Sommet de Kinshasa est considéré par la rébellion qui sévit dans l’est de la RDC comme une « légitimation du pouvoir de Kabila ». Pour le coordinateur politique de la rébellion M23, Jean-Marie Runiga, « François Hollande viendra à Kinshasa légitimer un pouvoir en difficulté. Un pouvoir illégitime, décrié par la majorité du peuple congolais qui risque même de se soulever pour barrer la route à la présence du président français sur son sol ».

Avis contrastés

Cet avis est aussi partagé par la majorité des Congolais vivant à l’extérieur des frontières nationales. « En décidant de fouler le sol congolais lors de ce Sommet, François Hollande a trahi nos attentes, il nous a déçu et je ne crois plus à ses promesses électorales » a déclaré, dépité et à la limite de la colère, Paul Ndombele, un Congolais vivant à Genève, en Suisse. Pour sa compatriote Armandine Luvuezo, mère au foyer vivant à Neuchâtel, « Que Hollande vienne ou pas à Kinshasa, il n’arrangera aucun problème, l’ennemi du Congolais  c’est le Congolais lui-même ». Cependant, Alfred Mbila, un Congolais de 42 ans, est d’avis que la tenue à Kinshasa du Sommet de la Francophonie « permettra à la RDC de se présenter sous un beau jour ». C’est aussi l’avis de Sara Kabongo, une Chaux-de-fonnière d’origine congolaise, qui soutient que « les élections sont désormais derrière nous, regardons l’avenir pour reconstruire la patrie de nos  ancêtres »

Samedi 6 octobre, les Congolais vivant en Suisse ont manifesté à Zurich pour dénoncer la tenue à Kinshasa du Sommet de la Francophonie.

Redorer le blason terni

Mais pour Kinshasa, ce Sommet aiderait à redorer le blason terni de la RDC. « Ce sera l’occasion d’attirer davantage l’attention des investisseurs congolais comme étrangers pour d’éventuels partenariats de type public-privé », confiait Augustin Matata Ponyo, premier ministre congolais, à notre consœur de Jeune Afrique. Évoquant la réforme de la Justice, souhaitée par François Hollande, Matata affirme en être conscient. « Des efforts doivent être consentis pour donner à la Justice de notre pays une image qui sécurise le citoyen aussi bien dans sa personne que dans ses biens, une image qui rassure les opérateurs économiques sur la sécurité de leurs investissements », conclut-il.

Un seul bémol, l’audience qui devait statuer sur la comparution ou non du général John Numbi dans le procès en appel des présumés assassins de Floribert Chebeya a été renvoyée par la Haute cour militaire après le Sommet de la Francophonie. Une décision avant tout politique, selon les défenseurs des droits de l’homme et une manœuvre visant à faire passer le Sommet et que les regards ne soient plus braqués sur la RDC.

Il faudra aussi souligner l’absence annoncée du premier ministre Elio Di Rupo de Belgique, ancienne puissance coloniale, car les dates du Sommet (du 12 au 14 octobre) coïncident avec les élections municipales en Belgique. Premier francophone à diriger un gouvernement en Belgique depuis les années 1970, Elio Di Rupo sera représenté par son ministre des Affaires étrangères Didier Reynders et le chef de la Fédération Wallonie-Bruxelles Rudy Demotte, précisent les services de Di Rupo.

Assuré du double fait que le Sommet ne sera pas délocalisé comme en 1991, à la suite d’un massacre d’étudiants à Lubumbashi, capitale de la riche province minière du Katanga, et de la présence de François Hollande, Kinshasa a accéléré les travaux pour porter sa plus belle robe aujourd’hui.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils