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Papaoutai (Papa ou t’es Papa) ?

Papaoutai? Photo: rédaction valaisanne

Papaoutai?
Photo: rédaction valaisanne

 

Ceci n’est pas seulement le refrain de la chanson de l’artiste belge Stromae, mais aussi le cri de désespoir de Junior, mon fils.

Junior était âgé de 9 ans quand je suis parti en exil il y a déjà 3 ans. Quand nous conversons au téléphone, ce sont toujours les mêmes mots qui me trouent le cœur : Papa comment vas-tu ? Nous, ici, ça ne marche pas. Tu n’es plus à la maison depuis 3 ans…

Plus de nourriture préparée par toi les dimanches.

Plus de cadeaux de retour de tes voyages.

Plus de chaleur paternelle.

Plus de paix.

Ya Nancy (ma fille de 16 ans) se chamaille beaucoup avec Maman, elle est souvent chez ses copines et rentre tard.

Au téléphone, tu dis que tu es dans une procédure, et Maman explique cette situation en nous disant que tu es comme quelqu’un qui est sur un navire en pleine mer, qui a perdu les repères du port d’accostage et ne peut plus faire marche arrière: « Vu ses antécédents avec le gouvernement en place, il a l’obligation de trouver une autre terre d’accueil ».

Papa, où es-tu Papa ?

Lors des obsèques de tante Justie, ta petite sœur Papa, tu étais le grand absent.

Tous tes amis, présents à la cérémonie, nous demandaient de tes nouvelles et nous ne pouvions pas leur dire quelle était ta véritable situation. Ton absence a précipité le décès de la tante Justie, elle a gardé sa maladie pour elle, par orgueil car elle ne voulait pas demander de l’aide à une tierce personne.

Papa, je t’informe de la reprise des tirs d’armes de guerre et des enlèvements nocturnes des opposants au régime après la victoire du président éternel, aux élections anticipées. Hier, dans la nuit, on a bombardé le village de Maman avec des avions militaires. Nous avons accueilli beaucoup de personnes à la maison, nous espérons que cela sera pour une courte durée.

Papa, t’es ou Papa ?

Tu sais, j’ai des nouveaux amis que tu ne connais pas. Le meilleur c’est Marc, avec qui nous partageons la première place des notes des matières en classe. Mais lui, son père ne l’amène plus à la piscine chez Pépé Martin au site touristique de Lif. Les mauvaises langues disent que Pépé Martin a attenté à la vie du président éternel, c’est la raison pour laquelle il se trouve dans le même navire que toi.

Maman dit que si tu ne trouves pas une terre d’accueil, il nous sera impossible de vivre ensemble sous un même toit. Est-ce vrai Papa ? Non, je ne l’admets pas ! Pour moi, tu restes et restera le meilleur Papa de la Terre. Même si je devais me réincarner dix fois, je plaiderais pour que tu sois toujours mon père.

Tiens bon Papa, je t’embrasse!

A Bientôt.

Le Papa

Membre de la redaction valaisanne de Voix d’Exils

 




L’EXIL

Illustration: LANDO

Ce mot est peut être très facile à prononcer, mais il qualifie l’une des conditions les plus dures à vivre. Seuls les exilés en savent quelque chose, car ce n’est pas comme on le pense, c’est une maison avec plusieurs portes; certaines peuvent nous envoyer en enfer, certaines peuvent nous ramener au bercail et d’autres s’entrouvrir sur une terre d’accueil.

Nous, les exilés, sommes aujourd’hui prisonniers de nos propres âmes et de nos parents laissés derrière nous.

Mécontents de notre patrie, soit à cause d’un problème économique, politique, ou bien à cause d’une situation familiale amère, nous avons renoncé à vivre chez nous.

À la recherche d’une vie meilleure, nous avons pris le risque de partir, de tout laisser et de venir affronter l’inconnu.

Nous nous sommes coupés de nos racines, de notre famille, de nos repères, des codes sociaux de notre culture, de notre langue, celle qui nous vient de notre mère, de la mère notre mère et de sa mère avant elle.

Nous avons préféré rompre les liens avec nos frères de sang pour adopter une nouvelle façon d’entendre, de comprendre, de s’exprimer, bref, une nouvelle façon de vivre.

Se fixer de nouveaux objectifs et de nouvelles règles nous fait souvent oublier qui nous sommes, d’où nous venons et même ce que l’on est venu chercher.

Certains d’entre nous retourneront au bercail une fois la situation calmée, car ils avaient jurés de partir mais aussi de revenir un jour.

D’autres rentreront à peine arrivés car leurs rêves de libertés se seront écroulés devant les dures réalités de l’Eldorado.

D’aucuns jureront de rester, de ne jamais retourner, même si les recours sont épuisés, l’assistance inexistante, l’espoir étouffé par des procédures marécageuses.

Malgré le poids du regard que porte sur eux le policier qui peut les menotter à tout moment même devant leurs enfants.

Cet agent qui les pousse dans une fourgonnette pour les cracher comme des microbes dans un centre de rétention.

Centre carcéral où ils seront éloignés de tout ce qui les attachait à la vie au point de leur faire perdre la mémoire d’eux-mêmes et le goût des autres.

Il ne leur restera alors que leurs corps et, parfois, le choix de l’hôpital, s’ils ont le courage de se faire du mal ; de la prison s’ils ont l’audace de se débattre ou de l’avion s’ils abandonnent et décident enfin de retourner sur la terre de leurs ancêtres; celle qui les a vu naître, grandir et qui aura toujours besoin de ses enfants.

Pita

Membre de la rédaction valaisanne




Qui sont les déboutés de l’asile ?

Le 15 juillet dernier, Voix d’Exils a publié un article intitulé: « Je passe mon temps à manger pour dominer mes problèmes ». Cet article a suscité plusieurs commentaires concernant notamment le statut de « débouté ». En guise de réponse, l’auteur se propose de définir plus précisément ce qu’est un débouté de l’asile en Suisse.

Les déboutés sont des personnes dont la demande d’asile a été rejetée par l’Office fédéral des migrations (ODM) après épuisement des voies de recours possibles.

Ces personnes sortent alors de l’asile et ne reçoivent plus d’assistance sociale. Leur séjour devient illégal et elles sont sommées de quitter la Suisse.

Ne voulant pas quitter le pays, certains disparaissent, d’autres restent et choisissent de demander l’aide d’urgence. Ceux qui sont à l’aide d’urgence sont pris en charge en matière de santé, reçoivent une assistance en nature (dans les foyers d’aide d’urgence) ou Frs. 9.50.-  par jour, alors que les requérants qui sont en procédure reçoivent Frs. 12.-  par jour.

Les déboutés sont logés dans des abris PC, comme celui de Nyon, ou dans des abris d’aide d’urgence comme, par exemple, celui de Vennes à Lausanne. Les déboutés sont logés dans des foyers collectifs d’accueil et de socialisation ou en appartement selon s’ils sont considérés comme vulnérables pour des raisons de santé (mentale ou physique), ou s’ils sont accompagnés de membres de leur famille.

Hubert O.YIGO

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils