1

FLASH INFOS #104

Le centre fédéral de Chevrilles. Source: SRF Region / Twitter.

Sous la loupe : Insécurité et dangers pour les réfugié·e·s ukrainien·ne·s au Centre d’asile de Chevilles / Russie : les opposant·e·s au gouvernement fuient en Turquie / Les violences continuent à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne

Insécurité et dangers pour les réfugié·e·s ukrainien·ne·s au Centre d’asile de Chevrilles

Le Blick, le 31.03.2022

Quatre réfugiées ukrainiennes logées au Centre fédéral d’asile de Chevrilles, qui se trouve dans le canton de Fribourg, ont témoigné du manque important de sécurité dans le centre. Elles dénoncent notamment les vols fréquents qui s’y déroulent et les violences racistes dont elles ont été victimes de la part d’autres réfugié·e·s du centre. Elles indiquent également être logées dans des chambres de 17 lits, avec une douche et des toilettes communes pour tout l’étage. L’absence de psychologue ou de personnel encadrant pose problème, de même que le manque de solutions proposées aux enfants qui n’ont plus de suivi scolaire. Arrivées depuis un mois dans le centre, les quatre témoins n’ont pas non plus pu rencontrer de traducteur et ne peuvent pas bénéficier du permis S car elles sont arrivées avant la prise de décision du Conseil fédéral.

Karthik

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Russie : les opposant·e·s au gouvernement fuient en Turquie

Europe 1, le 21.03.2022.

La majorité des exilé·e·s russes qui fuient la Russie à cause de la guerre en Ukraine sont des opposant·e·s politiques, des artistes et des intellectuel·le·s. Leur destination principale est la Turquie. Ceci s’explique par le fait que le gouvernement turc soutient les pourparlers entre Ukrainiens et Russes et agit comme médiateur entre les deux pays, et ce notamment depuis que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affiché sa volonté de négocier avec Vladimir Poutine.

Paulina, une opposante et activiste contre la guerre fuyant la répression du gouvernement russe a affirmé avoir reçu des menaces. Pour les personnes comme Paulina, qui ne sont pas d’accord avec la guerre, la Turquie est un pays accessible sans visa et le transport aérien est encore possible.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Les violences continuent à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne

infomigrants.net,  le 25.03.2022

Bien que le phénomène ne soit plus couvert par les médias, la crise migratoire entre la Pologne et la Biélorussie se poursuit. C’est ce que dévoile le récent témoignage de Mohsen (nom d’emprunt), un professeur d’anglais iranien, qui a décidé de quitter son pays pour l’Angleterre à la fin du mois de janvier dernier. Il s’est rendu en Biélorussie en camionnette avec plusieurs autres exilé·e·s.

Lorsqu’ils sont arrivés dans le pays, les garde-frontières biélorusses, qui savaient qu’ils voulaient traverser la frontière pour se rendre en Pologne, les ont laissés passer. Ils leur ont simplement conseillé d’aller à Minsk et de prendre l’avion pour rentrer chez eux. Arrivés en Pologne, ils ont été frappés par les garde-frontières qui leur ont projeté du gaz lacrymogène dans les yeux.

Ce récit s’ajoute aux nombreuses histoires des migrant·e·s qui ont témoigné de la cruauté et de l’humiliation qu’ils ont subi·e·s de la part des gardes-frontière polonais, mais aussi biélorusses.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Les situations de handicap diffèrent d’un pays à l’autre

Illustration graphique de Kristine Kostava / Voix d’Exils

« Mon handicap ne m’empêche pas de vivre librement »

Malgré ses déplacements en scooter électrique adapté, notre rédactrice, Kristine Kostava, essaye de vivre de façon la plus autonome possible. Originaire de Géorgie, elle compare la situation vécue par les personnes handicapées dans son pays et en Suisse. Son témoignage :

« Je n’ai jamais rêvé de vivre dans un autre pays, malgré beaucoup de problèmes et de misère. Je ne parle pas seulement de la condition matérielle. A ma naissance, en Géorgie, il y a eu des complications. Les erreurs médicales ont engendré ma situation de handicap qui me force à rester en fauteuil roulant pour toujours.

En grandissant, je prenais conscience de mon problème et ça me complexais. Je ne voulais plus sortir de la maison. J’avais honte de ne pas pouvoir marcher. Dans la rue, les personnes me regardaient avec pitié et d’autre m’insultaient à cause de mon handicap.

« En Géorgie, les espaces publics sont inadaptés »

A 20 ans, l’association « Education Development and Employment Center » m’a contacté et m’a proposé des cours pour développer des connaissances sur les différents handicaps.

En Géorgie, je ne pouvais pas traverser la rue en fauteuil roulant, car il n’y avait pas de rampes à proximité des bâtiments. Les ascenseurs, les bus, les trains n’étaient pas adaptés aux personnes handicapées. Je n’ai jamais voyagé en transports en commun. Alors, je devais prendre un taxi. Heureusement, mon père était chauffeur de taxi et il assurait mon transport. Je n’aurais jamais pu me le permettre avec ma pension de 200 GEL qui représentent 60 franc suisse.

À 27 ans, j’ai étudié le graphisme, puis j’ai commencé à travailler comme designer dans l’une des imprimeries de Kutaisi. En raison de conditions inadaptées et d’un salaire très bas, mon père m’emmenait au travail.  Sans son aide, tout mon salaire aurait été dépensé dans les frais de transport. J’étais toujours contente d’aller travailler.  Le personnel et les patrons étaient très gentils et chaleureux ! Mon métier me passionnait.

J’ai travaillé pendant environ un an. J’ai commencé à avoir des douleurs atroces aux jambes et à la colonne vertébrale en raison de la détérioration de ma santé.  J’avais besoin d’une chirurgie et d’une physiothérapie intensive. Les traitements dont j’avais besoin sont impossible à faire en Géorgie, à cause du manque d’assurance maladie et des faibles revenus. L’accès à la sante est difficile, car les coûts sont élevés et la population a peu de moyens financiers. Les bons médecins sont tous partis à l’étranger en raison du manque de salaire et de la sous-estimation de leur métier.

« En Suisse, je me déplace de manière autonome »

C’est à cause de ces problèmes que j’ai dû quitter mon pays et venir en Suisse ! En espérant qu’ils pourraient m’aider ici ! C’était très difficile de tout recommencer dans un pays étranger, mais l’humain s’habitue à tout. L’essentiel pour moi était d’améliorer ma santé et la Suisse a vraiment réussi! Je bénéficie d’exercices intensifs, de la physiothérapie, des soins médicaux. Aujourd’hui, je suis en attente d’une date pour une opération qui a été reportée deux fois à cause de la pandémie.

J’ai rencontré beaucoup de gentilles personnes en Suisse qui m’ont aidé. Une fondation orthodoxe m’a donné un scooter électrique ce dont je ne pouvais même pas rêver en Géorgie. Maintenant je peux me déplacer n’importe où de manière indépendante, sans aucun obstacle. En Suisse, toutes les conditions sont réunies pour qu’une personne handicapée vive de manière autonome. Je peux utiliser les transports publics et accéder à tous les bâtiments. Je vis librement sans complexe! Je n’ai plus honte de sortir dans la rue ou que quelqu’un me regarde avec pitié! Ici, tous les individus sont égaux, tous les droits de l’homme sont protégés !

« J’ai, enfin, trouvé ma part de bonheur »

C’est très difficile de se développer dans un pays étranger quand l’état ne vous permet pas de rester. Le Secrétariat d’Etat aux Migration (SEM) a refusé quatre fois ma demande d’asile mais je ne suis pas venue ici pour ce papier. L’essentiel pour moi est de retrouver la santé et le bonheur ! J’ai trouvé ma part de bonheur, ici, et mon objectif n’est pas de rester éternellement en Suisse.

Je souhaiterai apporter mon expérience de vie, une vision, un environnement, une réflexion, une liberté différente à mon pays. Mon objectif serait d’aider les gens qui sont déçus comme moi !  Peu importe comment nous sommes nés, qui nous sommes, quel genre de problèmes de santé nous avons, l’essentiel est de nous aimer tel que nous sommes et de ne permettre à personne de nous regarder comme une chose inutile ! Je me sens comme une personne à part entière en Suisse. Je respire ici, je suis libre, avec de grands espoirs. Bientôt, je serai en bonne santé ! Merci à la Suisse pour tout cela ! Maintenant, je peux dire: Il n’y a pas de limites ! Il y a un environnement handicapé ! »

Kristine Kostava

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.




L’intégration culinaire

Muriel Di Terlizzi, responsable de La Cantine assise à gauche, avec l’équipe du projet. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Vaud – A la découverte du monde professionnel avec « La Cantine »

La Cantine, un projet de formation organisé par l’association TAF, recrute des réfugiés qui acquièrent des compétences pour la cuisine et le service et les mettent en pratique. Une fois par semaine, ils proposent une « cuisine du monde » à leurs clients à Bussigny dans le district de l’Ouest lausannois.

L’association TAF (Textile-Adulte-Formation), créée en 2014 à Bussigny, une commune dans le district de l’Ouest lausannois, réunit des personnes de toutes origines pour favoriser leur intégration sociale et professionnelle et encourager l’interculturalité. Son premier projet commencé en 2014 – la boutique Taffetas – offre aux femmes migrantes une formation professionnelle connexe. Le deuxième projet de TAF commencé à l’automne 2017 – la Cantine – offre aux réfugiés une formation de cuisine et de service en salle. Muriel Di Terlizzi, la responsable de la Cantine, qui est aussi formatrice FLE (français langue étrangère) et membre du comité de l’association, m’a raconté les activités du projet.

La Cantine

En Suisse, les réfugiés éprouvent souvent de nombreux problèmes qui rendent parfois difficile leur intégration dans le monde du travail tels que : les difficultés linguistiques, les exigences du système professionnel, et les ennuis personnels. La Cantine aborde ces problèmes dans le cadre de la restauration : à la cuisine ou au service. Les participants du projet peuvent pratiquer le français tout en faisant une première expérience professionnelle en Suisse. Ils peuvent développer et partager leurs compétences. Les participants peuvent finalement retrouver confiance en eux-mêmes. Chaque semaine, ils cuisinent un plat national différent, une « cuisine du monde », et le servent aux clients dans la salle. « Les clients sont contents de cette expérience, d’être servis par les migrants, des plats étrangers qu’on ne peut pas trouver ailleurs », explique Mme Di Terlizzi.

La Cantine a la capacité de recruter cinq personnes qui participent régulièrement aux activités pendant au moins six mois. Les objectifs ne se limitent pas à la participation au projet. La Cantine « accompagne et soutient ces réfugiés dans la recherche d’un emploi. Elle crée des liens entre les réfugiés, les habitants et les professionnels » ajoute la responsable du projet. A la fin, les participants reçoivent une attestation et ont aussi la possibilité de suivre le cours de cuisine organisé par la Bourse à Travail, une association basée à Lausanne qui propose des formations aux migrants en recherche d’emploi.

Pour financer le projet, l’association TAF s’appuie sur le bénévolat et l’autofinancement : le revenu sur les repas servis sert uniquement à couvrir les besoins du projet. La commune de Bussigny met quant à elle gratuitement à disposition la salle polyvalente « Au Raisin ».

Cuisine du monde : quand et où ?

C’est un jour par semaine, chaque mercredi vers midi, que la Cantine propose une cuisine du monde au prix d’environ 10 francs dans la salle Au Raisin – rue de Lausanne 3, 1030 Bussigny.

MHER
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

La Cantine

Rue de Lausanne 3
Bussigny, Vaud, Switzerland
Tél. 077 473 73 64
FB : https://fr-fr.facebook.com/lacantinebussigny/

Photoreportage: les plats mijotent à la Cantine

Bussigny (VD). Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

 

Bussigny (VD). Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

 

Bussigny (VD). Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

 

Bussigny (VD). Photo: Eddietaz / Voix d’Exils




Un théâtre forum pour surmonter les problèmes que rencontrent les migrants

La troupe des rescapés durant le représentation à Yverdon. Photo: Voix d'Exils

Les Rescapés durant leur représentation à Yverdon-les-Bains le 09.11.2013. Photo: Voix d’Exils

« Les Rescapés ont tout perdu… sauf leur humour », tel est l’intitulé du dernier spectacle de la troupe de comédiens Haïtiens « Les Rescapés » qui a tourné dans des écoles et foyers suisse romands au courant 2013. Voix d’Exils a eu la chance d’assister au spectacle de clôture de la tournée vaudoise qui s’est déroulé le 9 novembre dernier à la salle de spectacle des Citrons Masqués à Yverdon-les-Bains.

Pour un spectacle sur le thème de la migration, les artistes ont présenté un sketch sous forme d’un théâtre forum  dans lequel le public intervient. Celui-ci devait identifier la problématique et pouvait apporter des solutions pouvant changer l’histoire d’un couple vivant une situation difficile (une Suissesse et un Haïtien) vivant en Suisse et dont l’homme était un sans papier. Il faut noter que pendant le spectacle, le public pouvait interrompre la scène, proposer des solutions, ou monter sur scène et intervenir en tant qu’acteur dans la situation. Le public – composé en majorité de membres d’associations œuvrant dans des domaines liés aux personnes migrantes – proposait des solutions qui se sont avérées pertinentes et sont parvenues à dénouer de manière heureuse la situation pénible que vivait le couple.

Créé en 2006, la troupe théâtrale « Les Rescapés » portait déjà un nom prémonitoire. En 2010, elle prend la forme d’une association qui œuvre au sein d’un programme de soutien psychologique auprès des enfants qui ont subi la catastrophe naturelle qui a frappé Haïti. Ce programme proposait des émissions de sensibilisation à la télévision et qui leur donnaient l’occasion de s’exprimer ; ainsi que des ateliers artistiques organisés avec eux sous forme d’activités (théâtre, danse, peinture, chant et jonglage). A ce jour, plus de 4500 enfants ont pu participer aux ateliers depuis sa création. En outre, la troupe organise aussi des spectacles d’improvisation clown pour les enfants en situation de handicap.

Voix d’Exils a rencontré trois membres de la troupe : Stanley August, artistes au sein de la troupe et Vice-président de l’association ; Thomas Noreille, citoyen Suisse vivant en Haïti depuis plusieurs années, président de l’association « Les Rescapés » et réalisateur cinéma ; Luxon Zidor, cofondateur des Rescapés.

Voix d’Exils : pourquoi avez-vous choisi le thème de la migration pour votre tournée en Suisse ?

Stanley August : L’immigration est un thème d’actualité. On en parle presque dans tous les médias parce que c’est un phénomène en pleine expansion. Étant donné qu’une bonne partie de la troupe est d’origine haïtienne, nous connaissons bien cette difficulté de quitter le pays pour aller à l’extérieur, pour y habiter dans une terre où il y a toujours des problèmes de papiers, d’intégration et de culture. Alors on s’est dit qu’il fallait faire une tournée en Europe avec pour thème la migration.

Thomas Noreille : Nous avons en particulier réalisé deux émissions les années passées avec les enfants haïtiens vivants en France et en Suisse. Le but était de montrer les liens et différences aux enfants haïtiens en Haïti entre eux et leurs frères qui ont émigré. C’était intéressant d’avoir le point de vue de ces enfants qui ont quitté Haïti, qui ont parfois perdu la culture haïtienne et c’était aussi pour démystifier justement cette vision de l’étranger qu’ont la plupart des enfants qui pensent que c’est tout rose ailleurs. On a eu des témoignages vraiment poignant d’enfants qui avaient une seule envie « de retourner simplement en Haïti » c’était dans le même thème de l’immigration […] ».

Voix d’Exils : Quel est le but du théâtre forum de ce soir?

Thomas Noreille : le but du théâtre forum de ce soir est que les gens puissent se mettre dans la peau de cet homme haïtien qui représente les migrants qui poursuivent le rêve d’une vie meilleure et, en même temps, de se mettre à la place de cette Suissesse qui l’accueille [leur pays d’accueil en général, ndlr].

Voix d’Exils : Pourquoi ce nom « Les Rescapés » ?

Luxon Zidor : Nombreux pensent que c’est suite au séisme qui a frappé Haïti que nous avons eu ce nom. En réalité, à la base, nous nous sommes rencontrés dans une production filmique qui a mal tourné et suite à cette mésaventure, nous avons décidé de monter quelque chose de plus concret pour rendre service à la société. Et c’est là que le nom  « Les Rescapés » m’a inspiré.

Voix d’Exils : votre mot de la fin ?

Luxon Zidor : «Mon mot de la fin, c’est bien de voir d’autres cultures, de connaître d’autres gens, d’apprendre et de partager aussi. Nous avons partagé avec la population suisse et appris beaucoup de choses à propos d’eux également qui resteront dans nos mémoires et allons les apporter aux Haïtiens. Partir c’est bien, si ça ne va pas chez vous. Mais il faut toujours penser à revenir au pays pour le reconstruire, tel est mon message pour tout ceux qui quittent leur pays d’origine».

Propos recueillis par :

Pastodelou et Monako

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Informations:

Pour regarder un sketch de la troupe, cliquer ici




«On ne quitte jamais son pays de gaieté de cœur»

Mouhamed Basse. Photo: Voix d'Exils
Mouhamed Basse. Photo: Voix d’Exils.

Portrait

Suisse d’origine sénégalaise, Mouhamed Basse est installé dans le canton de Neuchâtel depuis 25 ans. Venu en Suisse comme étudiant, il s’est marié à une Suissesse et est père de deux enfants de 19 ans et 16 ans. Professeur de mathématiques et de sciences, il est le représentant des Africains qui vivent dans la partie basse du canton, par opposition aux villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle, situées sur les montagnes neuchâteloises. Avec Voix d’Exils, il parle de son intégration dans son canton d’adoption et de son engagement en faveur de la communauté africaine. Interview.

Voix d’Exils: Que faites-vous concrètement pour les Africains du bas du canton de Neuchâtel?

Mouhamed Basse: C’est toujours complexe de dire ce que je fais concrètement. Je dirais que j’ai été nommé, il y a une année seulement, comme représentant des Africains du bas. Concrètement, on se réunit avec le bureau du Service de la cohésion multiculturelle (le COSM) quatre fois dans l’année et on discute des sujets qui concernent les communautés migrantes d’origine africaine et, suivant ce que l’on dit, je prends position sur certains thèmes. Dans la rue, il m’arrive d’avoir des discussions avec des migrants et de donner des conseils sur différents sujets.

Y a-t-il des problèmes qui sont spécifiques aux Africains?

Ce sont des problèmes qui, de manière générale, concernent l’ensemble des migrants. Ça peut être des problèmes liés à l’intégration, à l’emploi, à la xénophobie et au racisme. Ce sont des obstacles qu’un migrant peut rencontrer en arrivant en Suisse.

Parmi ces Africains, il y a aussi des requérants d’asile. Leur rendez-vous visite ou parlez-vous avec eux?

Pas du tout. On a un représentant des requérants d’asile, M. Luul Sebhatu, et c’est lui qui est en contact avec les requérants d’asile. Moi, je suis plutôt en contact avec des Africains établis à Neuchâtel et qui ont une autorisation de séjour de longue durée. Malgré tout, je suis très à l’écoute et surtout je suis très vigilant à ce qui se passe dans le milieu des requérants d’asile.

Vous disiez, il y a quelques années de cela, que «Neuchâtel est exemplaire dans sa politique d’ouverture envers les étrangers». Sur quoi fondez-vous cette affirmation?

Avec la présence du bureau du délégué aux étrangers, qui est le premier bureau du genre en Suisse, je dirais que ce n’est pas moi qui ai inventé ces propos. D’autres l’ont dit avant moi et d’autres le diront après moi aussi. Dans les années 90, quand on a mis en place ce bureau du délégué aux étrangers, d’autres cantons n’y pensaient pas. Beaucoup d’efforts sont faits pour aider les étrangers qui vivent ici à se sentir bien, comme s’ils étaient chez eux. Avec ce bureau, il y a une certaine écoute. Comme représentant des communautés africaines, c’est claire que s’il n’y avait pas ce service de la cohésion multiculturelle, il y aurait eu plutôt des regroupements purement informels et mon rôle ne serait pas officiel.

Vous disiez aussi que «quand on vous croise dans la rue, rien ne vous distingue de l’immigré fraîchement débarqué et que dans votre for intérieur, vous vous considérez comme un immigré qui a su s’intégrer sans difficultés». Peut-on savoir ce qui a facilité votre intégration?

Je pense que le fait de suivre des études m’a permis d’avoir du recul par rapport à certains aspects de l’immigration. Je suis fier d’être ce que je suis : Africain. Je me suis toujours déplacé en été avec des boubous sénégalais et des gens me regardaient souvent dans la rue comme ça. Et puis, je me suis rendu compte que ce n’était pas des regards de méfiance, mais plutôt des regards d’admiration par rapport à ce que je portais. Le fait de montrer que j’avais cette identité-là et que je n’avais pas le complexe de m’habiller en Africain dans les rues de Neuchâtel, pour moi, c’est quelque chose d’hyper important.

25 ans de vie en Suisse, comptez-vous un jour retourner au Sénégal pour finir vos jours?

Le rêve de tout immigré, c’est ça. Moi, je ne sais pas si on doit en faire un rêve. Pourquoi on décide qu’il faut retourner? Retourner, c’est revivre sur une longue durée dans son pays d’origine. Je suis marié à une Européenne, une Suissesse. Ayant des enfants métis, est-ce que je vais prendre mes cliques et mes claques et décider un jour de m’établir définitivement au Sénégal ? Je dirais plutôt que le jour ou j’arrive à la retraite et que je peux vivre entre la Suisse et le Sénégal, je n’hésiterai pas, parce qu’à ce moment-là, mes enfants auront probablement à leur tour des enfants. Je ne dirai pas que la Suisse est le pays où je vais vivre toute ma vie, mais quand j’aurai la possibilité d’avoir des séjours beaucoup plus longs au Sénégal, je n’hésiterai pas. Actuellement, chaque année, je pars à Dakar un mois pendant l’été.

Avec le recul, 25 ans après, si votre chemin était à refaire, le referiez-vous?

Le fait d’avoir quitté le Sénégal et de décider de vivre en Suisse n’a jamais été mon objectif de départ. Quand on vient en tant qu’étudiant, on laisse toute sa famille. Pour moi, les choses ont  toujours été claires : étudier et repartir. Mais, la situation a fait que je suis resté dans le pays. Je n’ai aucun regret. S’il fallait refaire la même chose, je l’aurai refait parce qu’à présent, je vis cet exil très bien. J’ai gardé mes racines et le fait de revoir chaque année ma famille ou quand c’est la famille qui vient me voir en Suisse, c’est quand même réjouissant.

Vous vous considérez Suisse, Sénégalais, ou les deux à la fois?

Je me considère d’abord Sénégalais et si je devais renoncer à la nationalité sénégalaise pour devenir Suisse, j’aurais gardé ma nationalité sénégalaise. Pour moi, c’est logique. Même si je me déplace avec le passeport suisse pour des raisons de commodités, mais j’ai encore mes papiers sénégalais sur moi. Au Sénégal, la double nationalité est acceptée.

On vous attribue ces propos: «je n’aime pas subir les décisions des autres». Pourquoi?

Ne pas subir les décisions des autres, je veux dire que, pour moi, il faut participer là où les décisions se prennent. C’est par un concours de circonstances que je me suis retrouvé au Parti socialiste. Je me reconnais comme étant de gauche, raison pour laquelle, je suis fier d’être dans le Parti socialiste. J’entre ces prochains jours au Conseil général de la ville de Neuchâtel.

Votre parcours peut être considéré de modèle, avez-vous un mot à dire aux requérants d’asile?

Être requérant d’asile, c’est quelque chose d’extrêmement difficile. J’ai regardé le film Vol spécial de Fernand Melgar et c’est vraiment difficile. On ne quitte jamais son pays de gaieté de cœur pour arriver dans un autre pays. Quand on est requérant d’asile, il faut tout faire pour qu’on ne colle pas à votre étiquette quelqu’un qui est là pour créer la pagaille. La plupart des requérants d’asile vivent une situation difficile, de par ce statut-là. Ce sont des gens qui vivent avec dignité et qui espèrent un jour avoir les papiers en ordre pour pouvoir rester ici et je pense que, parmi les requérants d’asile, il y en a beaucoup qui, demain, si dans leurs pays d’origine la situation redevient tout à fait normale, voudraient repartir. J’encourage les requérants d’asile à rester vigilants et, surtout, à ne pas fréquenter les milieux où ils peuvent se retrouver dans les ennuis.

Que pensez-vous de Voix d’Exils?

J’ai découvert Voix d’Exils récemment, j’ai jeté un coup d’œil et il y a des articles intéressants et très diversifiés. C’est toujours difficile d’entretenir  un journal en ligne, mais j’espère que ce blog va continuer à toucher le maximum de personnes au niveau de la population, parce que quand je vois des requérants d’asile écrire dans ce blog et dire qu’ils sont bien et se sentent utiles et qu’on voit qu’ils ont des compétences, je vous dis chapeau! En espérant que ce blog sera de plus en plus connu et que ça serve d’exemple, surtout pour donner une image positive de la présence des migrants d’origine africaine sur le sol neuchâtelois et sur le sol suisse.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Informations

lire à ce sujet un autre article de Voix d’Exils: «Au COSM, nous offrons un service d’accompagnement et de soutien aux requérants d’asile»