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Sept ans que la guerre fait rage en Syrie

Photo illustration: Delawer Omer

Illustration: Delawer Omer

Aux origines de la révolution syrienne

La révolution syrienne a commencé à Deraa, le 18 mars 2011, avec un groupe d’enfants qui ont fait des graffitis contre le régime et qui ont été torturés pour cela.[1]

Six ans plus tard, le pays est au cœur d’une guerre terrifiante qui a provoqué le déplacement de la moitié de la population syrienne et qui a coûté la vie à des centaines de milliers de personnes.

Début 2011, la population de Syrie comptait 23 millions d’habitants pour une superficie de 185’000 km². Cette Syrie était le résultat du démembrement de l’Empire ottoman par les Français et les Anglais. Elle a été établie après la Première Guerre mondiale et mise sous mandat français jusqu’en 1946. [2]

Photo illustration: Delawer Omer

Illustration: Delawer Omer

La Syrie indépendante a vécu des périodes démocratiques, avec des transitions du pouvoir et des élections pacifiques. C’était avant l’arrivée au pouvoir de Hafez Al-Assad, suite à un coup d’état militaire en 1971. [3] A la mort du Président Assad, la Constitution syrienne a été changée de manière non démocratique pour que son fils Bachar Al-Assad accède au pouvoir et continue la politique totalitaire et autoritaire de son père. [2]

En 2011, le monde arabe est traversé par des soulèvements populaires contre le pouvoir en place. Le vent du « printemps arabe » souffle sur la Syrie. Des premiers appels à manifester sont lancés sur les réseaux sociaux syriens en février 2011, plus précisément le 4 février 2011, lorsque des publications sur Facebook invitent les Syriens à suivre l’exemple tunisien, puis égyptien.[5]

Vers la mi-mars 2011, dix-huit enfants, entre 10 et 14 ans, ont tracé en jouant sur le mur de leur école primaire de Deraa, dans le sud du pays, un slogan entré dans l’histoire : « Jay alek eil ed-dor ya doctor ». (« Ton tour arrive, Docteur »), « Docteur » est le surnom de Bachar Al-Assad, ophtalmologue de formation. Ces enfants ont aussi fait d’autres graffitis sur les murs « le peuple veut la fin du régime » imitant ainsi les slogans égyptiens.

Les forces de sécurité politique, dirigées localement par le cousin du président Assad – Atef Najib – ont enfermé ces enfants et les ont torturés. Lorsque leurs familles et les notables de la région se sont rendus au bureau du gouverneur pour exiger leur libération, ils ont réussi à rencontrer Atef Najib. Il leur a dit : « oubliez vos enfants et laissez vos femmes faire d’autres enfants et si ça ne joue pas, envoyez-nous vos femmes et nous les engrosserons ». Ces familles et les notables ont été chassés et humiliés. Les enfants sont restés en prison.

Photo illustration: Delawer Omer

Illustration: Delawer Omer

La première manifestation, a eu lieu vendredi 18 mars 2011 réclamant la libération des enfants (c’est pour cette raison que les Syriens sur les réseaux sociaux ont nommé ce vendredi « jumaat el karama » «  la dignité du vendredi ») . Les forces de sécurité l’ont brutalement réprimée et ont tiré sur les manifestants tuant au moins cinq personnes. [4]

Ensuite, les forces de sécurité ont relâché certains des enfants pour apaiser les esprits. Leurs familles ont découvert alors des traces de coups sur leurs corps ; l’un d’entre eux avait les ongles arrachés.

La seconde manifestation a eu lieu mercredi 23 mars 2011, pour réclamer des sanctions contre Atef Najib, responsable des tortures et du premier massacre. Des dizaines de morts sont tombés sous les balles des forces du régime à Deraa. La mosquée Al-Omari, où les manifestants s’étaient réfugiés, a été envahie par les troupes du gouvernement sous prétexte de la présence d’armes et d’explosifs à l’intérieur de cette mosquée. [4]

Cet événement a mis en lumière le douloureux ressentiment de la majorité sunnite en Syrie, cette majorité écartée du pouvoir depuis quatre décennies, la minorité alaouite dirigeant la politique et ayant la mainmise sur tout le pays.

Cette première manifestation pacifique de contestation du pouvoir du 18 mars 2011 dans la ville de Deraa se répandit très rapidement dans la totalité du pays. Le régime totalitaire de Al-Assad réprima et opprima brutalement les manifestants qui réclamaient la justice, la liberté, la dignité pour la Syrie. [5] C’est ainsi qu’en moins de 9 mois de manifestations en Syrie, le régime assassina sur ordre du Président plus que 5000 manifestants. Ainsi commença l’exode syrien pour fuir la violence de ce régime.

Aujourd’hui, il y a des millions des réfugiés éparpillés partout dans le monde et 60 pays impliqués dans ce conflit qui n’en finit plus. [6]

 Namaat Shaherly pour la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Les sources :

  1. http://www.lemonde.fr/international/article/2013/03/08/les-enfants-de-deraa-l-etincelle-de-l-insurrection_1845327_3210.html
  2. http://www.leconflitsyrienpourlesnuls.org/document/i-de-la-revolution-a-la-guerre-civile/
  3. http://www.lesclesdumoyenorient.com/Hafez-al-Assad-et-la-creation-de-l.html
  4. http://www.liberation.fr/planete/2011/03/24/syrie-deraa-sept-jours-de-soulevement_724052
  5. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/du-soulevement-a-la-guerre-deux-ans-de-crise-en-syrie_1231143.html
  6. http://www.sudouest.fr/2017/03/15/six-ans-de-guerre-en-syrie-un-effroyable-bilan-3273322-4803.php

 

 

 

 

 




«Le fichage ADN des requérants d’asile serait une mesure stigmatisante voire discriminatoire»

Christian Raetz, préposé à la protection des données et à l'information du canton de Vaud.

Christian Raetz, préposé à la protection des données et à l’information du canton de Vaud.

S’appuyant sur les statistiques policières de huit cantons qui établissent une augmentation de la criminalité depuis le Printemps arabe sur le sol suisse, Christophe Darbellay – président du Parti démocrate-chrétien et conseiller national – a déposé une motion intitulée «Effectuer un test ADN sur certains requérants d’asile pour lutter contre la criminalité» qui a été adoptée par le Conseil national le 17 avril 2013. Cette motion permettrait d’établir des profils ADN de manière préventive et systématique de certaines catégories de personnes pouvant potentiellement commettre des délits. Si le Conseil des États valide la motion, le Conseil fédéral devra créer une loi pour la concrétiser. Voix d’Exils a souhaité mettre en perspective les enjeux d’une telle motion en donnant la parole à Christian Raetz, préposé à la protection des données et à l’information du canton de Vaud. Interview.

Pouvez-vous commencer par présenter votre fonction et votre travail 

Je suis préposé à la protection des données et à l’information du canton de Vaud. Nous sommes trois personnes à travailler dans l’équipe. Nous avons une double casquette : l’une porte sur la protection des données et l’autre sur la transparence. Du côté de la protection des données, il y a une loi cantonale qui s’applique aux administrations cantonales et communales, et des organismes comme l’EVAM par exemple. Nous sommes en étroite collaboration avec les autorités tout en veillant au respect de la loi ainsi qu’aux installations de vidéosurveillance exploitées par les communes ou le canton. Cependant, nos actions ne couvrent pas le traitement des données des établissements privés, comme par exemple l’installation d’une caméra par la Coop, ou encore la Migros avec la carte Cumulus. Ceci n’entre pas du tout dans notre champ de compétences, mais dans celui du préposé fédéral à la protection des données.

Nous sommes aussi l’instance de recours contre des décisions que pourraient prendre les autorités cantonales ou communales en matière de protection des données sur une tierce personne.

Comment l’utilisation de l’ADN est-elle encadrée juridiquement actuellement ?

Le Code de procédure pénale suisse autorise le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil ADN pour élucider un crime ou un délit. Un tribunal peut aussi ordonner l’établissement d’un profil ADN lorsqu’une personne est condamnée pour des délits d’une certaine gravité. La loi sur les profils ADN impose des règles sur la manière de procéder; elle prévoit aussi la création d’une base de données centralisée. Les profils ADN des personnes mises hors de cause, acquittées ou bénéficiant d’un non-lieu sont retirés de la base de données. Il en va de même pour les personnes condamnées après des durées fixées par la loi. Seul l’Office fédéral de la police peut faire le lien entre un profil et une identité.

La motion de Monsieur Darbellay concernant le test ADN de certains  requérants d’asile, notamment à titre préventif, a été adoptée par le Conseil national en avril 2013. Quel est votre avis à ce sujet?

Il est à noter ici que prendre les empreintes digitales ou l’ADN de quelqu’un constitue, du point de vue de la construction juridique, une atteinte à la personnalité. Considérée comme une atteinte grave par certains et anodine par d’autres, elle constitue dans tous les cas une atteinte au droit de la personne, donc à un droit fondamental. C’est pourquoi on peut le faire, mais à certaines conditions, notamment des conditions de restrictions des droits fondamentaux. Cela nécessite une base légale, il faut aussi qu’il y ait un intérêt public qui justifie cette restriction et que la restriction du droit fondamental soit proportionnelle à l’intérêt public considéré. Après, il y a aussi des choix politiques qui sont faits par le législateur qui a un large pouvoir d’adopter ou pas ce type de mesures (la prise d’ADN), sachant aussi qu’en Suisse, il n’y a pas de contrôle de la constitutionnalité des lois. Une des questions que soulève ce projet est la discrimination d’un groupe ciblé de la population. Un groupe évalué selon certains critères est jugé particulièrement à risques, et tous les membres de ce groupe sont considérés comme suspects potentiels, en tout cas plus suspects que le reste de la population. Donc, c’est clairement une mesure qui est stigmatisante voire discriminatoire. Avec une remise en cause d’un principe qui est fondamental dans l’Etat de droit : la présomption d’innocence. Après, ce sont des choix politiques qui doivent être faits. Et ces questions soulèvent aussi des problèmes au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a une position plutôt restrictive s’agissant du fichage préventif. On admet le fichage ADN de manière générale pour les personnes qui ont été condamnées; mais il y aurait un pas de franchi si on l’autorisait a priori sur des personnes jugées à risques.

Selon l’article 33 de la loi fédérale sur l’analyse de la génétique humaine, le prélèvement nécessite notamment le consentement écrit de la personne. Au cas où la personne ne veut ou ne peut pas écrire ce consentement, que se passerait-il ?

Le prélèvement peut se baser soit sur une base légale, soit sur le consentement de la personne. Donc on peut tout à fait imaginer une base légale qui oblige les personnes à donner leur ADN par un frottis ou un autre procédé sans qu’elles aient la possibilité de s’y opposer. On peut passer outre le consentement si on a une base légale suffisamment claire qui le permet. Après, du point de vue de l’intérêt public, on peut considérer qu’on va lutter contre la criminalité et que cela constitue donc un intérêt public. On peut être d’accord que cet intérêt public existe, mais la question est celle de la proportionnalité d’une telle mesure. Donc, par rapport aux entorses que la mesure porte aux droits fondamentaux de la personne, cela pose problème. Est-ce que vraiment ça se justifie ? Est-ce que le but qu’on veut atteindre, à savoir résoudre un certains nombre de délits, dont la plupart sont mineurs et commis par des délinquants venus du Printemps arabe ? On n’est pas en règle générale dans le grand banditisme. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas lutter contre, mais là on a un problème qu’on veut résoudre, et on propose un moyen pour le résoudre. Est-ce que ce moyen qu’est le fichage ADN est vraiment proportionnel par rapport au problème de criminalité qui se pose ? Là est la question.

Cette motion respecte-t-elle la Constitution suisse? Est-elle applicable ?

Elle ne doit pas impérativement respecter la Constitution suisse. Le système juridique suisse n’a pas de Cour constitutionnelle au niveau de la Confédération. Le Parlement peut adopter des lois qui constituent des entorses aux principes constitutionnels voire qui s’y opposent. Dans le canton de Vaud, on a une Cour constitutionnelle, mais au niveau de la Confédération non. Du coup, si cette motion poursuit son chemin parlementaire, il va y avoir d’innombrables débats pour savoir si la mesure est constitutionnelle ou non. Mais, même si elle ne l’était pas, on ne peut pas exclure qu’elle soit adoptée. Après, c’est un choix politique encore une fois qui, en Suisse, ne peut pas être remis en cause par un tribunal. Ce qui pourrait arriver c’est une remise en cause par une instance internationale comme, par exemple, la Cour européenne des droits de l’homme.

Les requérants d’asile doivent déjà donner leurs empreintes digitales lors de leur arrivée en Suisse. Comment cela est-il encadré ? Et en quoi la prise d’ADN serait-elle différente ?

Les empreintes digitales des requérants d’asile sont prises pour s’assurer que les requérants n’ont pas déjà déposé une demande ailleurs, c’est le cas avec l’accord Schengen et de Dublin. On est vraiment ici dans des finalités qui ne sont pas les mêmes que la finalité proposée par la motion Darbellay qui est policière et répressive.

Du coup, les empreintes digitales des requérants d’asile prises selon la législation Schengen pourraient être utilisées dans le cadre d’enquêtes policières ?

Les empreintes digitales sont stockées dans le système EURODAC dans le but de déterminer l’Etat qui est responsable de la demande d’asile. A l’origine, il n’était pas prévu de pouvoir utiliser ces données à des fins répressives. Toutefois, le Parlement européen vient sauf erreur d’adopter des modifications réglementaires qui permettront d’accéder à ces informations pour l’élucidation de crimes graves.

Concrètement, pensez-vous que le fichage ADN soit une mesure utile pour lutter contre la criminalité de certains requérants d’asile ?

Je précise évidemment que je ne suis pas policier. Après, j’ai de la peine à me rendre compte, mais rappelons par exemple que lorsqu’on a commencé à récolter les empreintes dans le cadre d’enquêtes policières, les criminels ont commencé à porter des gants. Maintenant, si on met l’ADN, qu’en sera-t-il ? J’imagine que dans un certain nombre d’enquêtes, cela peut-être utile. Après il y a des choix politiques qui doivent être faits. Donc, il y a aurait une certaine efficacité, c’est très probable, mais avec des effets négatifs, dont une inégalité de traitement entre certains ressortissants d’un pays qui seront soumis au fichage et d’autres non.

Où vont être rangés les fichiers s’il y a la prise d’ADN pour certains requérants d’asile ?

Cela dépend du niveau de la juridiction cantonale ou fédérale. Les deux étant envisageables. Mais j’imagine que ça serait plutôt au niveau fédéral, avec une possibilité d’accès pour les autorités cantonales. Après, pour l’accès, cela concernerait les normes usuelles : les données seraient très protégées dans des systèmes très sécurisés. Il faut rappeler que la sécurité absolue n’existe pas, et c’est un des problèmes avec l’informatisation croissante, mais les bases de données publiques sont en général très bien sécurisées. Après, la faiblesse est humaine. Les banques en savent quelque chose. Ce peut aussi être une défaillance au niveau de la sécurité des données. C’est pour cela aussi qu’au niveau de la collecte des données, un principe veut que l’on collecte le minimum de données nécessaires pour minimiser les risques. Sachant qu’une fois qu’une base de données existe, elle suscite, en général, un certain nombre de convoitises.

Si dans 10 ans toute la population devait donner ses empreintes ADN, comment qualifieriez-vous le monde dans lequel nous vivrions ?

La motion Darbellay pose une question de principe : si le législateur pense que c’est justifié de créer une base de données à titre préventif visant une partie de la population, on met alors le doigt dans un engrenage. Si on le fait pour ce type de population, pourquoi est-ce qu’on ne le ferait pas pour d’autres groupes de population ? Au hasard, les personnes de sexe masculin entre 18 et 25 ans qui sont célibataires, qui sont parmi les groupes de populations les plus criminogènes, les plus susceptibles de commettre des délits. On peut identifier un certain nombre de groupes, dont d’ailleurs vous (nous, les deux journalistes de Voix d’Exils) feriez partie. Alors après pourquoi pas vous ? Ou pourquoi pas tous les oncles ? Parce qu’on considère que c’est surtout les oncles qui commettent des abus sexuels sur les enfants, ou tous ceux qui travaillent avec la finance, et après on peut tout imaginer.

Personnellement, je préférerais la situation dans laquelle l’ensemble de la population serait fichée plutôt que des groupes cibles. Cela ne veut pas dire que je souhaiterais que l’ensemble de la population soit fichée. Mais, quitte à le faire, soyons cohérents et allons jusqu’au bout. Mais cela ne serait pas une société qui me réjouit particulièrement, où par principe on suspecte les personnes plutôt que de faire primer la présomption d’innocence. Mais là aussi, quels sont les intérêts que l’on considère comme étant prépondérants ? A ce propos, le débat autour des services secrets américains : la National Security Agency (NSA) avec l’affaire Snowden est intéressant. Beaucoup de personnes considèrent que l’atteinte à leur sphère privée se justifie vu le bien qu’on veut atteindre, c’est-à-dire une sécurité maximum. Et du coup certains disent «mais est-ce que les terroristes n’ont pas déjà gagné ?», vu que l’on remet en cause les acquis essentiels au sein de nos sociétés démocratiques. Donc, à titre personnel, je ne suis pas pour cette tendance de surveillance accrue. Mais cette tendance de placer l’aspect sécuritaire avant tout est là. Pour revenir aux caméras de vidéosurveillance, on peut mettre des caméras partout, et probablement que cela va résoudre un certain nombre de délits et d’infractions. Mais au vu des atteintes que cela constitue pour l’ensemble de la population, est-ce que ça se justifie ? A mon sens non.

On est ainsi face à des choix de société. Nous sommes dans une société démocratique, mais on ne sait pas comment sera la Suisse ou l’Europe dans 40 ou 50 ans. On peut se dire aussi que certains outils de surveillance sont acceptables quand ils sont dans les mains de dirigeants en démocratie, et qu’ils le sont moins dans des régimes non démocratiques. Là aussi, il y a un principe de prudence à respecter. Et qui peut prévoir l’évolution d’une société sur 50 ans ? Personne, je pense.

Propos recueillis par :

Cédric Dépraz et El Sam

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Pour consulter la motion de Christophe Darbellay « Effectuer un test ADN sur certains requérants d’asile pour lutter contre la criminalité » cliquez ici

 




«Il faut changer les mentalités pour accéder à la démocratie»

Tariq Ramadan. Photo: Umar Nasir CC-BY-NC-ND

Tariq Ramadan. Photo: Umar Nasir CC-BY-NC-ND

Le samedi 4 mai, le théologien islamologue suisse d’origine égyptienne Tariq Ramadan a donné une conférence au Complexe Culturel des Musulmans de Lausanne à l’occasion de la sortie de son nouveau livre « l’Islam et le réveil arabe ». Intitulée « Deux ans de printemps arabe, et après ? », la conférence de Tariq Ramadan revient sur le renversement des dictatures qui a marqué plusieurs pays du Moyen-Orient ces dernières années. Compte-rendu des propos qu’il a tenu.

M. Ramadan a débuté sa conférence du 4 mai par un constat réjouissant:  «durant la période du printemps arabe le Moyen-Orient s’est réveillé. Il y a eu une prise de conscience de la population qui a eu le courage de faire tomber la dictature. Avant cela, les arabes n’avaient pas bougé.»

Instabilité politique et intérêts géostratégiques au Moyen-Orient

Selon Tariq Ramadan, les dictatures présentes au Moyen-Orient stabilisaient tous les États de la région, raison pour laquelle elles étaient soutenues par certains pays comme les USA ou la Russie. Ces mêmes États, aujourd’hui, encouragent la démocratisation. D’après le théologien, cette contradiction n’est pas d’ordre politique mais économique et géostratégique.

En effet, les pays occidentaux s’intéressent avant tout aux ressources du Moyen-Orient, comme par exemple les ressources minières de l’Afghanistan et le pétrole de l’Irak. L’intervention américaine en Irak de 2003 à 2011 a déstabilisé le pays politiquement, tout en protégeant ses ressources pétrolières. L’Irak produisait beaucoup économiquement durant cette période, mais était très fragilisé politiquement par les États-Unis. Le pétrole était donc sous la mainmise des multinationales occidentales, pendant que la politique du pays était totalement bouleversée. Tariq Ramadan prend aussi l’exemple de la Syrie, en soulignant que plus le conflit entre sunnites et chiites dure, plus le Moyen-Orient est divisé et plus la région est déstabilisée, ce qui arrangerait les gouvernements américain, chinois et russe. Le Moyen-Orient est donc déstabilisé politiquement à des fins géostratégiques.

«Libérer l’esprit de tout ce qui peut aliéner la pensée»

Selon Tariq Ramadan, il faut considérer tous les éléments pour voir s’il y a possibilité de transparence, c’est-à-dire de démocratie. Tout d’abord, il faut mettre fin à la corruption, car si l’éthique n’est pas respectée, la démocratie n’est pas possible. Ensuite, il souligne l’importance d’une réforme de l’éducation. Il est en effet essentiel, selon l’auteur, que l’éducation favorise une pensée autonome et responsable, dans des pays arabes qui proposent actuellement des systèmes éducatifs sélectifs et favorisant les savoirs appris par cœur. Il faut libérer l’esprit de tout ce qui peut aliéner la pensée, tout en respectant la dignité humaine.

Pour Tariq Ramadan, il est donc essentiel aujourd’hui que soit menée une révolution culturelle et spirituelle et de ne pas être émotifs ou impulsifs comme ce serait selon lui le cas des personnes de culture arabe. Selon l’islamologue, leur éducation est une «éducation de craintifs». Ensuite, Tariq Ramadan souligne que la présence des femmes sur le devant de la scène joue un rôle important et que statistiquement les femmes étaient beaucoup plus présentes que les hommes durant les événements du printemps arabe. Il note également que la démocratie n’est possible que si une justice sociale est appliquée. Et, enfin, l’islamologue explique que la dimension culturelle est fondamentale. Selon lui, si l’on est cultivé et informé, on est libre intellectuellement et culturellement. En deux mots, selon l’auteur, les deux grandes priorités de l’action à mener actuellement se situent sur les plans culturel et économique et non politique.

«Savoir accepter la diversité des opinions»

Pour conclure, la solution d’après Tariq Ramadan est de s’équiper intellectuellement. On a la responsabilité de s’informer et de transmettre l’information. Il ne faut pas se taire mais être la voix de la conscience. Il est donc important d’apprendre la diversité des opinions qu’elles soient traditionnelles, rationnelles, politiques, réformistes ou autre. Il est nécessaire d’instaurer un dialogue intra religieux et de gérer la diversité politique pour éviter la division. Cependant, selon l’auteur, la culture de diversité est absente dans les pays arabes où l’on considère une opinion comme une possession de la vérité. Or, une opinion n’est qu’une perception de la vérité parmi d’autres. Il faut donc savoir accepter la diversité. Il est important de s’éduquer intellectuellement de manière autonome, de s’engager courageusement et de changer sa mentalité pour pouvoir communiquer avec autrui dans le but d’accéder à la liberté et à la démocratie.

Samir

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Vous pouvez visionner la conférence dans son intégralité en cliquant ici




Une traversée funeste

Un jeune homme traversant clandestinement la méditerranée en 2009. Photo exclusive: Voix d'Exils.

Un jeune homme traversant clandestinement la Méditerranée en 2009. Photo exclusive: Voix d’Exils.

J’étais un peu seul pendant les vacances d’été, c’est la raison pour laquelle j’ai pu suivre les Jeux Olympiques de Londres, de la cérémonie d’ouverture jusqu’à leur clôture. Les Jeux de Londres allaient rester un souvenir mémorable, si ce n’est que quelques jours après la cérémonie de clôture, j’ai appris que le rêve d’une athlète somalienne , Samia Yusuf Omar, s’était arrêté en mer Méditerranée. 

Je dois avouer que je suis seulement venu à connaître Samia après l’annonce de sa mort tragique en mer Méditerranée, lors de sa tentative de rejoindre l’Europe, et Londres en particulier, pour représenter son pays à l’occasion des Jeux Olympiques. Je me demande si elle aurait pu participer, ou si elle aurait même pu s’en sortir avec les questions d’immigration. Les ambitions du sport expliquent non seulement le courage de Samia de la Somalie, un pays déchiré par la guerre, mais aussi son envie de survivre!
Depuis que le printemps arabe a éclaté au début de l’année 2011 en Afrique du Nord, le monde porte davantage d’intérêt aux accidents qui ont lieu lors des traversées de migrants en mer Méditerranée. Pendant que les italiens et les français se disputent de la manière dont ils vont se partager le fardeau des réfugiés, la préoccupation majeure des refugiés est la lutte désespérée qu’ils mènent pour survivre. Les réfugiés n’hésitent pas à entreprendre des voyages dangereux, dans des bateaux surchargés, et à courir le risque de se noyer en mer. Plus je m’informe sur le sort des clandestins qui traversent la mer, plus grand est mon étonnement et mon chagrin d’apprendre qu’en moyenne 1500 personnes se noient par an dans leurs tentatives de rejoindre l’Europe en traversant la mer Méditerranée. Ceci fait de ces eaux les pires du monde, avec le plus grand nombre de morts par an. Quelques médias soupçonnent que leur nombre pourrait être même doublé, car il y a beaucoup d’embarcations qui disparaissent sans que le nombre de personnes à bord ne soit enregistré.
Quand je suis arrivé en Suisse, en août 2011, j’ai rencontré un jeune homme du nom d’Abu, qui m’a donné plus de détails à propos des dangers encourus lors de la traversée de la mer Méditerranée. Abu a 25 ans, il est célibataire et originaire du Nigeria, où il travaillait dans une imprimerie avant de rencontrer les problèmes qui l’ont forcé à quitter son pays. Il m’a parlé des détails terrifiants de son voyage, qui l’a mené du Nigeria au Maroc et puis sa traversée de la mer Méditerranée pour l’Europe.
Le voyage d’Abu a commencé avec la traversée du désert de Sahara. Il m’a dit comment le groupe de huit personnes, dont il faisait partie, s’est réduit au fur et à mesure du voyage, par la mort des uns et des autres en raison du sable du désert et de la déshydratation. Ils avaient commencé leur périple en recourant aux services d’un gang qui avait un véhicule tout-terrain, une Land Rover Defender, qui devait leur permettre de traverser le Sahara. Ils avaient de l’eau et d’autres provisions nécessaires et la destination initiale était le Maroc, où ils espéraient trouver des réseaux de passeurs afin de regagner l’Europe par voie navale.

Perdu au milieu du désert du Sahara

Après une traversée de plusieurs centaines de kilomètres, lors de laquelle ils avaient probablement traversé

Le désert du Sahara. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

Le désert du Sahara. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

un quart du désert du Sahara, la voiture est tombée en panne. Après plusieurs manœuvres pour réparer le moteur, les passeurs ont demandé aux réfugiés de sortir de la voiture, pour voir si celle-ci pouvait être poussée avec moins de charges. Une fois que la voiture a redémarré, les passeurs sont partis, emportant avec eux les milliers de dollars qu’avaient payé les voyageurs et, surtout, en abandonnant les réfugiés en pleine désert du Sahara. C’était le début de l’horreur. Les 6 hommes et les 2 filles affaiblis, qui composaient le groupe, venaient tout juste de se rendre compte qu’ils avaient été dupés et qu’ils étaient condamnés à une mort certaine en y passant un par un.
Après quatre jours de marche (d’habitude pendant les nuits, pour éviter le soleil insupportable de la journée dans le désert), seulement 3 personnes étaient toujours vivantes. Ils avaient survécu en buvant leur urine et avaient strictement rationné la nourriture. Parmi eux, l’on comptait une fille, Abu et un autre homme. C’était pendant la nuit du quatrième jour qu’ils ont été sauvés par une patrouille de gardes-frontières marocains. Fatigués, déshydratés, avec des corps squelétiques, ils ont étés immédiatement admis dans un centre de la Croix-Rouge pour y recevoir une assistance médicale d’urgence. La fille avait par la suite perdu la tête, car parmi les morts du groupe figuraient son frère et son petit ami.

Perdu en mer

Abu s’est remit du traumatisme du désert et a passé deux années difficiles de sa vie au Maroc : dormant dans les rues d’un port, vivant de la mendicité et de petits boulots au noir, en espérant un jour réunir la somme d’argent exigée par les passeurs qui organisent les voyages clandestins en bateau pour l’Espagne.

Un jeune homme du Kurdistan traversant clandestinement la Méditerranée. Photo exclusive: Voix d'Exils

Un jeune homme du Kurdistan traversant clandestinement la Méditerranée. Photo exclusive: Voix d’Exils

Après avoir essuyé plusieurs refus, du fait qu’il ne disposait pas de la somme requise par les passeurs qui organisent des voyages clandestins en Espagne, la chance finit par sourire à Abu. Le leader du gang lui dit : « Je te prends dans mon bateau, parce que j’éprouve de la pitié pour toi. Tu aurais dû retourner dans ton pays, mais je sais que tu ne peux pas traverser le désert à nouveau. Convenons d’une chose : en cas d’ennuis en mer et si nous devions jeter des bagages du bateau, tu seras le premier à être jeté par-dessus bord, parce que tu as payé très peu d’argent pour la traversée. Abu promet à l’homme qu’il sauterait dans l’eau volontairement, avant même d’être jeté par-dessus bord pour leur éviter des ennuis. Le voyage était prévu pour durer 15 heures, si tout se passait comme prévu.
Juste la vue du bateau a suscité les premières craintes d’Abu, car le bateau était surchargé. Ils ont levé l’encre en début d’après-midi avec 70 personnes à bord. Parmi les réfugiés se trouvait un pasteur, qui a commencé à prier et à rassurer les passagers de la protection de Dieu, qui étaient tous apeurés. Après quoi, chacun a commencé à prier dans sa propre langue. Ils savaient tous que des milliers de personnes étaient mortes dans cette mer lors de leur tentative de la traverser pour rejoindre l’Europe.

Les premières heures du voyage se sont déroulées tranquillement, à part les sanglots d’enfants ainsi que le hurlement constant du moteur du bateau. La majorité des femmes avaient des enfants, et certains avaient été conçus suite à des viols au Maroc ou d’autres endroits où elles étaient passées sur la route de l’Europe. Il y a aussi les gangs qui utilisent les filles désespérées comme des esclaves sexuels, en les forçant à se prostituer et certaines finissent par tomber enceinte.
C’était tard dans la nuit, la mer était sombre comme les ténèbres, des étoiles brillaient dans le ciel quand, soudain, le moteur s’arrêta, créant une panique dans le bateau! Après plusieurs tentatives pour réparer le moteur, en vain, Abu a pensé que son heure de plonger volontairement dans la Méditerranée était venue. Le capitaine a ordonné que tous les bagages soient jetés dans l’eau, tout en continuant à essayer de réparer le moteur. Entre temps, les passagers criaient désespérément, dans l’attente d’une mort possible.
Les passeurs comptent toujours sur deux choses : la boussole et la patrouille espagnole. Il y a un point dans l’océan où le réseau téléphonique est coupé. Les passeurs ont d’habitude de prendre avec eux deux téléphones : un pour le réseau marocain et un autre pour le réseau espagnol.
Mais, manque de chance, le moteur est tombé en panne à l’endroit où ni le Maroc et ni l’Espagne ne pouvaientt être atteints. L’option pour l’Espagne est toujours la meilleure, parce que s’ils peuvent appeler les services espagnols de secours, cela signifie qu’ils sont déjà dans les eaux espagnoles, et donc sur le territoire espagnol. Malheureusement, ils étaient ni du côté marocain, et encore moins du côté espagnol.
Trois heures plus tard, alors que l’embarcation sombrait dans la mer, ils sont repérés par une patrouille espagnole, héliportés puis enregistrés en Espagne comme refugiés. Cinq mois dans une  Espagne frappée par la crise économique ont une fois de plus transformé Abu en mendiant, comme il avait été au Maroc.

La désagréable surprise de l’Europe

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

Tandis qu’Abu relatait cette histoire, il n’était plus en Espagne mais en Suisse. Un jeune homme intelligent aux bords de la dépression, car l’Europe lui avait réservé une surprise désagréable, comme à beaucoup d’autres immigrés africains qui vivaient en Espagne dans des conditions  inhumaines,  dans des maisons abandonnées, et ainsi de suite. En terminant son histoire, n’étant pas sûr de son destin dans le pays alpin où il s’était déplacé, fuyant les difficultés de l’Espagne, il m’a demandé : « Marcus, penses-tu que c’est normal que tous les africains passent par ces difficultés juste pour aller en Europe? » Je lui ai répondu : « Certains n’ont aucun choix, que de fuir, peu importe où ». Il se mit à pleurer, murmurant comment il avait gaspillé trois années de sa jeunesse. Abu a été finalement arrêté, puis expulsé en Espagne, en raison de la Convention de Dublin, car il avait déjà sollicité l’asile en Espagne. Quand j’ai appris son arrestation, les larmes ont commencé à couler sur mes joues. La question qui m’est venue à l’esprit est: qui  doit être blâmé pour tout ça? Les guerres ? La pauvreté ? Les violations massives des droits de l’homme qui amènent des milliers de réfugiés à fuir? Soudain, j’ai cessé de réfléchir à cela, parce que je me suis rappelé la citation de Luc dans la Bible: « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugé. Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamné. Pardonnez, et vous serez pardonné ».

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Traduction de l’anglais de l’article original publié sur Voix d’Exils le 15.01.2013:

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Crossing death

The cross of the Mediterranean sea in 2009 by a young man from Kurdistan. Exclusive pictures taken by Voix d'Exils.

A young man from Kurdistan is crossing the Mediterranean sea in 2009. Exclusive photo: Voix d’Exils.

I was a little bit lonely during the summer holidays, and maybe that’s why I was able to follow the London Olympics Games, from the opening ceremony up to the closing. The London Games were going to remain perfect in my mind, if not for the fact that a few days after the closure, I learned that the dream of a Somali athlete, Samia Yusuf Omar, had ended in the Mediterranean sea.

I must confess that I only came to know Samia through the report of her death, when she died in the sea trying to make her way to Europe, and London in particular to represent her country in the Olympic Games. I wonder if she would have been able to participate, or if she would have even struggled with immigration issues? The courage of Samia from Somalia, a country torn by war, is not only explained by sport’s ambitions but also her sense of survival!

Since the Arab spring erupted in early 2011 in North Africa, the world carries more interest in crossing accidents in the Mediterranean sea. As the Italians and the French were arguing on how they should share the refugee burden, to me, the major interest was the way people, in their quest for survival, undertake hazardous journeys, board over crowded boats, with great risks of drowning and most end up losing their lives, drowningt in the dark waters of the sea. The more I tried to read about the sea deaths, the more I was surprised as I learned that on average of 1500 people drown per year as they try to cross from Africa to Europe. This makes these waters, the worst of the world, with the biggest number of dead people annually. Some media suspect that the number might even be doubled since there are many boats that disappear with no recorded number of people on board.
When I reached Switzerland, in August 2011, I met a young man called Abu, who gave me more details about the dangers of crossing the Mediterranean sea. Abu was 25 years old, single, and is originated from Nigeria where he was working in Printing and Press before facing problems that forced him to leave his country. He told me horrific details of his journey, from Nigeria to Morocco, and then later crossing to Europe.
Abu’s journey started with the crossing of the hot Sahara desert. He told me how the group of eight people he was part of kept reducing with deaths due to sand and dehydration. They had started off by hiring the services of a gang who had a speedy Land Rover Defender vehicle, which enabled them to cross the Sahara. They had water and other necessities and the initial destination was Morroco, where they could find the boat connection services to Europe.

Lost in the middle of the Sahara desert

Le Sahara et ses dunes à perte de vue. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

The Sahara desert. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

After driving for several hundred kilometers, possibly a quarter of the desert, the car broke down. After several manoeuvres to repair the engine, the refugees were told to get out to see if the car could be pushed to start again with less load. The pushing succeeded and the car started. But yes, it was the beginning of the horror, as the two transporters just sped back leaving the refugees stranded more than a hundreds of kilometres inside the desert. They had been robbed of thousands of dollars, which they had paid to be transported to Morocco. Well, food and water had also been removed to reduce the weight in the car. The poor 6 men and 2 girls just realised that they had been conned to their death as they were to later die one by one.

After four days of walking (usually during the nights, to avoid the unbearable sun in the desert), only 3 people were still alive. They had been surviving by drinking their urine and strictly rationed food. Among them was one girl, Abu and another boy. Its was during the night of the fourth day that they were rescued by patrolling moroccan border guards with barely tired, dehydrated, with now skeletal bodies. They were immediately rushed to the Red Cross facility for intensive medical attention to recover from hard beatings of the Sahara. The girl was to later lose her mind, as among those who had died on the way was her brother and her boy friend.

Lost in no man’s water sea
Abu did recover from the desert trauma, and spent two years of hard life: sleeping on the streets of  a maroccan port, begging money to survive, and doing odd jobs on the black market; hoping one day he would get enough money to pay the boat to Spain illegally organised by gangs in Morocco.

Traversée de la Méditerranée en 2009 par un Kurde âgé de 25 ans. Photo exclusive de Voix d'Exils.

A young man from Kurdistan is crossing the Mediterranean sea in 2009. Exclusive photo: Voix d’Exils

After being rejected several times by the gangs which organise clandestine journeys to Spain, for lack of sufficient money, a gang leader he had approached fifteen times during his two years in Morrocco, finally felt sorry for him. The gang leader told him, “I am taking you on my boat because I feel pity for you. You should have tried to go back to your country, but I know you cannot cross the desert again. Lets agree on one thing: in case of trouble in  the sea and  if we need to throw things off the boat, you will be the one to be thrown out first, because you have paid the least”. Abu promised the man that he would jump into the water  voluntarily before being thrown out in the case of trouble.

The journey was expected to take 15 hours if all factors remained constant. First, the boat raised with Abu’s fear as it was fully packed. They started off in the afternoon with 70 people on board. Among the refugees was a pastor, who started to pray and assured the trembling travellers of God’s protection and then each one started to pray in his or her own language. They all knew that thousands had died in that sea in their attempt to cross to Europe.

The journey started with hours of quietness but for the sobbing of children also present and the constant roar of the boat engine. The majority of women had children, and some had conceived as a result of rape in Morocco or other places where they had passed on their way to Europe. There are gangs who use the desperate girls as sex slaves forcing them into prostitution and some end up getting pregnant.

It was late at night, the sea was dark as hell, in sight of stars in the sky, then fear erupted because suddenly the engine stopped ! After several attempts to re-start the engine in vain, Abu thought that his time of voluntary plunge into the Mediterranean had arrived. The captain ordered all the luggage to be thrown into the water but, in the meantime, he attempted to fix his engine with cries filling the air from the  boat’s occupants as they waited for their death.
These transporters always rely on 2 things, the compass and the spanish coastal patrol. There is a point in the ocean where the telephone network is cut out. The transporters usually have two phones, one for Moroccan network and another for Spanish connection.

The engine died unfortunately where neither Morocco nor Spain could be reached via telephone. The option for Spain is always the best, because if they can call the Spanish rescue services, it means that they are already in Spanish waters, thus Spanish territory. Unfortunately, this time, they belonged to no man’s waters.

They had been spotted by the patrol chopper after 3 hours of floating waiting for their final minutes of drowning. The chopper called the vessel and they were officially registered in Spain as refugees. 5 months in economic stricken Spain turned Abu into a beggar again, like he had been in Morocco.

The unpleasant surprise of Europe

While Abu was narrating this story, he was no longer in Spain but in Switzerland. A young intelligent man now getting depressed, because Europe had given him an unpleasant surprise, like many other African immigrants who were living in Spain : living in very inhumane condition in deserted houses, and so on.

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

The Alps. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

As he concluded his tale and no more sure of his fate in the Alpine country where he had moved from the suffering of Spain, he asked me: “Marcus, do you think it is worthy for all the fellow Africans to go through these difficulties to make it way to Europe?” I answered him: “ Some have no choice, but to run wherever they can”. He then broke down and cried, murmuring how he has wasted 3 years of his youth.

Abu was later arrested and deported to Spain, because of the Dublin Regulation, as he had already applied for asylum in Spain. When I was told of his arrest, tears came down my cheeks. The question that came to my mind was: who is to blame of all this? The wars? Poverty? The gross abuse of human rights that lead to thousands of refugees? But then, I stopped thinking because I recalled the biblical quote of Luke, that goes: “Do not judge, and you will not be judged. Do not condemn, and you will not be condemned. Forgive, and you will be forgiven”.

La traduction française de ce témoignage paraîtra prochainement sur Voix d’Exils

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils