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Speak out !

Extrait du reportage « Speak out! » de Babak Qodrati

La parole aux mineurs non accompagnés 

Speak out ! est un projet mené par le Conseil Suisse des Activités de Jeunesse qui est l’association faîtière des organisations de jeunesse en Suisse. Son but : donner une voix aux mineurs non accompagnés en Suisse.

Partant du constat que de nombreux mineurs non accompagnés se retrouvent isolés et dans des situations précaires, Speak out ! vise à les rendre acteurs de leur vie en Suisse en leur donnant un espace pour faire entendre leur voix.

Speak out ! a organisé une exposition le 27 novembre 2017 à Berne intitulée « Regard sur des conditions de vie ». Babak Qodrati, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils, a réalisé un reportage vidéo sur cet événement que vous pouvez visionner ci-dessous:

Speak out! a récemment lancé un nouveau projet à Lausanne qui s’adresse aux jeunes sans permis de séjour.

 La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Quelques membres du projet Speak out!

 




« Comprendre les trajectoires individuelles et la régulation politique des problèmes d’exclusion »

Une famille vivant dans le squat. Photo: Nasser Tafferant

Des chercheurs du Pôle de recherche national suisse LIVES ont analysé et retracé l’histoire d’un squat urbain peuplé de migrants situé dans la région lausannoise. Cette recherche a donné lieu en parallèle à une exposition. Pour mieux comprendre les enjeux sociaux et politiques du phénomène étudié, nous avons interviewé M. Nasser Tafferant, chercheur au Pôle national de recherche LIVES et membre de l’équipe ayant investigué sur le squat.

Au plus fort de l’hiver, durant les premiers mois de l’année 2012 jusqu’à l’expulsion de ses habitants par les autorités en avril, une équipe du Pôle de recherche LIVES « surmonter la vulnérabilité : Perspective du parcours de vie » a mené une enquête en investiguant sur les cercles de relations amicales, familiales et de couples des habitants du squat des jardins familiaux de Vidy à Lausanne en Suisse. Cette recherche avait pour objectif de mieux comprendre les trajectoires des migrants vivant dans ces cabanons de fortune et les modes de régulation politique des problèmes d’exclusion sociale. L’enquête a, en parallèle, donné lieu à une exposition intitulée « LIVING THE SQUAT, Countdown of an Expulsion », qui s’est tenue à l’Université de Genève du 15 au 29 juin 2012 et à la Haute école de travail social et de santé de Lausanne du 1er octobre au 1er novembre 2012. Elle visait à montrer au public la vie matérielle et sociale du squat à l’approche de son évacuation, tout en retraçant les parcours de vie de ses habitants à la croisée de deux regards : celui du chercheur et celui du photographe.

Voix d’Exils : Vous avez présenté une exposition intitulée « Living the squat » à Lausanne, en octobre dernier. Son sujet était la vie des migrants qui ont squatté les jardins familiaux de Vidy de janvier à avril 2012. Pouvez-vous nous dire quel était l’objectif de cette exposition ?

M. Nasser Tafferant : L’objectif de cette exposition a été de rapporter des éléments d’information concernant l’expérience vécue par certains migrants d’un squat à ciel ouvert, sous le regard des passants ordinaires, à proximité du quartier de la Bourdonnette. Il importe de signaler que nos observations ne portaient pas exclusivement sur les Roms, mais aussi sur d’autres individus en provenance de pays d’Europe et d’Amérique latine et du Sud (ces derniers migrants ayant d’abord transité par l’Espagne). Cela a son importance, puisque la stigmatisation des Roms était, entre autres formes, consécutive aux effets d’annonce de certains médias locaux qui associaient systématiquement les mots « squat » et « Roms » dans quelques articles, encourageant, par-là, certains lecteurs anonymes à rendre public un discours anti-Roms.

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La récupération. Photo: Nasser Tafferant

L’exposition rend compte de hétérogénéité des parcours de vie et de l’épreuve commune d’un squat urbain. Nous avons passé quatre mois – de janvier à avril 2012 – sur le terrain parmi les migrants et quelques suisses cohabitant dans les jardins familiaux de Vidy – du collectif de la Bourdache – jusqu’à leur expulsion définitive. Notre approche se voulait compréhensive, c’est-à-dire que nous voulions saisir les interprétations personnelles et collectives des (més)aventures au quotidien dans et hors du squat. Nous avons mobilisé des techniques sociologiques de recueil d’information en procédant, avec leur accord, à l’enregistrement de témoignages, à des observations distancées et en situation de vie dans les jardins. Nous avons, en outre, pris plusieurs photos témoignant des modalités d’ancrage dans le squat, d’une part, par la façon d’occuper et d’aménager les cabanons, d’autre part, par les formes de sociabilité (liens de famille, de couple, de camaraderie propices à l’entraide, mais aussi rapports de méfiance et, parfois, de tension virulente).

Enfin, l’affaire des jardins familiaux de Vidy ayant fait grand bruit au gré des circonstances liées aux mesures d’expulsion, nous avons porté notre attention sur la manière dont le squat des jardins familiaux de Vidy a été traité politiquement, médiatiquement et perçu par quelques riverains.

Pour quelle raison vous êtes-vous intéressé à ce mode de vie ?

Avant tout, je ferai preuve de prudence avec l’expression « mode de vie », qui ne colle pas du tout à la réalité des destinées individuelles et familiales des migrants que nous avons rencontrés dans le squat. Autrement dit, les habitants des cabanons ne mènent pas une vie de squatteur. C’est le squat qui s’est imposé à eux, par chance d’abord, puisque les cabanons étaient inhabités, par stratégie de survie ensuite, à l’approche des saisons d’automne et d’hiver qui furent rigoureuses. Il a fallu aux habitants beaucoup d’audace, d’inventivité, de confiance en soi et d’entraide pour faire l’expérience du squat dans ces conditions. Certains ont enduré cette épreuve jusqu’à leur expulsion définitive (soit presque une année passée dans les jardins familiaux), d’autres ont pris la route un matin, sans jamais revenir sur leurs pas, en quête d’une situation moins inconfortable ailleurs en Suisse ou à l’étranger. Comprendre leur sensibilité, la manière dont se dessinent les trajectoires, la régulation politique des problèmes d’exclusion sociale…, ce sont là des thèmes qui intéressent chacun des membres de l’équipe ayant participé à cette étude (Raul Burgos Paredes, Emmanuelle Marendaz Colle, et moi-même*) et, par extension, les équipes du Pôle de recherche nationale Lives – « Surmonter la vulnérabilité : perspective du parcours de vie » dont nous sommes membres.

L’exposition a-t-elle suscité une prise de conscience auprès du public et auprès des politiques qui l’ont vue ?

Si nous nous intéressons aux personnes ayant effectué le déplacement pour voir l’exposition – les riverains, les anciens occupants des jardins familiaux, les chercheurs et les étudiants intéressés par la question –, alors je réponds oui. Car l’exposition montre clairement comment, à plusieurs reprises, le traitement politique de l’expulsion du squat a été dysfonctionnel. Concernant la réception de l’exposition par les acteurs politiques, je ne peux faire de commentaires, ne les ayant pas rencontrés, aussi bien dans les moments de vernissage que lors des visites guidées. Il faut aussi dire que l’exposition n’a pas fait l’objet d’une grande visibilité. En 2012 il y a eu deux installations, une à l’Université de Genève, une autre à l’EESP de Lausanne. Nous espérons que 2013 sera propice à une plus grande visibilité.

Que sont devenus les migrants avec lesquels vous avez été en contact pour votre étude ?

La destruction du squat. Photo: Hugues Siegenthaler

La destruction du squat. Photo: Nasser Tafferant.

Entre janvier et avril 2012, nous avions tissé des liens étroits avec une quinzaine d’individus. Au cours de cette période, certains ont pris la route vers l’étranger soit pour retrouver leur ville d’origine ainsi que leur famille – Roumanie, Espagne –, soit pour bénéficier d’un dispositif d’accueil plus efficace, des actions de solidarité (notamment associatives) et nourrir l’espoir de gagner plus d’argent – dans ce cas la France était une piste privilégiée. S’agissant des personnes qui sont restées jusqu’au terme de l’avis d’expulsion, la perspective de certains a été de se maintenir à Lausanne sans qu’aucune mesure tangible de relogement ne leur soit proposée. Nous avons donc perdu leur trace pour l’ensemble, et avons croisé une personne en situation d’errance urbaine et de mendicité au centre ville.

Parmi les migrants, il y a une majorité de Roms. Quelles sont les structures d’accueil officielles accueillant les Roms pendant la saison hivernale ?

Les structures d’accueil officielles renvoient à celles déjà existantes, lesquelles proposent leurs services aux plus démunis. On peut citer le Sleep-in qui offre un gîte pour la nuit, la Soupe populaire qui offre le repas du soir et le Point d’eau qui permet de laver son linge et de faire sa toilette. Au cours de l’hiver 2012, les occupants des jardins familiaux ont notamment eu recours à la Soupe populaire et au Point d’eau. Ils ont cependant affiché une réticence à se rendre au Sleep-in, préférant le confort relatif des cabanons et un entre soi plus rassurant. Il existe, enfin, l’association de solidarité Opre Rrom, dont le siège se trouve à Lausanne, et qui œuvre à assister les Roms dans leurs combats quotidien contre l’exclusion et leur quête de reconnaissance. Ces acteurs associatifs ont suivi de près l’affaire des jardins familiaux de Vidy, manifestant un soutien indéfectible.

En tant que chercheur, avez-vous des pistes à suggérer pour améliorer les conditions de vie des Roms, améliorer leur image au sein de la population et permettre ainsi d’éviter leur exclusion ?

Aussi modeste que fut notre travail de terrain, notre objectif a été de sensibiliser les citoyens à la question du traitement politique des Roms et des migrants qui ont occupé les jardins familiaux de Vidy. Porter un regard différent, tendre l’oreille, se rendre sur place, s’informer auprès d’associations vouées à accompagner ces communautés laissées pour compte, ce sont là des touches d’attention qui contribuent à briser les jugements de valeur et à faire un grand pas. Je peux citer le cas d’un riverain qui m’avait accueilli à son domicile pour témoigner de la situation du squat dans les jardins familiaux de Vidy. La vue de son balcon donnait sur les cabanons. La proximité des occupants le dérangeait et, comme bon nombre de ses voisins, il perdait patience face à l’expulsion qui tardait à venir. Les choses prirent une nouvelle tournure lorsque la municipalité autorisa les occupants du squat à y passer l’hiver. La personne décida alors de changer de perspective sur la situation de ces voisins d’en bas. Depuis sa fenêtre, il prit le temps de bien les observer. La présence d’enfants dans le froid cinglant de l’hiver le heurta péniblement. Il prit alors la décision d’aller à la rencontre d’une famille et de leur faire don de vêtements chauds, de couvertures et de denrées alimentaires. La famille le remercia chaleureusement et ils finirent par tisser des liens, multipliant les rencontres, les deux parties pouvant communiquer en espagnol. Son jugement devint ainsi plus objectif au fil des semaines. Ce n’était plus la présence des squatteurs qui le gênait, mais les conditions dans lesquelles ils étaient maintenus ici, livrés à eux-mêmes, dans l’indifférence de tous. Il tint alors les décideurs politiques pour responsables de cette situation, il ne fut pas le seul d’ailleurs, d’autres riverains ont manifesté leur désarroi. Certes, l’homme en question souhaitait voir les occupants des cabanons quitter les lieux à la venue du printemps, mais dans le respect de leur dignité. C’est sans doute là un exemple manifeste de compréhension et de sagesse, dans la limite de moyens d’action de chacun.

*Au sein du pôle de recherche NCCR LIVES, Raul Burgos est doctorant, Emmanuelle Marendaz Colle est conseillère en communication, tandis que Nasser Tafferant est post-doc senior.

Lamin

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Un cycle de conférences sur le thème de la vulnérabilité dans les parcours de vie est organisé par le Pôle de recherche national LIVES et l’Institut d’études démographiques et du parcours de vie de l’Université de Genève les jeudis du 21 février au 23 mai 2013.

Ces conférences sont ouvertes au public et l’entrée libre.

Pour en savoir plus, cliquez ici




Edito. Clash entre l’islam et l’Occident : à qui profite le crime ?

www.voixdexils.ch

L’agitation et les violences récentes provoquées par la diffusion d’un film qui ridiculise le prophète Mahomet ont encore aggravé les malentendus et les mauvaises interprétations entre l’Occident et le monde islamique. Les grands médias s’en sont donnés à cœur de joie, en soulignant au passage l’ignorance mutuelle des deux camps, le peu de connaissances que détiennent les Occidentaux de l’islam et vice-versa et la narration fausse de l’Islam contre l’Occident. Tant et si bien que, pour beaucoup d’entre nous, il est devenu courant de penser que la seule relation possible entre le monde islamique et l’Occident s’insère dans un cycle de conflits politiques et culturels.

Sans doute, depuis des siècles, les extrémistes des deux camps ont cultivé cet « esprit caricatural » en réduisant à des stéréotypes, musulmans et Occidentaux chacun à sa manière. Mais toute personne assez ouverte à étudier l’islam et  l’Occident comprend que la principale source d’erreurs n’est pas religieuse ou culturelle mais bien politique. La friction engendrée par la politique étrangère américaine au Moyen-Orient, les enjeux géopolitiques du Golfe Persique, le conflit israélo-palestinien, la montée de l’extrême droite en Europe et la politique de prosélytisme islamique en Asie occidentale ont envahi le terrain culturel et produit une polarisation des identités dans laquelle les valeurs de base et les croyances des « autres » sont considérées comme problématiques et menaçantes. En conséquence, dans la relation troublée entre certains occidentaux et certains musulmans, il y a la conviction de plus en plus répandue de la futilité et de l’absence de dialogue entre l’Occident et l’Islam.

La généralisation de la thèse bien connue du «choc des civilisations» du politologue américain Samuel P. Huntington peut mieux expliquer les raisons de cette confrontation, car elle légitime les stéréotypes provocateurs et sensationnalistes popularisés par les tenants de « la guerre contre le terrorisme islamique » et du slogan « A bas l’Occident blasphématoire». George W Bush et ses faucons en savent quelque chose, mais les Ayatollahs aussi !

Il existe de nombreuses preuves qui démontrent que, pour attaquer l’islam, ou l’Occident, les fanatiques des deux côtés sont prêts à utiliser n’importe quel mensonge. Les fanatiques Occidentaux ne connaissant pas l’islam, n’ont aucun désir de comprendre ou de tolérer les musulmans parce qu’ils imaginent l’islam comme une religion de violence qui veut envahir, voire détruire et dévorer l’Europe.

Voilà qu’aujourd’hui l’l’islam et l’Occident souffrent d’un grave déficit de tolérance. En Occident, de nombreux stéréotypes et la désinformation qui contribuent à l’islamophobie sont enracinés dans la peur de l’islam. Certains présentent cette religion comme un bloc monolithique, statique, sauvage, irrationnel, menaçant et résistant au changement. La peur de l’islam est devenue un phénomène social en Occident, et les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, sont devenus pour beaucoup d’Occidentaux l’image de l’envahisseur musulman, le symbole selon lequel musulman est égal à terroriste.

Mais la fausse représentation de l’islam est parallèle à la fausse représentation de l’Occident. Autrement dit, «l’islamophobie», ou la peur de la marée islamique, a un contrepoids …«l’occidentophobie», soit la peur de l’Occident et de ses valeurs. La mondialisation est devenue synonyme d’occidentalisation et les musulmans radicaux sont préoccupés par la culture occidentale, qu’ils n’hésitent pas à classer comme impure et satanique.

Bien que les versions apocalyptiques, violentes et d’un autre âge, qui glorifient la mort ne sont portées que par une petite minorité de musulmans, l’opinion publique mondiale semble considérer ces attitudes hostiles comme représentatives de l’ensemble du discours islamique, créant un climat qui conduit à l’absence de dialogue et à la violence extrême.

Peut-être un bon point de départ est de reconnaître que de nombreux musulmans du monde entier se sont prononcés en faveur de solutions spirituelles et non-violentes, du dialogue et de la paix. Mais force est de constater que ces paroles n’ont pas réussi à endiguer le flot des stéréotypes. Et nous avons besoin d’apprendre davantage au sujet des musulmans et de leur culture dans les écoles européennes, pour mettre fin à cette crainte injustifié et injustifiable pour tout ce qui vient d’ailleurs. En outre, il devrait y avoir plus de musulmans pluralistes et non-violents visibles dans l’espace public et surtout dans les médias en Occident, afin de trouver une troisième voie pour résoudre les conflits entre les interprétations occidentales de la liberté individuelle et les interprétations islamistes des droits et des devoirs des musulmans.

Peut-être qu’il est temps que les Occidentaux comprennent que ce qui importe le plus, ce n’est pas seulement de trouver le juste équilibre entre les expressions de l’identité musulmane et l’idée de laïcité occidentale et républicaine, mais de prendre des mesures concrètes pour éliminer les malentendus et les interprétations erronés qui ont contribué à donner une image négative des musulmans comme des gens violents, hostiles culturellement et inaptes à la démocratie.

Qu’est qui est vraiment difficile à comprendre ?

Y a-t-il un sens dans le fait qu’un pasteur, peut-être timbré, brûle un Coran dans le fin fond des Etats-Unis, ce qui incite à des milliers de kilomètres de là des musulmans du quartier de Haoussa (quartier à forte concentration musulmane dans une ville à majorité chrétienne) à Douala, à brûler les églises situées dans ce même quartier ?

Y aurait-il un sens si mon ami Chamarke, musulman très pratiquant, décidait subitement de ne plus me rendre visite parce que ma nouvelle petite amie suissesse s’habille en mini-jupe hyper sexy, si l’imam de la mosquée que Chamarke fréquente chaque vendredi venait à un jour à prêcher contre ce genre d’habillement ?

A vous de voir !

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Le paradoxe

Justice libérale. Par Gégé

Conte réaliste en deux parties

1ère partie

Au début de chaque année, comme d’habitude, se réunissent les grands hommes des différentes régions de la planète. Ces grands hommes que Bacon appelle criminels et que Machiavel appelle entrepreneurs se retrouvent pour parler de tout : politique, économie-finance, réchauffement climatique et immigration pour, soi-disant, le bonheur de l’humanité.

Cette année, j’ai eu l’occasion d’assister à cette réunion et je vais essayer de vous en faire un compte-rendu. Je vais commencer par vous présenter les deux principaux groupes de participants.

Le premier vient d’une région de la planète qui est le berceau de l’humanité avec plus d’un milliard d’enfants mais considérée comme une terre marâtre. Ce groupe est constitué de brigands politiques, liberticides compétents pour les coups d’Etat, les guerres tribales et les génocides. Ceux-ci souffrent d’une anémie intellectuelle et d’une asthénie morale qui les empêchent de voir, d’entendre et de comprendre la souffrance de leurs peuples. Ce qui les caractérise le plus c’est leur cupidité et leur soif inextinguible du pouvoir.

Le second groupe vient d’un territoire du monde où il y a à manger et à boire pour tous, mais où il n’y a pas assez d’oxygène pour tout le monde. Dans ce groupe se retrouvent les meilleurs législateurs et les meilleurs concepteurs de traités de lois démocratiques, telles que la Convention de Genève ainsi que celle qui interdit l’esclavage.

Paradoxalement, dans les geôles de ces concepteurs, on retrouve des prisonniers dont le seul crime est d’avoir quitté une terre barbare qui les faisait travailler comme des esclaves pour un autre horizon où ils espèrent y trouver le bonheur.

Donc Alain Fournier avait raison quand il écrit que le paradoxe humain c’est que tout est dit et que rien n’est compris.

Pita

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Comment les requérants d’asile vivent-ils l’intégration et ses difficultés en Suisse ?

L’intégration est considérée, dans le domaine de la migration, comme un processus par lequel l’étranger arrivant dans un nouveau pays accède aux ressources économiques, culturelles, sociales et politiques du pays d’accueil. L’idée qui guide la rédaction de cet article est d’aider les requérants d’asile à comprendre l’intégration dans sa globalité et de soulever les difficultés qu’ils rencontrent à s’intégrer en Suisse, pays auquel ils ont demandé protection.

Le 5 juillet 2011, je réalise ma première interview avec Georges, 25 ans, Egyptien, requérant d’asile à Couvet (NE). Selon lui  « les requérants d’asile doivent respecter la société dans laquelle ils font une demande d’asile, même si leur demande est rejetée. Ils doivent s’intégrer dans le système et ne pas devenir un autre, ne pas changer de personnalité ». Dans ce même registre, un jeune homme de 27 ans, de nationalité togolaise, affirme que « de nos jours, l’intégration perd de sa valeur même chez les sujets nationaux. Je vois aussi des Suisses qui travaillent « au noir » pour ne pas payer d’impôts, qui n’achètent pas de billets avant de monter dans les transports publics, qui ne respectent pas les lieux communs, qui abusent de l’aide sociale.

Ce que nous demandons, déclare un requérant Ivoirien âgé de 30 ans vivant au centre d’accueil de Fontainemelon (NE), « c’est un esprit d’accueil de la part du canton dans lequel nous résidons. Nous sommes des êtres humains dans ce monde et devons nous adapter à toutes ces nouvelles choses qui nous sont étrangères. Cela prendra un certain temps, mais c’est pour mieux nous intégrer et espérer par la suite trouver un travail ».

Au centre des préoccupations des requérants d’asile : le travail

Le travail reste la grande préoccupation du requérant d’asile. L’Ivoirien trentenaire interviewé ci-dessus affirme ainsi qu’il a « l’impression que les employeurs des agences de placement du canton ne veulent plus engager de permis N et ne donnent pas de travail à ces derniers. Cela empire encore avec le chômage qui augmente et la crise actuelle qui touche toute l’Europe ». Cela a pour conséquence que les requérants qui, un classeur sous le bras, avec des documents, un CV, qui se rendent dans les entreprises, dans les bureaux de placement qui cherchent pendant des mois du travail finissent par se décourager et déprimer…Les seuls emplois a leur portée restent les travaux d’utilité publique proposés par le canton qui sont payés Frs. 30.- par journée de 8 heures de travail…

Une difficulté majeure que rencontre aussi les requérants d’asile est l’attente, parfois très longue, du développement de leur procédure d’asile. Ne trouvant pas de travail à cause de leur permis N, ils se sentent rejetés par la société. Par exemple, lors de la fête du 1er août 2011 (la fête nationale suisse), j’ai interviewé trois requérants d’asile de nationalités nigériane, congolaise et guinéenne sur des questions relatives au thème de l’intégration. Ma recherche de témoignages concernant l’intégration et le travail me conduit à penser aujourd’hui que ceux qui ont une activité lucrative sont au bénéfice d’une meilleure intégration. Les autres, qui n’ont pas cette chance, sont des proies faciles pour le travail au noir, le vol, le deal et peuvent tomber dans les filières interdites et dangereuses de l’argent facile.

Pour savoir ce qui pousse bon nombre de requérants à travailler au noir, j’ai interviewé l’un d’entre eux, Mamadou, Guinéen de 30 ans, qui affirme que « je n’ai rien à cacher et je vous dis la vérité! Je voulais travailler, je voulais être déclaré selon la loi, mais c’est comme si les autorités suisses avaient signé un accord avec les responsables des agences de placement afin qu’ils n’engagent plus de permis N. Je suis découragé! Ceux qui trouvent du travail, ce sont ceux qui sont en Suisse depuis plus de 5 ans et qui ont obtenu le permis B. Pour  moi, voilà ce qui m’a poussé à travailler au noir. Je gagne Frs. 2500 par mois, en plus des Frs 480.- de l’assistance financière, ce qui fait un total de Frs. 2980.-. En plus je ne paie pas d’impôts et je bénéficie d’un studio pendant 3 ans en Suisse. Je pose la question suivante à la Suisse : qui perd et qui gagne dans cette situation? A vous de juger, mais vos lois sont bloquantes ».

Dans ce même ordre d’idées, un Congolais, âgé de 35 ans, ne bénéficiant ni d’un permis de séjour ni d’un travail, depuis deux ans, déclare que les autorités « nous privent de nos droits à nous intégrer en Suisse pour que nous retournions dans nos pays ».

« Il ne faut pas mettre tous les requérants dans le même panier »

Voici le témoignage d’un requérant qui a la volonté  de travailler mais qui est contraint de prendre ce qui lui est proposé. Il suit actuellement un programme d’occupation du nom de « Neuchâtelroule »*. Il est très déçu car il a reçu une lettre du service de la main d’œuvre qui lui annonçait qu’il a le droit de travailler 10 jours par mois, ce qui lui permet de réunir la somme de Frs. 300.-. Somme qu’il ne doit pas dépasser, car il reçoit déjà l’assistance. C’est un dédommagement plus qu’un salaire. Pourquoi? Parce qu’il a un permis N.

Dans ces circonstances, un autre requérant m’a avoué avoir vendu de la drogue ce qui lui rapportait Frs. 2000.- par jour. Il m’a rétorqué, pour expliquer le motif de son trafic, que « j’ai une famille et je suis responsable, mais le système m’a poussé à faire ça ».

Encore un autre requérant, un nigérian âge de 32 ans me dit : « arrêtez de nous appeler « envahisseurs, profiteurs » : c’est la politique de la procédure de demande d’asile et le travail qui ne nous encourage pas et nous amènent dans l’illégalité pour avoir une meilleure vie… Écoutez-nous, certains de nous veulent garder une bonne réputation dans la société d’accueil, c’est pourquoi le permis B est la première condition pour nous pour trouver un emploi, faciliter notre intégration et pour que la population ne nous juge pas comme des « envahisseurs et des profiteurs ».

En effet, chaque jour, nous pensons au permis B. L’attente est très longue et décourageante. Nous sommes obligés de rester à l’assistance financière en gagnant Frs. 480.- par mois (dans le canton de Neuchâtel), ce qui ne couvre pas nos besoins journaliers. Ce que nous demandons, c’est que L’ODM accélère la procédure et améliore l’ouverture au marché du travail pour les requérants au bénéfice d’un permis N. Il ne faut pas mettre tous les requérants dans le même panier. Il faut ainsi cibler ceux qui ont la bonne volonté de s’intégrer au sens de la lois ».

Nous remercions certaines autorités suisses et associations qui luttent, défendent les réfugiés et qui crient haut et fort que déposer une demande d’asile en Suisse est un droit, malgré la forte pression de la politique de L’UDC quant à « l’immigration massive ».

Le fait de recueillir tous ces propos auprès des requérants d’asile m’a poussé à réaliser cet article sur le blog Voix d’Exils et me conduit, pour conclure, à poser la question suivante:

Que veulent les autorités suisses ? Pousser les étrangers hors de la Suisse ou trouver des solutions pour une meilleure intégration ?

Joseph

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Informations:

*Neuchâtelroule donne la possibilité d’emprunter des vélos, d’avril à octobre, en déposant une caution de 20 frs, pour une durée de 4h.