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« Le personnel médical vaudois offre une aide considérable aux migrants »

Fbradley Roland en compagnie du personnel médical de la PMU du Flon à Lausanne. Photo: Voix d’Exils.

Fbradley Roland en compagnie du personnel médical de la PMU du Flon à Lausanne. Photo: Voix d’Exils

Ecrivain et ancien rédacteur de Voix d’Exils, Fbradley Roland s’adresse au personnel de la Policlinique Médicale Universitaire du canton de Vaud

A l’heure où de nombreux Européens se mobilisent pour accueillir des migrants chez eux, le personnel médical de la Policlinique Médicale Universitaire (PMU) a invité à la permanence du Flon l’écrivain et ancien rédacteur de Voix d’Exils FBradley Roland. A bâtons rompus, ce dernier retrace le parcours difficile des migrants et souligne l’apport vital du personnel de santé qui les accueille. 

Dans son exposé du jeudi 23 juillet 2015, FBradley Roland porte la voix des migrants devant une dizaine d’infirmières et de médecins. Compte rendu.

Depuis ses débuts dans le journalisme, il dit avoir toujours manifesté son désir de « parler sans être interrompu…». Une façon, pour lui, de s’opposer aux entraves dont souffre la liberté d’expression. Pour mieux réaliser son vœu, il sort un livre intitulé « Air Mawari ». Un moyen de corriger par la plume les non-sens concernant les vérités sur les odyssées des migrants en direction de l’Europe, de « dénoncer l’ignominie dans laquelle nous évoluons… Sensibiliser les européens et surtout humaniser les politiques ». L’essentiel, selon lui, est que les acteurs de la santé ne se laissent jamais influencer par les discours politiques beaucoup plus concentrés sur « les chiffres alarmants » que sur l’aspect humain de la question migratoire. Pour cela, il pense que « si on n’arrête pas de dire que c’est un numéro de plus, un requérant d’asile de plus, on s’en fout de ce qui arrive, c’est comme si on passe à côté de sa vocation. ». Derrière chaque requérant, dit-il à son auditoire, il y a toute une vie, toute une histoire qui doit être sérieusement prise en compte. C’est très important de comprendre que nous autres qui venons d’ailleurs, on a une histoire, il faut essayer d’entrer dans la vie de la personne même pour quelques secondes, c’est très important, poursuit-t-il.

Le migrant : une personne dangereuse ?

« L’immigré n’est pas une personne dangereuse, mais une personne en danger ». Un message fort qu’il lance pour recentrer le débat sur la récupération politique dont fait l’objet l’immigration. Les requérants d’asile sont, d’après lui, des boucs émissaires qui continuent d’avoir mauvaise presse dans les pays d’accueil. Ceci, n’étant pas un fait du hasard, démontre nettement la volonté de certains politiques de vouloir vaille que vaille criminaliser l’impact socio-économique de ces mouvements humains. « L’immigration c’est le fonds de commerce pour certains politiques, on monte les uns contre les autres. On se trouve dans une situation où on croit que l’immigré, qui est là à côté, est la source des problèmes. » déclare-t-il.

Les lois sur l’accueil, mises en place, semblent être axées sur le dissuasif pour rendre moins attractive la destination suisse. Les longs séjours dans les abris de Protection Civile (abris PC) ou « bunkers », les longues durées de procédure pour certaines catégories de personnes ne font qu’accentuer la vulnérabilité de ces derniers.

Pour cela, les auxiliaires de santé ont toujours du pain sur la planche, car pour garantir l’intégration de cette catégorie d’étrangers, il faut assurer une bonne prise en charge de leurs problèmes émotionnels.

Le personnel médical au chevet des migrants

Bien que tout ne soit pas rose dans l’accueil, le grand tableau qu’offre ce phénomène de la migration comporte néanmoins des faits positifs appréciables. D’après FBradley, le programme d’assistance médicale pour les migrants, mise en place dans les cantons, joue encore un rôle fondamental dans leur accompagnement. En effet, beaucoup d’entre eux ont réussi à surmonter des épreuves difficiles grâce au soutien psychologique des membres du Centre de Soins Infirmiers (CSI) de Béthusy, du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) ou des autres structures de santé du canton. L’accueil, l’écoute et le suivi de personnes ayant perdu l’équilibre moral, contribuent à établir le climat de confiance nécessaire pour comprendre les mobiles de certains comportements. En pareilles occasions, les infirmières s’investissent beaucoup avec les manières adéquates. L’ouverture d’esprit, la souplesse et l’appréhension positive à l’endroit des sujets qui se présentent à elles, sont hautement appréciées d’après l’auteur de « Air Mawari ».

Madame Pascale, l’une parmi elles, demande en substance : « Est-ce que par rapport aux bunkers, puisque maintenant il y en a de plus en plus, est-ce que vous avez conscience, quelque part, des limites dans lesquelles les infirmières travaillent ? ». Pour conforter la légitimité de cette question, FBradley souligne les risques que prennent certains auxiliaires de santé dans l’exercice de leur mission. Souvent des actes extra-professionnels sont posés dans le souci d’épauler l’autre qui est manifestement dans le désarroi. « Faire bien son boulot, c’est déjà remarquable, le reste peut-être ne dépend pas de vous, il y a beaucoup de gens qui ne savent pas aller jusqu’au bout et qui s’arrêtent au moindre obstacle. » répond-t-il. D’ailleurs, dans son exposé et au nom de tous les requérants d’asile, il rend hommage à ces braves dames en ces termes : « Vous faites un boulot incontournable, vous ne pouvez pas imaginer combien de vies vous sauvez ». Ce témoignage de reconnaissance, bien accueilli par ses hôtes, n’a pas manqué de susciter la réaction du Docteur Jacques Goin qui ajoute : « Merci de venir nous dire ça parce qu’on a souvent pas de retours de la part de ces patients, parce qu’on les voit durant une petite période de leur vie. Ensuite, soit ils disparaissent dans la clandestinité, soit ils obtiennent le permis B. On bénéficie de peu de retours quant à ce qui s’est passé, est-ce que ça s’est bien passé par eux ? Finalement, vous nous rendez une partie de la monnaie…».

Après une série de témoignages et de remerciements formulés de parts et d’autres, une séance de dédicace du livre « Air Mawari » marque la fin de la rencontre. L’enthousiasme et la cordialité s’affichent dans les visages d’un personnel de santé motivé et encore prêt à agir  pour sa mission sacerdotale : veiller à la bonne santé physique et mentale des migrants.

Issa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




L’abri de Coteau-Fleuri fait grincer des dents ses habitants

Abri PC de Coteau Fleuri réquisitionné pour les requérants d'asile

Un dortoir de Coteau-Fleuri

En février dernier, l’EVAM a ouvert à Lausanne une structure d’accueil destinée aux migrants inscrits l’aide d’urgence. Voix d’Exils, qui s’est rendu sur place, a pu constater le mécontentement des habitants face à l’exiguïté des lieux et aux contraintes horaires.

Une trentaine d’hommes seuls à l’aide d’urgence dorment actuellement dans l’abri PC de Coteau-Fleuri. Un joli nom pour un endroit exigu qui impose à ses usagers des horaires stricts puisque ses portes se ferment le matin dès 09h00 avant de réouvrir à 19h30. Pendant la journée, une structure d’accueil toute proche prend le relai. Là encore, les lieux sont modestes : un coin télévision et un babyfoot, deux canapés et un réfectoire pour les repas. Deux assistants sociaux et trois animateurs encadrent les migrants. Un Centre de soins infirmiers de la Policlinique Médicale Universitaire (PMU) y tient sa consultation.

Le jour de notre passage, fin février 2011, la dizaine d’hommes présents ne veulent pas parler à Voix d’Exils. « Vous êtes des informateurs de la police ! » lancent-ils à notre grande surprise. Nous décidons alors de revenir le lendemain. Ashot, de nationalité arménienne, accepte de nous parler. « Je viens de Nyon, où je suis resté sept mois. Après, j’ai été transféré au Coteau-Fleuri. Contrairement à Nyon, ici nous sommes contrôlés par la police à chaque coin de rue. Le principal problème que nous rencontrons est que nous devons quitter l’abri le matin et nous ne pouvons y revenir que le soir pour dormir. Passer la nuit dans un abri de guerre avec 14 personnes dans la même pièce, c’est une situation insupportable ! Nous avons le sentiment d’être délaissés, quelle tristesse ! Le plus important pour nous est de pouvoir nous reposer pour ne pas errer en ville. Voyez vous-même comme les gens dorment sur les canapés ! ».

Les incohérences de l’aide d’urgence

Responsable du secteur Lausanne de l’EVAM, Pascal Rochat explique que si l’abri PC est fermé pendant la journée, c’est pour assurer la tranquillité des enfants qui fréquentent l’école primaire des Grangettes, située dans le même bâtiment. En effet, l’abri PC, qui peut accueillir jusqu’à 50 migrants, fait partie d’un complexe scolaire qui appartient à la Ville de Lausanne. L’EVAM a obtenu le droit de l’exploiter et en assure l’intendance et la surveillance.

Le soir, lorsque nous passons vers 20h00 à l’abri PC, nous sommes accueillis par deux agents de sécurité. L’un d’entre eux nous accompagne dans une pièce où se trouvent quelques requérants, debout à côté de leur lit. Parmi eux, Falou, originaire de Guinée française, nous raconte son parcours de Nyon à Sainte-Croix, puis à Coteau-Fleuri. Il tient le même discours qu’Ashot, et se plaint amèrement des contraintes et de l’étroitesse de son nouvel hébergement.

Le paradoxe économique de l’aide d’urgence

Interrogé le 3 février dernier par le journal 24 Heures, au lendemain de l’arrivée des 22 premiers requérants, Pierre Imhof, Directeur de l’EVAM, souligne que l’abri de Coteau-Fleuri «est une solution de secours. (…) Paradoxalement, le système de l’assistance d’urgence coûte beaucoup plus cher que les autres formules d’hébergement». Il s’explique : «nous ne devons fournir à ces migrants rien de plus qu’une aide matérielle». Autrement dit : un lit, les repas, des soins si nécessaire, mais pas d’argent. A première vue très simple, ce dispositif implique de fait un encadrement onéreux. A tire d’exemple, un requérant en cours de procédure touche  8 francs par jour pour ses repas, tandis que les trois repas que l’EVAM sert aux déboutés coûtent en moyenne 25 francs par jour ! «Nos charges se réduiraient aussi si nous pouvions construire pour disposer de locaux adaptés à nos besoins», poursuit le Directeur de l’EVAM. « Mais les oppositions sur le plan communal rendent, pour l’heure, tout projet immobilier des plus incertains ».

Niangu NGINAMAU

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils