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Qui suis-je ?

Rodin, le penseur. Musée Rodin, Paris. Licence Pixabay / pixabay.com.

Une interrogation qui occupe l’humanité depuis toujours. Mais il y a d’autres questions à se poser…

Certes, l’être humain a toujours cherché à répondre à la question « Qui suis-je ? ». Philosophes, écrivains et poètes continuent à chercher et cette question, je pense, ne sera jamais démodée. Mais il y a un « mais ». Il existe une autre question, peut-être plus pertinente et importante encore : « Qui est-il ? » ou « Qui est-elle ? »

Vous avez besoin d’un ami, d’un collègue, d’un amoureux et vous devez faire un choix. Pour éviter de vous tromper, vous devez trouver la bonne réponse à la question « Qui est-il ? ». Les joies et les blessures de votre vie, les vérités et les erreurs – tout, absolument tout est lié à cette réponse. Il est extrêmement important d’être prudent à ce stade, parce que vos choix peuvent transformer réellement votre vie en paradis ou en enfer. N’oublions pas que ce sont nos décisions qui donnent les couleurs à nos vies : le blanc, le noir, le rouge…

Et n’oublions pas un autre point: en fait, tout le monde cherche des réponses à cette question. Il y a des milliards de «Il/Elle» dans le monde.

J’ai un conseil : amenez votre ami, votre collègue ou votre amoureux à vos yeux pendant un moment et demandez-vous: « Qui est-il? »

Pensez-y, savez-vous vraiment qui il est ?

Oui, QUI EST-IL?

Samir Murad

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




« One World »

La terre vue de l’espace.

Un nouveau séminaire du programme «Exil, Création Philosophique et Politique» du Collège International de Philosophie, Paris (CIPH) sera dispensé du 3 mars au 3 mai 2012 à Lausanne et à Genève.

Ce séminaire propose d’élaborer une réflexion commune sur le thème d’une « Philosophie générale d’ouverture à un seul monde  (One Word ) ». Il est gratuit et est ouvert à tout public. Aucune formation préalable n’est exigée.

Que veut dire aujourd’hui imaginer et vouloir construire un seul monde « One Word » ? Que signifient les mots commun, migration et égalité ? Que veut dire être exilé ? Voici quelques questions qui guideront les réflexions des quatre séances de ce nouveau séminaire.

Pour obtenir davantage d’informations sur le programme, cliquez sur le lien suivant : www.exil-ciph.com


Anush OSKAN

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Ne sommes-nous pas tous en train de devenir des exilés ? »

La Prof. M-C. Caloz-Tschopp. Photo: CDM

Directrice de programme au Collège international de philosophie de Paris (CIPh), la Prof. Marie-Claire Caloz-Tschopp dresse le bilan du cours-séminaire qui s’est tenu à Genève, du 17 février au 18 mai dernier, sur le thème « repenser l’exil » qui a réunit de nombreux intervenants qui provenaient d’horizons différents. A l’occasion de la journée mondiale du réfugié, Voix d’Exils se propose de recueillir ses conclusions, afin de questionner la condition d’exilé.

Voix d’Exils : Pourquoi « repenser » l’exil ?

Prof. M-C. Caloz-Tschopp : Je constate avec préoccupation, depuis les années 1980, que le thème des étrangers est devenu un thème électoraliste dans beaucoup de pays d’Europe. En Suisse, il est systématiquement utilisé par l’Union démocratique du centre (UDC) et aussi par d’autres forces politiques pour criminaliser les étrangers en vue de glaner les suffrages des électeurs. La globalisation du capitalisme produit des exilés au sens classique, mais dans la mesure où la tendance gagne du terrain, on peut se poser la question si en fin de compte nous ne serions pas tous en train de devenir des exilés ? Je me demande aussi pourquoi on assimile toujours l’exil au statut d’étranger. On peut vivre en exil dans son propre pays. Il y a d’autres catégories de populations qui ont vécu et qui vivent en exil. Depuis le début du 19ème siècle avec la constitution des Etats-nations, une telle pratique a entraîné la xénophobie qui s’est transformée en racisme d’Etat dans l’Union européenne et en Suisse. La xénophobie transformée en racisme induit dans la tête des citoyens une distinction entre les nationaux et les étrangers et leur racialisation en considérant qu’il y a finalement deux sortes d’humains : les humains à part entière et les autres, qui auraient une différence de « nature », alors qu’il n’y a qu’un genre humain auquel nous appartenons tous.

On constate également un isolement, une fragmentation des mouvements sociaux, un recul, une attaque des possibilités de l’expérience de la pensée et de la philosophie pour tous. Le programme vise à s’attaquer à ces deux problèmes. On constate aussi un recul des principes politiques fondamentaux en Suisse et en Europe. L’hospitalité, par exemple, l’UDC n’en parle jamais. Elle est pourtant à la base d’une politique de la paix comme l’a montré le philosophe Kant. Le silence à son propos dans une société montre que la guerre gagne du terrain. La richesse sociale, la plus précieuse, c’est l’échange basé sur l’hospitalité, dont il faut discuter et débattre des conditions. Malheureusement, des politiciens voient les choses autrement. Ils pratiquent une culture de guerre où il y a des amis et des ennemis et non pas des égaux ou des adversaires quand on est en conflit. Est-ce ce que nous en voulons? C’est au regard de ces constatations que j’ai jugé important d’engager, par le biais du cours-séminaire 2011 du CIPh à l’Université Ouvrière de Genève (UOG), une première étape de réflexion philosophique sur le thème « repenser l’exil ».

De quoi a-t-il été question lors du premier cours-séminaire 2011 de Genève?

Durant les sept séances du cours-séminaire, une trentaine de personnes sont intervenues pour partager leurs compétences, recherches et expériences. Impossible de les nommer toutes, mais le programme, accessible sur le site du CIPh*, en fait état.

Nous avons commencé par déconstruire l’exil à partir de deux interrogations. La première est d’interroger le fait que l’exil serait une fatalité, un destin et que les exilés seraient alors forcément les victimes de « catastrophes » qui les placent dans une position d’impuissance fataliste et de victime humanitaire. Philosophiquement, une telle manière d’aborder l’exil qui est une expérience complexe, riche, ambivalente, faite de souffrances et de joies, de contraintes et de libérations, nous empêche de penser à la liberté, à l’autonomie, à la solidarité et à l’émancipation. La philosophe d’ex-Yougoslavie Rada Ivekovic a parlé de l’universalité, de la complexité et de la richesse de l’expérience de l’exil. Le sociologue Claudio Bolzman a montré toute la complexité de l’exil. L’ex-prisonnier politique Murad Akincilar a dit pourquoi il refusait l’exil et se battait pour une citoyenneté alternative.  La réfugiée iranienne, Anahid Pasha Khani, a montré comment elle vivait l’exil en défendant le droit du travail dans un syndicat ici en Suisse. Le réfugié colombien German Osorio a montré que l’exil est une lutte constante et qu’il faut mûrir son expérience et la partager pour construire la solidarité.

La deuxième interrogation se rapportait à l’assimilation de l’exil au statut d’étranger. A chaque fois que j’ai parlé du programme de « repenser l’exil », on m’a parlé d’émigration. L’avocat Christophe Tafelmacher a montré qu’en Suisse, l’exil ne se rapporte pas qu’aux étrangers ; car dès le 19e siècle, des errants, des artistes et des pauvres étaient aussi bannis de la société. Emile Ouedraogo et Giselle Toledo, assistants à l’Université de Genève, ont montré que dans le cas des fameux NEM (Personnes frappées de non-entrée en matière), un outil d’exception a été fabriqué. Il ne concerne pas que les étrangers. Au fond, le savoir et les normes sont en train d’être transformés. Il y a une attaque du cadre politique et des droits.

En quoi le régime des NEM serait-il anticonstitutionnel selon vous?

Des expertises juridiques l’ont montré. Notons globalement que les droits fondamentaux de l’homme sont soumis aux droits constitutionnels. Il y a violation des droits fondamentaux quand des mesures installent des catégories de personnes dans une classe de sous-hommes. C’est ce à quoi on assiste avec le régime des NEM. On court le risque de voir s’étendre un tel régime à d’autres catégories de populations. Des exemples de l’histoire renforcent nos interrogations. Le régime nazi et le régime d’apartheid se sont illustrés par une telle philosophie raciste du droit et de la politique. Ces régimes ont commencé par attaquer des catégories de populations fragilisées, et après ils ont généralisé leur système.

Vous prônez donc de repenser la politique, les droits, le savoir pour repenser l’exil ? 

« L’exil c’est la nudité du droit », écrit Victor Hugo. Repenser l’exil passe inévitablement par un retour réflexif critique sur ce qu’est un cadre constitutionnel, ce que sont les droits, la transformation de l’Etat et du contrat du « vivre ensemble ». La juriste du Service d’aide juridique aux exilés (SAJE), Chloé Bregnard, a rappelé les bases du droit constitutionnel. Dans la séance intitulée « exil, transformation de l’Etat et des droits », avec les syndicalistes et professionnels Jamsihid Pourampir, Philippe Sauvin, Jocelyne Haller, Patrick Taran, Gabriella Amarelle et André Castella, nous avons pu analyser des cas concrets comme la politique d’intégration, les travailleurs agricoles, le personnel du service public, ou encore les inclassables du marché du travail. Autant d’exilés de la société contemporaine. Il y a eu un exposé très important du philosophe André Tosel, qui a montré que le savoir en exil ne se produisait pas seulement dans les universités mais aussi en prison. En se basant sur les textes du théoricien politique Antonio Gramsci, il a montré que lorsqu’on est mis dans un système de répression, on a vraiment besoin du « savoir moléculaire », qui n’est autre que la connaissance que l’on produit en étant en rapport avec d’autres, pour résister et éviter d’être envahi par la solitude. D’autres intervenants : Valeria Wagner, Jose Lillo, Omar Odermatt, Libero Zuppiroli, Diane Gillard, Nilima Changkakoti, Betty Goguikian, Aristide Pedraza, Marianne Ebel, Jean-Claude Métraux ont interrogé divers lieux et domaines de savoirs (l’université, l’internet, le théâtre, les sciences sociales et humaines, les pratiques professionnelles, le mouvement révolutionnaire etc.) pour évaluer quelles représentations y étaient présentes en rapport avec les deux interrogations de départ.

Envisagez-vous de soumettre les conclusions de vos réflexions aux autorités politiques ?

Le but du programme, qui est basé à Genève mais qui est itinérant, est la réflexion critique et la création dans le processus du programme qui s’étend sur six années. Nous sommes en train d’inventer une approche de philosophie partagée qui voudrait forger des citoyens mentalement forts, dotés d’énergie, d’intelligence et même de ruse et d’humour. Nous attendons que ces derniers soient capables de développer leur autonomie, d’utiliser leurs qualités pour transformer l’imaginaire, l’Etat et la société.

Prônez-vous donc, à l’occasion de la journée mondiale du réfugié, un changement philosophique de l’individu ?

Si vous voulez, oui ! Faire de la philosophie, c’est s’interroger sur ses propres schémas mentaux qui nous empêchent d’être curieux, de regarder d’une autre façon le monde dans lequel on vit et d’être optimiste. Le système actuel de globalisation attaque nos corps et notre pensée. Il est impérieux de nous réapproprier la richesse et la puissance liés à l’exercice de la liberté et de l’autonomie en nous réappropriant la philosophie. Certes, elle n’apporte pas de recette miracle, mais elle appelle l’individu à mettre constamment sa pensée en mouvement pour construire inlassablement la justice, la liberté et l’égalité. Dans ce sens, une personne engagée dans une réflexion philosophique, comme celle du cours-séminaire sur l’exil, a plus de chances de résister au rouleau compresseur dans lequel tente de nous embourber le système actuel.

Quel bilan dressez-vous de la première phase du cours séminaire ?

Au début, je m’attendais à avoir moins d’une trentaine de participants, mais finalement 150 personnes se sont inscrites. Et plus de 40 institutions, ONG, etc. appuient le programme en Suisse et ailleurs. Le public a été riche, hétérogène en expériences, en compétences, en origines, en âge, en sexe etc… et j’ai trouvé cela extrêmement intéressant. Je me suis demandée pourquoi autant de gens venaient au cours-séminaire. Il y a eu beaucoup de réactions positives de la part du public. Lors du cours concernant le savoir, des réfugiés africains dans le public ont déploré le fait que lorsqu’ils arrivent en Europe, en Suisse, leurs savoirs ne sont pas reconnus alors que leur formation est inspirée du modèle occidental. Des femmes ont aussi souligné que les connaissances des femmes migrantes sont sous-utilisées. Il y aurait encore beaucoup à raconter sur les débats animés.

Pensez-vous que le cours-séminaire 2011 de Genève soit suffisant pour « repenser l’exil » ?

Absolument pas ! Pour atteindre sa mission, le programme s’étale sur six ans : de 2010 à 2016. D’ici à la fin de l’été, nous allons lancer un site internet qui recensera tous les exposés des intervenants et les matériaux du programme. Au mois de novembre, il y aura une première synthèse du cours-séminaire 2011 qui se déroulera à Genève. Puis nous mettrons le cap sur l’Argentine en mai 2012, puis ensuite le projet est d’aller en Turquie avant de revenir de nouveau à Genève. J’ai parlé d’une durée de six ans pour que nous puissions apprendre à penser dans la durée d’un projet. La culture du zapping et la précarisation nous enferment dans le temps immédiat et on n’arrive plus à imaginer, à nous projeter dans l’avenir. Le cadre du programme donne la possibilité aux participants de se dire : « j’ai six ans pour réfléchir, pour repenser l’exil » : déconstruire des préjugés, des évidences et replacer, on le verra, l’exil dans le cadre de la citoyenneté.

Quel rôle peut jouer le requérant d’asile dans un tel processus ?

Je dois tout d’abord préciser que, pour moi, un requérant d’asile est un être humain comme n’importe quel autre. N’étant pas adepte de la politique du droit d’asile que subissent les requérants, je dirais qu’ils ont une place à part entière dans le cours-séminaire. Il faut juste qu’ils s’inscrivent. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent apporter leurs idées et expériences en tant qu’intervenants. En outre, vu les inégalités et les violations des droits fondamentaux dont ils sont l’objet, les requérants auront des outils pour réfléchir et résister à la violence d’Etat. C’est clair qu’on ne pourra plus penser de la même manière l’exil ou la citoyenneté lorsqu’on suit ce programme jusqu’à son terme. Au fond, comme le soulignait Murad Acincilar, repenser l’exil amène à refuser l’exil, à construire le « dés/exil » et aussi à comprendre son universalité matérielle. Le requérant comme tout autre participant est invité. Si des problèmes d’ordre financier se présentent, au moment où ils s’inscrivent, qu’ils nous en informent et nous trouverons des moyens de pratiquer une solidarité concrète pour favoriser leur présence parmi nous.

Interview réalisée par CDM

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

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*Adresse pour l’inscription : mccaloz.tschopp@gmail.com

Voir le programme sur www.ciph.org




« La Suisse doit valoriser les savoirs des requérants d’asile »

Marianne Ebel. Photo: CDM

Professeure de philosophie au lycée à la retraite, Marianne Ebel affirme que les migrants, particulièrement les requérants et requérantes d’asile, disposent de mines inexploitées de savoirs. S’exprimant en marge d’un cours-séminaire organisé le 5 mai dernier à l’Université Ouvrière de Genève intitulé « Repenser l’exil », cette neuchâteloise exhorte les autorités helvétiques à trouver le moyen de valoriser ces ressources au lieu de les négliger.

Voix d’Exils : Quel regard portez-vous sur les savoirs des requérants d’asile ou des personnes migrantes ?

Marianne Ebel : Les personnes migrantes, en particulier les requérant-e-s, disposent de mines de savoirs qui sont malheureusement inexploitées et ignorées dans nos pays. Le monde occidental, dont la Suisse fait partie intégrante, s’appauvrit en ne prenant pas en compte toutes les connaissances des requérant-e-s qu’il accueille.

Je voudrais illustrer mes propos avec une des nombreuses expériences auxquelles j’ai été confrontée durant ma carrière d’enseignante de philosophie. Un jour, mes élèves m’ont demandé de leur enseigner la philosophie chinoise en plus de la philosophie occidentale. Je ne lis pas le chinois et je ne pouvais donc pas prétendre enseigner valablement la philosophie chinoise. Je connaissais un requérant d’asile chinois qui avait fait des hautes études en la matière et qui aurait volontiers accepté de faire part de sa science à cette classe. Mais l’administration de mon lycée n’y a pas été favorable, au motif qu’il n’avait pas les diplômes requis. Les élèves, qui étaient pourtant enthousiastes à l’idée d’approcher la philosophie chinoise, ont en fin de compte été privés de cette découverte. Vous pouvez imaginer leur frustration.

Des expériences de ce genre, on peut sans doute les multiplier à volonté. Il faut préciser que le savoir dont il est question ici n’est pas seulement académique. Nous gagnerions beaucoup si nous savions mieux prendre en compte non seulement les connaissances, mais aussi les expériences de vie des requérant-e-s d’asile. Ce qui en fait la richesse, c’est que ce sont des personnes qui proviennent de cultures, d’origines et d’horizons divers, qui ont traversé des expériences bonnes comme mauvaises et qui ont des histoires uniques et enrichissantes à raconter, si seulement on leur en donnait la possibilité. C’est clair que nous nous enrichirions mutuellement en valorisant les ressources des requérant-e-s d’asile et plus généralement des migrant-e-s au lieu de les négliger.

Qu’est-ce qui explique cette négligence des compétences des requérant-e-s d’asile ?

Les causes sont multiples, mais il ne fait pas de doute que cette situation a des origines politiques. Les lois, telles quelles sont élaborées, n’offrent pas une grande marge de manœuvre aux migrant-e-s, surtout quand ils sont requérant-e-s d’asile, pour partager de manière formelle leurs savoirs avec notre société. A cela s’ajoutent les préjugés que nous développons à tort vis-à-vis de ces derniers. Voilà qui empêche aussi bien une reconnaissance de leurs savoirs, qu’un examen sérieux pour voir de quelle manière nous pourrions en tirer profit. Ce à quoi on assiste le plus souvent, c’est que des migrant-e-s ou réfugié-e-s reconnu-e-s, animé-e-s du désir de réussir en Suisse, se trouvent de fait dans l’obligation d’assimiler nos valeurs et nos savoirs académiques. Nous tous, mais en particulier nos élèves et étudiant-e-s, perdons beaucoup à devoir nous limiter au point de vue dominant de notre pays et du monde occidental, et à n’avoir qu’une notion vague, voire aucune, des autres parties du monde. Le savoir est non seulement vital pour l’épanouissement de l’être mais de surcroît, à l’ère de la mondialisation, il constitue une force dont nous ne devrions pas priver nos jeunes. Pendant qu’il est encore temps, profitons de la présence des requérant-e-s autour de nous pour instaurer un cadre d’échanges enrichissant entre leurs savoirs et les nôtres.

Que faire pour changer la donne ?

C’est avant tout une question de volonté politique. Nous avons des lois qui excluent les requérant-e-s d’asile que l’on qualifie souvent de sans-papiers. Pour donner l’opportunité à ces derniers de partager avec nous leurs expériences et d’apprendre en retour de nous, il faudrait donc agir sur nos lois en les rendant plus souples de manière à favoriser un échange véritable. Je demeure convaincue que la Suisse doit valoriser le savoir des requérant-e-s d’asile. Nous devons, pour ce faire, avoir le courage de poser le sujet sur la table et d’en débattre avec franchise. Je lance un appel aux acteurs du monde universitaire, mais aussi du monde politique pour œuvrer afin que cette réflexion soit menée. Pour cerner l’importance de la problématique, il est important de nous interroger constamment sur ce que nous perdons à ne pas prendre mieux en considération les savoirs des personnes migrantes et spécialement des requérant-e-s d’asile.

Je mesure la forte dimension politique du sujet, mais je trouve que l’instauration d’un cadre d’échanges de savoirs serait bénéfique pour tout le monde. Pour nous, l’apport d’un tel partage serait évident, quant aux requérant-e-s d’asile ils se sentiraient sans doute ainsi un peu mieux compris et mis en valeur. Nous devrions donner à celles et ceux qui le désirent la possibilité d’accéder librement à nos universités et à nos centres de formation. Jusqu’ici, le monde occidental, dans son ensemble, semble traîner les pieds en la matière, mais la Suisse pourrait montrer l’exemple en trouvant un mécanisme adéquat pour valoriser les savoirs des requérant-e-s d’asile qu’elle accueille sur son sol. Je suis persuadée que nous avons tout à y gagner, il nous suffit d’oser.

Interview réalisée par CDM

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

Infos :

Cours-séminaire « Repenser l’exil » animé par la Prof. Marie-Claire Caloz-Tschopp. Dernière séance printemps 2011 ce soir, jeudi 19 mai, 17:45, à l’Université Ouvrière de Genève (Place des Grottes 3, 1201 Genève).

Entrée libre.

Descriptif du cours-séminaire « Repenser l’exil »