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Des artistes mettent à nu les crimes abominables perpétrés au Sri Lanka

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

Trois jeunes artistes ont pris l’initiative d’aborder des sujets tabous dont aucun Sri-Lankais n’ose parler à haute voix et qui sont tus par la communauté internationale à l’occasion d’une exposition de dessins. Cette exposition – offrant une vision crue sur la situation politique qui sévit actuellement au Sri Lanka – s’est tenue du samedi 26 au mardi 29 octobre au centre socioculturel Pôle Sud.

 

Samedi 26 octobre 18:00. Les curieux se pressent à l’entrée de l’une des salles d’exposition du centre socioculturel Pôle Sud située au 1er étage du bâtiment pour assister au vernissage de l’exposition de dessins intitulée «Chercher». Les œuvres sont disposées le long des murs de la salle et sont accompagnées de légendes fournies. L’un des jeunes artistes prend la parole pour expliquer les sens de chaque image ainsi que le fil rouge de l’exposition qui aborde, de manière émouvante et troublante, les horreurs consécutives au bafouement des droits humains perpétrés par le gouvernement sri-lankais. La démarche est à la fois simple et efficace : c’est à travers les étapes du parcours biographique d’une femme, qui se lisent comme les chapitres d’un livre, que les visiteurs s’immergent dans la situation dépeinte. L’histoire débute avec la représentation d’une femme enceinte et se termine par un tableau qui évoque sa fin tragique, quelques années après la disparition de sa fille unique. A travers cette initiative, les artistes cherchent à sensibiliser le public à propos de la situation alarmante qui sévit actuellement au Sri Lanka, qui a succédé à une guerre civile qui a ravagé le pays entre 1983 et 2009. Nombreux sont celles et ceux qui ont entendu parler de la guerre au Sri Lanka, mais peu sont informés des faits horribles qui continuent à se produire encore aujourd’hui. Derrière les cocotiers et les plages de sable fin, que peut apprécier le touriste qui se rend au Sri Lanka, se cache certaines réalités mortifères. Ainsi, depuis la fin de la guerre en mai 2009, le taux de disparitions forcées de la population tamoule n’a cessé d’augmenter. Ainsi, en 2013, le Sri Lanka est classé en deuxième position après l’Irak dans la catégorie des États qui voient le plus grand nombre de leurs ressortissants disparaître dans un rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires du Conseil des droits de l’homme édité au début de l’année. L’exposition mentionne aussi que le Sri Lanka est l’un des pays les plus hostiles aux journalistes au monde. En parallèle, les visiteurs de l’exposition étaient invités à signer une pétition d’Amnesty International dont le but est de suspendre définitivement la campagne d’expulsion des personnes déboutées de la communauté sri-lankaise vivant en Suisse. Rappelons ici que dernièrement, au courant du mois de septembre, des requérants Sri-Lankais déboutés de la Suisse se sont faits arrêtés lorsqu’ils sont rentrés dans leur pays d’origine. James*, l’un des trois jeunes artistes, a accepté de répondre aux questions de Voix d’Exils.

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: 

Voix d’Exils : Pourquoi avez-vous choisi le dessin pour vous exprimer?

James : Nous avons choisi le dessin, car à travers ce dernier, le message est plus vite transmis qu’à travers un long texte. Le dessin est plus facilement enregistré par la mémoire de l’être humain et il dépasse les frontières langagières. Ainsi, grâce au dessin, le message de l’exposition peut aussi être transmis aux personnes qui ne maîtrisent pars les langues française ou tamoul.

Pourquoi vos œuvres sont-elles toutes en noir et blanc, alors que juste quelques éléments comme les bijoux et les broderies sont en couleur ? Quelle est la signification de ce choix artistique ?

Nos œuvres sont en noir et blanc pour marquer le temps passé et l’état d’angoisse des personnages représentés. La couleur sur les bijoux et les broderies vise à attirer l’attention des visiteurs afin de les inviter à questionner davantage les images et pour montrer la particularité culturelle de la femme tamoule sri-lankaise.

Combien de temps cela vous a-t-il pris pour réaliser ces œuvres d’art et d’où proviennent vos sources d’inspiration ?

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

La création de ces œuvres d’art nous a pris 5 week-ends de travail à raison d’un jour par week-end, vu que nous avons d’autres occupations durant la semaine. En ce qui concerne nos sources d’inspiration, nous avons-nous-même vécu au Sri Lanka et observé plusieurs scènes représentées dans nos œuvres qui sont restées gravées dans nos mémoires. Aujourd’hui, nous recevons encore des témoignages de gens qui évoquent les situations que nous décrivons dans nos dessins.

Comment votre collectif d’artiste s’est-il formé et qu’est-ce qui vous a inspiré pour initier cette exposition ?

Nous nous sommes rencontrés ici en Suisse en 2010 et nous avons tous des intérêts en commun. Nous parlons souvent de sujets en lien avec le Sri Lanka. Nous avons décidé de monter cette exposition après avoir entendu parlé de la campagne du 22 septembre dernier sur le Sri Lanka qui avait eu lieu à Olten et qui était organisée par des jeunes Sri-Lankais et des jeune militants d‘Amnesty International.

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés lors de la production de vos œuvres?

La plus grande difficulté que nous avons rencontré était d’assembler simultanément et de manière cohérente dans nos tableaux nos interventions individuelles, car il s’agit d’œuvres collectives. Parfois, le dessin ne correspondait pas à l’idée de l’un ou de l’autre et, du coup, l’on devait le refaire entièrement.

Combien de visiteurs avez-vous reçu depuis le début de l’exposition ? Quelles ont été leurs réactions et quelles sont vos impressions ?

Nous avons déjà reçu une quarantaine de visiteurs jusqu’à maintenant. Tous étaient prêts à nous écouter et ont appréciés cette initiative. Plusieurs d’entre eux nous ont encouragés. Pour notre part, nous sommes très satisfaits de la réussite de cette première exposition et, en particulier, du fait que notre message puisse passer auprès de la population suisse.

Quel est votre mot de la fin ?

Si nous nous taisons, qui parlera à notre place ? Nous sommes prêts à courir ce risque pour amener un changement au Sri Lanka. Toutes ces informations ont un lien direct avec la situation actuelle de notre pays. Je tiens aussi à vous informer que l’exposition se poursuivra dans d’autres lieux du canton de Vaud et dans d’autres cantons également.

* Nom d’emprunt.

Propos recueillis par :

Pastodelou

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

Pour visionner le film sur l’exposition réalisé par 4TamilMedia cliquez ici

Lire aussi sur Voix d’Exils «Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse




« Le CSP offre un soutien juridique aux requérants d’asile »

Le CSP de Neuchâtel. Photo: Paul Kiesse, Voix d'Exils

Le CSP de Neuchâtel. Photo: Paul Kiesse, Voix d’Exils

Le Centre social protestant (CSP) est une institution qui offre gracieusement un soutien juridique aux requérants d’asile dans les cantons de Neuchâtel, Vaud, Genève, Berne et Jura. Le CSP de Neuchâtel dispose d’un secteur d’activités destiné à accompagner les requérants d’asile dans leur procédure d’asile. Juriste et responsable de ce secteur, Mélanie Müller-Rossel répond aux questions de Voix d’Exils.

Voix d’Exils: Quels services le CSP rend-il aux requérants d’asile?

Mélanie Müller-Rossel: Le CSP met à la disposition des requérants d’asile le « secteur procédure », dans lequel une ethnologue conseillère en procédure d’asile et moi-même, juriste, toutes deux à temps partiel, accueillons et informons toutes les personnes liées à l’asile sur les questions qu’elles pourraient avoir. Si nécessaire, nous offrons un soutien juridique par un accompagnement des requérants d’asile dans leur procédure. Notre travail consiste à les aider à compléter leur dossier, voire à entreprendre des démarches juridiques si les décisions qui sont prises à leur égard sont mal fondées.

Comment et dans quel cas un requérant d’asile peut-il contacter le CSP?

Nous proposons une fois par semaine, le jeudi de 13 heures 30 à 16 heures, une permanence qui est ouverte à toute personne liée à l’asile, que ce soit avant sa procédure, pendant ou même une fois que sa procédure est terminée, et qui aurait un problème à nous soumettre concernant sa situation en Suisse. L’accès à notre permanence ne nécessite pas de prise de rendez-vous préalable.

Les prestations du CSP sont-elles payantes?

Les prestations du CSP sont essentiellement gratuites, c’est-à-dire que nous ne facturons pas nos prestations selon des tarifs horaires. Dans la mesure où les personnes qui nous sollicitent ne sont pas à l’aide d’urgence, nous demandons un petit montant forfaitaire de 50 francs pour contribuer aux frais administratifs et nous permettre de payer, par exemple, les timbres etc. A l’exception de ce petit forfait, nos prestations sont gratuites.

Par rapport à Caritas, quelle est la particularité du CSP?

Les deux institutions font en principe le même travail dans le même esprit, donc il n’y a pas de différence. Le CSP a un lien avec l’Église protestante neuchâteloise et Caritas, avec l’Église catholique. Les forces de travail mises à disposition pour ce secteur sont cependant plus grandes au CSP. Je précise que nous accueillons les personnes liées à l’asile, sans distinction d’origine ni de confession.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans le suivi des dossiers des requérants d’asile?

Toutes les difficultés liées à l’obtention de preuves destinées à prouver que nos mandants sont persécutés dans leur pays d’origine. L’ensemble de la procédure vise, en effet, à démontrer que les persécutions sont vraisemblables.

Depuis que vous suivez les dossiers de requérants d’asile, quel est votre taux de réussite?

C’est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre, parce que ça dépend de quels types de dossiers on parle et de ce qu’on met sur le terme de « réussite ». L’objectif des procédures que nous suivons n’est pas toujours d’obtenir pour nos mandants l’octroi de l’asile, mais une admission provisoire qui consacre que le renvoi n’est pas exigible ; par exemple lors d’un grave problème de santé. Dans ce contexte, nous pouvons estimer que 80%  des personnes que nous suivons obtiennent finalement un règlement de leur situation en Suisse.

Vous arrive-t-il de refuser des dossiers de requérants d’asile?

Oui, nous avons un certain nombre de critères qui nous amènent à prendre ou pas un dossier. Il y a deux critères fondamentaux qui sont difficiles à contourner. Le premier est l’analyse du dossier pour nous permettre d’évaluer s’il y a vraiment quelque chose à défendre du point de vue de l’asile ou pas. Par exemple, si une personne vient déposer une demande d’asile en Suisse pour trouver du travail. Si on comprend bien ce souhait, il ne s’agit pas d’un dossier défendable du point de vue de l’asile et nous ne le défendrons donc pas juridiquement. Le deuxième critère de sélection est le critère de la disponibilité, vu le peu de force de travail dont nous disposons en rapport avec le nombre de demandes. Nous tenons à effectuer un travail de qualité plutôt que de quantité.

Quels sont vos projets d’avenir?

Sur le plan institutionnel, notre projet est de pouvoir maintenir cette offre de soutien juridique aux requérants d’asile, gratuite et accessible à tous, puisque cette activité n’est que très peu subventionnée à l’exception de l’Oeuvre d’entraide des Eglises protestantes suisses (EPER). C’est donc l’institution CSP qui offre la mise à disposition d’un poste d’ethnologue et de juriste pour aider les requérants d’asile. Notre grand défi est donc de pouvoir maintenir cette prestation.

Quels sont vos rapports avec l’Office fédéral des migrations (ODM)

Ils sont ceux d’un mandataire qui défend les intérêts de son mandant. Et comme globalement, une partie assez importante de notre travail consiste à contester les décisions de l’ODM, nos relations peuvent être parfois tendues. Dans les situations où nous pouvons instruire et compléter les dossiers avant la décision de l’ODM, nos relations sont plus axées sur la collaboration. Donc nous ne sommes pas systématiquement en situation d’opposition.

Que pensez-vous de Voix d’Exils?

C’est important qu’il existe une publication qui évoque un peu la réalité des personnes qui dépendent de l’asile car il y a peu de possibilités pour les exilés eux-mêmes de s’exprimer. Je considère ce projet indispensable au présent comme à l’avenir.

Propos recueillis par Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Le CSP est actif dans des secteurs sensibles

Les Centres sociaux protestants (CSP) sont des services privés d’aide sociale destinés aux personnes en difficultés vivant en Suisse, sans distinction d’origine ni de confession. Ils sont issus de l’action sociale des Églises protestantes romandes. Leur objectif est de tout mettre en œuvre pour atténuer les difficultés des personnes qui s’adressent à eux en offrant écoute, soutien, conseils et aide dans leurs démarches. Les CSP existent à Genève depuis 1954, Vaud depuis 1961, Neuchâtel depuis 1964 et Berne-Jura depuis 1966. Ils organisent plusieurs secteurs d’activités: consultations sociales, juridiques, conjugales et familiales, jeunes, migration, endettement, activités en groupe, formation, prévention, insertion sociale, réinsertion professionnelle, recherche sociale, ramassage à domicile.

Infos : contacts des CSP cantonaux

CSP Genève

14, rue du Village-Suisse

CP 171

Tél : 022 807 07 00

Mail : info@csp-ge.ch

CSP Vaud

Rue Beau-Séjour 28

1003 Lausanne

Tél : 021 560 60 60

Mail : info@csp-vd.ch

CSP Neuchâtel

Parcs 11

2000 Neuchâtel

Tél : 032 722 19 60

Mail : csp.neuchatel@ne.ch

CSP Berne-Jura

Rue Centrale 59

2740 Moutier

Tél : 032 493 32 21

Mail : info@csp-beju.ch




Migrantes : de l’ombre à la lumière*

Source: http://www.flickr.com/creativecommons/by-nc-2.0/

Depuis les années soixante, un migrant international sur deux est une migrante. Mais, invisibles, les femmes migrantes marchent à l’ombre. Peu à peu, pourtant, elles apparaissent en pleine lumière car, si leur part est stable, la nature de la migration féminine a changé. Les migrantes ne sont plus seulement épouses, mères ou filles de migrants, mais artisanes de leur propre vie.

 

 

Une réalité qui « crève les yeux » depuis longtemps commence enfin à être prise en compte. Si, en 1960, les femmes étaient 47%, cinquante ans plus tard, sur les 214 millions migrants internationaux, leur pourcentage s’établit à 49%. « Mais ce n’est pas tant cette petite différence quantitative qu’il faut relever, que la différence qualitative », souligne William Lacy Swing, directeur général de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) à Genève.

 Pourquoi des millions de femmes quittent-elles un pays, une culture, une famille ?

La plupart, pour les mêmes raisons que les hommes : la pauvreté – elles sont souvent pauvres parmi les pauvres –, un horizon sans espoir d’amélioration à l’échelle d’une vie, l’impossibilité d’assurer un avenir à leurs enfants et, bien sûr, les conflits, discriminations, persécutions. Selon l’OIM, l’importance de la migration féminine varie selon les régions, mais les flux migratoires d’Asie du Sud-est, d’Europe centrale et d’Amérique latine à destination des Etats-Unis, de l’Europe et du Moyen-Orient sont à prédominance féminine.

Les femmes ont toujours migré. Mais l’image de la femme qui suit ou rejoint son mari, dans le cadre du regroupement familial par exemple, doit être corrigée. « Seules ou cheffes de famille monoparentale, elles migrent désormais pour  prendre leur destin en mains. Aujourd’hui, elles s’autonomisent et deviennent actrices de leur propre vie et de la société», affirme William Lacy Swing. Le stéréotype de la femme « suiveuse » n’est donc plus approprié tant les exemples contraires se multiplient. Derrière ces monstres froids que sont les chiffres, il y a des personnes debout qui résistent au modèle qui leur est proposé, luttent au jour le jour, travaillent, se prennent en charge, s’engagent dans des actions collectives, vivent et meurent dans les combats dont elles sont partie prenante.

Les routes de tous les dangers

Bien sûr, même volontaire, la migration reste une déchirure et un traumatisme. Elle n’est bien souvent pas un libre choix, puisque, sur la carte du monde, elle suit la ligne de situations de misère ou de violences qui dépassent les individus. De plus, les dangers que courent les migrantes sont bien plus graves que ceux auxquels sont exposés les migrants.

Sur les routes migratoires, tout d’abord. Souvent irrégulière, la migration expose les femmes à un risque élevé de mauvais traitements et de violence physique et sexuelle, de la part des passeurs, des forces de police et des migrants eux-mêmes. Proie des réseaux de traite d’êtres humains, bien des femmes vivent un véritable calvaire, « parfois elles n’arrivent tout simplement pas à destination ». On rappellera que, dans le monde, deux millions et demi de personnes sont dans une situation d’exploitation liée à la traite. Les deux tiers sont des femmes.

L’autre risque de taille qui les condamne à une « double peine », en tant que femme et en tant que migrante, est celui qu’elles courent dans le pays d’accueil : préjugés et discriminations entraînent souvent une « déqualification » professionnelle et entravent durablement leur développement. Alors que bon nombre d’entre elles sont des travailleuses qualifiées, des entrepreneuses, des étudiantes, des scientifiques, des artistes ou des intellectuelles, leurs compétences ne sont pas reconnues. Elles se retrouvent reléguées dans des travaux sous qualifiés : entretien, services hôteliers ou hospitaliers ou petite industrie.

Et c’est la porte ouverte à l’exploitation éhontée, aux salaires de misère, au manque de protection sociale ou juridique, à l’accès déficient à la santé. Un sort qui entraîne des conséquences psychosociales individuelles et familiales : sentiment de dévalorisation et d’échec qui engendre des formes de renoncement et de dépression, ce qui conforte les stéréotypes tenaces de la femme passive.

Actrices du développement

C’est peu dire que l’apport de ces femmes n’est pas assez reconnu. D’une part, d’un point de vue économique et de développement pour la société d’origine. Les données de la Banque Mondiale révèlent que les transferts de fonds des migrant.e.s vers leurs familles représentaient 440 milliards de dollars en 2010 et que la contribution des femmes est souvent plus importante et plus régulière que celle des hommes. Et le Directeur général de l’OIM de rappeler leur rôle considérable dans la santé et l’éducation des familles restées au pays. Il insiste aussi sur le fait que « les idées, les attitudes, les compétences, les échanges sociaux que ces femmes maintiennent avec leur communauté d’origine stimulent le développement ». Un autre apport, c’est, sous leur impulsion, une redistribution des rôles, une évolution des rapports sociaux et une réduction des inégalités entre femmes et hommes. Les esprits s’ouvrent, les stéréotypes craquent sous toutes les coutures, les perceptions des uns et des autres se modifient.

D’autre part, pour les sociétés de destination. William Lacy Swing relève que les femmes migrantes « sont souvent employées dans des secteurs qui correspondent à des besoins de nos sociétés, tels que les soins à la personne. Quant à la cohésion sociale, elles y contribuent fortement, puisqu’elles sont souvent investies de la responsabilité de faciliter l’intégration des membres de la famille ». On ajoutera leur engagement dans le tissu associatif et la création de réseaux d’entraide et de formation.

La fin de l’invisibilité

C’est une question de temps. Un jour, les femmes migrantes ne seront plus « objet » d’étude, mais actrices. En se réappropriant la parole, notamment dans le débat sur la migration et en refusant l’enfermement dans l’image de victime démunie ou, selon les expressions consacrées, dans le piège de « gardienne de la tradition » ou de « garante de l’intégration ». Mais pour que cela ne reste pas un vœu pieux, « les gouvernements doivent tout mettre en œuvre pour que les femmes aient accès à des canaux migratoires légaux et sûrs. Ce n’est qu’à cette condition que leurs droits fondamentaux seront garantis à toutes les étapes du processus migratoire » martèle William Lacy Swing. « Ils doivent renforcer des lois existantes, mais inefficaces et assouplir les conditions de l’asile, comme la liberté de mouvement, par exemple». Et de prédire : «L’avenir, c’est inévitable, est à l’identité multiple. Ce sera la règle plus que l’exception et les êtres humains du XXIème siècle se retrouveront autour de valeurs communes plus que d’identité nationale ou ethnique. ».

Jacqueline ALLOUCH

journaliste et enseignante

*Article initialement publié dans « AMNESTY », le magazine de la section suisse romande d‘Amnesty International, N° 68 de mars 2012.




« في العراق: أصبحنا أهدافا سهلة »

Christian iraki praying

Beyrouth, hommage rendu aux victimes de l’attentat de Bagdad du 31 octobre 2010

اعترف بمسؤوليته تنظيم القاعدة، سلط الأضواء على مصير العراقيين المسيحيين منذ سقوط نظام صدام حسين. وقد دفعتهم التهديدات والاعتداءات الخطيرة التي ارتكبت ضدهم إلى الهجرة. وقد قبل يوسف ونجاة ومورين* وهم ثلاثة لاجئين، أن يدلوا بشهاداتهم حول الأسباب التي دفعتهم إلى اللجوء إلى لبنان وآمالهم في المستقبل.

مسيحيو العراق: ألفين سنة من التاريخ

يعتبر الانفجار الذي شنه ثلاثة إسلاميين متطرفين، والذي تسبب في مقتل حوالى 50 مسيحيا داخل الكاتدرائية في قلب بغداد، حادثا عنيفا مدبرا ضد طائفة دينية معيّنة. أي من وجهة النظر هذه،  ضد الدين المسيحي بشكل واضح. وإذا كان هذا النوع من الأنباء لم يكن ليحتل في الماضي سوى المرتبة الثانية في أعمدة الصحف، إلا أنه ليس الاعتداء الأول من نوعه. ففي الأول من آب/أغسطس عام 2004 وقعت اعتداءات بشكل متزامن تقريبا على خمس كنائس في بغداد والموصل تسببت في مقتل 12 مسيحيا آشوريا. وفي 9 تشرين الأول/أكتوبر 2006، اختطف كاهن في الموصل ووجد بعد يومين مقطوع الرأس، وقبل هذه الحادثة ببضعة أيام وجد صبي مراهق مصلوبا في نفس المنطقة. وحسب مؤسسة « العمل المشرقي » هوجمت 40 كنيسة ما بين حزيران/يونيو 2004 وحزيران/يونيو 2007. وفي تشرين الثاني/نوفمبر 2008، شنّت حملة ضد المسيحيين في الموصل فرّ على إثرها من البلاد، قرابة 3000 شخصا من هذه الطائفة.

وقد دفعت التهديدات والعنف والاعتداءات المسلحة المنتظمة والمتصاعدة ضد المسيحيين مئات الآلاف من العراقيين المسيحيين إلى الهجرة. ففي عام 2000، كان عددهم يبلغ 860.000 شخصا في العراق، أي نسبة 2 في المائة من عدد السكان. وقد هبط هذا العدد بشكل قوي منذ ذلك الحين ليصل إلى أقل من 450.000 في يومنا هذا. وحسب المفوضية العليا لشؤون اللاجئين، فإن رعايا هذه الطائفة موزعون أساسا في المناطق الشمالية (كردستان العراق). وبالرغم من أنهم لا يمثلون سوى أقلية، إلا أنهم متجذرون في العراق منذ 2000 سنة. وتشير مصادر عديدة إلى أن الطائفتين المسيحيتين الهامتين، الكلدانية والآشورية في العراق، قد اعتنقتا المسيحية على يد القديس توما منذ القرن الأول. وقد أدّى الشقاق الذي حدث مع الكنيسة في روما وموجات الهجرة إلى ظهور كنائس مسيحية جديدة مثل الكنيسة اليونانية الأرثودوكسية والكنيسة البروتستانية. وحاليا، يعدّ العراق ما لا يقل عن 12 كنيسة مختلفة، أي أن هذه الطائفة التاريخية المحلية تفتقر إلى التجانس كليا.

لم يؤثر ظهور الإسلام في القرن السابع على هذه الصيغة. ففي الواقع، تعايشت هذه الطوائف المتعددة، مسيحية كانت أم مسلمة (شيعية وسنية)، في العراق منذ قرون في وئام نسبي حسب العهود. لذا يبدو لنا أنه من غير اللائق في هذا المجال السؤال عن مدى اندماجهم في المجتمع العراقي، إذ يعرّفون أنفسهم بأنهم طائفة معروفة  « بحبها للسلام وبانفتاحها على العالم ».

صدام: ذكرى عراق موحد

تقوم عقيدة نظام البعث، الذي كان ينتمي إليها صدام حسين، على مبادئ الاشتراكية العلمانية. غير أنه منذ عام 1991 حدّ النظام جزئيا من هذه العلمنة، بتبنيه نصوص قانونية مستمدة من القواعد التي تنادي بها السلطات الإسلامية. فمثلا، منع الكحول، وقد أجيز فقط للمسيحيين صنعه وبيعه. وتدريجيا، أدمجت مثل هذه القواعد الإسلامية في القانون العراقي. مثلا، وضع قانون يحظر استعمال أسماء مسيحية. ولكن لا يبدو أن يوسف ونجاة ومورين يذكرون هذه الحقبة. بل على العكس، فهم يذكرون فترة حكم صدام بشيء من الحنين. وإزاء ردود الفعل المستنكرة نوعا ما التي أثارتها أقوالهم، لطفوا من لهجتهم قائلين: « نعم، كانت هناك مشاكل تحت حكم صدام، ولكن بالنسبة لكل العراقيين »، ثم استطردوا قائلين: « كان صدام يحترم المسيحيين ويحميهم. لقد كنا نشعر في ظله بالأمان ».

وعندما سألناهم عن التغييرات المهمة التي حدثت بعد سقوط النظام، أجابوا بلا تردد بأن هناك « تراجع« ، وبأن الشعب اليوم منقسم على نفسه ومفكك. واستطرد يوسف قائلا: « قبل ذلك كان العراقي عراقيا أولا، وانتماؤه الديني لا أهمية له. أما الآن فقد تلاشى هذا الوئام » وبأن هذا التغيير لم يحدث فجأة. وعندما سئلوا عن هوية « الأطراف المسؤولة » عن ذلك، جاء ردّ الجميع « إنها أطراف خارجية. » ويرى يوسف بأن « هناك مخطط مدبر وضعه كبار المسؤولين الأجانب لكي يشنوا الحرب ». وحتى اليوم، يصعب عليهم التصديق بأن الاعتداءات التي كانوا ضحاياها قد ارتكبها عراقيون. إذ فقد يوسف في الانفجار الذي وقع في كاتدرائية السريان الكاثوليك في بغداد اثنين من أبناء عمومته. ولكنه أشار بحق إلى أن العنف ضد المسيحيين هو ظاهرة محلية: « لا نعاني وحدنا من العنف في الشرق الأوسط. هناك الأقباط في مصر يعانون أيضا من العنف والتهديد. ولكن في العراق، نحن نشكل أهدافا سهلة، لأن الحكومة لا تملك الوسائل لممارسة سلطتها وتأمين حمايتنا ».

الهجرة: الخيار الصعب

قبل الفرار، كان يوسف وعائلته يعيشون حياة هادئة. وكانت تجارة الآلات والأدوات التي كان يمارسها تؤمن دخلا مستقرا لكل العائلة. إذن، ما هي الأسباب التي دفعته إلى الهجرة ؟ قال: « بدأت أتلقى منذ عام 2005، تهديدات بالاختطاف. وفي حزيران/يونيو 2007، اختطف إرهابيون أبي وطلبوا منا فدية أولية مقدارها 300.000 دولار أمريكي. فساومنا على مبلغ 60.000. وعندما عاد أبي كان مريضا جدا وعليه آثار التعذيب. فلم أتحمل أن يحدث ذلك إلى فرد آخر من العائلة ».

أما مورين فكانت طالبة في إحدى جامعات بغداد منذ عام 2001. وقد تركت العاصمة بغداد في عام 2009 على إثر تلقي تهديدات. وفي أحد الأيام اقترب منها في البهو المفضي إلى قاعة الدراسة بضعة غرباء وقالوا لها « احذري على نفسك ». لذا قررت أن تتابع دراستها في منطقة أخرى. ولكن في شهر آذار/مارس 2010، اختطف زوج أختها وقتل. « قد يحدث لزوجي مثل هذا الحادث، وصممنا على الرحيل ».

فالتنهدات …. والإطراقة والصمت الطويل… ثم انسياب الدموع لتعبّر عن الأسى العميق لاتخاذ قرار الرحيل وترك كل شيء. أن يجد المرء نفسه، بين عشية وضحاها، لاجئا، يعني قبل أي شيء جملة من التضحيات: ترك الأهل، والأرض المتوارثة، وفي كثير من الأحيان، نمط الحياة الرغد الذي كانوا يعيشونه كمسيحيين. وتقول مورين بحسرة إنه شعور مرير « من المستحيل وصفه »، إنه حزن عميق مستديم يعتصر القلب وينغّص العيش. أن يصبح المرء لاجئ يعني، الرحيل مع الأمل بحياة أفضل ولكن دون ضمان. والرحيل في كثير من الأحيان، يمثل نقطة اللاعودة، وحتى إذا حنّ الكبار يوما إلى العودة، فإنهم يدركون تماما بأن « أولادنا لم يعرفوا العراق ولن يحنوا إلى العودة إليه ».

لبنان: بلد مضيف، ولكن مؤقتا

لجأ جميع المسيحيين إلى لبنان، مع علمهم بأن لا مستقبل لهم ولا لأولادهم في هذا البلد. إلا أنهم على الأقل سيشعرون فيه بالأمان. فالدولة اللبنانية في الواقع، ليست من البلدان الموقعة على الاتفاقية الخاصة بأوضاع اللاجئين، ولا توفر لهم أي مساعدة. لذا، عهدت الحكومة إلى المفوضية العليا لشؤون اللاجئين، وإلى المنظمات غير الحكومية المحلية مهمة مساعدة حوالى 8.000 لاجئ عراقي حاليا في لبنان. وبالرغم من هذا الخلل، فإنهم يؤكدون بأنه « سيأتي المزيد من العراقيين المسيحيين طالما أن الأحوال لم تتحسن ». والجميع في انتظار البلد الذي سيقبل استقبالهم ومنحهم الإقامة بصفتهم لاجئين. ولكن المعاملات بهذا الشأن قد تستغرق من واحد إلى ثلاث سنوات. وكل ما يطلبه هؤلاء من البلدان الأوروبية، هو تسهيل هذه الإجراءات ويناشدوهم: « إرحموا معاناتنا لكوننا مسيحيين مثلكم، وعاضدونا لأننا مضطهدين، لاسيما نحن وإياكم من نفس الدين ».

وفي مقابلة أجرتها قناة ANB اللبنانية مع جورج بوش بصدد مذكراته التي تم نشرها مؤخرا، والتي ذكر فيها الحرب على العراق بهذه العبارات:  » إن الاعتذار يعني أن هذا القرار كان سيئا. ولا أظن أن هذا الحل كان سيئا »، ثم يضيف قائلا: « تحسّنت أوضاع العالم بعد صدام حسين ». ولكل إنسان حرية الحكم على ذلك. ولكن العراقيين المسيحيون لا يشاطرونه مطلقا هذا الرأي ويقولون: « لم نشهد نظاما أفضل منه قط ». وحسب رأيهم:  » إن بروز صدام حسين جديد أو زعيم أقوى من الإرهابيين من شأنه فقط رأب الصدع الذي مني به العراق الذي ما زال يتفكك أكثر وأكثر بعد كل اعتداء. لا يبدو، بعد الأشهر الثمانية التي استغرقتها المفاوضات من أجل تشكيل حكومة تآلف، والتي باشرت عملها في 20 كانون الأول/ديسمبر 2010، أي بعد ثمانية أشهر من الشلل، أن الإرهاب قد انحسر. إلا أن الأمل يساور نفس يوسف ومورين ونجاة بأن هذا الزعيم القوي سيبرز إلى الوجود خلال عام 2011، أي بعد انسحاب الأمريكيين الكلي من العراق.

*أسماء مستعارة

كارولين نانزر

المسؤولة عن برنامج تابع لمنظمة كاريتاس، لبنان

في إطار التعاون بين كاريتاس وصوت المهجر




Voix d’Exils N°24

Dossier : La Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) dissipe le brouillard autour des persécutions non-étatiques.

Télécharger le N°24 au complet