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Paul Biya : un dictateur sanguinaire au service de la France

Nicolas Sarkozy en compagnie de Paul Biya

Le Cameroun est susceptible d’exploser à tout moment. Son pouvoir est depuis des lustres confisqué par un dictateur soutenu par la France, dont les intérêts économiques et d’autres  aux caractéristiques mafieux sont nombreux dans ce pays et ce au mépris de considérations démocratiques et éthiques.

Le président camerounais Paul Barthélémy Biya, au pouvoir depuis 1982, a été réélu pour un sixième mandat à l’issue d’un scrutin très contesté. L’opposition camerounaise parle de « mascarade électorale », les Etats-Unis estiment, eux aussi, que la présidentielle du 9 octobre dernier était entachée « d’irrégularités à tous les niveaux ».

Hold up électoraux en cascade

Paul Biya, celui-là même dont l’élection en 1992 a procédé d’une véritable arnaque contre son principal adversaire – John Fru Ndi – et dont les réélections (dans des scrutins boycottés par l’opposition) en 1997 et en 2004 ont été plus que contestables. À 78 ans, cet autocrate en place depuis 29 ans et qui est donc le plus ancien du pré-carré néocolonialiste français est un véritable cauchemar pour les Camerounais. Ce dictateur affairiste, ami (marionnette) de la France, tient le pays d’une main de fer. L’emprise tentaculaire de son parti-État, le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), n’est pas sans rappeler celle du RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique), la formation dévouée à Zine el-Abidine Ben Ali, le dictateur tunisien déchu. Aucun secteur n’échappe au RDPC. Il contrôle tout : le système politique, mais aussi l’économie, la culture et la société.

Le règne de la répression

«On ne peut lever la tête et manifester, au Cameroun, sans se faire tabasser par des éléments de la sinistre brigade d’intervention rapide (BIR), une milice à la solde du régime. Dans les prisons comme dans les commissariats, la torture est si répandue qu’elle s’est banalisée dans l’esprit des gens», rapporte une source anonyme sur place.

Ce régime assure sa survie par l’achat des consciences ou par la répression. Et en matière de répression, le pouvoir camerounais n’a rien à envier aux régimes dictatoriaux balayés par les «printemps arabes». Un recensement exhaustif des atteintes aux droits de l’homme et aux libertés dans ce pays relève de la gageure, car la violence politique au Cameroun est une habitude. Elle vise tout le monde, du jeune chômeur au syndicaliste, de l’étudiant au journaliste ; et prend périodiquement la forme de sanglants massacres. Ainsi, en 1992, les premières élections législatives, consécutives à la légalisation du multipartisme, avaient donné lieu à une répression féroce qui avait fait plus de 400 morts. Plus récemment, en février 2008, les émeutes de la faim, qui s’étaient conjuguées aux protestations contre la révision constitutionnelle destinée à assurer à Biya la présidence à vie, ont été écrasées dans le sang. Un rapport de l’Observatoire national des droits de l’homme du Caméroun, intitulé « Une répression sanglante à huis clos» recense, au terme d’une minutieuse enquête, au moins 139 morts. Des milliers de personnes ont été arrêtées arbitrairement et traduites en justice pendant et après ce mouvement social. A noter qu’aucune commission d’enquête n’a été constituée afin d’établir la vérité sur cette répression violente et disproportionnée.

Rappelons encore que, dans une période toute proche, le musèlement de la presse et les intimidations et persécutions contre les journalistes se sont multipliés. Des journalistes ont été arrêtés, inculpés de « faux et usages de faux » et écroués; certains sont décédés à la prison centrale de Kodengui-Yaoundé « après tortures et privation de soins » notaient plusieurs websites et journaux camerounais et internationaux comme Mutations, Reporteur sans frontières ou RFI

Jusqu’ici, l’opposition politique n’a pas pris la direction politique de ces mouvements sociaux et n’a pas réussi à les structurer et à les ancrer dans les quartiers populaires. L’enjeu est d’être capable d’offrir une alternative aux luttes populaires afin qu’elles ne soient pas dévoyées par des fractions du clan Biya en des conflits ethniques. Ce défi peut être relevé, ce d’autant que dans les débats de l’opposition des ailes de gauche se dessinent.

Au service de l’impérialisme

Revoici donc les Camerounais soumis à une nouvelle frasque de Biya transformant l’élection présidentielle en faire-valoir de son régime aux abois qui ne permet pas qu’on remette en cause son autorité et qui réprime avec force toute velléité de contestation politique ou sociale. Un pouvoir qui – pour consolider sa position – exacerbe les rivalités tribales et régionales pour apparaître comme le seul garant de la paix.

La clef de ce forcing ? : La défense des intérêts impérialistes (Les réseaux France-Afrique notamment) au Cameroun et de ceux des clientèles locales ethniques et affairistes auxquels il est lié. Ainsi, Paul Biya est à cette place pour préserver les intérêts des multinationales françaises. Il a vendu le Cameroun à Bolloré, à Bouygues, à Total bref à la France. Au fond, c’est une espèce de sous-préfet. Loïk Le Floch-Prigent, l’ex-patron d’Elf, expliquait en 1996: «Les intérêts français ont déterminé la mise en place de ce chef d’État comme dans plusieurs autres ex-colonies. Le président Biya ne prend le pouvoir qu’avec le soutien d’Elf pour contenir la communauté anglophone de ce pays.»

Vieux pilier de la Françafrique, Paul Biya appartient à cette génération d’autocrates qui n’ont pas hésités à sacrifier les intérêts de leurs peuples pour ceux de l’ex-puissance coloniale.

Entreprises étrangères comme camerounaises sont en grande attente d’une « amélioration du climat des affaires ». Il faut entendre par là : entendre amélioration de leurs profits, facilitation des pillages des ressources du pays et de l’exploitation des populations… Héritier de ceux qui ont luttés militairement avec les colonisateurs français durant la guerre qui a sévi entre 1955 et 1970 contre le mouvement d’indépendance nationale incarné, à l’époque, par l’UPC (Union des populations du Cameroun), une guerre qui fera des milliers de morts et où l’armée française n’hésitera pas à utiliser le napalm et à massacrer près de 8000 civils désarmés. L’administrateur colonial français Pierre Messmer a organisé l’assassinat de nombreux leaders de l’UPC, ainsi que des expéditions punitives. Lors de l’l’indépendance, le 1er janvier 1960, Jacques Foccart y installe un gouvernement fantoche, présidé par son ami Ahmadou Ahidjo. Le jour même, le jeune État signe un accord d’assistance militaire avec la France. Charles de Gaulle dépêche alors cinq bataillons commandés par le général Max Briand. Entre février et mars 1960, cent cinquante-six villages bamilékés sont incendiés et rasés. Des dizaines de milliers de personnes sont massacrées. De cette terrible répression, la presse française, muselée et aveuglée par la crise algérienne, ne dira mot. Finalement, le 2 octobre de la même année, le leader de l’UPC, Felix Moumié, est assassiné à… Genève par les services secrets français. Biya est aussi là pour tout cela.

En tout cas, le contexte est aujourd’hui à une tension qui accélère la crise attisée par la modification constitutionnelle de 2008. Les conditions actuelles pouvant générer des contestations post-électorales potentiellement explosives.

Vers un « printemps subsaharien » ?

Les observateurs de tout bord de ce pays du Golfe de Guinée avec une population estimée a plus de 19 millions d’habitants ont inscrit le Caméroun en tête de liste des pays qui sont susceptibles de s’embraser si jamais les révolutions arabes venaient à se propager au sud du Sahara.

Le régime de Paul Biya et Biya lui-même doivent être tenus pour responsables de la situation chaotique vers laquelle le pays s’achemine de plus en plus. L’opposition et la société civile estiment que Biya a verrouillé le système électoral pour s’assurer une réélection sans difficultés. Biya espère, ni vu ni connu, se faire réélire dans l’indifférence de la communauté internationale via la mascarade électorale qu’il a concoctée cette fois-ci après avoir réussi à exclure du jeu les concurrents potentiels dans son camp grâce à l’Opération anti-corruption Épervier… 

N’incombe-t-il pas aux occidentaux aujourd’hui de dénoncer inconditionnellement le Gouvernement français qui, depuis des décennies et jusqu’à maintenant, apporte son soutien au dictateur Biya ?

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils