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PWG booste les compétences féminines

Liza Brenda Sekaggya.

« Notre objectif est l’acquisition par les femmes des capacités de leadership »

Liza Sekaggya est co-fondatrice de Phenomenal Women Organisation, une ONG basée en Suisse et en Ouganda. Lors de cette interview menée par notre rédactrice Marie-Cécile Inarukundo, elle présente les différents projets et actions mises en œuvre par son organisation pour que les femmes africaines, les migrantes et les laissées pour compte puissent trouver leur place dans la vie professionnelle et s’épanouir dans leur vie personnelle. 

The english version of the interview is available at the end of the article

Quelle nécessité vous a poussée à fonder cette organisation  ?

J’ai lancé le concept de Phenomenal Women avec quelques autres femmes parce que nous pensions qu’il était nécessaire pour celles d’origine africaine, pour les migrantes et toutes celles qui ne bénéficient pas des mêmes privilèges que les Européennes, de se serrer les coudes pour promouvoir leur vie professionnelle et personnelle ici en Suisse. Alors, en 2018, nous avons organisé une première conférence à Genève. Nous avons mis en avant la solidarité et le soutien mutuel comme moyens d’atteindre le succès professionnel et personnel. S’en sont suivies 4 autres conférences en Ouganda, au Zimbabwe, en Afrique du Sud et à Boston, où nous avons aujourd’hui des points focaux chargés d’exécuter le mandat de notre organisation.

Quand l’organisation a-t-elle commencé et combien de femmes exactement sont à la base de sa création ?

Notre organisation a été officiellement enregistrée en 2019, mais déjà en 2018 le concept était né. Nous avons environ 100 membres, et au niveau du leadership nous comptons 3 membres exécutifs ici en Suisse et une équipe de 5 en Ouganda où nous sommes également enregistrées.

Comment l’idée a-t-elle émergé ? Peut-on avancer que les fondatrices ont eu à gérer les mêmes problèmes ?

Oui, vous avez parfaitement raison. De mon expérience personnelle, comme Human Rights Officer basée à Genève, il m’a été très difficile d’évoluer en termes de carrière aussi rapidement que les Européennes. On peut se retrouver au même poste pendant des années, parfois parce que notre ethnie et notre genre nous empêchent de profiter des mêmes opportunités que les autres. Ou encore, de potentiels employeurs répondent à notre manifestation d’intérêt en nous proposant un poste pour lequel on est surqualifiées. Pour les postes en lien avec nos compétences, il est très frustrant de se voir recalées. Je partage cette expérience avec nombre d’autres femmes pour lesquelles la promotion professionnelle à des postes de responsabilité est quasi impossible, ou celles pour qui le marché du travail est carrément fermé.

Dans ce contexte précis, comment expliquez-vous la présence de votre organisation sur le continent africain ? Est-elle judicieuse ?

Notre présence en Afrique est encore plus nécessaire, car même si elles ne font pas l’objet de racisme, les femmes y ont d’autres défis à relever en matière d’emploi et de carrière. Des défis liés à la violence basée sur le genre, défis liés à aux usages culturels qui peuvent les empêcher d’aller à l’école ou de terminer leurs études, les forcer au mariage précoce, etc. Comme les défis peuvent varier d’un endroit à un autre, les objectifs des conférences que nous animons en Afrique sont différents. Mais dans tous les cas de figure, notre objectif est l’acquisition par les femmes des capacités de leadership. Nous désirons qu’elles soient outillées pour avancer, être autonomes et indépendantes où qu’elles soient. Nous avons également réalisé que partout dans le monde, les femmes avaient à relever pratiquement les mêmes défis liés à la violence et à la ségrégation basées sur le genre.

L’implantation de l’organisation en Suisse a naturellement découlé du fait que vous vivez ici, n’est-ce pas ? Qu’en est-il de son expansion ? De quoi s’est-elle inspirée ?

Notre expansion s’est inspirée des intérêts des unes et des autres parmi nos membres, ainsi que de l’importance de la diaspora féminine là où nous sommes présentes. D’abord, l’Ouganda étant mon pays d’origine, c’est tout naturellement qu’il a été le deuxième pays d’implantation et d’enregistrement. Mon réseau de contacts dans l’économie, la finance et l’administration du pays nous a facilité la tâche. A Boston, nous avons tenu compte de l’immense communauté de femmes africaines et de la présence d’une grande université. Quant au Zimbabwe et à Londres, nous y sommes présentes car j’y ai travaillé.

Quelle est la stratégie pour atteindre les femmes qui ont besoin de votre appui dans des pays comme la Suisse, l’Angleterre ou les USA ?

Notre première stratégie consiste en une Conférence annuelle qui se tient en septembre, mais qui a été annulée en raison du Covid-19 en 2020. Nous avons également une liste de distribution – la mailing list – qui est régulièrement mise à jour et informe sur nos activités. Nous utilisons également les médias sociaux et les webinaires, soit les séminaires sur le web. Nous avons organisé 10 webinaires sur les finances, la santé mentale, ainsi que sur d’autres sujets d’intérêt pour notre population cible. Et nous projetons en 2021 de lancer un programme de mentorat qui donnera lieu à des séances en face à face selon les besoins de nos membres qui pourront profiter de l’accompagnement par nos intervenantes.

Certaines des personnes que vous ciblez sont des migrantes ou des femmes défavorisées vivant dans des conditions difficiles malgré leurs capacités et aptitudes pour être actives sur le marché du travail, et qui gagneraient à bénéficier de votre appui pour sortir du marasme dans lequel elles se trouvent. Quelque chose sera-t-il fait ou est-il fait pour les atteindre ?

Je dois reconnaître que nous ne pouvons pas atteindre tout le monde. Mais nous croyons à l’impact que peuvent avoir sur les autres l’histoire et le parcours personnels par exemple d’une migrante qui a pu s’en sortir et lancer son business ou trouver du travail. Nous comptons ouvrir en 2021 un Centre pour Femmes pour lequel nous devons réunir l’argent nécessaire à son financement. Il servira de centre de formation, d’accompagnement et de mentorat. Ce sera aussi une plateforme de partage, car beaucoup de nos membres travaillent avec des organisations internationales et nous les appelons à partager leurs histoires de réussites, donner quelques conseils, ou même donner aux participantes l’opportunité de faire des rencontres professionnelles intéressantes. J’en connais qui ont lancé leur propre business après s’être rencontrées à l’une de nos conférences, d’autres ont trouvé du travail après avoir été présentées, d’autres encore ont décroché un rendez-vous. Je pense qu’il appartient aux femmes d’être proactives.

Votre Centre, sera-t-il accessible à votre population cible qui a des difficultés financières ?

Notre projet n’étant pas à but lucratif, nous allons tenir compte des conditions de notre groupe cible et appliquer un tarif léger pour pouvoir payer le loyer, l’entretien des locaux, les conférenciers et conférencières, ainsi que les formateurs et formatrices. Mais les formations et autres activités seront gratuites.

Étant moi-même issue de la migration, je suis bien placée pour savoir que certaines femmes qui sont en Suisse avec leurs diplômes et certifications pourraient être intéressées mais se trouvent dans l’incapacité financière d’intégrer votre projet. Pensez-vous qu’il sera possible de les accueillir gratuitement?

Oui, cette option peut être considérée si par ailleurs nous comptons suffisamment de femmes qui sont en position de payer. Nous avons l’intention de collaborer avec les organisations travaillant avec les migrantes.

Ma dernière question concerne votre réseau. Êtes-vous en partenariat avec les associations de femmes ici en Suisse, les institutions œuvrant avec les femmes et la migration ?

Oui, nous venons de lancer des contacts avec celles qui travaillent avec les réfugiées et les migrantes, nous sommes en contacts avec le Canton de Genève, plus précisément le département en charge de la cohésion sociale et de la solidarité, nous travaillons ensemble sur un documentaire sur le racisme qui doit sortir en 2021. Nous essayons également de mettre en place des partenariats avec les organisations qui fournissent des espaces de coworking ainsi que celles qui s’occupent des migrant.e.s. Et certains partenariats vont appuyer notre Centre pour Femmes, afin de pouvoir encadrer les femmes au mieux. Si par exemple nous ne sommes pas en mesure de prodiguer une formation, nous pourrons passer le relai pour qu’une organisation partenaire puisse la prendre en charge.

Propos recueillis et traduits de l’anglais vers le français par:

Marie-Cécile INARUKUNDO

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

The interview of Liza Sekaggya in english is below:

Pour aller plus loin:

Retrouvez PWG sur son site internet: PhenomenalWomenGlobal.com, ou sur ses réseaux sociaux:  facebook, LinkedIn, Twitter




« On n’a pas besoin d’aller mourir sur les routes et les mers pour trouver le bonheur »

 

Photo: Jane Bonvin Nsubuga.

Interview de « Jane la Nomade » 

C’est à la veille de son départ pour Kampala, capitale de son pays d’origine – l’Ouganda – que Voix d’Exils a rencontré Mme Jane Bonvin Nsubuga. Elle est très impatiente de retrouver les pensionnaires du Centre Communautaire Intégré « Nankya » qui signifie « celle qui se lève tôt » en Baganda, langue maternelle de sa région.

Voix d’Exils : Qui est Madame Jane Bonvin Nsubuga ?

Jane Bonvin Nsubuga : Je suis Jane Bonvin Nsubuga. Originaire d’Ouganda, Bonvin par mon mariage il y a 26 ans. Avec ma famille, nous résidons à Crans-Montana en Valais.

Madame, en Afrique, derrière un nom, il y a une légende. Que signifie votre nom : Nsubuga ?

(Rires) Nsubuga signifie en Baganda (dialecte parlé en Ouganda) veut dire « nomades qui viennent d’en haut ». Mais aujourd’hui nous sommes sédentaires, installés sur les rives du Lac Victoria.

Et Nankya, « celle qui se lève tôt », dites-nous d’où vous vient toute cette énergie tant l’Afrique est réputée pour être indolente, paresseuse….toujours en retard.

(Sérieuse) J’ajouterai même voleuse et mauvaise odeur. C’est juste une opinion négative. Personnellement, je ne vois pas pourquoi nous sommes traités de paresseux. J’ai toujours vu les enfants, les femmes et les hommes au travail. Les champs, la recherche de l’eau, le bétail. Il y’a toujours quelqu’un d’occupé. Depuis toute petite je suis active et c’est ce que je veux transmettre autour de moi.

Etant bien intégrée en Suisse et à l’abri du besoin qu’est-ce qui vous a poussée à regarder du côté de l’Afrique ?

Se contenter du confort Suisse nous enferme dans ce que je nomme la « sécurité-insécurisante ». Cependant, l’ingéniosité des Helvètes à trouver des solutions à leurs problèmes existentiels peut être utile à nos pays d’origine. C’est aussi ça ma démarche, compte tenu de toutes les richesses dont regorge mon continent tant sur le plan humain que naturel.

Venons-en à votre projet. Pourriez-vous nous le présenter ?

En 2005, j’ai eu l’idée de faire construire une école ici afin d’éviter aux enfants de moins de six ans de parcourir de longues distances à pieds ou entassés sur des mototaxis. Plus grave encore, les préserver des dangers liés au trafic d’enfants. Voilà en peu de mots ce qui m’a motivée.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Justement, comment fonctionne votre centre ?

Nous sommes installés dans le domaine familial. J’ai commencé avec des moyens personnels, c’est à dire mon salaire. Aujourd’hui, je suis soutenue par des bienfaiteurs grâce à une association mise en place pour porter le projet. Nous avons deux salles de classe, des chambres à coucher pour nos enseignants, une cuisine et des toilettes sèches.

Dans le cadre de l’enseignement proprement dit, le centre dispense des cours selon le programme officiel et, en plus, nous donnons des cours pratiques sur la connaissance de la terre et de la nature.

Vous accueillez des enfants de moins de six ans n’est-ce pas trop jeune pour ce type d’activité ?

Pour avoir travaillé comme bénévole dans les milieux de l’asile, j’ai appris que la valeur humaine commence par la conscience de ses origines et des valeurs de son environnement de vie. Il n’y a pas un âge pour cela. Connaître d’où on vient et qui l’on est nous amène à savoir ce que l’on a et à s’y attacher. On n’a pas besoin d’aller mourir sur les routes et les mers pour trouver le bonheur. Souvent, il est à portée de main. Voilà à peu près le profil des enfants qui repartiront de notre centre après leur scolarité.

Oui, mais qu’en pensent les parents ?

Nous avons une demande supérieure à notre capacité d’accueil. Un quota est imposé à un enfant par famille. Nous avons aujourd’hui quarante enfants inscrits sur nonante candidats au départ.

Votre regard sur cette œuvre ?

Je la vois dans le temps. Vous savez, tous les enfants accueillis ici n’ont pas toujours de quoi payer leur scolarité. Tenant compte du contexte de pauvreté, les frais de scolarité sont fixés à environ huit francs suisse par trimestre. Je pense à la mise en place d’un programme de financement par parrainage des élèves issus des familles démunies. Chacun doit avoir une chance de réussir dans la vie…

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Informations

Pour contacter l’association Nankya

éjnomade@bluewin.ch

Imm. Prestige 2

Route de Tsarbouye 2

3963 Crans-Montana

Tel: +41 79 648 13 54




Légalisation de l’homophobie en Ouganda : les réponses paradoxales de la communauté internationale

Action de protestaton contre la promulagation de la loi anti-homosexualité en Ouganda

Action de protestation contre la promulgation de la loi anti-homosexualité en Ouganda. Auteur: Kaytee Riek riekhavoc (CC-BY-NC-SA 2.0)

 

D’origine ougandaise, Marcus a demandé l’asile en Suisse en 2011. Contraint de fuir le régime en place, il jette un regard froid et sévère sur la gestion politique de son pays, à commencer par la loi anti-homosexulité promulguée le 24 février dernier.

L’année 2014 a vu l’Ouganda faire les titres de l’actualité mais malheureusement pour de mauvaises raisons.

On a d’abord parlé de son implication militaire dans les affaires du Sud Soudan, lorsque l’ancien vice-président, Riek Machar, a tenté un coup d’État contre son ancien chef, Salva Kiir. On a ensuite évoqué la très controversée loi anti-homosexualité signée par le président Yoweri Museveni, qui a provoqué un tollé. La communauté internationale s’est mobilisée contre ce projet, en vain. Le président a bénéficié d’un fort soutien des conservateurs.

Le problème de l’Ouganda n’est pas l’homosexualité, ces gays et lesbiennes ne dérangent personne. Ils ont le droit de choisir la personne avec laquelle ils veulent une relation, celle qu’ils veulent aimer. Le problème de l’Ouganda, c’est M. Museveni et son gouvernement corrompu. Quand j’ai vu la signature de l’acte contre l’homosexualité, j’ai su que dorénavant la douleur, jusque-là réservée à l’opposition et aux militants des droits humains, allait s’étendre aux minorités sexuelles.

De sauveur à corrompu

M. Yoweri Museveni, Président de l'Ouganda

M. Yoweri Museveni, Président de l’Ouganda. Photo: Glenn Fawcett (CC-BY 2.0)

 

Les ennuis de l’Ouganda remontent presque à l’indépendance, en 1962 : coup d’État 4 ans plus tard, puis 9 ans avec Idi Amin Dada, au pouvoir entre 1971 et 1979, suivis d’une rébellion cruelle menée par Museveni et 24 ans de terreur avec son opposant Joseph Kony. Les Ougandais ont vécu dans un brasier de souffrances.

Pourtant, quand Yoweri Museveni a accédé au pouvoir en 1986, beaucoup l’ont accueilli comme un sauveur. Les premières années furent pleines d’espoir. Son programme en 10 points avait des airs de Déclaration des Droits de l’homme après la Révolution française.

Les années passant, Museweni a commencé à se laisser corrompre par le pouvoir. Il a fait changer la constitution pour annuler la limite du mandat présidentiel. Il a traité toute opposition d’une main de fer, fermé les radios qu’il jugeait trop critiques. Beaucoup de membres des partis d’opposition ont été torturés, jetés en prison ou tués. Les plus chanceux ont trouvé leur salut dans la fuite.

Alors qu’Idi Amin utilisait la bouffonnerie et l’idiotie pour couvrir les maux qu’il générait, Museveni a toujours joué le rôle d’homme d’Etat sur la scène internationale pour cacher le désordre du pays. Il a toujours cherché à protéger les libertés dans les pays étrangers comme le Liberia, la Somalie et le Sud Soudan, entre autres, alors que son propre peuple ne bénéficie pas de telles libertés. Quand l’Ouganda et le Rwanda ont été accusés de déstabiliser la République démocratique du Congo, il a fait pression sur l’Amérique en menaçant de rappeler les soldats ougandais déployés en Somalie. Washington a alors choisi le silence pour sauvegarder ses intérêts en Somalie : le combat contre le groupe islamiste Al Shabab et contre la piraterie dans l’Océan indien.

Les incohérences occidentales

Après la promulgation de cette loi anti-homosexualité, beaucoup de pays développés comme les Pays Bas, le Danemark et la Norvège ont décidé de couper leur aide à l’Ouganda. Cela ne va pas changer l’attitude du président Museveni. Il est malheureux de constater que ces pays développés n’ont pas compris que la suppression de ces aides allait occasionner plus de souffrance, par exemple parmi les personnes atteintes par le VIH. Que va-t-il se passer pour elles, quand elles n’auront plus accès aux soins médicaux ?

La seule solution est de s’en prendre aux racines du problème et non à ses conséquences. Ironiquement, lorsque le président américain Barack Obama critiquait la loi anti-gays, son gouvernement continuait à soutenir militairement l’armée ougandaise ! Or, si rien n’est véritablement entrepris rapidement par les puissances de l’Ouest, les Ougandais vont être laissés encore longtemps à la merci d’un dictateur corrompu.

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Édito. Monde civilisé ? Du n’importe quoi !

l’Édito est une nouvelle rubrique qui fait aujourd’hui son apparition dans Voix d’Exils.

On vit dans un monde où les pays dits « civilisés » dictent ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Ils nous dictent aussi ce qui est politiquement correct de dire/faire et même de penser en société et au nom de leur civilisation. Dans ce monde on assassine même en direct des prisonniers de guerre et on sourit quand on voit ces choses horribles.

Le monde civilisé est champion de la politique deux poids deux mesures. Capable de diaboliser Mugabe du Zimbabwe. De chasser Gbagbo de la Côte d’ivoire et de l’incarcérer à la Haye. D’organiser l’assassinat de Kadhafi en direct et en mondovision. Pour quelles raisons? Au nom de la démocratie? De la civilisation? Au nom d’intérêts économiques inavoués ? Allez savoir.

Ce qui est sûr, c’est que les réels motifs de ces acharnements n’ont rien à voir avec l’envie des pays civilisés de restaurer la démocratie et le bien-être dans ces pays. Sinon, comment expliquer que les dictateurs les plus féroces et les plus sanguinaires comme Paul Biya du Cameroun, Teodoro Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale, Sassou Nguesso du Congo, Joseph Kabila de la République Démocratique du Congo, continuent à séjourner en Occident et sont reçus en grandes pompes par les pays dits « civilisés » et sans la moindre gêne? « On va vous aider avec une coopération policière ». Propos de Michèle Alliot-Marie, alors ministre français des Affaires étrangères, tenus pendant que le printemps arabe battait son plein en Tunisie et que les morts se comptaient par dizaines déjà. Cela avait montré aux yeux du monde entier une insensibilité incroyable de ce pays dit « civilisé ». Le dictateur Ben Ali était un « ami » (leur ami). Réveillez-vous ! Le monde est déjà un enfer ou des humains dansent autour des cadavres et où des gens se considérant comme « civilisés » fêtent avec un grand sourire la mort. Pourquoi ferment-ils les yeux sur ce qui se passe dans les autres pays comme le Gabon, l’Ethiopie, l’Erythrée, la Guinée équatoriale, le Maroc, le Swaziland, la République centrafricaine, l’Ouganda, le Soudan, le Cameroun, la République Démocratique du Congo, le Congo, le Burkina Faso ou le Togo? Et pourtant, nombre de ces régimes dictatoriaux (en Afrique, au Moyen-Orient, au Sri Lanka, à Cuba…) pourraient être renversés sans difficultés majeures si les occidentaux (monde civilisé) fournissaient les moyens adéquats comme la mise en place de sanctions diplomatiques, politiques et économiques contre ces dictatures ; grâce auxquelles les populations et les institutions indépendantes pourraient, au nom de la démocratie, restreindre les sources de pouvoir des dirigeants en place et, ainsi, endiguer leur nuisance. Ce qui n’est pas le cas. Pourquoi ?

Il y a vingt ans, la jeunesse africaine de la plupart des pays susmentionnés était déjà descendue dans la rue pour manifester son exaspération contre les dictateurs. Malheureusement, à l’époque, cette jeunesse africaine connaissait moins de succès. En fait, la jeunesse africaine avait été sacrifiée sur l’autel de la « realpolitik », autrement dit, par le cynisme des Occidentaux (le monde civilisé) en terre africaine. Les despotes africains, ayant eu plus de soutiens de la part des pays occidentaux (le monde civilisé) qui défendirent dans les années 90 leurs intérêts impérialistes, y compris à coups d’interventions militaires. Ils se sont offerts le luxe de ne pas céder à la pression de la rue. En lieu et place, il y a eu des milliers de meurtres perpétrés en plein jour par des forces armées.

On a organisé des conférences nationales dites souveraines par ici, composées des gouvernements de transition démocratique par là. Malgré tout cela, le changement espéré est demeuré une utopie. Pire, lorsque les tensions ont baissé, les dictateurs sont revenus au-devant de la scène, en force. Certains sont même morts de vieillesse au pouvoir comme Omar Bongo Ondimba du Gabon après… 42 années de règne sans partage ou encore Gnassingbé Eyadema du Togo après… 38 années de dictature. Et ils se sont faits remplacer à la tête de ces Républiques par leurs fils avec la bienveillance et la bénédiction des pays dits civilisés !

Ces régimes sont notoirement imperméables au changement, à l’alternance et ils répriment lourdement la dissidence. La corruption (y compris le détournement de l’argent du fond mondial destiné aux interventions contre la pauvreté et les maladies) et les atteintes massives aux droits humains sont le lot quotidien de millions de citoyens dans ces pays qui sont à la peine économiquement et qui, pourtant, recèlent d’immenses richesses naturelles, comme des gisements de diamants, de pétrole, d’or, ou la culture du cacao, du café etc. En parlant de la corruption, elle est si répandue que les conditions de vie dans ces pays, pour la majorité de la population, sont révoltantes. Le prix abordable des produits de première nécessité, l’accès à l’eau potable, à l’électricité, aux services de santé, de l’éducation, à l’emploi et à la sécurité sont de véritables gageures.

Face à ça, l’extravagance du train de vie de la classe dirigeante. Par exemple, le dictateur Paul Barthelemy Biya Bi Mvondo du Cameroun vit trois quarts de l’année à l’Hôtel InterContinental de Genève en Suisse, l’un des hôtels les plus chers du monde. Les ressortissants camerounais établis en Europe organisent d’ailleurs régulièrement des marches de protestation devant cet hôtel. La facture exorbitante que dégage ses séjours prolongés là-bas (plusieurs millions de francs suisses par… mois) est bien entendu assurée par le contribuable camerounais. Rien que ça. Il n’est ni Kadhafi, ni Gbagbo. Il n’a pas tenu tête aux Occidentaux (monde civilisé). On ferme les yeux tant qu’il protège nos intérêts en Afrique. On s’en fout, même s’il massacre les siens.

Monde civilisé ? Du n’importe quoi !

Edito signé :

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La famine en Somalie vue par la diaspora somalienne en Suisse

Mohamed Hared Ali, Président de l’association SOS Somalie. Photo: Abdel-Khader MOUSTAPHA

Mohamed Hared Ali, Président de l’association SOS Somalie, évoque la situation calamiteuse qui sévit en Somalie ainsi que les actions menées par la diaspora somalienne depuis la Suisse pour venir en aide à une population livrée à elle-même qui endure une famine sans précédent.

Voix d’Exils : que pensez-vous de la mobilisation internationale insuffisante et tardive pour pallier la famine grandissante en Somalie?

Mohamed Hared Ali: la situation est très difficile, avec le décès des plus fragiles chaque jour, les vivres ne sont pas suffisants pour sauver tout ce monde, ce malgré les efforts de l’ONU. A cela s’ajoute trois problèmes : il n’est pas évident de trouver des fonds en ce moment de crise économique, la difficulté à répartir ces aides dont les plus faibles ne bénéficient pas suffisamment et, enfin, le problème de l’insécurité dans le pays qui ne facilite pas les choses.

Quels sont les facteurs qui interviennent dans la Corne de l’Afrique et qui empirent la situation de sécheresse et d’épidémie ?

Les conditions climatiques de ces dernières décennies ne sont pas favorables, sans parler de la déforestation due a l’exportation du bois vers les pays du Golfe. L’avancée du désert est l’une des causes de cette sécheresse qui sévit dans cette partie de l’Afrique. Le manque d’eau potable et la détérioration des structures sanitaires sont à l’origine de maladies frappant les plus jeunes.

Pour quelle raison les ONG ne parviennent-elles pas à travailler convenablement ?

L’ONU et les ONG ne parviennent pas à travailler convenablement, à cause d’Al-Shabab, un mouvement proche d’Al-Qaïda qui sème la terreur dans le pays. Ces miliciens pillent les vivres des populations et interdisent, selon leur bon vouloir, la distribution de nourriture par les organisations internationales dans les zones assiégées, sous prétexte que ces dernières ne sont pas crédibles. Ce qui a obligé l’ONU à faire des ponts aériens pour acheminer les aides, ce qui est plus onéreux bien entendu. Mais, depuis peu, face à la gravité de la situation, les Al-Shabab commencent à autoriser l’ONU et les ONG à distribuer à nouveau les vivres.

Quelles initiatives attendez-vous de l’ONU et de l’Union Africaine ?

En tant que citoyen somalien, j’attends plus d’engouement et de détermination de la part de l’ONU face à cette situation qui est susceptible de continuer des mois encore, avec notamment le déploiement de Casques Bleus sur le terrain afin de protéger la population. Car l’armée somalienne est affaiblie par les décennies de guerre, et ne dispose pas des moyens nécessaires pour défendre et assurer l’intégrité physique de la population et des différents acteurs.

Concernant l’Union Africaine, elle a promis près de 300 millions de dollars à la Somalie. De son coté, le Premier ministre somalien a demandé à l’Union africaine le déploiement de son armée pour renforcer la sécurité des somaliens car, selon lui, « l’insécurité est l’un des points saillants de ce désastre humanitaire ». L’on doit, ici, saluer le mérite des pays proches comme l’Ouganda et le Burundi qui ont respectivement envoyés 8000 et 2000 soldats à Mogadiscio, la capitale.

Concernant la diaspora somalienne en Suisse, qu’a-t-elle fait pour faire face à cette situation ?

La diaspora somalienne en Suisse dispose malheureusement de peu de moyens, car la majeure partie des somaliens ici ne travaille pas à cause de la langue. Il faut du temps pour s’intégrer au niveau professionnel. Comme je suis l’un des responsables des associations de la diaspora, j’ai contacté les organisations humanitaires et nous avons organisé une collecte de fonds dans presque toute la Suisse, dont des villes comme Genève et Berne. Les actions de collectes de fonds sont réalisées depuis plusieurs semaines et sont toujours à l’œuvre actuellement. Nous avons déjà envoyé de l’argent récolté au gouvernement de transition somalien.

Auriez-vous un dernier mot à nous dire ?

Je tiens ici à adresser ma profonde gratitude à la Suisse pour ses multiples actions considérables en faveur de la Somalie, ce dès les premiers jours d’alerte de la famine.

Abdel-Khader MOUSTAPHA

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Informations :

Pour plus d’informations ou pour verser vos dons veuillez prendre contact avec :

Association SOS Somalie

M. Mohamed Hared Ali, Président
E-mail: mohamedhared@hotmail.com