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La transsexualité en Iran. Interview de Baran Mohamadi

« Mon âme est celle d’une femme et mon corps celui d’un homme »

Bien que les mouvements de défense des personnes lesbiennes-gays-bisexuelles ou transgenres (LGBT) s’amplifient dans les sociétés occidentales, ils restent quasi inexistants dans certains pays du monde oriental, tel que l’Iran.  En conséquence, les personnes LGBT qui vivent en Iran sont souvent victimes d’oppressions et de discriminations, ce qui les pousse à quitter leur pays. Afin de mieux connaître les différences qui existent entre certaines cultures, Zahra Ahmadiyan, rédactrice à Voix d’Exils, a interviewé Baran Mohamadi sur son vécu de personne transsexuelle iranienne ayant demandé l’asile en Suisse.

Voix d’Exils : Bonjour Baran. Pour commencer, parle-nous un peu de toi.

Baran Mohamadi : J’ai 28 ans, je viens de Sardasht en Iran. J’ai cinq frères et deux sœurs. Ma religion est l’islam sunnite. Je suis licenciée en littérature arabe et je vis en Suisse depuis un an.

Tu es née garçon mais tu te sens fille. Pourrais-tu nous expliquer ce sentiment ?

Je suis un être humain, mon âme est celle d’une femme et mon corps celui d’un homme.

A quel âge as-tu pris conscience de ce décalage ?

À l’âge de six ans, je me sentais fille dans un corps de garçon.

Comment vis-tu ton identité de transsexuel ?

C’est très difficile pour quelqu’un dont le corps et l’âme s’opposent l’un à l’autre, de les faire coïncider. C’est indescriptible ! Je ne suis pas gay et je ne peux pas penser ou agir comme un homme gay. Les transsexuels sont différents des homosexuels. Un homosexuel est un homme qui est en accord avec son corps, et il a des relations amoureuses et sexuelles avec quelqu’un qui est du même sexe que lui. Mais les gens comme moi, leur âme et leur corps s’opposent l’un à l’autre, et le seul remède à ce jour est de mettre le corps en accord avec l’âme.

Comment les gens percevaient-ils ta double identité en Iran ?

Il y a des bonnes et des mauvaises personnes dans toutes les sociétés. Personnellement, j’étais soutenue par ma famille. Mais dans notre entourage, certains disaient que j’étais mauvaise et que ma famille ne devait pas tolérer mon comportement et mes actions, alors que je n’avais fait de mal à personne ! Ces personnes intolérantes étaient incapables d’accepter les gens comme moi. Cela m’a beaucoup dérangée, surtout en raison des pressions exercées sur ma famille.

A quoi a ressemblait ta vie amoureuse en Iran ?

La plupart de mes relations amoureuses étaient à sens unique, parce que je ne pouvais pas révéler ma véritable identité sexuelle en Iran. Je devais protéger ma famille et ma tribu. Les hommes que j’ai fréquentés pensaient que j’étais gay, que j’étais attirée par les hommes en tant qu’homosexuel, alors que j’aime les hommes en me sentant femme. Je les aime comme les femmes hétérosexuelles les aiment. Je pensais comme une femme et j’étais désireuse de vivre une relation avec un homme en tant que femme. Contrairement à ce qu’on a pu dire, je ne suis pas une personne lubrique. Comme je ne pouvais vivre que des amours à sens unique, je souffrais intérieurement. Je savais que mes rêves d’amour seraient détruits. C’est pourquoi j’ai toujours fait en sorte de me contrôler, alors que les hommes autour de moi étaient lubriques. Et si certains se sont intéressés à moi, c’était juste pour répondre à leurs besoins sexuels. Aucun engagement n’a jamais été pris.

Quand as-tu parlé de ta situation à ta famille ?

Je leur en ai parlé lors de ma puberté. Avant la puberté, j’avais juste des loisirs de fille. A la puberté, le désir sexuel est devenu incontournable, il a augmenté. Je désirais être avec un homme et vivre avec un homme. Mais quand j’ai compris qu’il m’était impossible de réaliser ces désirs, j’ai eu un choc nerveux. Pendant presque trois ans, j’ai fait des crises au cours desquelles je m’évanouissais. J’ai confié plus tard à ma famille qui ne comprenait pas ce qui m’arrivais que c’était la douleur de ma situation qui m’avait rendue aussi malade.

Comment a alors réagi ta famille ?

Ma famille m’a dit : « Tu as passé trop de temps avec des femmes, c’est ce qui explique que tu sois devenue comme ça ! ». On m’a alors demandé de vivre et travailler dans un environnement où il y avait beaucoup d’hommes. Sous la pression, j’ai quitté ma famille et j’ai cherché un endroit où il y avait des hommes pour que ma famille soit à l’aise. Je me suis réfugiée dans un lieu traditionnel pour étudier les livres religieux. Pendant trois ans, j’ai vécu loin de ma famille, dans cette communauté religieuse masculine, mais je ne « guérissais » pas. J’étudiais la religion seule dans ma cellule, je me maquillais, je portais des vêtements de fille, mais je faisais tout cela en secret. Je ne voulais pas que quelqu’un me voie et me manque de respect. Mes propres tourments avaient plus d’importance que le jugement des gens stupides qui se moquaient de moi.

Quand as-tu quitté ton pays d’origine, l’Iran, et pourquoi ?

J’ai quitté l’Iran il y a un an. L’Iran n’est pas un bon endroit pour les personnes LGBT comme moi, car bien que nous soyons tolérés, nous sommes méprisés. La seule façon pour nous de gagner notre vie est de se prostituer. Car une fois notre identité révélée dans la société, nous sommes rejetés par la famille et la société et nous ne trouvons pas de travail.

As-tu gardé des contacts avec des membres de ta famille aujourd’hui ?

Oui, mais pas avec tous. Je n’ai de contacts qu’avec un de mes frères et une de mes sœurs.

Ton identité de femme dans un corps d’homme est-elle acceptée ici en Suisse ?

Oui, petit à petit. Je pense que tout ira bien et que je m’adapterai à la société.

Est-ce qu’en Suisse on te regarde différemment ?

Où que vous soyez dans le monde, la société ne vous accepte pas à 100%. Au final, il y a des gens qui s’opposent à des identités telle que la mienne et je ne m’attends pas à ce que tout le monde m’accepte.

 

As-tu déjà vécu des actes transphobes

Oui, j’ai toujours eu peur de révéler mon identité trans et j’avais peur que les gens disent du mal de moi.  Et même, celles et ceux en qui j’avais confiance et à qui j’ai révélé mon identité ont pensé que j’étais une personne immorale, ce qui est faux.

Est-ce que ton orientation sexuelle a été reconnue comme un juste motif d’asile par les autorités suisses ? 

Oui, et j’en suis très reconnaissante au juge. C’est une personne expérimentée et bien informée qui a très bien compris et accepté mes raisons.

 

Le peuple Suisse a accepté le 26 septembre 2021 l’initiative populaire fédérale dite du « mariage pour tous ». Les couples homosexuels peuvent à présent se marier. Qu’en penses-tu ?

Les humains naissent libres et ils ont le droit de décider eux-mêmes quoi faire de leur vie.  C’est aussi le cas quand on veut exprimer ses désirs pour la personne qu’on aime.

Quels sont tes projets ? As-tu entrepris un changement de sexe ?

Commencer une vie comme tout le monde.  Être dans mes propres vêtements et dans mon propre genre, être dans ma propre société et être acceptée dans la société telle que je suis. Je veux être respectée comme une personne ordinaire dans la société. Je m’intéresse à la politique et, à l’avenir, je voudrais devenir experte en politique.

 

Est-ce que ce projet aurait été imaginable en Iran ?  

Ce projet n’aurait pas été possible à cause de mon identité de genre.

Propos recueillis du kurde et traduits vers le français par:

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.




Revue de presse #37

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : La Suisse condamnée pour le renvoie d’un gambien homosexuel / En matière d’asile, il n’existe aucune solution qui satisfasse tout le monde / L’Europe tire la sonnette d’alarme sur le sort des migrants en Grèce / Le big data pour mieux comprendre les migrations en Europe

La Suisse condamnée pour le renvoi d’un Gambien homosexuel

Le 24 heure, le 17 novembre 2020

La Suisse a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) car elle a voulu renvoyer un ressortissant gambien homosexuel dans son pays. Dans un arrêt rendu le mardi 17 novembre 2020, la CEDH a considéré à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention qui traite de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. Rappelant que l’existence d’une loi réprimant les actes homosexuels ne suffit pas à exclure un renvoi, la Cour européenne a souligné que l’orientation du recourant pourrait être découverte s’il revenait en Gambie. Le Tribunal fédéral avait considéré en 2018 que le réseau familial de l’intéressé suffirait à le protéger et que la situation des homosexuels s’était améliorée dans ce pays. Les juges de Strasbourg ne partagent pas cet avis. Ils estiment que la Suisse aurait dû s’assurer que les autorités locales auraient la capacité et la volonté de protéger leur ressortissant contre les mauvais traitements qu’il pourrait subir du fait d’acteurs non-étatiques.

Ursula von der Leyen : en matière d’asile, il n’existe aucune solution qui satisfasse tout le monde

Euroactiv, le 19 novembre 2020

Organisée par le Parlement européen et le Bundestag allemand, avec la collaboration des parlements portugais et slovène, la conférence interparlementaire sur la migration et l’asile a eu lieu le 19 novembre 2020. Durant la conférence, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a mis en lumière à quel point l’immigration de travailleurs qualifiés est importante, car elle contribue au développement des entreprises européennes. Néanmoins, le système qui ne fonctionne plus selon ses dires inquiète les pays qui se trouvent aux frontières extérieures de l’UE (l’Italie, la Grèce et l’Espagne) et qui ont besoin de la solidarité des autres États membres.

Selon elle, les points cruciaux qu’il faudrait traiter sont au nombre de trois. Le premier se rattache aux raisons qui poussent les gens à partir. Le second correspond à la nécessité de mettre en place un système de retours commun. Le troisième point concerne les voies légales d’entrées en Europe. Néanmoins, « une solution qui satisfasse tout le monde n’existe pas » conclut la présidente. Il faudrait par conséquent œuvrer à la recherche d’un compromis, sans oublier les préoccupations des pays qui craignent de ne pas réussir à gérer l’accueil des migrants.

L’Europe tire la sonnette d’alarme sur le sort des migrants en Grèce  

La Tribune de Genève, le 19 novembre 2020

Dans le cadre d’un rapport publié le jeudi 19 novembre 2020, le comité anti-torture du Conseil de l’Europe (CPT) a fortement dénoncé le sort réservé aux migrants placés en rétention en Grèce. Conscient que le nombre important de migrants entrant dans le pays place les autorités grecques face à un « défi important », le CPT prône pour une « approche européenne coordonnée ». En regrettant l’approche considérée comme punitive menée par les autorités, le CPT rappelle que la situation migratoire face à laquelle se trouve le pays ne lui permet pas d’être dispensé de ses obligations en matière de droits de l’homme. Concrètement, les auteurs du rapport dénoncent les conditions de rétention des migrants, tout particulièrement à la frontière terrestre avec la Turquie ainsi que sur l’île de Samos. Les observateurs soulignent leur incompréhension face à la rétention de bébés et de jeunes enfants dans des conditions décrites comme traumatisantes. Ils dénoncent également les conditions dans les cellules où sont logés les migrants. Le rapport qualifie ces dernières comme étant inhumaines et dégradantes. En outre, tout en questionnant l’implication de l’agence européenne Frontex dans des cas de refoulements de migrants, les auteurs se disent inquiets des actes commis par les garde-côtes grecs pour empêcher les bateaux transportant des migrants d’atteindre les îles grecques et demandent aux autorités grecques de prendre les mesures nécessaires.

Du côté d’Athènes, on invoque la saturation des centres de rétention afin d’expliquer la situation sur l’île de Samos. La police grecque, quant à elle, considère que les présumées pratiques inhumaines et dégradantes de refoulement à la frontière sont sans fondement.

Le big data pour mieux comprendre les migrations en Europe

Euronews, le 16 novembre 2020

Le Centre de connaissances sur la migration et la démographie (KCMD) envisage la migration à travers le prisme du Big Data. L’objectif de leur travail est d’établir des modélisations pour mieux comprendre la migration et contribuer au développement de programmes d’intégration plus efficaces et plus cohérents. Les données disponibles sur le marché du travail européen permettent d’identifier les secteurs qui font face à une pénurie de main-d’œuvre. Ces données montrent également dans quels secteurs les migrants contribuent à l’atténuation des pénuries de main-d’œuvre. Une étude menée lors de la première vague de la pandémie de Covid-19 a montré qu’en moyenne, 13% des travailleurs des secteurs essentiels – en matière de réponse au coronavirus dans l’Union européenne – étaient des migrants. Les cinq catégories les plus représentées sont les professionnels de l’enseignement, les travailleurs agricoles qualifiés, les professions intermédiaires dans la science et l’ingénierie, les préposés aux soins personnels et enfin, les personnels d’entretien et aidants.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils