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La distinction Nansen récompense le travail exemplaire et à haut risque du «réseau Papillons»

Buste de Fridtjof Nansen, cérémonie de nansen Refugee Award 2014. Photo: Voix d'Exils

Buste de Fridtjof Nansen, cérémonie du Nansen Refugee Award 2014. Photo: Voix d’Exils.

La prestigieuse distinction Nansen du HCR pour les réfugiés a été décernée cette année à l’association «Papillons aux ailes nouvelles construisant l’avenir» lors d’une cérémonie célébrée le 29 septembre dernier à Genève qui marque le 60ème anniversaire de la distinction. Cette association, forte d’une centaine de membres, travaille sans relâche à Buenaventura, l’une des régions de Colombie les plus ravagées par la violence, pour aider les déplacés ayant survécu aux violences qui leur ont été infligés à recommencer leur vie. Voix d’Exils comptait parmi les hôtes de la cérémonie.

La distinction Nansen prime chaque année le travail remarquable et dévoué de groupes, d’organisations et de personnalités qui œuvrent en faveur des personnes déracinées. Elle a pour vocation de récompenser la persévérance et la conviction dont ils font preuve face à l’adversité. Cette distinction porte le nom de Fridtjof Nansen, explorateur polaire et humanitaire norvégien qui est devenu en 1921 le premier Haut-Commissaire pour les réfugiés de la Société des Nations. Nansen a reçu en 1922 le prix Nobel de la paix en hommage à son courage et à son travail inlassable au bénéfice des réfugiés de la Première Guerre mondiale.

Dénoncer au péril de sa vie

UNHCR / L . ZANETTI / 2014

Photo: UNHCR L. Zanetti, 2014.

Cette année, la distinction revient au réseau Papillon qui œuvre dans la ville de Buenaventura en Colombie en proie à des groupes armés criminels qui imposent la terreur afin de contrôler le territoire et les circuits du trafic de drogue. La violence de ces groupes cible en particulier les femmes et les jeunes filles. Le viol, la torture, les enlèvements et les assassinats font partie du quotidien des femmes qui vivent là-bas.

Malgré le fait que la plupart des membres du réseau ont elles-mêmes été déracinées à cause des conflits armés ou ont survécu à des violences domestiques et sexuelles, elles s’engagent avec courage et détermination pour accomplir leurs missions dans les quartiers les plus dangereux de Buenaventura. Elles aident les femmes à accéder aux soins médicaux et à une aide psychologique ; les accompagnent dans le dépôt de plaintes ; leur transmettent des compétences pratiques pour les aider à accéder à l’autosuffisance et elles n’hésitent pas à dénoncer ouvertement les agissements des groupes armés illégaux en organisant des marches et des manifestations. Grâce à l’action du réseau, plus d’un millier de femmes et leurs familles ont été secourus depuis 2010.

Rendre visible les crises humanitaires occultées

Les trois représentantes du réseau Papillons lors de la remise de la distinction Nansen

Les trois représentantes du réseau Papillons viennent de se faire remettre la distinction Nansen 2014. Photo: Voix d’Exils.

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le nombre des personnes déracinées à travers le monde a franchi la barre des 50 millions, parmi lesquelles environ 10,7 millions de nouveaux déracinés durant la seule année 2013, ce qui est le chiffre le plus élevé jamais enregistré le HCR.* Si de nouvelles crises humanitaires sont sous les feux des médias, bon nombre d’entre elles ne font pas ou plus l’actualité. L’un des buts de la distinction Nansen est de mettre en évidence les crises humanitaires occultées par le débat public. La Colombie est un exemple frappant de ces crises invisibles, car ce pays continue à faire face à des déplacements massifs de populations, avec 5,7 millions de déplacés internes enregistrés en juillet 2014.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

*Source: UNHCR 2013 Global Trends Report.

Voix d’Exils : hôte de la cérémonie de la distinction Nansen

A gauche: Lorenz Lüthi, au centre: Keerthigan Sivakumar et Omar Odermatt, à droite: Pascal Schwendener

A gauche: Lorenz Lüthi, au centre: Keerthigan Sivakumar et Omar Odermatt, à droite: Pascal Schwendener lors de la cérémonie de la distinction Nansen 2014. Photo: Voix d’Exils.

Voix d’Exils a été invité à la cérémonie du Nansen Refugee Award par le jury du concours «Dream Teams 2014» qui récompense des exemples d’intégration vécue au quotidien en Suisse.

A l’occasion de la Journées du réfugié 2014, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), l’Office fédéral des migrations (ODM) et le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR) se mobilisent ensemble pour que les réfugiés reconnus et les personnes admises à titre provisoire aient un meilleur accès à la vie sociale et professionnelle en Suisse. A cet effet, elles ont organisé ensemble le concours «Dream Teams 2014» qui récompense des exemples d’intégration vécue au quotidien. L’un des prix du concours était une invitation à la cérémonie de la distinction Nansen et, dans ce cadre, Omar Odermatt, responsable de Voix d’Exils et Keerthigan Sivakumar, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils ont été conviés à y participer. Ils ont été reçus par Pascal Schwendener, responsable du bureau de presse Suisse du HCR et Lorenz Lüthi, responsable projets journées des réfugiés de l’OSAR. Cette rencontre a été l’occasion d’échanger autour de Voix d’Exils, du film réalisé par Keerthigan Sivakumar à propos du blog, ainsi que de connaître davantage le travail de l’OSAR et du HCR en faveur des migrants vivant en Suisse. La rédaction de Voix d’Exils tient à remercier très chaleureusement ses hôtes pour l’accueil exceptionnel qui leur a été réservé, ainsi que pour cette rencontre qui a été très riche tant sur le plan intellectuel que sur le plan humain.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




«Le débat public sur l’asile et la migration doit cesser d’être envenimé par des campagnes populistes»

M. Jean-Nathanaël Karakash, Conseiller d’État neuchâtelois. Auteur: canton de Neuchâtel

M. Jean-Nathanaël Karakash, Conseiller d’État neuchâtelois, chef du département de l’Économie et de l’Action sociale .

Jean-Nathanaël Karakash est conseiller d’État et chef du département de l’Économie et de l’Action sociale du canton de Neuchâtel depuis le 19 mai 2013. Le Service des Migrations (SMIG) du canton de Neuchâtel dépend de son département et, avec Voix d’Exils, il évoque les différents sujets concernant l’asile dans son canton. Entretien.

Le centre d’accueil de requérants d’asile de Perreux (CAPE) a été ouvert fin janvier 2012 pour désengorger les centres d’accueil de Couvet et Fontainemelon et, surtout, recevoir des requérants d’asile récalcitrants. Moins de deux ans après son ouverture, le CAPE est fermé par le canton de Neuchâtel pour être transformé en un centre fédéral géré par la Confédération. Peut-on connaître la raison de cette fermeture?

Jean-Nathanaël Karakash: Le centre de Perreux a été ouvert alors que le premier accueil était totalement débordé. Il s’agissait d’offrir des conditions d’accueil décentes aux personnes qui étaient précédemment placées dans des abris communaux. Dès le départ, le centre devait être temporaire. Les problèmes sont venus du fait que le canton n’avait pas d’expérience récente dans la gestion d’un centre de cette taille. Les moyens nécessaires n’ont pas été correctement évalués et le centre s’est rapidement retrouvé en situation de crise. Après que les moyens d’encadrement ont été adaptés aux besoins, le centre a fonctionné normalement.

Cependant, en 2013, la Confédération a lancé un grand projet de réorganisation du domaine de l’asile visant l’accélération des procédures et prévoyant, qu’à terme, 60% des requérants seraient accueillis dans des centres fédéraux. Pour le canton, cela signifie qu’il faut se préparer à une diminution progressive des places de premier accueil. Parallèlement, la Confédération doit augmenter ses propres capacités d’accueil et recherche donc des lieux pour installer ses nouveaux centres. L’idée est donc venue de faire de Perreux un centre fédéral. Si, actuellement, les centres de Couvet et Fontainemelon sont pleinement occupés, le déploiement de la réorganisation fédérale devrait en principe permettre au canton de fonctionner durablement dans de bonnes conditions, avec ces deux seuls centres.

Quant à la question des requérants dits « récalcitrants », le Conseil d’État ne croit pas que la réponse se trouve dans la création de structures spécifiques mais, plutôt, dans un accompagnement et un dialogue renforcés.

Avec la fermeture du CAPE, Neuchâtel ne dispose plus que de deux centres cantonaux de requérants d’asile avec une capacité cumulée de 160 requérants d’asile et ce chiffre va encore être revu à la baisse, en fonction du nombre de personnes qui seront placées sous la responsabilité de la Confédération à Perreux. Peut-on dire que Neuchâtel évite les requérants d’asile ?

La conduite de la politique d’asile relève de la Confédération en premier lieu. Ce n’est pas le canton de Neuchâtel qui a décidé de la réorganisation de la politique fédérale! Il n’y a donc aucune volonté de l’État d’éviter les requérants, mais, au contraire, d’offrir un accueil décent à toutes les personnes qui sont placées sous la responsabilité du canton.

Le canton de Neuchâtel accueille aujourd’hui environ 900 personnes en procédure d’asile. Quelle politique mettez-vous en place pour faciliter leur intégration dans la société neuchâteloise et éviter que leur état mental ne se détériore ? Comme le cas d’un requérant d’asile algérien qui s’est suicidé fin juillet 2013 à Fontainemelon, en attendant une décision de l’Office fédéral des migrations (ODM).

Les mesures déployées en matière de soutien à l’intégration sont déjà nombreuses et elles seront encore renforcées à l’avenir. Que ce soit avec l’augmentation du nombre de travaux d’utilité publique organisés dans le cadre du premier accueil, ou de l’optimisation de l’utilisation des forfaits d’intégration au travers du Programme d’intégration et de connaissances civiques (PIC), le nouveau programme d’intégration cantonal. En outre, l’enseignement du français sera renforcé, aussi bien au profit des personnes en premier accueil qu’en second accueil, avec les enseignants qui travaillaient précédemment au centre de Perreux.

Quant au tragique cas du suicide évoqué, il n’a pas été déclenché par une décision négative qui aurait été rendue. L’encadrement et l’ambiance à l’intérieur du centre de Fontainemelon ne sont pas non plus en cause. Mais, il est clair que les traumatismes vécus par les requérants dans leur pays laissent des traces parfois insurmontables, malgré les efforts déployés pour offrir un accompagnement à chacun.

Au début du mois de février 2013, trois mois avant votre entrée en fonction, le canton de Neuchâtel cherchait des fonds pour mieux gérer l’asile. Ces fonds ont-ils été trouvés ?

C’est un travail permanent auquel s’attachent les services concernés. Nous tentons constamment de nous adapter pour faire face à des situations qui changent rapidement en fonction des situations de conflits et des crises humanitaires qui éclatent tout autour de la planète. Ce processus d’amélioration continue ne sera jamais terminé.

Trois mois après leur demande d’asile en Suisse, les requérants d’asile, au bénéfice d’un permis N, ont le droit de travailler pour devenir autonomes financièrement. Mais leurs demandes d’emplois sont souvent refusées par les employeurs. Les requérants d’asile ont l’impression que l’autorité cantonale ne fournit pas assez d’efforts pour inciter les employeurs à engager des requérants d’asile. Qu’en dites-vous ?

Le canton souffre du taux de chômage le plus élevé de Suisse. Il est donc difficile pour tout le monde de trouver du travail et la concurrence est forte pour chaque poste proposé. L’État fait ce qu’il peut pour appuyer toutes les personnes qui recherchent un emploi et promouvoir l’intégration des migrants. Or, même si c’est difficile, c’est d’abord aux personnes concernées qu’il appartient de rechercher du travail.

Une quarantaine de requérants d’asile non- francophones viennent de suivre, pendant cinq mois, des cours de français dispensés par des étudiants bénévoles et le personnel administratif de l’Université de Neuchâtel (UniNE) dans le cadre du projet « Français pour tous ». Comment appréciez-vous cette initiative de l’UniNE, surtout que les requérants d’asile en second accueil n’ont pas de programme de formation pour leur intégration.

De telles démarches citoyennes sont évidemment positives et doivent être saluées. Cela dit, le renforcement de l’accompagnement en deuxième accueil est envisagé actuellement.

Que pensez-vous de Voix d’Exils ?

C’est un blog très bien fait et aussi je suis très intéressé de découvrir certaines des interviews qui avaient déjà été publiées. Félicitations, belle réussite et j’espère que ça puisse se poursuivre.

Votre mot de la fin

Je souhaite que le débat public sur la migration et, en particulier, sur l’asile cesse d’être envenimé par des campagnes populistes dictées par des intérêts politiques partisans indignes d’un pays démocratique. Sans se voiler la face quant aux difficultés objectives posées par la migration et l’intégration, il est urgent de replacer la promotion des droits humains au cœur des priorités de l’État, aussi bien en Suisse qu’à l’échelle européenne.

Paul Kiesse

Journaliste, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Les conséquences de la dernière révision de la loi sur l’asile

Philippe Stern, juriste au Service d’aide juridique aux exilés (SAJE). Photo: Voix d'Exils.

Philippe Stern, juriste au Service d’aide juridique aux exilés (SAJE). Photo: Voix d’Exils.

Les citoyens suisses ont voté massivement le 9 juin 2013 en faveur du durcissement de la loi sur l’asile. Par voie d’ordonnance, le Conseil fédéral a donc adopté les modifications nécessaires à la mise en œuvre de cette révision et prévu des phases test pour son application. Le mercredi 26 février 2014, il annonce qu’il souhaite prolonger la durée de validité des modifications urgentes de la loi sur l’asile de quatre ans initialement prévues jusqu’en septembre 2015. Afin de mieux comprendre les conséquences de cette nouvelle politique, Voix d’Exils a rencontré Philippe Stern, juriste au Service d’aide juridique aux exilés (SAJE).

Voix d’Exils: Selon vous, quelles sont les principales conséquences de l’entrée en vigueur, le 1 octobre 2013, de la révision de la loi sur l’asile ?

Philippe Stern: La votation de juin 2013 avait pour objectif de confirmer ou non l’entrée en vigueur des mesures urgentes de septembre 2012 concernant la loi sur l’asile. Les citoyens suisses devaient donc notamment se prononcer sur la question de la désertion comme n’étant plus un motif d’asile, sur la suppression des demandes d’asile déposées à l’étranger ou, encore, sur la création de camps pour les requérants «récalcitrants». Un deuxième volet de la révision de la loi sur l’asile a été introduit en février 2014 avec, notamment, la procédure «test» mise en place à Zurich. Quant au dernier volet de la révision, il aura pour but de valider définitivement la nouvelle procédure d’asile accélérée. Ces révisions vont toutes dans la direction d’un durcissement en matière d’asile.

Concernant les mesures urgentes, la principale conséquence est que les demandes d’asile ne peuvent plus être déposées depuis l’étranger auprès des ambassades de Suisse. Cette nouvelle mesure ferme la porte à beaucoup ; pour les Érythréens, notamment, qui déposaient des demandes à l’ambassade de Suisse du Soudan, ainsi que pour les Somaliens en Éthiopie.

Par ailleurs, sur la question de l’accélération de la procédure, nous y sommes naturellement opposés. En effet, avec cette réglementation, il sera difficile d’établir les faits de manière exhaustive, notamment les problématiques médicales, respectivement de défendre équitablement le droit des requérants d’asile. La défense juridique des requérants va donc devenir compliquée.

Concrètement, pouvez-vous nous donner une illustration de ce qui va se passer ?

Pour mettre en œuvre l’accélération de la procédure, un centre d’enregistrement fédéral est ouvert à Zurich depuis le 1er janvier 2014. Le requérant qui a déposé une demande y est transféré pour une dizaine de jours durant lesquels il aura deux auditions. Il pourra aussi bénéficier d’une représentation juridique. Cependant, au SAJE, nous sommes inquiets de l’indépendance de ces représentants par rapport à l’Office fédéral des migrations (ODM), puisque tous travailleront sous le même toit.

Cette centralisation concerne 70% des requérants. Tout devra se passer très, très rapidement. Si la décision est négative, s’y opposer par un recours deviendra extrêmement difficile. En effet, auparavant, même avec une décision négative, les requérants d’asile étaient transférés dans un canton, ce qui laissait du temps pour étudier le dossier. Désormais, une demande d’asile est traitée en dix jours, si la décision est négative, la personne est censée repartir dans le pays déclaré d’origine.

La nouvelle procédure centralise donc tout au niveau fédéral, il n’y a plus d’attribution aux cantons. Même si au cours de la procédure, de nouveaux éléments interviennent et pourraient la prolonger, les requérants seront toujours placés dans des centres d’attente fédéraux. N’ayant pas de lien direct avec ces personnes, le SAJE ne pourra plus rien entreprendre pour eux.

Nous aimerions plus précisément parler de la détention administrative et de l’ouverture, à Zurich, d’un centre destiné aux requérants d’asile dits «récalcitrants» qui pourraient «menacer la sécurité et l’ordre public». Comment va fonctionner cette nouvelle institution?

Le centre de Zurich n’a pas pour but d’héberger les requérants d’asile récalcitrants, mais se concentre sur le traitement accéléré des procédures d’asile. C’est la concrétisation des nouvelles dispositions du deuxième volet de la modification de la loi sur l’asile. La première modification, en vigueur depuis septembre 2012, concerne les mesures urgentes avec notamment la création de centres d’hébergement pour requérants d’asile récalcitrants. Cette dernière mesure n’a pas eu de réelle concrétisation dans le canton de Vaud.

On a beaucoup parlé du vague des termes : « menacer la sécurité publique » ou « récalcitrants ». Du point juridique, que pouvez-vous nous en dire, comment cela se détermine-t-il ?

C’est évidemment très délicat et problématique. Même avec un comportement exemplaire, un requérant pourrait être considéré récalcitrant par le fait de déposer deux ou trois fois une demande d’asile en Suisse. Il abuserait ainsi du système helvétique qui lui aurait déjà rendu une réponse négative. A titre d’exemple, l’on pense qu’il sera de plus en plus difficile d’obtenir des admissions provisoires pour des personnes déboutées mais dont la situation de santé s’est gravement détériorée en Suisse. D’un côté, on ne peut pas humainement renvoyer de force ces personnes malades dans leur pays d’origine. De l’autre, ces requérants vulnérables se verraient privés d’une régularisation possible car dans l’impossibilité de déposer une demande de réexamen de leur situation.

De quelle manière cette révision va influencer le nombre des demandes d’asiles ?

Il y a en effet un aspect vraiment politique. La loi est plus restrictive, on le sait et ce message circule au sein des différents réseaux de requérants d’asile potentiels. La Suisse perd son image de pays d’accueil et, au final, il y aura certainement moins de demandes d’asile.

Lamin et Elisabeth

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Informations

SAJE
Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s
Rue Enning 4
1003 Lausanne
Tél. +41 21 351 25 51



Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse

Logo de la campagne d'Amnesty International

Logo de la campagne « Protection, vérité et justice pour la population sri-lankais »

Amnesty International, en collaboration avec la Société pour les peuples menacés et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), a lancé la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise». Une pétition et un documentaire entendent sensibiliser la population suisse à la situation délicate dans laquelle se trouvent les réfugiés tamouls.

Quatre ans après la fin de la guerre civile entre les forces gouvernementales et les Tigres tamouls, la situation des droits humains au Sri Lanka reste alarmante. 26 ans de conflit armé ont laissé des traces profondes et la paix a un goût amer. Selon Amnesty International «Le gouvernement refuse toujours qu’une enquête indépendante soit menée sur les crimes de guerre commis par l’armée et les Tigres tamouls. Les voix critiques sont menacées, emprisonnées ou victimes de disparitions forcées.»

Soupçonnée d’entretenir des liens avec les Tigres tamouls, la communauté tamoule est la plus touchée par ces violences. C’est pourquoi les Tamouls de Suisse vivent dans la crainte d’être renvoyés au Sri Lanka. En 2011, un arrêt du Tribunal administratif fédéral prétendait que toutes les régions tamoules du Sri Lanka étaient en sécurité ce qui justifiait des expulsions. Entre temps, et au vu des risques encourus suite au renvoi et à l’arrestation de plusieurs personnes lors de leur arrivée sur le sol sri-lankais, la Suisse a provisoirement suspendu les renvois.

Mais cela ne suffit pas. Amnesty International, l’OSAR et la Société pour les peuples menacés dénoncent la violation des droits humains, l’absence d’enquête fiable sur les crimes de guerre et la situation des requérants d’asile en détresse. Ces organisations ont lancé une pétition afin que la Suisse s’engage pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants.

La campagne prévoit encore la projection d’un documentaire sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile en 2009 : « No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka » (2013). Prévue le 4 novembre à 18:30, au Casino de Montbenon, à Lausanne, la séance est gratuite et sera précédée d’un cocktail sri-lankais, occasion d’une rencontre avec la communauté sri-lankaise de Suisse romande.

Pour mieux comprendre la situation de la grande communauté sri-lankaise, composée pour la Suisse de 50’000 personnes dont 22’000 naturalisés, Voix d’Exils a interviewé David Cornut, coordinateur de campagne d’Amnesty International, et vous propose de partager l’histoire de Vignesh qui explique comment il a évité in extremis d’être renvoyé au Sri Lanka après avoir été débouté.

Interview de David Cornut, Coordinateur de la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise» d’Amnesty International

David Cornut et

Ganimete Heseti et David Cornut

Voix d’Exils : Quel est le but principal de votre campagne ?

David Cornut : Amnesty International veut dénoncer la situation qui prévaut au Sri Lanka, un pays qui viole les droits humains, est coupable de persécutions, de tortures et d’atteintes à la liberté d’expression. Pourtant, la Suisse considère le Sri Lanka comme un pays sûr. Des accords de facilitation des réadmissions entre la Suisse et le Sri Lanka sont actuellement en cours. Or, les renvois dans un pays qui n’est pas sûr sont complètement interdits par la loi suisse.

Pourtant, le gouvernement suisse a décidé de stopper l’exécution de renvois vers le Sri Lanka…

Cette mesure est provisoire et ne suffit pas. Amnesty demande que la Suisse stoppe tous les renvois sur le long terme, et pas seulement de cas en cas, tant que la situation au Sri Lanka n’est pas sûre pour tout le monde.

Comment peut-on aider la population du Sri Lanka?

Il faut faire toute la lumière sur les crimes de guerre et rendre la justice dans les deux camps : l’armée officielle et les Tigres tamouls. Grâce aux pressions politiques et économiques de la communauté internationale, qui observe en permanence le Sri Lanka, la situation de la population sri-lankaise va pouvoir changer. L’Inde, par exemple, a passé une résolution sur la violation des droits humains au Sri Lanka. Et l’inde est un partenaire important.

Quelles sont les chances de succès de votre campagne ?

L’arrêt – même provisoire – des renvois au Sri-Lanka est un premier succès. Maintenant, on a besoin que les gens signent la pétition pour la Suisse. On a besoin que les gens parlent du Sri Lanka, car le pire c’est le silence. C’est important que l’opinion publique pense au Sri Lanka autrement que comme une destination pour passer des vacances. Et aussi, pour que la population suisse sache qui sont les Tamouls.

A votre avis, quelles seront les réactions du gouvernement du Sri Lanka vis-à-vis de votre campagne ?

Il est difficile de faire des pronostics… Le gouvernement du Sri Lanka est très sensible à la critique. Il essaie de se construire une nouvelle image et il a essayé d’empêcher la projection du film «No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka» à Genève.

Propos recueillis par Lamin et Sara Pages

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Vignesh, débouté Sri-Lankais, évite in extremis d’être renvoyé de Suisse

Vignesh*, 25 ans, est un demandeur d’asile Sri-Lankais. Arrivé en Suisse en 2009, il a reçu une décision négative à sa demande d’asile à deux reprises, et aurait dû être renvoyé au Sri Lanka le 8 août dernier.

Mis sous pression, Vignesh appose sa signature pour l’obtention d’un passeport provisoire valide pour trois jours et, de manière inattendue, se voit remettre immédiatement un ticket de vol pour le 8 août avec l’ordre de se présenter à l’aéroport de Cointrin à Genève pour son rapatriement.

Lorsque le jour du vol arrive, il ne se présente pas à l’aéroport. Il se cache dans différents lieux : chez des amis, à la gare ferroviaire de Genève ou dans un arrêt de bus, ce par temps froid comme par temps chaud.

Durant la même période, deux familles renvoyées par le canton de Saint Gall sont arrêtées sur le sol sri-lankais. Suite à ces événements, le gouvernement suisse décide de geler immédiatement tous les rapatriements des ressortissants Sri-Lankais.

Vignesh prend connaissance de cette nouvelle, en parle à un avocat social, se rend au Service de la population du canton de Vaud (SPOP), et demande à nouveau l’aide d’urgence. Le SPOP refuse de répondre favorablement à sa demande, car il n’a pas été notifié de la décision de l’Office fédéral des migrations (ODM) et lui reproche de séjourner de manière illégale en Suisse à partir de la date arrêtée pour son renvoi.

Un jour plus tard, le SPOP prend contact avec son avocat pour l’informer qu’il entre en matière à propos de l’octroi de l’aide d’urgence. Ce retournement de situation est tout à fait exceptionnel par rapport à la situation des Sri-Lankais déboutés résidant en Suisse et témoigne de la force de la décision de l’ODM. A nouveau, Vignesh est logé dans l’abri de la protection civile où il séjournait auparavant et, de surcroît, il a obtenu un permis N.

Que lui serait-il arrivé s’il avait été renvoyé le jour prévu au Sri Lanka ? Le gouvernement suisse affirmait à l’époque être en mesure de conserver le contact avec les personnes renvoyées. Dans les faits, ce contrôle s’est avéré très difficile à mettre en œuvre, en particulier en dehors de Colombo, la capitale, à fortiori après que plusieurs mois se soient écoulés depuis la date du renvoi. Mentionnons également qu’une loi anti-terroriste promulguée par le gouvernement sri-lankais menace potentiellement quiconque appartenant à la diaspora sri-lankaise, dont les membres sont suspectés presque systématiquement de collaborer avec les Tigres tamouls. La suspicion concerne, en particulier, les personnes provenant de Suisse ; et celles-ci s’exposent à des peines d’emprisonnement de 12 ans au minimum.

Pour l’heure, Vignesh est satisfait de sa situation et espère pouvoir rester en Suisse. Il pense qu’il obtiendra un statut de réfugié ou que son autorisation de séjour temporaire sera prolongée sur le long terme, étant donné que la situation au Sri Lanka met en danger les populations tamoules. Il est également persuadé que le gouvernement et le peuple suisses comprennent aujourd’hui la dangerosité de la situation qui règne dans son pays.

L. et S.P.

*Nom d’emprunt

Informations

NO FIRE ZONE : LES CHAMPS DE LA MORT DU SRI LANKA, documentaire, 2013, Vo/St.fr, Callum Macrae

Affiche du film "No fire zone"

Affiche du film « No fire zone »

Présenté par Amnesty International, ce film braque les projecteurs sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile, en 2009. Le documentaire, dont les réalisateurs ont été nominés au Prix Nobel de la Paix, a provoqué une vive émotion lors de sa projection en marge du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Avec une introduction de Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse  et Namasivayam Thambipillai, conseiller communal de la ville de Lausanne.

Quand      4.11.2013

                      18h30 Cocktail sri lankais, 19h00 Film

Où               Casino de Montbenon – Salle des Fêtes

                      Allée Ernest-Ansermet 3

                      1003 Lausanne

                      m1: Vigie; m2, LEB: Lausanne-Flon; tl 3, 6, 21: Cécil

Entrée      Entrée libre – inscription préalable : info@amnesty.ch

                      Scènes choquantes, destiné à un public adulte.




«En Suisse, nous essayons de favoriser une approche pragmatique de l’accueil des migrants»

Gabriela Amarelle, déléguée à l’intégration de la Ville de Lausanne. Photo: Voix d'Exils

Gabriela Amarelle, déléguée
à l’intégration de la
Ville de Lausanne. Photo: Voix d’Exils.

Le Bureau lausannois pour les immigrés (le BLI) vient de reprendre son nom d’origine et d’abandonner son ancienne appellation : le Bureau lausannois pour l’intégration des immigrés. L’occasion d’ouvrir une réflexion autour des pratiques helvétiques d’accueil des migrants en compagnie de Gabriela Amarelle, déléguée à l’intégration de la Ville de Lausanne. Interview.

Voix d’Exils : Le Bureau lausannois pour les Immigrés, ex Bureau lausannois pour l’intégration des immigrés, a repris son nom d’origine, pour quelle raison ?

Gabriela Amarelle : Le terme d’intégration, fortement controversé, a toujours contenu de nombreuses ambiguïtés, notamment quand son acception se limite à servir d’euphémisme pour « assimilation ». Pour tenir compte de notre approche inclusive, qui ne fait pas porter la responsabilité de l’intégration uniquement sur les immigrés, la Municipalité a décidé tout récemment de revenir à l’appellation d’origine, à savoir « Bureau lausannois pour les immigrés ». Cette appellation a pour avantage de mettre en avant l’effort investi par la collectivité lausannoise pour combler les inégalités qui persistent dans tous les domaines de la vie quotidienne à l’égard de la population migrante, tout en gardant la dénomination et l’abréviation connue depuis plus de quarante ans.

Le BLI a pour mission de favoriser l’intégration des étrangers. Comment définissez-vous « l’intégration » ?

Dans la Loi fédérale sur les étrangers, elle est définie comme un « processus réciproque » entre les personnes qui arrivent en Suisse et la société d’accueil. La promotion de l’intégration, selon l’Office fédéral des migrations, vise un accès égal aux ressources sociales, politiques et économiques disponibles dans notre société, afin de pouvoir participer pleinement à la société et à ses prises de décisions. Cette définition, largement consensuelle aujourd’hui, implique que l’intégration nous concerne toutes et tous, immigrés et autochtones. L’intégration constitue, dès lors, un enjeu majeur en matière de cohésion sociale.

Quelles sont les actions et les mesures entreprises par le BLI pour intégrer les migrants ?

Les mesures mises sur pied par le BLI pour favoriser l’égalité des chances visent premièrement à orienter sur les thèmes liés à la migration : cours de français, formation, travail par exemple. Nous avons développé, en collaboration avec les services communaux concernés, un ambitieux programme d’accueil destiné justement aux personnes nouvellement arrivées. L’information et la formation sont également au coeur de l’action du BLI car, de notre point de vue, il est essentiel de favoriser l’accès aux prestations. Le BLI met également sur pied des mesures destinées à prévenir le racisme et contribue à favoriser la participation citoyenne sous toutes ses formes, par exemple, en favorisant la vie associative et de quartier et en informant sur les droits politiques. En tant qu’organe de l’administration communale, notre rôle est aussi de sensibiliser à l’interne de l’administration sur ces thématiques.

La politique d’intégration, telle quelle s’est développée en Suisse, est-elle, selon vous, efficace pour créer une coexistence harmonieuse entre les étrangers et les autochtones ?

La Suisse est un pays fédéraliste. La définition d’une politique publique requiert, en Suisse plus qu’ailleurs, le respect des partenaires et une implication réelle de ceux-ci. La force du modèle helvétique est que chaque niveau étatique – Confédération, cantons, communes – est important et contribue, dans l’idéal, à la définition de la politique d’intégration. Bien sûr, il peut y avoir de fortes divergences sur le plan politique, et aussi en matière d’enjeux financiers entre tous les partenaires. La recherche du compromis helvétique n’est pas un mythe… et cela prend du temps, de la patience, de l’énergie. Dans un système tel que le nôtre, avec un enchevêtrement parfois complexe des compétences, l’approche est forcément pragmatique. Cela implique, aussi en matière de politique d’intégration, des réponses concrètes plurielles selon les régions. Je crois qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas une seule politique d’intégration en Suisse. Car les contextes régionaux dans lesquels nous vivons, ont un impact réel sur les politiques locales d’intégration. La proximité peut être un atout.

Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les migrants dans le processus d’intégration ?

La population migrante, tout comme la population suisse, est fortement hétérogène. Chaque parcours est différent. Si l’on essaie de parler globalement, les obstacles les plus récurrents sont dus au statut juridique des personnes, et les difficultés liées à l’obtention ou non d’un permis de séjour. Pour les ressortissants hors de l’Union européenne, notamment, il est particulièrement difficile d’obtenir un travail. Et bien sûr, pour apprendre le français, nous ne sommes pas, là non plus, tous égaux !

Quels sont les autres modèles de politiques publiques permettant cette coexistence harmonieuse entre les étrangers et les autochtones ?

On me demande souvent si en Suisse, nous sommes plus proches du modèle français ou du modèle britannique … Je crois qu’en Suisse nous nous méfions des modèles et que nous essayons de favoriser une approche pragmatique, avec l’ambition, sans y arriver parfois, de prendre du bon dans chacun des systèmes. A Lausanne, et certainement aussi du côté de la Suisse romande en général, nous essayons de conjuguer le respect des valeurs citoyennes – telles le principe d’égalité de traitement et l’égalité entre hommes et femmes -, et le respect de la personne qui nous fait face dans son individualité. Identifier ce qui nous rassemble, plutôt que ce qui nous différencie, est aussi une piste pour échapper au communautarisme.

Propos recueillis par :

Samir

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

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