Sous la loupe : L’année 2023 a été la plus meurtrière de la décennie pour les personnes migrantes / Berne punit Neuchâtel pour ne pas avoir renvoyé un requérant d’asile / La situation est catastrophique au Nord et au Sud de la bande de Gaza
Liana Grybanova et Zana Mohammed, membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils et Malcolm Bohnet, civiliste à la rédaction.
Flash infos #186
|
Sous la loupe : Rafah, un des derniers refuge des Gazaouis / Décès en Méditerranée: l’OIM souligne la nécessité de sécuriser les routes migratoires / La prise d’otages d’Yverdon est un passage à l’acte « provoqué par le désespoir »
Liana Grybanova et Alix Kaneza, membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils et Malcolm Bohnet, civiliste à la rédaction
Frontex, le spectre des disparu.e.s
|
Le nouveau livre de la philosophe Marie-Claire Caloz-Tschopp
La philosophe Marie-Claire Caloz-Tschopp a présenté son nouveau livre : « Frontex, Le spectre des disparu.e.s. Nihilisme politique aux frontières » le 21 novembre à la Librairie Boulevard à Genève.
Cet événement était l’occasion pour l’auteure de présenter au public son nouvel essai politico-philosophique qui explore ce qu’elle identifie comme l’avènement d’un nouveau « nihilisme politique » aux frontières : « Dans cet essai, je me propose d’apporter une réflexion politique/philosophique sur le spectre des disparu.e.s et du faire disparaître aux frontières de l’UE, sur le terrain de Frontex en sachant qu’ils existent ailleurs dans l’histoire et l’actualité de la planète. Cet organe de l’Union européenne est un lieux d’observation, d’analyse du démantèlement de la (dé)construction politique européenne » (Caloz-Tschopp : 2023, p.25).
Le nihilisme politique : un danger commun
Le nihilisme politique est donc un concept central de son nouvel ouvrage qu’elle définit comme : « le nihilisme c’est considérer que rien n’a de valeur, c’est le rien, c’est le néant et c’est la mort de masse. Regardez ce qui se passe en Ukraine, au Moyen-Orient, en Syrie, au Kurdistan, regardez les frontières. On a l’impression que ce sont des problème différents, mais en fait tous ces phénomènes sont une figure d’une civilisation où rien ne compte ». Ce nihilisme politique se déploie selon l’auteure dans différents espaces géographiques mais également à différentes époques : « Il y a des moments de crise où ce nihilisme apparaît particulièrement et aujourd’hui on est dans un moment politique où on banalise la destruction, la destruction de la nature, des humains aux frontières ».
L’hospitalité politique pour contrecarrer le nihilisme politique
Cependant, Marie-Claire Caloz-Tschopp reste optimiste quant à la capacité de l’humanité à ne pas sombrer dans ce nihilisme destructeur car « quand il y a le nihilisme, il y a l’anti-nihilisme. Il y a la possibilité du chaos destructeur ou que quelque chose s’invente ». C’est ainsi que face au nihilisme politique qui mène « à une banalisation de la violence extrême (notion empruntée au philosophe Etienne Balibar), l’auteure pose en contrepied la notion « d’hospitalité politique » qu’elle définit en ces termes : « l’hospitalité n’est pas seulement une question d’accueil des personnes étrangères, c’est une question qui devrait être à la base de toutes les constitutions politiques […]. C’est peut-être la seule manière de mettre en cause la violence extrême et la destruction totale de la planète ». Elle propose une définition holistique de l’hospitalité politique en replaçant cette notion au niveau de l’ensemble de la vie en société : les rapports entre les humains et le rapport humains-nature. Selon Marie-Claire Caloz-Tschopp, l’hospitalité politique est une philosophie qui se fonde sur le droit fondamental que tout être humain a « le droit d’avoir des droits » (notion développée par la philosophe Hanna Arendt) et d’avoir une place sur Terre reconnue par les autres.
Podcast de la présentation du livre
Présentation du livre « Frontex, le spectre des disparu.e.s » à la Librairie du Boulevard le 21.11.2023. De gauche à droite: Marie-Claire Caloz-Tschopp (philosophe, auteure), José Lillo (metteur en scène, auteur), Manuela Salvi (modératrice, journaliste à la RTS), Olivier de Marcelus (activiste du climat, auteur) et Martin Caloz (artiste, auteur).
A propos du livre
L’ouvrage « Frontex: le spectre des disparu·es. Nihilisme aux frontières » a été publié aux éditions l’Harmattan en 2023. Il rassemble des contributions originales de Iside Gjergji – Portugal/Rome, Claude Calame – Lausanne, Marion Brepohl – Brésil, Marcelo Vignar – Uruguay, Sophie Guignard et Lorenz Naegeli – Solidarité Sans Frontières (SOSF), Berne, Christophe Tafelmacher – Lausanne, Olivier de Marcellus – Genève, José Lillo – Genève, Lucia Melgarero – Lausanne.
La rédaction
A propos de l’auteure
Marie-Claire Caloz-Tschopp est philosophe. Elle a enseigné la théorie politique à l’Université de Lausanne et de Genève. Elle a également été directrice du programme « Exil » du Collège international de philosophie de Paris. Ses travaux portent sur les politiques migratoires et le droit d’asile.
Tensions entre aide humanitaire et crise migratoire
|
Une journée de conférences à l’Université de Neuchâtel à retrouver en ligne
La journée a débuté avec l’introduction de M. Thomas Facchinetti, membre de l’exécutif de la commune de Neuchâtel.
S’en est suivi la première conférence donnée par M. Nago Humbert, responsable de l’Observatoire d’Ethique et Santé Humanitaire. Sa prise de parole a porté sur le poids de l’émigration des personnels de santé pour de nombreux pays du Sud. Ce manque de personnel de santé a des répercussions sur le taux mortalité infantile et maternel. Il a également été l’occasion pour M. Humbert de détailler le contexte géopolitique dans lequel s’inscrit cette émigration du personnel de santé et les conséquences que cela entraine.
La deuxième conférence donnée par Mme Cesla Amarelle, professeure de droit des migrations à l’Université de Neuchâtel et ancienne Conseillère d’Etat du canton de Vaud, a présenté les enjeux qui entourent les crises migratoires dans le contexte du déploiement des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle. Elle a développé son propos en rappelant que les situations d’exil forcé risquent de se multiplier étant donné l’enchevêtrement des différentes crises. Mme Amarelle a également partagé ses réflexions quant à la mise en place du futur Pacte européen sur la migration et l’asile ainsi que les risques de violations des droits humains à travers la sécurisation et le développement des techno-frontières.
Dans un troisième temps, Alice Corbet, anthropologue et chercheuse au Centre national de la recherche scientifique français (CNRS), a développé un propos sur la thématique des camps de réfugiés et des conditions sociales vécues à l’intérieur de ces derniers. En effet, l’intervenante a notamment pu montrer la contradiction vécue entre le temps long passé par les personnes dans ces camps alors que ces derniers fonctionnent avec des logiques d’urgence. Il s’agissait également de revenir sur le financement des dispositifs humanitaires et les enjeux de la communication utilisée pour faire ces levées de fonds.
Suite à Mme Corbet, M. Robin Stünzi, membre du centre suisse de recherche sur la migration et la mobilité, a fait une intervention intitulée : «De l’accueil des réfugiés hongrois à celui des ukrainiens : l’inclusivité sélective des politiques d’asile suisses en perspectives historiques» qui a permis de tracer historiquement les grandes orientations des politiques d’asile en Suisse.
La dernière conférence a été dispensée par M. Filippo Furri, anthropologue et consultant pour le CICR à Paris ainsi que pour l’ONG euroMed rights. M. Furri est revenu sur la situation humanitaire épouvantable en mer Méditerranée depuis de nombreuses années. Il a également rappelé la responsabilité de l’Europe face à ces événements ainsi que celle de Frontex comme instance sécuritaire qui s’est renforcée à travers le temps au dépend des programmes de « Search and rescue ».
La journée s’est terminée autour d’une table ronde passionnante regroupant plusieurs intervenantes et intervenants de la journée, politiciennes et politiciens ainsi que des acteurs de la société civile.
Interview de M. Nago Humbert
Suite à cette table ronde, nous avons eu l’occasion d’interviewer M. Nago Humbert, fondateur de Médecins du Monde Suisse, professeur agrégé à la faculté de médecine de Montréal et organisateur de cette journée en tant que fondateur de l’Observatoire d’Ethique et de Santé Humanitaire.
Lors de cette interview, nous avons pu aborder différents sujets à la fois nationaux et internationaux, portant sur les discours et pratiques qui entourent aujourd’hui les enjeux de la migration.
Sous la loupe : Des manquements médicaux lors de renvois de personnes migrantes par avion / Aux îles Canaries, près de 1500 personnes migrantes sont arrivées en l’espace de deux jours / Le Soudan est confronté à la plus grande crise de déplacement interne au monde