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Le silence est dangereux

Illustration: Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Libérer la parole pour s’émanciper de l’oppression

En opposition à de nombreux proverbes ou phrases bibliques qui invitent au silence, déclarant qu’il est sage de se taire, aujourd’hui nous devons clamer haut et fort que le silence est aussi dangereux!

Selon Clint Smith, professeur et écrivain américain, « le silence est le résultat de la peur et peut parfois être si nocif qu’il peut causer de graves problèmes sociaux tels que l’oppression, la discrimination, la violence et même les guerres. »

Combattre la peur seul nous mène à une défaite certaine mais, lorsque nous racontons notre peur à d’autres, cette peur s’estompe.

Pendant de nombreuses années, le silence a été utilisé comme une arme de soumission : au temps de l’esclavage, les esclaves devaient garder le silence face à l’humiliation et aux mauvais traitements de leur maître. Dire quelque chose, se plaindre ou ne pas se soumettre aux ordres du maître signifiait l’immédiate violence des coups de fouet et même la mort, non seulement pour celles et ceux qui osaient rompre le silence, mais aussi pour toute leur famille.

Dans le passé, les femmes ont été victimes de soumission : elles devaient se taire face aux abus de leur mari, de leurs parents, de leurs frères ; elles devaient se taire devant la société. On pourrait dire que le silence était l’allié de la peur, de la soumission et du manque de droits des femmes, jusqu’au jour où certaines d’entre elles, dont l’histoire a retenu les noms, ont décidé de briser ce silence et d’affronter leur peur. Elles ont alors commencé à écrire, parler, raconter ce qui se passait et à revendiquer les droits qui leur revenaient en tant que membres à part entière de la société.

Des peurs qui durent longtemps et qui finissent par être destructrices

Mais ne regardons pas seulement le passé : aujourd’hui encore, combien de femmes sont maltraitées et n’osent pas dénoncer leur agresseur, situations qui se terminent régulièrement par un féminicide ? Combien de filles et de garçons sont victimes d’abus sexuels commis par leurs proches, sans oser les dénoncer ? Combien d’enfants qui subissent du harcèlement à l’école n’osent pas dire ce qui leur arrive et finissent par se suicider ?

Les personnes qui demandent l’asile, elles aussi, souffrent du silence. Elles ont déjà essayé d’échapper à des traumatismes en fuyant leur pays et se retrouvent pourtant en dépression ou en clinique psychiatrique à cause de la pression et de nombreuses injustices, discriminations, abus d’autorité, racisme… provenance parfois des autorités d’asile qui les accueillent.

Un silence qui n’est plus que peur et totale soumission permet de perpétuer les abus et les mauvais traitements. Et à la fin, tous les abus cachés à la connaissance du public remplissent une boîte à secrets appelée « Silence » dans laquelle sont conservés les larmes, les cris, la rage et la souffrance.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.




Revue de presse #16

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : L’inadéquation des mesures d’intégration des permis F / Des migrants malmenés en Croatie / Des dizaines de migrants meurent au large de Tunis

Insertion difficile pour les personnes admises provisoirement

Asile.ch, le 11.06.2020

La Suisse verse de l’argent aux cantons pour qu’ils promeuvent l’intégration des personnes admises à titre provisoire (permis F). Malgré l’importance des investissements consentis, les résultats ne seraient pas à la hauteur selon map-F, association indépendante qui a pour mission de rédiger des rapports de suivi sur la situation des permis F dans le canton de Zurich.

L’association relève que pour pouvoir participer à la vie économique, sociale, culturelle et politique en Suisse, il est essentiel de disposer de moyens de subsistance adéquats. Or, le montant perçu par les admis provisoires est à peine suffisant pour couvrir les dépenses les plus basiques de la vie quotidienne – nourriture, articles d’hygiène et communication.

Les mesures de la politique d’intégration actuelle sont inégalitaires puisqu’elles visent principalement à faire entrer sur le marché du travail les personnes ayant un « potentiel d’emploi », mais laissent de côté les enfants, les personnes les plus âgées, celles ayant des problèmes de santé, celles qui ont d’autres personnes à charge, en particulier les femmes.

De plus, les personnes admises à titre provisoire ne sont pas autorisées à choisir elles-mêmes leur commune de résidence et sont donc fortement dépendantes de la commune à laquelle elles ont été affectées.

map-F constate également de grandes disparités entre les communes du canton de Zurich en ce qui concerne la promotion de l’intégration. C’est pourquoi, l’association préconise d’établir à leur intention des directives uniformes et contraignantes concernant les objectifs, l’étendue et la qualité de la promotion de l’intégration.

Violences contre les migrants à la frontière croate

Infomigrants.net, le 15.06.2020

Des milliers de migrants empruntent chaque année la « route des Balkans » pour essayer de rejoindre l’Europe occidentale. La plupart passent par la Croatie, pays membre de l’Union Européenne (UE), le plus souvent en provenance de la Bosnie.

Or, selon Amnesty International, ce passage aux frontières s’accompagne de passages à tabac, de tortures et de tentatives d’humiliation de la part de policiers croates.

Prise à parti, l’Union européenne a demandé aux autorités du pays d’enquêter sur ces accusations de mauvais traitements à leur frontière avec la Bosnie. Le ministère croate de l’Intérieur a démenti ces accusations, tout en précisant qu’une enquête serait ouverte.

Quand la situation sanitaire le permettra, la Commission européenne prévoit aussi d’envoyer une mission sur place, dans le cadre d’un mécanisme de surveillance du respect des droits fondamentaux par les autorités aux frontières lié à l’allocation de fonds européens.

Chavirage mortel au large de la Tunisie

Infomigrants.net, le 15.06.2020

Plus de 60 migrants, parmi lesquels une majorité de femmes originaires d’Afrique subsaharienne et trois enfants, ont péri dans le naufrage de leur embarcation clandestine partie de Sfax, sur la côte est de la Tunisie. Le capitaine de l’embarcation, un Tunisien de 48 ans, n’a pas non plus survécu.

Les migrants avaient pris la mer dans la nuit du 4 juin dernier, espérant rejoindre les côtes italiennes, selon des témoignages recueillis par les enquêteurs. Ce sont des pêcheurs qui ont lancé l’alerte auprès des autorités après avoir découvert des corps flottant au large des îles Kerkennah, près de Sfax.

L’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés indique que les départs clandestins depuis les côtes tunisiennes ont augmenté de 156% entre janvier et fin avril, comparé à la même période de l’année dernière.

Au printemps 2019, 86 migrants avaient péri au large des côtes tunisiennes, dans l’un des pires naufrages de son histoire. L’embarcation de fortune était partie de Libye à destination de l’Europe.

Oumalkaire / Voix d’Exils




Revue de presse #12

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe: vol direct Athènes-Suisse pour 23 jeunes requérants / Régularisation pour les sans-papiers en Italie / Le Covid-19, un écueil de plus pour traverser la Méditerranée

Mineurs non accompagnés accueillis en Suisse

Le Nouvelliste,16.05.2020

En réponse à l’appel de la Grèce, la Suisse a accueilli à la mi-mai des réfugiés mineurs non accompagnés (MNA) ayant des liens familiaux en Suisse.

Venant d’Athènes, 18 garçons et 5 filles, âgés de 10 à 17 ans, ont atterri à l’aéroport de Zurich. A l’exception de deux Congolais, tous sont d’origine afghane.

Ces jeunes doivent d’abord effectuer une quarantaine de 14 jours pour éviter tout risque de propagation du coronavirus. Ils seront ensuite transférés dans le Centre fédéral pour requérants d’asile le plus proche de la région où vit leurs familles.

L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR) salue ce geste, mais appelle la Suisse à renforcer son engagement en acceptant notamment d’accueillir d’autres jeunes sans famille.

Plus critiques, les organisations signataires de l’appel « Évacuer maintenant », signalent que la Suisse se contente de répondre à une obligation, dans la mesure où le rassemblement familial est inscrit dans les accords de Dublin qu’elle a ratifiés. Sauver 23 MNA n’est pas suffisant au vu de toutes les personnes en difficultés qu’il reste à sauver de la misère des camps grecs.

Faute de main-d’œuvre, l’Italie régularise les sans-papiers

Le Temps, 15.05.2020 

Afin de faire face à l’épidémie de coronavirus et pour répondre au manque de main-d’œuvre, le gouvernement italien a pris la décision d’accorder un permis de séjour temporaire à un nombre de clandestins compris entre 100’000 et 300’000 personnes.

Du 1er juin au 15 juillet, les employeurs pourront demander, contre paiement de 400 euros, la régularisation pour six mois d’un travailleur non déclaré. De leur côté, les clandestins pourront réclamer leur régularisation temporaire en déboursant 160 euros. Mais pour obtenir le précieux sésame, ils devront répondre à plusieurs conditions: notamment avoir travaillé avant l’échéance de leur permis de séjour au plus tard le 31 octobre 2019 et résider en Italie depuis le 8 mars, soit deux jours avant le début du confinement général italien.

Les secteurs concernés par cette mesure se limitent à l’agriculture, à l’élevage, à la pêche, à l’aide à la personne et au travail domestique.

Cette régularisation à durée déterminée ne fait pas l’unanimité. Roberto Saviano, l’écrivain spécialiste des mafias, s’oppose à ce qu’il considère comme une autre forme d’esclavage. Il dénonce les salaires bas, les conditions de travail et de vie inhumaines et des horaires sans limites.

La Méditerranée, voie de migration meurtrière

New.un.org, 08.05.2020

L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR) a exhorté les Européens à poursuivre les opérations de sauvetage en Méditerranée, et ce cela malgré la pandémie de Covid-19. Actuellement, les navires de recherche et de sauvetages humanitaires, qui patrouillent habituellement dans la zone centrale de la Méditerranée, sont empêchés de venir en aide aux migrants en détresse.

A mi-avril, une Mission de l’ONU a observé que 31 migrants et demandeurs d’asile qui voulaient accoster à Malte avaient été renvoyés en Libye sur un bateau privé maltais après avoir été interceptés dans les eaux maltaises. Une destination extrêmement dangereuse, sachant que les garde-côtes libyens placent les migrants dans des centres de détention arbitraires où ils sont confrontés à des conditions de vie innommables: torture et mauvais traitements, violences sexuelles, absence de soins, surpopulation…

Depuis le début de cette année, près de 20’000 migrants et réfugiés auraient néanmoins accosté en Europe malgré les dangers et les difficultés rencontrés. Selon les chiffres du HCR, la Grèce comptabiliserait plus de 9’000 arrivées, suivie par l’Espagne, avec 6’445 arrivées, puis par l’Italie, avec 3’767 arrivées et enfin par Malte, avec 1’209 arrivées. 179 migrants seraient morts en tentant la traversée.

Il faut rappeler que l’absence d’assistance et le refoulement par les ports européens des bateaux de migrants, fait de la Méditerranée centrale l’une des voies de migration les plus meurtrières du monde.

Oumalkaire / Voix d’Exils