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FLASH INFOS #145

Sous la loupe : La Croatie considérée comme fiable pour le renvoi de migrants, au grand dam des ONG / « Je vis dans un trou noir en Tunisie » / Près de 200 Rohingyas « déposés » en mer

 

Nos sources:

La Croatie considérée comme fiable pour le renvoi de migrants, au grand dam des ONG

RTS Info, le 01 avril 2023

 

«Je vis dans un trou noir». En Tunisie, un centre d’accueil de migrants transformé en véritable prison

Libération, le 29 mars 2023

 

Près de 200 Rohingya déposés en mer

La presse, le 27 mars 2023




Le silence est dangereux

Illustration: Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Libérer la parole pour s’émanciper de l’oppression

En opposition à de nombreux proverbes ou phrases bibliques qui invitent au silence, déclarant qu’il est sage de se taire, aujourd’hui nous devons clamer haut et fort que le silence est aussi dangereux!

Selon Clint Smith, professeur et écrivain américain, « le silence est le résultat de la peur et peut parfois être si nocif qu’il peut causer de graves problèmes sociaux tels que l’oppression, la discrimination, la violence et même les guerres. »

Combattre la peur seul nous mène à une défaite certaine mais, lorsque nous racontons notre peur à d’autres, cette peur s’estompe.

Pendant de nombreuses années, le silence a été utilisé comme une arme de soumission : au temps de l’esclavage, les esclaves devaient garder le silence face à l’humiliation et aux mauvais traitements de leur maître. Dire quelque chose, se plaindre ou ne pas se soumettre aux ordres du maître signifiait l’immédiate violence des coups de fouet et même la mort, non seulement pour celles et ceux qui osaient rompre le silence, mais aussi pour toute leur famille.

Dans le passé, les femmes ont été victimes de soumission : elles devaient se taire face aux abus de leur mari, de leurs parents, de leurs frères ; elles devaient se taire devant la société. On pourrait dire que le silence était l’allié de la peur, de la soumission et du manque de droits des femmes, jusqu’au jour où certaines d’entre elles, dont l’histoire a retenu les noms, ont décidé de briser ce silence et d’affronter leur peur. Elles ont alors commencé à écrire, parler, raconter ce qui se passait et à revendiquer les droits qui leur revenaient en tant que membres à part entière de la société.

Des peurs qui durent longtemps et qui finissent par être destructrices

Mais ne regardons pas seulement le passé : aujourd’hui encore, combien de femmes sont maltraitées et n’osent pas dénoncer leur agresseur, situations qui se terminent régulièrement par un féminicide ? Combien de filles et de garçons sont victimes d’abus sexuels commis par leurs proches, sans oser les dénoncer ? Combien d’enfants qui subissent du harcèlement à l’école n’osent pas dire ce qui leur arrive et finissent par se suicider ?

Les personnes qui demandent l’asile, elles aussi, souffrent du silence. Elles ont déjà essayé d’échapper à des traumatismes en fuyant leur pays et se retrouvent pourtant en dépression ou en clinique psychiatrique à cause de la pression et de nombreuses injustices, discriminations, abus d’autorité, racisme… provenance parfois des autorités d’asile qui les accueillent.

Un silence qui n’est plus que peur et totale soumission permet de perpétuer les abus et les mauvais traitements. Et à la fin, tous les abus cachés à la connaissance du public remplissent une boîte à secrets appelée « Silence » dans laquelle sont conservés les larmes, les cris, la rage et la souffrance.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.




FLASH INFOS #91

Photo: Jeanne Menjoulet / Flickr.com

Sous la loupe :  Manifestations lors de la « Journée internationale des migrants » / Un enfant d’un an traverse la Méditerranée / Tensions entre Washington et Mexico

Manifestations lors de la « Journée internationale des migrants »

infomigrants.net, le 18.12.2021

Samedi 18 décembre, une cinquantaine de manifestations étaient organisées dans plusieurs villes de France pour lancer une campagne antiraciste et solidaire dans le cadre de la Journée internationale des migrants. Des dizaines d’organisations, d’associations et de syndicats se sont réunies dans les cortèges.

Plusieurs groupés d’immigré·e·s sans-papiers ont également pris part à la mobilisation. Ils demandent notamment à ce que leurs emplois soient légalisés afin de pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles et de leurs résidences.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Un enfant d’un an traverse la Méditerranée

rfi, le 18.12.2021

Un bambin d’un an a traversé la mer Méditerranée sans être accompagné d’aucun membre de sa famille. Il a débarqué sain et sauf vendredi 17 décembre sur l’île sicilienne de Lampedusa.

L’enfant se trouvait sur une embarcation de 70 personnes à bord mais aucune des autres personnes exilées ne connait l’identité de l’enfant. Pour l’heure, le tribunal des mineurs d’Agrigente n’a pas encore statué sur le statut de l’enfant qui sera pris en charge par une éducatrice jusqu’au moment de la décision.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Tensions entre Washington et Mexico

Libération, le 11.12.2021

Un accident d’un camion transportant de nombreuses personnes exilées dans le sud du Mexique a fait 55 morts et 105 blessés vendredi dernier. Les victimes, majoritairement originaires du Guatemala, étaient entassées dans la remorque du camion qui s’est renversée sur l’autoroute. Depuis cet évènement, les tensions se sont ravivées entre les Etats-Unis et le Mexique, ce pays étant un lieu de passage clef pour l’exil des personnes migrantes d’Amérique centrale. L’administration mexicaine a notamment demandé à Washington de changer sa politique migratoire et de ne pas utiliser la situation géographique du Mexique comme moyen de retenir les demandeurs et demandeuses d’asile.

Rachid Boukhemis

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Rêves de prison

Robert Brinkley – pexels.com

Parfois plus vrais que le réel

Nous avons combattu jusqu’au bout mais le mal a gagné, une fois encore : j’ai été arrêté avec un ami, à la hâte et dans la nuit. On ne nous a même pas fourni un avocat.

Entre rêve et réalité

Le juge nous a présenté les papiers sur lesquels figurait un mandat d’arrêt et a dit :

« Vous êtes arrêtés! »

Puis il a fixé un point inconnu de ses yeux rouges et fatigués, en haussant les épaules. Il a ensuite pointé son index vers le plafond et a poursuivi :

« La décision à votre sujet est la suivante… »

Cela n’a pris que quelques minutes ; dans un stress sans fin, je pensais: comment le mal peut-il gagner aussi facilement?

Bien sûr, il n’est pas facile de trouver la réponse à cette question rude et ancienne qui bat sans interruption dans mon cerveau. Mais, soudain, je me suis souvenu de quelque chose de complètement différent: j’avais déjà vu cette pièce, ce juge, ce groupe de prisonniers en civil. Cette histoire m’était déjà arrivée il y a bien longtemps, de la même manière, dans ses moindres détails…

Mais quand? Il y a combien d’années, de siècles?

Je pensais : peut-être que tout cela n’est pas vrai? C’est peut-être un cauchemar?

Qu’est-ce qui est plus vrai: le sommeil ou la vie?

J’ai dormi pendant mes trois premiers jours et trois premières nuits en prison. Je me réveillais seulement quand les geôliers faisaient leur ronde de surveillance.

***

Il neige. Le monde ressemble à une immense ruelle, blanche de tous les côtés. Je suis seul. J’avance dans cette ruelle solitaire et enneigée…

Ceci est mon premier rêve en prison. J’ai fait ce même rêve à plusieurs reprises durant ma détention. Ce qui est étrange, c’est que je l’ai fait encore à plusieurs reprises après ma libération. La dernière fois, c’était ici, en Suisse, et, ce jour-là, j’ai décidé d’écrire ce texte.

***

Je me réveille subitement. Je vois ma mère dans ma cellule de prison. Elle est assise à mon chevet et caresse mes cheveux.

« Comment es-tu arrivée ici? » – dis-je, bouleversé.

Ma mère, au lieu de me répondre, pose à son tour une question :

« Pourquoi es-tu si maigre mon enfant ? Il fait trop froid ici », et ses yeux se remplissent de larmes.

« Va-t’en ! Il fait assez chaud ici. Ne t’inquiète pas, ils nous donnent de la bonne nourriture. »

« Non, je ne peux pas te laisser seul ici. »

« S’il te plait, Maman, quitte cet endroit au plus vite, les geôliers pourraient te surprendre. » – je la saisis par le bras et la force à sortir.

Quand j’ai été libéré, j’ai appris qu’au moment où j’ai fait ce rêve, la tension artérielle de ma mère, malade depuis longtemps, s’était brutalement élevée et qu’elle avait même failli en mourir.

***

Une salle de spectacle vide. Il n’y a personne, sauf le président azerbaidjanais, Ilham Aliyev, son épouse, Mehriban Aliyeva, et moi.

Avec colère et étonnement, je regarde le président assis à côté de moi. Il fait semblant de ne pas me voir, fixant la scène vide de ses yeux froids. Puis il commence à suivre un spectacle invisible sur la scène toujours vide. La première dame, elle, a cassé le talon d’une de ses chaussures et reste occupée uniquement par ce petit désagrément.

À différents moments, j’ai vu en rêve les dirigeants des États-Unis, de la Russie, du Turkménistan, de la France, de l’Iran et de l’Allemagne. Mais Ilham Aliyev est revenu plusieurs fois dans mes rêves.

***

C’est une immense place avec beaucoup de monde. Quelqu’un m’appelle, je me retourne : le mari de ma tante, accompagné de son gendre, se tient devant moi.

« Allons manger et boire », propose-t-il.

Et nous avons mangé et bu quelque part.

« Pourquoi êtes-vous ici? » ai-je demandé.

« Nous ne nous sommes pas rencontrés depuis longtemps. Nous avons un travail important à faire et devons y aller de toute urgence. Nous avons voulu venir te voir avant de partir ». Le mari de ma tante a levé son verre de vin.

Je me suis réveillé au tintement de nos verres qui s’entrechoquaient.

Après ma libération, j’ai appris que le mari de ma tante et son gendre étaient morts durant ce même mois.

***                                    

Peut-être que certains ne le croient pas. Mais j’ai vu en rêve et su à combien d’années je serai condamné, dans quelles conditions je serai libéré et bien d’autres choses encore. Aujourd’hui, je continue à faire des rêves au sujet de mon avenir ou sur des œuvres à écrire.

C’est un fait incontestable: les gens peuvent être arrêtés, mais il est impossible d’arrêter leurs pensées et leurs rêves.

Qu’est-ce que la liberté? Est-elle peut-être, tout simplement, l’un de nos rêves les plus anciens?

Samir Murad

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils