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Où est notre maison ?

Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils

L’exil comme recherche d’un chez-soi

Des milliers de personnes désespérées face aux destructions causées par la guerre sont obligées de quitter leur terre, leurs souvenirs et de laisser toute leur vie derrière elles.

Quand on voit tant de personnes abandonner leurs souvenirs d’enfance aux quatre coins de leur Terre ou laisser derrière elles leurs premiers amours et amis, on ne peut s’empêcher de se demander où elles vont pouvoir trouver leur nouvelle maison.

Avant de trouver une réponse à cette question, nous devons nous en poser une autre : qu’est-ce qu’une maison pour nous ?

Est-ce que un endroit avec des murs, des rideaux ou des meubles est une maison? Que signifient pour nous les quatre murs dans lesquels nous inscrivons nos joies et nos peines? Ou faut-il plutôt dire que nos maisons sont notre zone protégée, le lieu où nous nous sentons en sécurité et à l’aise, et que nous considérons comme un refuge pour nous reposer lorsque nous sommes fatigués ?

Au cœur de la vie en exil, chaque question porte un sens profond, parce que l’exil est un état de recherche d’un « chez-soi ».

Une cassure spirituelle

Là où elles arrivent, ces milliers de personnes qui ont quitté leur foyer et leur pays pour différentes raisons, et laissé derrière elles les périodes les plus importantes de leur vie, essaient de se construire une nouvelle vie. Cette grande lutte conduit à un profond fossé spirituel entre leurs deux vies.

Cette cassure spirituelle amène de grands traumatismes. Les exilé.e.s doivent parcourir des chemins difficiles, surmonter les traumatismes de la guerre, de la destruction et de la persécution et trouver la force de prendre un nouveau départ.

Arrivé.e.s dans un nouveau lieu, ils et elles pensent tout d’abord que les difficultés sont dépassées et qu’une nouvelle vie va pouvoir commencer. Mais, avec le temps, il devient de plus en plus clair que la vérité ne ressemble pas à ça. C’est à ce moment-là que commencent des défis différents et plus complexes.

Lorsque les personnes exilées ont surmonté, d’une manière ou d’une autre, les obstacles majeurs et qu’elles arrivent dans un pays où elles se sentent en sécurité, la plus grande difficulté qui les attend est le processus d’obtention d’un permis de séjour. Dans ce processus, elles sont confrontées à une société différente, à une langue étrangère et ont du mal à satisfaire même leurs besoins de base. Elles doivent lutter contre des difficultés économiques tout en affrontant une grande solitude. Durant cette période, elles ne peuvent pas créer leur propre équilibre émotionnel et se sentent toujours comme si elles étaient dans le vide.

La maison symbolique

L’une des personnes qui s’est exprimée avec le plus de force sur cette question est le réalisateur grec Theo Angelopoulos, qui a souvent mis en scène dans ses films des travailleurs, des immigrés, des exilés et des frontaliers. Il a évoqué le concept de maison pour les personnes migrantes dans une interview : « Les héros sont à la recherche de la maison symbolique dans leur tête. Je me concentre sur le concept de chez-soi car les gens ont constamment besoin de voyager. Ils pensent qu’en se déplaçant, ils atteindront le concept de chez-soi dans leur esprit, même pour un instant. Ce qu’ils recherchent, c’est un lieu où s’établissent des équilibres entre eux et le monde. Cet équilibre est assez difficile à atteindre… de plus, il est très rare… » et il ajoute : « Personnellement, je n’ai pas trouvé ma maison, c’est-à-dire l’endroit où je peux vivre en harmonie avec moi-même et avec le monde ».

Ainsi, pour le célèbre réalisateur, le domicile d’une personne est le lieu où s’établit un équilibre émotionnel entre la vie et la survie. Il me semble que c’est la définition la plus juste du « chez soi ». En même temps, cela nous a fait réaliser une fois de plus combien il est difficile de trouver notre « maison », c’est-à-dire de trouver cet équilibre entre nous et le monde en raison de la fragmentation émotionnelle provoquée par la migration. Mais, bien sûr, le désir de chercher son chez-soi et l’effort pour le retrouver continuent de nous animer. Ce désir et cet effort sont très précieux pour nous les personnes migrantes.

Esra Sheherli

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Revue de presse #10

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : Aider les plus vulnérables / L’Afrique peu touchée par le Covid-19 / Soutenir l’éducation des jeunes migrants

Le Covid-19 accentue les inégalités

Centre catholique des médias Cath-Info, 24.04.2020

La communauté Sant’Egidio de Lausanne a lancé de nombreuses initiatives pour venir en aide aux personnes les plus durement touchées par la pandémie, parmi lesquelles, les personnes âgées, les handicapés, les migrants et les requérants d’asile déboutés. Pour marquer son soutien à ces derniers, la présidente de la communauté s’est rendue au foyer de Vennes de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) au début du ramadan. Elle y a distribué des paquets contenant du lait, des dattes et des jus de fruit. Cette initiative a été tout particulièrement appréciée par les nombreux musulmans qui vivent dans le foyer.

Sant’Egidio aide également depuis des années de nombreuses familles Roms originaires de Roumanie. Depuis l’interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud à fin 2018, la situation des Roms s’est détériorée, surtout pour les familles avec de jeunes enfants. Séjournant en Suisse sans permis de séjour, les Roms réussissaient tant bien que mal à trouver du travail, notamment sur appel. Mais en ces temps de pandémie il n’y a plus de rien à faire. Et plus d’argent à gagner. C’est pourquoi, depuis le début du confinement, Sant’Egidio a distribué à la population Rom des bons Migros ou Coop et fourni des ordinateurs aux enfants pour qu’ils puissent rester connectés avec leurs enseignants.

«Nous n’abandonnons personne», tel est le leitmotiv de cette communauté qui fait vivre la solidarité et invite toute personne intéressée à faire partie de son réseau. (voir: info@santegidio.ch ou 079 627 36 56)

 

Contre toute attente, l’Afrique résiste au coronavirus

Jeune Afrique, 03.05.2020

La catastrophe sanitaire annoncée n’a pas eu lieu sur le continent africain. Contre toute attente, le Covid-19 y progresse plus lentement qu’en Asie, en Europe et aux Amériques. L’Afrique, qui représente 17 % de la population du globe, n’héberge en effet que 1,1 % des malades et compte 0,7 % des morts. Mieux : avec plus de 12 000 guérisons, elle résiste étonnamment bien aux assauts de la pandémie. Face à ce mystère non encore résolu, les scientifiques s’interrogent : est-ce dû au fait que la maladie est arrivée plus tard sur le continent ? Et en ce cas, faut-il s’attendre à un pic en septembre ? Ou alors, serait-ce le climat chaud qui fait barrage ? Et c’était un effet de la jeunesse de la population africaine ? Les médecins confirment que la majorité des cas sévères concerne des personnes de plus de 60 ans, ce qui serait une chance pour le continent, où l’âge médian est de 19,4 ans et où 60 % de la population a moins de 25 ans. Dans les pays de l’Afrique anglophone, on en a même fait un slogan : « The virus is old and cold and Africa is young and hot » (Trad. « Le virus est vieux et froid et l’Afrique est jeune et chaude »).

A noter que le trafic aérien, vecteur majeur de la propagation du virus est peu développé sur l’ensemble du continent. Ce n’est donc pas un hasard si l’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Algérie, soit les trois pays qui ont le plus de liens avec la Chine sont également les plus touchés.

 

Accès à l’éducation et égalité des chances

cath.ch 29.04.2020

Préoccupés par le décrochage scolaire des jeunes, des syndicats et des organismes de soutien aux migrants ont adressé le 27 avril une lettre ouverte. aux autorités cantonales de Suisse.

Selon les signataires, l’organisation mise en place en cette période de pandémie pour que les enfants puissent effectuer les travaux scolaires à domicile laisse trop souvent sur la touche ceux qui ont le plus besoin de soutien, à savoir les jeunes migrants. Ceux qui ne peuvent pas être soutenus par leurs parents, ceux dont l’équipement informatique n’est pas adéquat et ceux qui ne maîtrisent pas suffisamment une langue nationale ont besoin d’un soutien supplémentaires. Faute de quoi, leurs chances de progresser dans leur scolarité et leur apprentissage sont gravement compromises.

Pour que le droit à l’apprentissage soit respecté, les signataires préconisent une série de mesures à mettre en œuvre dans le cadre de l’instruction publique :

  • Fixer les tâches et les devoirs à faire dans un langage simple et d’une manière très structurée.
  • Communiquer avec les parents de langue étrangère avec l’aide d’interprètes interculturels.
  • Traduire dans les langues les plus importantes les conseils pour l’enseignement à domicile.
  • Suivre avec une attention particulière la situation des élèves de l’école obligatoire vivant dans les centres d’asile.
  • Intervenir lorsque la protection de la santé des enfants et des jeunes dans les centres n’est pas garantie. Par exemple, en cas d’absence de mesures d’hygiène, d’impossibilité de respecter la distance physique, de manque de soins médicaux, d’espace insuffisant pour la quarantaine.
  • Veiller à ce que les jeunes migrants souffrant de traumatismes dus à leur parcours de vie reçoivent un soutien social et psychologique.
  • Veiller à ce que les inégalités existantes ne s’aggravent pas au niveau de l’enseignement secondaire et supérieur.
  • Rendre accessibles à tous les étudiants les solutions proposées pour l’enseignement à distance ou à domicile. Si nécessaire, fournir le matériel adéquat, notamment un accès à internet suffisant qu’on ne trouve pas toujours dans les centres d’asile.

Rédaction vaudoise / Voix d’Exils