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Ce soir c’est « Newroz » : la fête de l’an des Kurdes

"Newroz" Galerie de Isa Fakir (CC BY-NC-ND 2.0)

La fête de « Newroz »
Galerie de Isa Fakir
(CC BY-NC-ND 2.0)

Durant la nuit du 20 au 21 mars, certains peuples du Moyen-Orient célèbrent la fête traditionnelle et même nationale de Newroz. Aujourd’hui, à travers le blog Voix d’Exils, j’aimerais partager avec vous l’origine de cette fête du point de vue kurde.

Les Kurdes célèbrent Newroz comme le jour de l’an selon le calendrier kurde. Ce, depuis 612 avant Jésus-Christ et le jour de l’équinoxe de printemps. Newroz est un terme d’origine avestique et un mot qui se compose de deux syllabes (nava et rezanh) et qui signifie : nouveau jour au sens de « nouvelle lumière du jour ». En langue persane et kurde, il a le même sens, mais il est décliné différemment selon les dialectes: Newroz, Nuroj et Newroc.

Le mythe de Newroz et son symbole actuel

Suivant la variante kurde, l’histoire de Newroz a commencé en Mésopotamie (correspondant actuellement en grande partie à l’Irak), au pied des montagnes de Zagros. Il y avait un grand château en pierres qui comptait de nombreuses tours et de hauts remparts. Ce château était gouverné par un tyran cruel appelé Dehak. Il avait deux serpents sur ses épaules, et quand ces derniers avaient faim, le tyran souffrait horriblement d’une douleur très aigüe. Des médecins prescrirent au tyran de nourrir ses serpents avec les cerveaux des jeunes gens. C’est pour cela que tous les jours, le bourreau de Dehak exigeait deux jeunes gens en guise de sacrifice pour les serpents.

Dans un village, à côté du château, se trouvait un forgeron – nommé Kawa – qui avait sacrifié 16 de ses 17 enfants. Quand le moment fut venu pour sa dernière fille d’être sacrifiée, son père, qui l’aimait très fort, fut très attristé et envoya au roi, à la place du cerveau de sa fille, celui d’un mouton mort. Le roi ne s’aperçu de rien. Puis, Kawa réfugia sa fille dans les montagnes.
Les autres habitants comprirent alors qu’ils pouvaient tromper le tyran. C’est alors qu’à chaque fois que le roi demandait un nouveau sacrifice, les gens faisaient la même chose que Kawa. Petit à petit, le nombre des jeunes gens sauvés augmenta dans les montagnes de Zagros, jusqu’à ce qu’ils soient réunis pour former une grande armée. Kawa prit alors la tête de cette armée, attaqua le château, et Kawa tua le roi Dehak. Ensuite, ils montèrent sur les hautes montagnes et allumèrent des feux pour avertir les habitants des villages voisins que le roi avait été tué. Ceci advint un 20 mars et, le lendemain, le peuple célébra son premier jour de liberté. Depuis cette date-là, Newroz devint alors un symbole important et un jour sacré pour les Kurdes qui le considèrent aujourd’hui, non seulement comme le nouvel an Kurde, mais aussi comme un symbole de la révolution contre la répression, la négation de l’interdit, et l’affirmation de la paix, de l’amitié, de la solidarité entre les peuples.

Les rituels et traditions de Newroz au Kurdistan et en Europe

Chaque année, durant la nuit du 20 au 21 mars, les Kurdes allument des feux sur les sommets des montagnes en mémoire du jour

de la victoire de Kawa sur le roi Dehak. Dans les grandes villes, les jeunes marchent dans les rues en portant des torches et des bougies,  en se félicitant de l’arrivée de la fête. Le lendemain, ils sortent dans la nature avec des vêtements folkloriques colorés (rouge, jaune, vert), ils allument un feu autour duquel ils dansent et sur lequel ils sautent en chantant durant toute la journée.

Rappelons que le Kurdistan se situe à la jonction de quatre pays : la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran. Chacun de ces pays tolère différemment les festivités de Newroz.

En Turquie: depuis la création de la République turque en 1923, les festivités de Newroz ont été officiellement interdites. Mais, durant ces dix dernières années, suite à l’insistance des Kurdes, le gouvernement turc a été obligé de les laisser célébrer la fête.

En Irak: les Kurdes considèrent cet événement comme la fête nationale et ils ont 4 jours fériés

En Syrie: le 21 mars est aussi un jour férié pour la fête des mères. Mais la fête de Newroz est toujours interdite.

En Iran: les Kurdes ont la permission de fêter le Newroz comme le jour de l’an persan et non comme une fête kurde.

En Europe, les Kurdes célèbrent le Newroz dans des salles fermées. Symboliquement, ils allument des feux d’artifices à l’extérieur.

Mon souhait est que le Newroz devienne une fête officielle dans l’ensemble des quatre pays du Kurdistan.

Joyeux Newroz à toutes et à tous !

J.A.

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Regard d’un kurde Syrien sur son pays

Le Tunisien Bouazizi a allumé l’arc-en-ciel qui a coloré le ciel arabe d’est en ouest. Suite à l’immolation de Bouazizi, alors que les premiers éclats de révolte crépitaient en Tunisie, les dirigeants des autres pays arabes se croyaient encore à l’abri. Mais l’inondation a dépassé les prédictions et les ondes de la liberté se sont propagées pour faire tomber tous les dictateurs.

Un organisateur inattendu a surgi : Facebook. D’une part, Facebook a ouvert un grand champ de bataille médiatique aux personnes favorables au pouvoir en place qui ont accusé l’Ouest de vouloir se mêler des affaires internes des pays arabes. D’autre part, Facebook a offert aux manifestants un champ médiatique pour pouvoir communiquer leurs idées et leurs projets, créant ainsi une vraie organisation révolutionnaire. Pour rappel, à chaque fois, ces révolutions étaient spontanées.

Regard en arrière

En Syrie, deux manifestations ont avorté sous la violence du régime. La première a eu lieu en 2002, elle était organisée par les Kurdes devant le Parlement. la deuxième, en 2003, mettait en scène les enfants Kurdes qui revendiquaient le droit à la nationalité. Il faut savoir que les Kurdes ont perdu leur nationalité lorsqu’ils ont déposé, sur demande du gouvernement syrien, leurs documents d’identité.

En 2004 encore, les Kurdes ont manifesté pacifiquement leur mécontentement dans le nord du pays, lors d’un match de football, au Qameshli. Plusieurs Kurdes ont été violentés par la police pendant le match et ont été tués. Les manifestations ont gagné tout le nord du pays mais, rapidement, le régime a fait taire les Kurdes en déployant son armée et sa propagande pour susciter la haine entre les Kurdes et les Arabes. Le régime de Bashar Al-Assad voulait diviser le peuple, monter les gens les uns contre les autres pour qu’aucune opposition réelle ne puisse s’organiser.

L’histoire se répète

Depuis février 2011, bien que le régime en place était convaincu que le printemps arabe n’arriverait pas en Syrie, bien que beaucoup d’observateurs pensaient que la conscience politique des citoyens syriens n’était pas assez mûre pour que la révolution s’étendent, le peuple syrien s’est levé, et les manifestations se sont étendues du sud au nord.

Dès le début des manifestations, le gouvernement s’est montré mesuré dans ses déclarations, mais sa réponse a été d’une violence extrême. Selon une estimation, il y aurait plus de 10 000 morts et plus de 50’000 détenus, ainsi que plusieurs milliers de disparus, sans compter toute une population qui souffre et sans oublier les personnalités syriennes qui s’opposent au système politique et qui sont brutalisées par les milices d’Al-Assad. Certaines personnes, comme c’est le cas de M. Tammo (qui était le chef d’un parti Kurde) ont même été éliminées.

Le plan du régime

Que fait le régime actuellement? Il régionalise les mouvements, divise les manifestants par ethnies, religions et croyances. Il attise la haine entre les personnes en utilisant tous les moyens à disposition pour créer des conflits entre les communautés. Il prêche que la sécurité de certains groupes est menacée par cette révolution et il prétend aussi que cette révolution est liée aux mouvements salafistes.

Pour confirmer sa théorie, le régime attaque les manifestants dans certaines villes, comme à Deraa, où a commencé la révolution, menée par des enfants ; ou à Homs qui, avec ses diverses ethnies chiites, sunnites, alaouites et chrétiennes, est devenue la capitale de la révolution. Et aussi d’autres villes phares qui se sont révoltées et ont franchi la ligne rouge de la peur, comme à Hama, Idlib, Banyass, Deir ez zorr.

Entretemps, le régime évite d’ouvrir un front contre les Kurdes, sachant qu’il sera perdant. Il se contente de faire des arrestations par-ci par-là et de faire disparaître les victimes dans les cachots de « la République ».

Mais les autorités syriennes ne peuvent pas empêcher la population de déclencher des manifestations dans tout le pays. Actuellement, l’optimisme n’est pas de mise car l’assassinat et la torture sont le quotidien du régime. Si un homme rentre chez lui sain et sauf après une manifestation, on peut le considérer comme un miraculé. Les stades et les écoles sont transformés en camps de détention. Les citoyens se couchent et se réveillent avec la mort, toujours la mort : dans les médias, dans les familles, dans l’air… la mort est partout ! En Syrie, ce n’est pas le 21ème siècle, c’est le retour à l’Âge de pierre, sauf qu’aujourd’hui les combats se font aux lance-roquettes !

La situation humanitaire se dégrade toujours plus et devient précaire. L’État abuse de sa force et envahit les hôpitaux et les services d’urgence afin de tuer les blessés, pensant effacer ainsi les traces de sa répression cruelle et assassine.

Il y a une grave pénurie de produits de premières nécessités, tels que des médicaments pour soigner les blessés, du lait pour les enfants et les bébés, du mazout et du gaz. A cela s’ajoutent les coupures de courant pendant de longues périodes, l’augmentation du prix des denrées alimentaires de première nécessité et les difficultés de déplacements.

Les Syriens aspirent à la liberté, au changement, au besoin d’aller de l’avant. Le peuple est prêt à mourir pour parvenir à réaliser son rêve, car il n’y a aucun sens de continuer à vivre dans ces conditions !

Juan ALA

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Les femmes kurdes ont marché pour la liberté et la paix au Kurdistan

Photo: Oruc GUNES

Répondant à l’appel du Mouvement des femmes kurdes d’Europe (AKKH), plus de 700 Kurdes – en majorité des femmes – ont manifesté du 7 au 9 décembre 2011, à Genève, pour demander la libération du leader du peuple kurde Abdullah Ocalan, et pour exiger que cesse le « génocide politique » des politiciens kurdes.

Les manifestantes se sont rassemblées sur la Place Neuve avant de marcher jusqu’au Palais des Nations Unies où elles ont tenu un sit-in pendant trois jours. D’une même voix, elles ont demandé la nomination d’un rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies pour soutenir le leader kurde Abdullah Ocalan qui est tenu à l’isolement depuis le 27 juillet dernier sur une île turque. Elles ont aussi plaidé pour la fin de la guerre entre l’Etat turc et la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Pour finir, elles ont réclamé la création d’un comité international chargé de résoudre la question kurde et de défendre le droit des peuples à l’autodétermination.

Quelques jours avant la manifestation, les femmes kurdes ont fait circuler un tract de l’AKKH dans lequel elles s’insurgent contre la politique du gouvernement turc. Extraits :

« La violence mise en œuvre par le gouvernement turc contre les Kurdes a atteint des proportions sociales et

Photo: Oruc GUNES

politiques inacceptables. Le parti au pouvoir, l’AKP, arrête tous ceux qui osent parler. Le nombre de Kurdes aujourd’hui emprisonnés a atteint les 7700. Dernièrement, la surenchère de cette politique de mise sous silence a fini par atteindre des intellectuels turcs qui se prononçaient pour une résolution pacifique de la question kurde, à l’instar de la professeure Busra Ersanli  et de l’écrivain Ragip Zarakolu . Le cercle des arrestations poursuit son élargissement et a atteint aujourd’hui les avocats.

La guerre menée contre les Kurdes se concrétise par l’isolement d’Abdullah Ocalan. 42 des avocats du leader kurde ont été arrêtés sous prétexte qu’ils donnaient au KCK (l’Union of Communities in Kurdistan)  des informations le concernant. Pourtant, le 29 novembre, lors d’une de ses allocutions, le Président du KCK, Murat Karayilan, a annoncé qu’une délégation de l’Etat turc leur a remis en mains propres plus de 10 courriers rédigés par Abdullah Ocalan lui-même».

Photo: Oruc GUNES

Après la marche, Nursel Aydogan, députée au  Parlement turc et membre du Parti de la Démocratie et de la Paix (BDP), a parlé aux manifestants de la politique de l’AKP. «Le gouvernement de l’AKP ne veut pas voir notre parti siéger dans le gouvernement  parce que nous parlons de liberté, de démocratie, et que l’AKP ne sait pas ce que veut dire l’égalité. Par contre l’AKP sait très bien arrêter des professeurs, des écrivains, des étudiants et des avocats. Regardez la professeure Busra Ersanli, l’écrivain Ragip Zarakoglu et des avocats d’Abdullah Ocalan, ils ont tous été arrêtés. Nous ne voulons que continuer notre combat pour la liberté du peuple kurde.». Nursel Aysogan a affirmé que les militaires turcs utilisent des armes chimiques  pour attaquer les guérillas kurdes mais que le gouvernement turc reste silencieux sur cette question.

Ensuite, le conseiller national socialiste Carlo Sommaruga a pris la parole : «Nous constatons que l’Etat turc ferme toutes les voies de la démocratie pour les politiciens kurdes.  Nous allons faire pression sur l’Etat turc pour qu’il reconnaisse les droits de la démocratie. »

Fabienne Bugnon, ex-présidente des Verts genevois  et conseillère nationale ainsi que Baran Serhat, délégué du MLKP Turquie/ Nord  Kurdistan, ont aussi pris la parole pour mentionner l’importance de la solidarité.

Après les discours, des femmes kurdes sont montées sur scène et ont chanté la liberté.

Oruc GUNES

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils