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Annulation des JO de Tokyo 2020

Tomasz Wozniak. Unspash.com.

Le rêve brisé de l’équipe africaine des athlètes réfugiés

Ce 23 juillet 2020, ils auraient dû défiler lors la cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo sous la bannière de l’Equipe olympique des athlètes réfugiés. Après des années d’entraînements intensifs sur les pistes en terre du Kenya, ils rêvaient de courir sur les tartans nippons, au côté des stars mondiales de leur discipline. Sauf qu’un petit virus en aura décidé autrement. Le documentaire « Run » (Courir), produit par la marque suisse « On Running », sponsor de l’équipe, nous invite à suivre les péripéties de ces sportifs amateurs de haut niveau, sans patrie mais bourrés de talents.

Pendant trois ans de circuit international, de 2017 à 2020, les caméras du documentaire « Run » vont suivre le quotidien de 31 athlètes peu ordinaires originaires du Congo, d’Éthiopie, de Somalie et du Sud Soudan. Des hommes et des femmes que les conflits, la famine, une prise de position politique dérangeante ont chassés de leur ville ou village. Après bien des pérégrinations, ils ont tous trouvé refuge seuls ou en famille au Kenya, dans le Kakuma Refugiee Camp de la Croix Rouge internationale.

Dans ce camp immense qui accueille 196’000 personnes en exil, on fait connaissance avec la Kenyane Tegla Loroupe, première athlète africaine à avoir gagné le marathon de New York en 1994 et détentrice de plusieurs records du monde de course à pied. Cette femme énergique et généreuse que tous appellent «Maman», est chargée d’organiser des compétitions à l’interne pour recruter les futurs champions.
Les 27 hommes et 3 femmes sélectionnés auront le privilège d’intégrer l’Equipe olympique des athlètes réfugiés (ART) et vont rejoindre le camp d’entraînement de la Fondation Tegla pour la paix, situé près de Nairobi, à l’autre bout du pays. Simples amateurs éclairés en matière de course à pied, ils vont progresser à un rythme soutenu sur les pistes en terre des hauts plateaux kenyans. Ambitieux, motivés, ils vont tout donner pour pouvoir rivaliser avec la crème des athlètes internationaux et participer aux JO de Tokyo 2020 sous la bannière de l’ART.
«Entraînement, discipline et détermination», résume l’un d’entre eux. Et simplicité dans le mode de vie car, contrairement à la majorité des sportifs de très haut niveau qui s’entraînent dans les pays riches, les coureurs de l’ART vivent dans une grande simplicité et doivent aussi prendre en charge les tâches du quotidien. Ils font leur lessive, nourrissent les poules qui picorent dans le camp, traient les vaches, et préparent le feu pour cuire des galettes.

A des milliers de kilomètres de leurs proches restés au Kakuma Refugiee Camp, et qu’ils ne reverront pas pendant une année, ils s’organisent une vie communautaire en mode «frères et sœurs».

Découvrir le monde grâce au sport

En 2017, les coureurs quittent l’Afrique pour leur première grande compétition: les championnats du monde d’athlétisme qui se tiennent à Londres. Suivront une série de compétitions internationales de qualification qui, après l’Europe, les mènera au Moyen-Orient et en Chine. Pour les athlètes qui travaillent d’arrache-pied pour progresser dans leur discipline, ces voyages sont aussi l’occasion de découvrir le vaste monde et de s’initier à des cultures très différentes de la leur. On les voit se prendre en photo avec un petit anglais admiratif, imiter hilares Usain Bolt faisant l’éclair, goûter à la gastronomie japonaise avec des baguettes, ouvrir des yeux ronds en découvrant le centre de Yokohama avec ses gratte-ciel, sa foule compacte et ses publicités géantes.

En trois ans de circuit international, les expériences de vie et les événements sportifs s’enchaînent et tout va pour le mieux; même si en Angleterre, en Allemagne et en Suisse, des athlètes profitent de l’occasion pour prendre la clé des champs. C’est donc une équipe réduite à 25 coureurs qui s’apprête, six mois avant les JO de Tokyo, à prendre l’avion pour s’entraîner au Quatar. Cette ultime étape doit permettre au Comité International Olympique (le CIO) de sélectionner les coureurs les plus rapides qui feront le voyage de Tokyo. Sauf que, un jour avant le départ, la dispersion mondiale d’un petit virus très virulent viendra fracasser le beau rêve de gloire et de médailles.

Après des années d’entraînements intenses dans des conditions matérielles et psychologiques éprouvantes, cette annulation va semer la désolation. Mais les coureurs de l’ART vont rapidement prendre le dessus et se tourner vers un possible report des JO en été 2021. Ils répondront bien sûr présents, car pour ces athlètes d’exception «rien n’est impossible», comme le souligne l’une d’entre eux.

Réalisation : Richard Bullock / On Running
Durée : 83 minutes
Langues : anglais sous titré anglais.
https://www.outside.fr/film-run-dans-les-coulisses-de-lequipe-olympique-des-refugies/

La Rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Tokyo 2020 à la suite de Brésil 2016

La première équipe olympique des réfugiés a été créée par le CIO en 2015 en vue des JO du Brésil 2016. Lors du défilé de la cérémonie d’ouverture, deux nageurs, deux judokas, un marathonien et cinq coureurs de demi-fond, originaires d’Éthiopie, du Soudan du Sud, de Syrie et de la République démocratique du Congo sont devenus, le temps des jeux, les représentants des quelque 70 millions de réfugiés et de personnes déplacées à travers le monde.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, avait salué ces ambassadeurs mondiaux des valeurs de l’olympisme : « L’équipe de Rio a séduit l’imagination du monde entier et a montré, à travers le sport, le côté humain de la crise mondiale des réfugiés. »

Les raisons pour lesquelles le CIO avait initialement créé une équipe olympique des réfugiés étant malheureusement toujours d’actualité en 2017, le Comité olympique avait décidé de constituer une seconde équipe pour les JO de Tokyo 2020.

 

 

 




Revue de presse #18

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : La France se décharge sur les associations de la prise en charge des migrants mineurs / En Allemagne, le regroupement familial des Érythréens tient du parcours d’obstacles / Nombre record de tentatives de traversées de la Manche

Migrants mineurs en difficulté Paris

Ouest-France, le 30.06.2020

Dans un square, à une centaine de mètres de la prestigieuse place parisienne de la République, 75 mineurs non accompagnés (MNA), tous masqués, se sont installés dans des tentes individuelles avec l’aide d’associations telles qu’Utopia56, Médecins sans Frontières et Comede. A l’heure actuelle, les jeunes peuvent uniquement compter sur l’aide des associations pour être hébergés, nourris et soignés.

C’est pourquoi, les associations exigent une prise en charge des MNA par l’État et les collectivités. Elles militent également pour que les jeunes qui deviennent majeurs en cours de procédure d’asile continuent d’être considérés comme mineurs et bénéficient ainsi du statut d’enfants en danger, le temps de recevoir le jugement définitif.

Utopia56 avait déjà mis en place, à fin mai, un campement d’une cinquantaine de tentes occupées par des familles, sur les quais du bassin de la Villette, pour demander à l’État de prendre en charge ces migrants. L’association, qui a assuré, durant le confinement, des hébergements dans plusieurs lieux comme des paroisses, affirme ne plus pouvoir prendre en charge ces personnes, notamment parce que certains locaux ne sont plus disponibles depuis la réouverture des lieux de culte.

 

Regroupement familial, pour les Erythréens d’Allemagne

Infomigrants.net, le 26.06.2020

Dans le cadre de la loi sur le regroupement familial, dès qu’un migrant obtient le statut de réfugié, il est autorisé à faire venir son partenaire, tout comme ses enfants de moins de 18 ans. Mais, pour les Érythréens vivant en Allemagne, qui représentent le plus grand groupe de réfugiés africains dans le pays, les obstacles restent nombreux.

En 2019, les ambassades allemandes en Éthiopie, au Soudan et au Kenya ont reçu près de 1’650 demandes de visa de la part de familles érythréennes souhaitant être réunies. Seulement 48% d’entre elles auraient été acceptées car les agents consulaires soupçonnent les certificats de mariage délivrés par les églises érythréennes d’être des faux.

Selon les chiffres de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR), plus de 507’000 Érythréens ont fui leur pays, soit un peu moins de 10 % de la population totale.

Un rapport de l’association Human Rights Watch, de 2020, explique que «quitter le pays sans permission est illégal et les individus qui tentent de fuir risquent d’être abattus par balle, tués ou arrêtés.» Le contrôle de l’État érythréen s’opère aussi à l’étranger. C’est pourquoi les réfugiés préfèrent ne pas approcher leurs services consulaires, par peur de représailles contre leurs familles restées au pays.

 

Le nombre de sauvetages de migrants sur la Manche bat des records

160 migrants traversent la Manche en une seule journée

Infomigrants.net, le 04.06.2020

La police anglaise a interpellé dans la Manche huit embarcations transportant un total de 166 migrants en provenance de la France pour la seule journée du 3 juin.

Les 166 migrants ont été emmenés au port anglais de Douvres où ils ont subi un examen médical pour vérifier leur état de santé. Ils ont ensuite été transférés auprès d’agents d’immigration pour être interrogés sur leur situation administrative et placés, le cas échéant, en rétention en vue de leur expulsion.

Le précédent record de traversées de la Manche remonte au 8 mai, lorsque 145 migrants avaient été interpellés sur cinq canots différents.

Depuis plusieurs semaines, les traversées de la Manche se sont multipliées. On dénombre près de 700 migrants ayant réussi à rejoindre l’Angleterre à bord d’embarcations de fortune pour le seul mois de mai.

Cette augmentation des traversées peut s’expliquer par: une météo plus clémente ou par le ralentissement de la circulation des camions entre la France et l’Angleterre à cause de la crise du coronavirus qui pousse de plus en plus de migrants à délaisser les voies terrestres pour la route maritime.

Traverser la Manche en… planche à voile !

Infomigrants.net, le 11.06.2020

Les tentatives désespérées pour traverser la Manche depuis la France à destination de l’Angleterre se multiplient. Le 10 juin, au petit matin, quatre hommes ont été secourus par les garde-côtes français alors qu’ils se trouvaient en difficulté dans le chenal de Dunkerque à environ 5,5 km au large de Calais. Les secouristes ont constaté avec surprise que les naufragés dérivaient sur deux planches (de type planche à voile) reliées entre elles, qu’ils tentaient de propulser avec des pelles en guise de rames. Ils ont été ramenés fatigués et en hypothermie au port de Dunkerque et pris en charge par la police des frontières.

Interception de six bateaux transportant 82 migrants

Infomigrants.net, le 25.06.2020

Six petites embarcations clandestines ont été interceptées le 24 juin par les forces de l’ordre chargées du contrôle des frontières britanniques.

Au total, 82 migrants, dont trois femmes, se trouvaient à bord de ces bateaux repérés au large du sud-est de l’Angleterre, après avoir traversé la Manche depuis la France. Les migrants ont affirmé être originaires d’Iran, de Somalie, de Syrie, du Yémen, du Koweït, d’Afghanistan, d’Égypte, d’Inde, d’Irak, du Togo et du Niger.

À la suite de ces nouvelles interceptions, les autorités britanniques ont assuré leur détermination à éradiquer les groupes criminels à l’origine de ces passages. En juin, deux passeurs ont été emprisonnés, ce qui porte à 21 le nombre total d’emprisonnements pour ce genre de crime cette année.

Le 24 juin, quatre migrants ont été interceptés côté français à bord d’une embarcation de fortune au large du Pas-de-Calais. Les migrants étaient épuisés alors qu’ils tentaient désespérément de rejoindre l’Angleterre à la rame.

Oumalkaire / Voix d’Exils

 




Le destin de Zaoua s’achève brutalement à Garissa

Cerberus, the three-headed dog of Hades, created using the Sculpt tool in Blender 2.43, by Giuseppe Canino. (CC BY-SA 2.0)

Cerberus, the three-headed dog of Hades, created using the Sculpt tool in Blender 2.43, by Giuseppe Canino. (CC BY-SA 2.0).

Réflexion

Cette année, Zaoua✱, une jeune fille Kalenjin, devait se rendre à un stage d’enseignement. Elle n’y participera pas et ne pourra jamais aider ses parents vieillissants. Sa vie, ainsi que celle de 146 autres camarades étudiants, a été subitement écourtée par les balles des terroristes d’Al-Shabab, le 2 avril dernier, le jour de l’attaque de l’Université kenyane de Garissa.

Elle est née et a grandi dans un milieu modeste. Ses parents gardaient quelques animaux : des porcs, des chèvres et des vaches. C’est grâce à leur travail qu’ils ont pu envoyer leur fille aux études. L’école primaire la plus proche était à 10 km et elle avait pris l’habitude de courir cette distance quotidiennement. Malheureusement, ses parents étaient trop pauvres pour lui financer des études au lycée de Kabianga qui était à seulement 2 km de leur demeure. Cette école-là était réservée aux enfants dont les parents avaient des carrières florissantes. La jeune Zaoua est ainsi devenue forte mentalement et physiquement en raison des épreuves de la vie. Elle excellait dans tous les domaines sportifs et dans toutes les disciplines scolaires. Elle avait refusé les conseils d’amis qui lui disaient de quitter l’école pour se concentrer sur la course longue distance, alors même qu’elle était championne de son école pendant plusieurs saisons sur plusieurs distances. Elle a décidé que sa vocation était d’être enseignante. Son rêve était de travailler au lycée Kabianga comme professeur d’éducation physique. Elle désirait donner à ses parents des moyens de subsistance décents, car ils devenaient vieux et frêles. Ils avaient vendu presque tous leurs animaux pour payer ses études. Elle était maintenant une étoile montante dans le village et, pour tous les enfants, elle était un exemple de progrès. Mais sa vie a été réduite à néant par les terroristes d’Al-Shabab le 2 avril dernier à l’Université kényane de Garissa.

Ces faits tragiques ne sont pas nouveaux en Afrique comme dans d’autres parties du monde. En 2014, deux cents jeunes étudiantes ont été enlevées par le tristement célèbre mouvement extrémiste Boko Haram. Beaucoup trop meurent encore tous les jours ou sont déplacés à l’intérieur du Nigeria.

Le massacre de Garissa a provoqué un choc de plus dans un monde émotionnellement fragile qui essaye de retrouver son équilibre après le tragique massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, l’attaque meurtrière du musée du Bardo à Tunis ou le crash suicidaire de l’avion de Germanwings. Les images montrant le massacre perpétré à Garissa sont extrêmement difficiles à supporter, mais il est temps de faire face à la réalité.

La voix du silence

Dans de nombreuses cultures, les morts sont hautement respectés. Il n’est même pas souhaitable de diffuser les photos prises des dépouilles. Mais, dans ce cas, le monde a besoin de savoir ce que les fondamentalistes religieux peuvent faire. Ils sont des suceurs de sang insensés. Aucune rationalité chez eux, ils veulent que nous menions leur mode de vie, ils veulent instiller la peur en nous.

Comme Cerbère, le mythique chien à trois têtes qui garde la porte de l’enfer, le terrorisme s’acharne sur le monde moderne, l’éloigne du bonheur et le précipite dans les chambres obscures de la mort, de la peur et de l’incertitude.

Comme étrangers, nous avons pris l’option de garder le silence, parce que nous vivons dans un pays tranquille. Malheureusement, si nous choisissons la voie du silence, nous serons de bons candidats pour l’enfer de Dante Alighieri car les endroits les plus chauds de l’enfer sont réservées à ceux qui, en période de grande crise morale, maintiennent leur neutralité. »

Nous ne devons pas oublier que la Suisse a aussi dû trouver une manière de traiter la menace du fanatisme après les troubles du Sonderbund en 1847.

Un autre défi auquel nous devons faire face est la peur, car il y a tous ceux qui, frileux, ne parlent pas de ces défis. La peur n’empêchera pas nos restaurants, centres commerciaux et écoles de brûler à cause de ces personnes mal intentionnées. Cette manière de faire de la politique et de jongler avec les questions importantes de la réalité conduit à une perte massive de vies.

Nous sommes des barbares

Pourtant, notre génération a beaucoup progressé dans différents domaines. Nous avons été en mesure de faire atterrir à distance un véhicule téléguidé sur Mars. Nous pouvons commander et contrôler des ordinateurs et d’autres appareils qui sont à des milliards de kilomètres d’ici. Nous pouvons parfaitement battre la gravité à son propre jeu alors que nous flottons dans le ciel. Il y a tout juste un demi-siècle, l’homme devait se rendre dans une bibliothèque pour accéder aux informations, alors que nous avons maintenant toutes les bibliothèques du monde dans nos appareils. L’information circule en millisecondes sur des millions de kilomètres.

Médicalement, il y a tellement de progrès que les maladies qui étaient autrefois mortelles sont maintenant traitables. Des greffes du cœur, des reins et même du pénis sont possibles.

Sans une analyse plus approfondie, on pourrait conclure que nous faisons beaucoup mieux que les Vikings ou les Zoulous et que toutes les civilisations anciennes. Mais, quand nous regardons plus profondément ce qui se passe, nous remarquons que nous sommes en réalité des barbares. Nous avons utilisé nos inventions scientifiques pour exterminer nos semblables. Hitler a trouvé qu’il était facile de se lancer dans l’élimination de toute une ethnie avec la science moderne. Plus de 7 millions de tonnes de bombes ont détruits toute vie dans un petit pays appelé Vietnam. En seulement 3 mois, les Tutsis rwandais ont presque complètement disparu de la surface de la Terre en raison de l’absurdité et la haine qui a fomenté ce génocide. Maintenant, c’est grâce aux différents canaux d’information que se répand la haine comme un feu sauvage. Haine à cause de la race, de l’orientation sexuelle, de la religion. De la haine partout. L’éternelle et inquiétante question est: qu’est-ce qui a mal tourné? Si les gens nobles et honorables des forêts Amazoniennes venaient à apprendre ce qui se passe dans le monde moderne, seraient-ils attirés par nos manières de vivre?

✱ Nom d’emprunt

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils