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Regard d’un kurde Syrien sur son pays

Le Tunisien Bouazizi a allumé l’arc-en-ciel qui a coloré le ciel arabe d’est en ouest. Suite à l’immolation de Bouazizi, alors que les premiers éclats de révolte crépitaient en Tunisie, les dirigeants des autres pays arabes se croyaient encore à l’abri. Mais l’inondation a dépassé les prédictions et les ondes de la liberté se sont propagées pour faire tomber tous les dictateurs.

Un organisateur inattendu a surgi : Facebook. D’une part, Facebook a ouvert un grand champ de bataille médiatique aux personnes favorables au pouvoir en place qui ont accusé l’Ouest de vouloir se mêler des affaires internes des pays arabes. D’autre part, Facebook a offert aux manifestants un champ médiatique pour pouvoir communiquer leurs idées et leurs projets, créant ainsi une vraie organisation révolutionnaire. Pour rappel, à chaque fois, ces révolutions étaient spontanées.

Regard en arrière

En Syrie, deux manifestations ont avorté sous la violence du régime. La première a eu lieu en 2002, elle était organisée par les Kurdes devant le Parlement. la deuxième, en 2003, mettait en scène les enfants Kurdes qui revendiquaient le droit à la nationalité. Il faut savoir que les Kurdes ont perdu leur nationalité lorsqu’ils ont déposé, sur demande du gouvernement syrien, leurs documents d’identité.

En 2004 encore, les Kurdes ont manifesté pacifiquement leur mécontentement dans le nord du pays, lors d’un match de football, au Qameshli. Plusieurs Kurdes ont été violentés par la police pendant le match et ont été tués. Les manifestations ont gagné tout le nord du pays mais, rapidement, le régime a fait taire les Kurdes en déployant son armée et sa propagande pour susciter la haine entre les Kurdes et les Arabes. Le régime de Bashar Al-Assad voulait diviser le peuple, monter les gens les uns contre les autres pour qu’aucune opposition réelle ne puisse s’organiser.

L’histoire se répète

Depuis février 2011, bien que le régime en place était convaincu que le printemps arabe n’arriverait pas en Syrie, bien que beaucoup d’observateurs pensaient que la conscience politique des citoyens syriens n’était pas assez mûre pour que la révolution s’étendent, le peuple syrien s’est levé, et les manifestations se sont étendues du sud au nord.

Dès le début des manifestations, le gouvernement s’est montré mesuré dans ses déclarations, mais sa réponse a été d’une violence extrême. Selon une estimation, il y aurait plus de 10 000 morts et plus de 50’000 détenus, ainsi que plusieurs milliers de disparus, sans compter toute une population qui souffre et sans oublier les personnalités syriennes qui s’opposent au système politique et qui sont brutalisées par les milices d’Al-Assad. Certaines personnes, comme c’est le cas de M. Tammo (qui était le chef d’un parti Kurde) ont même été éliminées.

Le plan du régime

Que fait le régime actuellement? Il régionalise les mouvements, divise les manifestants par ethnies, religions et croyances. Il attise la haine entre les personnes en utilisant tous les moyens à disposition pour créer des conflits entre les communautés. Il prêche que la sécurité de certains groupes est menacée par cette révolution et il prétend aussi que cette révolution est liée aux mouvements salafistes.

Pour confirmer sa théorie, le régime attaque les manifestants dans certaines villes, comme à Deraa, où a commencé la révolution, menée par des enfants ; ou à Homs qui, avec ses diverses ethnies chiites, sunnites, alaouites et chrétiennes, est devenue la capitale de la révolution. Et aussi d’autres villes phares qui se sont révoltées et ont franchi la ligne rouge de la peur, comme à Hama, Idlib, Banyass, Deir ez zorr.

Entretemps, le régime évite d’ouvrir un front contre les Kurdes, sachant qu’il sera perdant. Il se contente de faire des arrestations par-ci par-là et de faire disparaître les victimes dans les cachots de « la République ».

Mais les autorités syriennes ne peuvent pas empêcher la population de déclencher des manifestations dans tout le pays. Actuellement, l’optimisme n’est pas de mise car l’assassinat et la torture sont le quotidien du régime. Si un homme rentre chez lui sain et sauf après une manifestation, on peut le considérer comme un miraculé. Les stades et les écoles sont transformés en camps de détention. Les citoyens se couchent et se réveillent avec la mort, toujours la mort : dans les médias, dans les familles, dans l’air… la mort est partout ! En Syrie, ce n’est pas le 21ème siècle, c’est le retour à l’Âge de pierre, sauf qu’aujourd’hui les combats se font aux lance-roquettes !

La situation humanitaire se dégrade toujours plus et devient précaire. L’État abuse de sa force et envahit les hôpitaux et les services d’urgence afin de tuer les blessés, pensant effacer ainsi les traces de sa répression cruelle et assassine.

Il y a une grave pénurie de produits de premières nécessités, tels que des médicaments pour soigner les blessés, du lait pour les enfants et les bébés, du mazout et du gaz. A cela s’ajoutent les coupures de courant pendant de longues périodes, l’augmentation du prix des denrées alimentaires de première nécessité et les difficultés de déplacements.

Les Syriens aspirent à la liberté, au changement, au besoin d’aller de l’avant. Le peuple est prêt à mourir pour parvenir à réaliser son rêve, car il n’y a aucun sens de continuer à vivre dans ces conditions !

Juan ALA

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




La maîtrise de la langue n’est pas l’unique clé de l’intégration

guten Tag 你好 hello 안녕하세요 BONJOUR
buenos días здравствуйте  CIAO Καλημέρα

 hyvää päivää  لسلام عليكم  salut 今日は

dzień dobrz   bom dia

Dans les pays les plus attractifs pour la migration, la question importante qui préoccupe les institutions gouvernementales et l’économie privée est l’intégration du migrant. Il est clair que celle-ci commence par l’apprentissage de la langue pratiquée dans le pays d’accueil et c’est justement là que commencent les problèmes.

Les codes et les critères diffèrent d’une langue à l’autre, en rapport avec les conditions culturelles et historiques du développement de chacune d’entre elles. La langue reflète la force et la cohésion d’une société. Les migrants, en provenance de pays non-francophones ont désespérément besoin d’apprendre le français car c’est la façon la plus efficace de s’intégrer et de connaître les coutumes et les traditions du pays d’accueil. Pour les migrants venants des nombreux pays du Moyen-Orient, cette nouvelle langue sera la deuxième ou parfois même la troisième à être acquise (en l’occurrence, pour moi, c’est la troisième, puisque je parle déjà le kurde et l’arabe). 

La méconnaissance de la langue locale freine énormément l’accès au travail ce qui constitue un véritable problème pour certains d’entre nous. Cela créée une barrière culturelle et cause bien des malentendus. Cela peut aller jusqu’au blocage complet pour entrer dans le domaine de la formation. L’idéal serait de trouver le juste milieu pour que le groupe des migrants et la société de son pays d’accueil puissent s’entendre et se comprendre. 

Ce décalage est surtout provoqué  par l’exigence de certains critères requis par le pays d’accueil – dans ce cas la Suisse – et le fait que pour un certain nombre d’entre nous, cela est tout simplement impossible de les remplir car nous n’avons pas eu accès à l’éducation pour des raisons liées aux conditions de vie difficiles dans nos pays d’origine. 

Trouver et développer le potentiel de chaque migrant

Etant donné qu’une partie des migrants n’a pas eu accès à l’enseignement, ceci rend l’étude du français très difficile, surtout si l’on se compare avec d’autres compagnons issus du même pays, mais provenant d’une classe culturelle ou socio-économique différente. Pour éviter ce décalage entre ce qui est demandé par la Suisse et ce que les migrants peuvent faire, il faut adopter une approche différente afin de les intégrer dans la société suisse.

Et pourquoi pas, comme pour les enfants, apprendre en jouant? Les adultes, eux, pourraient apprendre en travaillant. Autrement dit, il faut trouver le potentiel de chaque migrant ou ses centres d’intérêts et les développer, car il faut faire la différence entre l’intelligence théorique et pratique. Par exemple, l’homme a fabriqué son premier bateau avant de connaître la loi de la poussée d’Archimède, en recourant d’abord à son intelligence pratique. 

Promouvoir les connaissances pratiques d’un migrant pourrait constituer sa porte d’entrée dans la société,  sans oublier l’apprentissage de la langue, mais sans pour autant exiger un niveau linguistique trop élevé.

Je pense qu’il faut porter un autre regard sur cette problématique qui vaut la peine d’être étudiée et trouver des méthodes capables d’arrêter une souffrance vécue par les deux parties concernées : l’incompréhension.

Juan ALA

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’exils