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La force d’un rêve

Tavre Tebenko

La boxe pour surpasser la vulnérabilité de l’exil

Ce récit inspirant raconte l’histoire de Tavre Tebenko, un jeune réfugié ukrainien qui a trouvé la force de poursuivre son rêve malgré les défis de la guerre et de l’immigration. Dès son plus jeune âge, Tavre s’est passionné pour la boxe, et avec le soutien de sa famille, il a persévéré pour atteindre son objectif : participer aux Jeux olympiques!

Après le début de la guerre en Ukraine, de jeunes réfugiés ont recommencé leur vie avec de nouveaux défis. Chaque étape de l’exil exige la maîtrise de la langue et l’enfance passe rapidement. Leur résilience a été un exemple pour toutes et tous!

Il est généralement admis que les enfants s’adaptent facilement aux changements. Alors que les parents reconstruisent leur vie, les enfants doivent simplement aller dans une nouvelle école, parler une nouvelle langue, uniquement se passer de leurs amis ainsi que de leurs enseignants et enseignantes habituels. La rédaction de Voix d’Exils a rencontré un jeune garçon qui a trouvé sa voie vers l’intégration grâce au sport.

 

A 4 ans il commence le sport

Tavre Tebenko est un adolescent déterminé et rêveur qui adore les animaux et en particulier les chiens. À l’âge de 4 ans, il commence à pratiquer le sport à Kiev, la capitale de l’Ukraine. À l’âge de 6 ans, avec le soutien de sa famille, il trouve en la boxe son sport préféré. Son père l’a beaucoup aidé, notamment en trouvant un bon entraîneur qui avait formé des sportifs célèbres tels que Vladimir et Vitaly Klitschko. Dès l’âge de 9 ans, il commence à rêver et à se préparer sérieusement pour participer aux Jeux olympiques.

 

Le rêve comme source de force

Malgré le fait d’avoir perdu sa patrie, Tavre n’a pas abandonné son rêve. Il continue de travailler dur, s’entraînant sous la direction de son entraîneur par téléphone depuis l’Ukraine, avec la stricte supervision de son père.

Aujourd’hui, ce jeune homme de 15 ans concourt dans la catégorie de poids jusqu’à 54 kg parmi les personnes nées entre 2007 et 2009. Il vise déjà le succès sportif et planifie sa future participation aux Jeux olympiques. En même temps, la mère de Tavre, ainsi que ses deux frères et deux sœurs, le soutiennent énormément en lui fournissant une orientation et, bien sûr, la confiance nécessaire à un boxeur.

L’immigration peut vous rendre vulnérable, mais cela ne signifie pas que vous deviez abandonner votre rêve. Parfois, c’est précisément ce rêve qui vous permet de rester fort mentalement et physiquement.

Yuliia Ryzhuk

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




FLASH INFOS #66

Illstration de Kristine Kostava/Voix d’Exils

Sous la loupe : Les victimes de la Méditerranée enterrées au « Jardin d’Afrique » / Deux athlètes réfugiés en Suisse participeront aux JO de Tokyo / Allemagne : verdict inédit pour la fouille du téléphone d’une migrante

Logo réalisé par Kristina Kostava / Voix d’Exils.

Les victimes de la Méditerranée enterrées au « Jardin d’Afrique »

Le Temps, le 9 juin 2021

À l’initiative de l’artiste tunisien Rachid Koraïchi, la ville portuaire de Zarzis (au Sud de la Tunisie), dispose désormais d’un cimetière dédié aux personnes migrantes ayant perdu leur vie en essayant d’atteindre l’Europe par la Méditerranée. L’inauguration du « Jardin d’Afrique » a eu lieu le 9 juin. A cette occasion, la directrice générale de l’UnescoAudrey Azoulay – a rendu hommage à l’artiste ainsi qu’à tous les naufragés qui ont péri à la recherche d’une vie meilleure. Rachid Koraïchi a quant à lui précisé qu’il avait créé ce cimetière afin d’offrir aux victimes « un avant-goût du paradis, après avoir traversé l’enfer ». Par cette action, l’artiste souhaite aider les familles à faire leur deuil, en sachant qu’il existe un lieu d’enterrement digne. Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), plus de 21 000 migrants ou réfugiés sont décédés en Méditerranée depuis 2014. En outre, depuis janvier 2021, au moins 874 personnes ont perdu la vie en tentant de rejoindre l’Europe, contre 1400 pour toute l’année 2020.

Deux athlètes réfugiés en Suisse participeront aux JO de Tokyo

Le Temps, le 08 juin 2021

Luna Solomon (une Erythréenne de 27 ans) et Ahmad Badreddin Wais (un Syrien 30 ans), sont athlètes et réfugiés en Suisse. Ils ont un troisième point commun : ils ont été sélectionnés pour participer aux Jeux olympiques d’été de Tokyo sous la bannière olympique. Six athlètes réfugiés en Suisse et soutenus par le Comité international olympique étaient en lice pour accéder aux concours. L’équipe olympique des réfugiés a été créée en 2015 pour permettre aux athlètes déracinés de prendre part à la compétition. À Rio en 2016, ils étaient dix à participer à cette aventure. Pour la deuxième édition, ils seront 29 au total. Deux critères principaux ont été mobilisés pour la sélection : le niveau sportif et la confirmation du statut de réfugié par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Luna Solomon a été retenue pour l’épreuve du tir à la carabine à air comprimé à 10 mètres. Ahmad Badreddin Wais est cycliste et il participera à une épreuve de rapidité.

Allemagne : verdict inédit pour la fouille du téléphone d’une migrante

InfoMigrants, le 4 juin 2021

Depuis 2017, les autorités allemandes peuvent fouiller et analyser les métadonnées des téléphones portables des personnes migrantes qui ne se sont pas en mesure de présenter un document d’identité. La finalité d’une telle procédure est d’établir leur vraie identité. Depuis l’introduction de cette loi, plusieurs plaintes ont été déposées par les principaux concernés par la procédure. Parmi eux, Farahnaz*, une demandeuse d’asile arrivée en 2019 en Allemagne. Son cas est inédit, car début juin, un tribunal administratif de Berlin a jugé illégale la fouille de son téléphone portable effectuée par l’Office fédéral pour la migration et les réfugiés (BAMF). Selon le président du tribunal, la procédure est intervenue à un stade trop précoce et les données récoltées auraient été stockées inutilement. Cette décision pourrait avoir des conséquences durables sur la manière dont les nouvelles technologies sont utilisées dans les procédures d’asile. Jusqu’à présent, il n’y pas eu aucune réaction de la part du BAMF. Toutefois, l’avocat de Farahnaz* a souligné qu’en cas de contestation de la décision par le BAMF, l’affaire allait être portée en appel devant le plus haut tribunal administratif du pays. Ce dernier pourrait alors transmettre l’affaire à la Cour constitutionnel allemande qui a le pouvoir d’annuler la loi en question.

*Prénom d’emprunt

Rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Annulation des JO de Tokyo 2020

Tomasz Wozniak. Unspash.com.

Le rêve brisé de l’équipe africaine des athlètes réfugiés

Ce 23 juillet 2020, ils auraient dû défiler lors la cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo sous la bannière de l’Equipe olympique des athlètes réfugiés. Après des années d’entraînements intensifs sur les pistes en terre du Kenya, ils rêvaient de courir sur les tartans nippons, au côté des stars mondiales de leur discipline. Sauf qu’un petit virus en aura décidé autrement. Le documentaire « Run » (Courir), produit par la marque suisse « On Running », sponsor de l’équipe, nous invite à suivre les péripéties de ces sportifs amateurs de haut niveau, sans patrie mais bourrés de talents.

Pendant trois ans de circuit international, de 2017 à 2020, les caméras du documentaire « Run » vont suivre le quotidien de 31 athlètes peu ordinaires originaires du Congo, d’Éthiopie, de Somalie et du Sud Soudan. Des hommes et des femmes que les conflits, la famine, une prise de position politique dérangeante ont chassés de leur ville ou village. Après bien des pérégrinations, ils ont tous trouvé refuge seuls ou en famille au Kenya, dans le Kakuma Refugiee Camp de la Croix Rouge internationale.

Dans ce camp immense qui accueille 196’000 personnes en exil, on fait connaissance avec la Kenyane Tegla Loroupe, première athlète africaine à avoir gagné le marathon de New York en 1994 et détentrice de plusieurs records du monde de course à pied. Cette femme énergique et généreuse que tous appellent «Maman», est chargée d’organiser des compétitions à l’interne pour recruter les futurs champions.
Les 27 hommes et 3 femmes sélectionnés auront le privilège d’intégrer l’Equipe olympique des athlètes réfugiés (ART) et vont rejoindre le camp d’entraînement de la Fondation Tegla pour la paix, situé près de Nairobi, à l’autre bout du pays. Simples amateurs éclairés en matière de course à pied, ils vont progresser à un rythme soutenu sur les pistes en terre des hauts plateaux kenyans. Ambitieux, motivés, ils vont tout donner pour pouvoir rivaliser avec la crème des athlètes internationaux et participer aux JO de Tokyo 2020 sous la bannière de l’ART.
«Entraînement, discipline et détermination», résume l’un d’entre eux. Et simplicité dans le mode de vie car, contrairement à la majorité des sportifs de très haut niveau qui s’entraînent dans les pays riches, les coureurs de l’ART vivent dans une grande simplicité et doivent aussi prendre en charge les tâches du quotidien. Ils font leur lessive, nourrissent les poules qui picorent dans le camp, traient les vaches, et préparent le feu pour cuire des galettes.

A des milliers de kilomètres de leurs proches restés au Kakuma Refugiee Camp, et qu’ils ne reverront pas pendant une année, ils s’organisent une vie communautaire en mode «frères et sœurs».

Découvrir le monde grâce au sport

En 2017, les coureurs quittent l’Afrique pour leur première grande compétition: les championnats du monde d’athlétisme qui se tiennent à Londres. Suivront une série de compétitions internationales de qualification qui, après l’Europe, les mènera au Moyen-Orient et en Chine. Pour les athlètes qui travaillent d’arrache-pied pour progresser dans leur discipline, ces voyages sont aussi l’occasion de découvrir le vaste monde et de s’initier à des cultures très différentes de la leur. On les voit se prendre en photo avec un petit anglais admiratif, imiter hilares Usain Bolt faisant l’éclair, goûter à la gastronomie japonaise avec des baguettes, ouvrir des yeux ronds en découvrant le centre de Yokohama avec ses gratte-ciel, sa foule compacte et ses publicités géantes.

En trois ans de circuit international, les expériences de vie et les événements sportifs s’enchaînent et tout va pour le mieux; même si en Angleterre, en Allemagne et en Suisse, des athlètes profitent de l’occasion pour prendre la clé des champs. C’est donc une équipe réduite à 25 coureurs qui s’apprête, six mois avant les JO de Tokyo, à prendre l’avion pour s’entraîner au Quatar. Cette ultime étape doit permettre au Comité International Olympique (le CIO) de sélectionner les coureurs les plus rapides qui feront le voyage de Tokyo. Sauf que, un jour avant le départ, la dispersion mondiale d’un petit virus très virulent viendra fracasser le beau rêve de gloire et de médailles.

Après des années d’entraînements intenses dans des conditions matérielles et psychologiques éprouvantes, cette annulation va semer la désolation. Mais les coureurs de l’ART vont rapidement prendre le dessus et se tourner vers un possible report des JO en été 2021. Ils répondront bien sûr présents, car pour ces athlètes d’exception «rien n’est impossible», comme le souligne l’une d’entre eux.

Réalisation : Richard Bullock / On Running
Durée : 83 minutes
Langues : anglais sous titré anglais.
https://www.outside.fr/film-run-dans-les-coulisses-de-lequipe-olympique-des-refugies/

La Rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Tokyo 2020 à la suite de Brésil 2016

La première équipe olympique des réfugiés a été créée par le CIO en 2015 en vue des JO du Brésil 2016. Lors du défilé de la cérémonie d’ouverture, deux nageurs, deux judokas, un marathonien et cinq coureurs de demi-fond, originaires d’Éthiopie, du Soudan du Sud, de Syrie et de la République démocratique du Congo sont devenus, le temps des jeux, les représentants des quelque 70 millions de réfugiés et de personnes déplacées à travers le monde.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, avait salué ces ambassadeurs mondiaux des valeurs de l’olympisme : « L’équipe de Rio a séduit l’imagination du monde entier et a montré, à travers le sport, le côté humain de la crise mondiale des réfugiés. »

Les raisons pour lesquelles le CIO avait initialement créé une équipe olympique des réfugiés étant malheureusement toujours d’actualité en 2017, le Comité olympique avait décidé de constituer une seconde équipe pour les JO de Tokyo 2020.

 

 

 




Une surprise de taille pour la Petite Géante

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Du 29 septembre au 1 octobre, la sage Genève s’offrira une grande fête populaire avec la visite de marionnettes géantes : une grand-mère de 7,50 mètres de haut accompagnée de sa petite-fille, 5,50 mètres sous la toise.

Quel cadeau de bienvenue peut-on bien offrir à une Petite Géante qui vient découvrir la Suisse ? Au centre de formation du Botza, au pied des monts valaisans, on n’a pas tardé à trouver la réponse : ce sera une paire de skis taille XXXXL !

L’idée est belle et, sur le papier, tout est simple. Mais réaliser une paire de skis de 5 mètres de long, avec une fixation métallique et des brides de cuir à l’ancienne, accompagnée de sa paire de bâtons assortis, représente un grand défi. Les requérants d’asile des ateliers de menuiserie et de serrurerie ont donné le meilleur d’eux-mêmes, pendant de longues semaines, pour passer du rêve à la réalité. Avec une mention spéciale au jeune mineur non accompagné qui, à 16 ans et demi, s’est révélé un as du travail du cuir au point de dépasser très vite ses formateurs !

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Aujourd’hui, le pari est gagné : les skis ont quitté les ateliers du Botza pour la gare de Genève, où ils seront exposés jusqu’à l’arrivée de la Petite Géante. Il faut espérer que les usagers de la gare, ordinairement pressés et le nez sur leurs portables, sauront s’arrêter pour admirer le savoir-faire de l’équipe d’artisans. Qu’ils prendront le temps, leur attaché-case à la main, de retomber en enfance, de s’émerveiller et de rêver un peu, tout simplement.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

On sait déjà que la Petite Géante est espiègle et qu’elle aime faire de la trottinette sur les boulevards des villes qu’elle visite. Grâce aux requérants d’asile du Canton du Valais, elle pourra essayer le ski. Et si elle s’entraîne bien, le Valais lui donne rendez-vous pour les Jeux Olympiques de 2026 !

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

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Une traversée funeste

Un jeune homme traversant clandestinement la méditerranée en 2009. Photo exclusive: Voix d'Exils.

Un jeune homme traversant clandestinement la Méditerranée en 2009. Photo exclusive: Voix d’Exils.

J’étais un peu seul pendant les vacances d’été, c’est la raison pour laquelle j’ai pu suivre les Jeux Olympiques de Londres, de la cérémonie d’ouverture jusqu’à leur clôture. Les Jeux de Londres allaient rester un souvenir mémorable, si ce n’est que quelques jours après la cérémonie de clôture, j’ai appris que le rêve d’une athlète somalienne , Samia Yusuf Omar, s’était arrêté en mer Méditerranée. 

Je dois avouer que je suis seulement venu à connaître Samia après l’annonce de sa mort tragique en mer Méditerranée, lors de sa tentative de rejoindre l’Europe, et Londres en particulier, pour représenter son pays à l’occasion des Jeux Olympiques. Je me demande si elle aurait pu participer, ou si elle aurait même pu s’en sortir avec les questions d’immigration. Les ambitions du sport expliquent non seulement le courage de Samia de la Somalie, un pays déchiré par la guerre, mais aussi son envie de survivre!
Depuis que le printemps arabe a éclaté au début de l’année 2011 en Afrique du Nord, le monde porte davantage d’intérêt aux accidents qui ont lieu lors des traversées de migrants en mer Méditerranée. Pendant que les italiens et les français se disputent de la manière dont ils vont se partager le fardeau des réfugiés, la préoccupation majeure des refugiés est la lutte désespérée qu’ils mènent pour survivre. Les réfugiés n’hésitent pas à entreprendre des voyages dangereux, dans des bateaux surchargés, et à courir le risque de se noyer en mer. Plus je m’informe sur le sort des clandestins qui traversent la mer, plus grand est mon étonnement et mon chagrin d’apprendre qu’en moyenne 1500 personnes se noient par an dans leurs tentatives de rejoindre l’Europe en traversant la mer Méditerranée. Ceci fait de ces eaux les pires du monde, avec le plus grand nombre de morts par an. Quelques médias soupçonnent que leur nombre pourrait être même doublé, car il y a beaucoup d’embarcations qui disparaissent sans que le nombre de personnes à bord ne soit enregistré.
Quand je suis arrivé en Suisse, en août 2011, j’ai rencontré un jeune homme du nom d’Abu, qui m’a donné plus de détails à propos des dangers encourus lors de la traversée de la mer Méditerranée. Abu a 25 ans, il est célibataire et originaire du Nigeria, où il travaillait dans une imprimerie avant de rencontrer les problèmes qui l’ont forcé à quitter son pays. Il m’a parlé des détails terrifiants de son voyage, qui l’a mené du Nigeria au Maroc et puis sa traversée de la mer Méditerranée pour l’Europe.
Le voyage d’Abu a commencé avec la traversée du désert de Sahara. Il m’a dit comment le groupe de huit personnes, dont il faisait partie, s’est réduit au fur et à mesure du voyage, par la mort des uns et des autres en raison du sable du désert et de la déshydratation. Ils avaient commencé leur périple en recourant aux services d’un gang qui avait un véhicule tout-terrain, une Land Rover Defender, qui devait leur permettre de traverser le Sahara. Ils avaient de l’eau et d’autres provisions nécessaires et la destination initiale était le Maroc, où ils espéraient trouver des réseaux de passeurs afin de regagner l’Europe par voie navale.

Perdu au milieu du désert du Sahara

Après une traversée de plusieurs centaines de kilomètres, lors de laquelle ils avaient probablement traversé

Le désert du Sahara. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

Le désert du Sahara. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

un quart du désert du Sahara, la voiture est tombée en panne. Après plusieurs manœuvres pour réparer le moteur, les passeurs ont demandé aux réfugiés de sortir de la voiture, pour voir si celle-ci pouvait être poussée avec moins de charges. Une fois que la voiture a redémarré, les passeurs sont partis, emportant avec eux les milliers de dollars qu’avaient payé les voyageurs et, surtout, en abandonnant les réfugiés en pleine désert du Sahara. C’était le début de l’horreur. Les 6 hommes et les 2 filles affaiblis, qui composaient le groupe, venaient tout juste de se rendre compte qu’ils avaient été dupés et qu’ils étaient condamnés à une mort certaine en y passant un par un.
Après quatre jours de marche (d’habitude pendant les nuits, pour éviter le soleil insupportable de la journée dans le désert), seulement 3 personnes étaient toujours vivantes. Ils avaient survécu en buvant leur urine et avaient strictement rationné la nourriture. Parmi eux, l’on comptait une fille, Abu et un autre homme. C’était pendant la nuit du quatrième jour qu’ils ont été sauvés par une patrouille de gardes-frontières marocains. Fatigués, déshydratés, avec des corps squelétiques, ils ont étés immédiatement admis dans un centre de la Croix-Rouge pour y recevoir une assistance médicale d’urgence. La fille avait par la suite perdu la tête, car parmi les morts du groupe figuraient son frère et son petit ami.

Perdu en mer

Abu s’est remit du traumatisme du désert et a passé deux années difficiles de sa vie au Maroc : dormant dans les rues d’un port, vivant de la mendicité et de petits boulots au noir, en espérant un jour réunir la somme d’argent exigée par les passeurs qui organisent les voyages clandestins en bateau pour l’Espagne.

Un jeune homme du Kurdistan traversant clandestinement la Méditerranée. Photo exclusive: Voix d'Exils

Un jeune homme du Kurdistan traversant clandestinement la Méditerranée. Photo exclusive: Voix d’Exils

Après avoir essuyé plusieurs refus, du fait qu’il ne disposait pas de la somme requise par les passeurs qui organisent des voyages clandestins en Espagne, la chance finit par sourire à Abu. Le leader du gang lui dit : « Je te prends dans mon bateau, parce que j’éprouve de la pitié pour toi. Tu aurais dû retourner dans ton pays, mais je sais que tu ne peux pas traverser le désert à nouveau. Convenons d’une chose : en cas d’ennuis en mer et si nous devions jeter des bagages du bateau, tu seras le premier à être jeté par-dessus bord, parce que tu as payé très peu d’argent pour la traversée. Abu promet à l’homme qu’il sauterait dans l’eau volontairement, avant même d’être jeté par-dessus bord pour leur éviter des ennuis. Le voyage était prévu pour durer 15 heures, si tout se passait comme prévu.
Juste la vue du bateau a suscité les premières craintes d’Abu, car le bateau était surchargé. Ils ont levé l’encre en début d’après-midi avec 70 personnes à bord. Parmi les réfugiés se trouvait un pasteur, qui a commencé à prier et à rassurer les passagers de la protection de Dieu, qui étaient tous apeurés. Après quoi, chacun a commencé à prier dans sa propre langue. Ils savaient tous que des milliers de personnes étaient mortes dans cette mer lors de leur tentative de la traverser pour rejoindre l’Europe.

Les premières heures du voyage se sont déroulées tranquillement, à part les sanglots d’enfants ainsi que le hurlement constant du moteur du bateau. La majorité des femmes avaient des enfants, et certains avaient été conçus suite à des viols au Maroc ou d’autres endroits où elles étaient passées sur la route de l’Europe. Il y a aussi les gangs qui utilisent les filles désespérées comme des esclaves sexuels, en les forçant à se prostituer et certaines finissent par tomber enceinte.
C’était tard dans la nuit, la mer était sombre comme les ténèbres, des étoiles brillaient dans le ciel quand, soudain, le moteur s’arrêta, créant une panique dans le bateau! Après plusieurs tentatives pour réparer le moteur, en vain, Abu a pensé que son heure de plonger volontairement dans la Méditerranée était venue. Le capitaine a ordonné que tous les bagages soient jetés dans l’eau, tout en continuant à essayer de réparer le moteur. Entre temps, les passagers criaient désespérément, dans l’attente d’une mort possible.
Les passeurs comptent toujours sur deux choses : la boussole et la patrouille espagnole. Il y a un point dans l’océan où le réseau téléphonique est coupé. Les passeurs ont d’habitude de prendre avec eux deux téléphones : un pour le réseau marocain et un autre pour le réseau espagnol.
Mais, manque de chance, le moteur est tombé en panne à l’endroit où ni le Maroc et ni l’Espagne ne pouvaientt être atteints. L’option pour l’Espagne est toujours la meilleure, parce que s’ils peuvent appeler les services espagnols de secours, cela signifie qu’ils sont déjà dans les eaux espagnoles, et donc sur le territoire espagnol. Malheureusement, ils étaient ni du côté marocain, et encore moins du côté espagnol.
Trois heures plus tard, alors que l’embarcation sombrait dans la mer, ils sont repérés par une patrouille espagnole, héliportés puis enregistrés en Espagne comme refugiés. Cinq mois dans une  Espagne frappée par la crise économique ont une fois de plus transformé Abu en mendiant, comme il avait été au Maroc.

La désagréable surprise de l’Europe

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

Tandis qu’Abu relatait cette histoire, il n’était plus en Espagne mais en Suisse. Un jeune homme intelligent aux bords de la dépression, car l’Europe lui avait réservé une surprise désagréable, comme à beaucoup d’autres immigrés africains qui vivaient en Espagne dans des conditions  inhumaines,  dans des maisons abandonnées, et ainsi de suite. En terminant son histoire, n’étant pas sûr de son destin dans le pays alpin où il s’était déplacé, fuyant les difficultés de l’Espagne, il m’a demandé : « Marcus, penses-tu que c’est normal que tous les africains passent par ces difficultés juste pour aller en Europe? » Je lui ai répondu : « Certains n’ont aucun choix, que de fuir, peu importe où ». Il se mit à pleurer, murmurant comment il avait gaspillé trois années de sa jeunesse. Abu a été finalement arrêté, puis expulsé en Espagne, en raison de la Convention de Dublin, car il avait déjà sollicité l’asile en Espagne. Quand j’ai appris son arrestation, les larmes ont commencé à couler sur mes joues. La question qui m’est venue à l’esprit est: qui  doit être blâmé pour tout ça? Les guerres ? La pauvreté ? Les violations massives des droits de l’homme qui amènent des milliers de réfugiés à fuir? Soudain, j’ai cessé de réfléchir à cela, parce que je me suis rappelé la citation de Luc dans la Bible: « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugé. Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamné. Pardonnez, et vous serez pardonné ».

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Traduction de l’anglais de l’article original publié sur Voix d’Exils le 15.01.2013:

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils