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Lettre ouverte à nos politiciens

L’équipe de football suisse (surnommée « la Nati ») en 2006. Source: Wikipedia.

Signée Jima de la rédaction valaisanne

Autant la fierté majeure de la Suisse repose sur son modèle de réussite politique, économique et social, autant le constat fait par les analystes socio-économiques est clair: les effets d’un des taux de natalité les plus bas au monde pourraient faire basculer ce beau tableau qu’elle a su créer et entretenir par son pragmatisme.

L’attractivité de la Suisse apparaît aujourd’hui comme une arme à double tranchant. Selon la coloration idéologique, les arguments vont du réalisme et populisme politique incarné par les opinions de droite à l’humanisme et l’ouverture universelle soutenue par les opinions du centre et de gauche. Jusqu’à ce jour, les gouvernements successifs, scotchés sur une espèce de pragmatisme, appliquent une démarche rigoureuse et frileuse qui se tient derrière les conventions de Genève, saupoudrées du cas par cas et passées au tamis, pour ne pas rendre attractive la destination Suisse.

Comment, dans ce tout et son contraire, dans ce pays au taux de fécondité estimé à 1,52, soit l’un des plus faibles du monde, la pénurie de main d’œuvre qui préoccupe les milieux économiques peine-t-elle à trouver une résonance dans l’arène politique actuelle ? Et si quelque part le système des caisses de pensions qui s’essoufflent maintenant et qui demandent plus d’efforts et de temps au travail, pouvait juste trouver son équilibre en termes de cotisations dans cette belle opportunité que représente aujourd’hui son attractivité ?

Les rapports au travail ont changé. Non pas que les jeunes n’y trouvent plus d’intérêt, mais il n’est plus le seul moteur de l’épanouissement personnel. Le changement de paradigme qui s’est opéré au sein de cette jeunesse connectée, dont les soucis se situent entre deux pôles : la préservation de l’écologie planétaire et le bien-être individuel tel que les discours de Greta Thunberg l’expriment est resté juste un enjeu politicien. Travailler oui, mais avoir aussi du temps pour soi. Ces jeunes ne se voient pas bosser à 100%, encore moins aussi longtemps que leurs géniteurs. Il y a donc objectivement une place pour une main d’œuvre étrangère, qui ne volera plus celle de l’indigène, mais qui sera d’un apport gagnant-gagnant.

Le temps des discours de la Suisse qui se fait déplumer est révolu, de même que celui des moutons noirs. La Suisse des victoires est à l’image de la Nati. Je la vois à nouveau remplir ses carnets de commandes, avec des relations commerciales excédentaires, ses anciens bien pris en charge : pensionnaires ou résidents des Ems. C’est à cela que l’on reconnaît une nation dynamique.

Alors, chers politiciens et chères politiciennes, ouvrez les yeux : seuls quelques nostalgiques écoutent encore votre musique. Il est temps pour vous d’écouter au risque de voir vos chapelles politiques se vider comme en leur temps nos cathédrales.

Jima

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Déclaration d’amour à ma ville d’accueil

Photo: Omar Odermatt / Voix d’Exils.

Lausanne: son lac, son élan de jeunesse et ses trésors culturels

Lausanne

Tu t’allonges autour d’une montagne depuis plus de 8000 ans

Au bord du lac de Léman, tu es une vraie dame

Avec tes quartiers verts

Et le CHUV pour soigner les malades

Avec tes Hautes Écoles et tes bibliothèques

Tu as rempli le lit plein de jeunesse

Avec des vues étonnantes, des plantations

Avec l’ivresse du vin et de l’alcool

Avec des clubs et des restaurants pleins

Avec tes constructions modernes

Sous le chant des oiseaux et les sirènes des navires

Sous les rythmes de la musique de rue

Sous les chuchotements des amoureux

Et sous la houle des vagues du lac aux heures tardives de la nuit

Tu as enfreint les lois du temps

Les siècles passent, tu es toujours jeune

De tous côtés, tu es en plein essor, belle ville olympique

A bras ouverts tu les as étreints

Le savant, l’ouvrier, l’agriculteur, le scientifique, le visionnaire

Les fugitifs, les malades, les malheureux, les démunis

Pour eux la nuit, tu brilles comme la lune

Certains t’appellent grand-mère et d’autres mère

Combien de passagers as-tu changé ?

Chaque jour je marche dans tes rues Lausanne,

Quand la curiosité me taquine

Tes musées me donnent des réponses

Dans chaque quartier comme symbole de vie

Je me retrouve près d’une fontaine.

Masar Hoti

Ancien membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




La laïcité au Moyen-Orient

Source: unsplasch.com.

Les raisons de l’échec de la laïcisation au Moyen-Orient et particulièrement en Iran

La révolution philosophique qui a eu lieu en Europe entre les 17ème et 18ème dit «Siècle des Lumières» n’a jamais pris fin au Moyen-Orient. L’ingérence de gouvernements étrangers et de communautés religieuses très conservatrices dans cette région du monde n’ont pas favorisé la laïcité. L’Iran, à présent dirigé par une politique idéologique, est le meilleur exemple que l’on peut examiner pour comprendre cette situation.

En Europe, le premier pays à avoir connu la laïcité après des développements politiques a été la France. La question de la séparation de la religion et de la politique est devenue une loi fondamentale en France avec la Constitution de la 4ème République de 1948. Après la France, des pays tels que la Belgique, la Turquie et des villes canadiennes comme Québec, ainsi que Genève et Neuchâtel en Suisse ont adopté la laïcité dans leur Constitution.

Que signifie la laïcité ?

Laïcité signifie qu’un gouvernement n’adhère à aucune religion. La religion fonctionne librement dans la société civile, mais elle n’exerce aucun pouvoir sur le champ politique.

Les partisans de la laïcité en Occident estiment que la religion devrait rester dans les lieux de culte et ne pas se mélanger avec les lois des États. Mais en Orient, cela a un autre sens. La majorité des populations du Moyen-Orient pense que la laïcité est anti-religieuse et elles ont peur de «perdre leur religion».

 

Source: unsplasch.com.

En Iran

Dans mon pays – l’Iran – il y a aussi d’autres raisons qui expliquent cet échec de la laïcisation. Par exemple, l’existence du pétrole, la colonisation du pays par la Grande-Bretagne et les États-Unis et un régime communiste imposé par les russes. Ces emprises politiques sont des raisons historiques qui ont rendu les peuple incapable d’agir de manière indépendante dans ses décisions politiques.

L’exemple le plus important à citer dans l’histoire iranienne est celui du gouvernement de Mohammad Mossadegh. Mohammad Mossadegh était Premier ministre de l’Iran de 1951 à 1953. Mentionnons au passage qu’il a étudié à l’Université de Neuchâtel. Pendant ces années, il a essayé de séparer l’État de la religion et de promouvoir la laïcité dans ce pays religieux. Mais son gouvernement a fini par être renversé par trois groupes d’intérêts:

1 : Les dirigeants religieux

2 : Le Shah (Mohammad Reza Pahlavi) et ses partisans

3 : Les puissances étrangères: la Grande-Bretagne et la nouvelle puissance des États-Unis (qui lorgnaient sur le pétrole du pays).

Les dirigeants religieux se sentaient menacés par la précarité de l’emploi ; Le Shah craignait de perdre du pouvoir et de l’argent et, enfin, La Grande-Bretagne et l’Amérique à cause du pétrole. Ces trois groupes d’intérêts de l’époque se sont donc unis pour organiser un coup d’État contre le gouvernement laïc de Mohammad Mossadegh en 1953. Le principal prétexte qui justifiait leur action commune était de combattre les communistes soviétiques, car l’Iran occupe une position stratégique et géographique importante. Mais plus encore, c’était la sauvegarde de la communauté religieuse iranienne.

Source: unsplasch.com.

L’anti-religion

Actuellement, la société iranienne considère la laïcité comme une anti-religion. Les particularités religieuses, culturelles et sociales du peuple iranien font aussi qu’il est très difficile de gouverner ce pays. Les ayatollahs iraniens, qui détiennent le pouvoir politique depuis maintenant 40 ans, n’ont pas été en mesure de gouverner le pays. Même ceci est compréhensible pour la plupart des citoyens et citoyennes iraniens.

Cette situation est cependant bien complexe. Car il y a d’un côté, la jeunesse iranienne qui cherche une ouverture plus grande; et de l’autre, les forces conservatrices qui restent très puissantes. Les théoriciens de la politique doivent trouver le moyen pour diriger le clergé vers sa position d’origine: à savoir les mosquées. Reste aux politiciens et politiciennes de tracer un chemin pour arriver à la laïcité. Des exemples inspirants sont les chemins suivis par l’Italie et l’Allemagne.

Un tel chemin pour l’Iran signifierait que d’un côté, la religion fonctionne de manière autonome. Et de l’autre, que le pays soit par conséquent davantage dirigé par des hommes et des femmes politiques. Mais ces futurs dirigeants devront avancer pas à pas afin de ne pas couper leurs relations avec les universités et les écoles. Sinon, la population iranienne ne l’acceptera pas. Mais pour l’heure, la société ne veut pas abandonner ses croyances. Du moins, jusqu’à aujourd’hui, c’est toujours le cas…

Vahid Farkhondeh Khoy Fard

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 




Speak out !

Extrait du reportage « Speak out! » de Babak Qodrati

La parole aux mineurs non accompagnés 

Speak out ! est un projet mené par le Conseil Suisse des Activités de Jeunesse qui est l’association faîtière des organisations de jeunesse en Suisse. Son but : donner une voix aux mineurs non accompagnés en Suisse.

Partant du constat que de nombreux mineurs non accompagnés se retrouvent isolés et dans des situations précaires, Speak out ! vise à les rendre acteurs de leur vie en Suisse en leur donnant un espace pour faire entendre leur voix.

Speak out ! a organisé une exposition le 27 novembre 2017 à Berne intitulée « Regard sur des conditions de vie ». Babak Qodrati, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils, a réalisé un reportage vidéo sur cet événement que vous pouvez visionner ci-dessous:

Speak out! a récemment lancé un nouveau projet à Lausanne qui s’adresse aux jeunes sans permis de séjour.

 La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Quelques membres du projet Speak out!

 




Toute une vie dans les foyers

Tady

Tady, le jeune Ethiopien. Photo : Gervais

Cette histoire est le témoignage atypique d’un jeune requérant d’asile éthiopien qui a passé plus de sept ans dans des centres de requérants d’asile. Arrivé en Suisse à 12 ans comme mineur non accompagné, tout lui semblait propice au départ. Cependant, après plusieurs années de vie cloitrée, voici aujourd’hui notre jeune enfant de cœur transformé en loup, cible privilégiée de nombreux tumultes.

Dans la petite chambre où trois lits occupent respectivement trois angles, un seau de poubelle titille l’oreiller de Tady Yalew à côté d’une table sur laquelle on peut retrouver quelques documents importants, des plats crasseux et des ustensiles de cuisine. En dessous, quelques petites marmites cohabitent et laissent échapper l’odeur d’un repas à peine mijoté qui parfume les lieux. A proximité, les tennis de fortune sont parfaitement rangés. Au physique, Tady est plutôt petit, environ un mètre soixante-sept pour soixante kilos. Avec ses longs cheveux noirs frisés soutenus par un bandeau et une barbe soigneusement taillée, il nous fait penser à un Américain ou un Jamaïcain. Son accoutrement lui donne l’allure d’un rappeur. On le dit réservé par nature, et croyant si l’on en juge par son inséparable collier à la croix de Jésus. Certains requérants du foyer de Ste-Croix le jugent quand-même très sociable.

« Après le centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe, mon frère et moi avons vécu successivement au centre de Chiasso, puis à l’abri PC de Bussigny au milieu des adultes. C’était très difficile, parce qu’il fallait se prendre en charge tout seuls à 12 ans. Après trois mois nous sommes allés dans un foyer pour mineurs du Service de protection de la jeunesse (SPJ) à Romainmôtier, puis à Lausanne où nous suivions l’école obligatoire. Nous avons ensuite poursuivi notre chemin dans un centre pour mineur non accompagné de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), également à Lausanne, pendant environ trois ans. Là j’ai débuté une formation de peintre en bâtiment et d’agent d’entretien à la Maison des jeunes de Lausanne.

Au bout d’un certain temps, la vie au centre était devenue un calvaire. J’ai alors effectué une demande auprès pour aller vivre avec une famille d’accueil, ce qui m’a été accordé. En dépit du soutien de mes deux familles d’accueil successives, qui n’ont jamais ménagé leurs efforts et à qui je dis merci beaucoup pour leur soutien indéfectible et leurs conseils, j’étais dépressif. Je continuais ma formation mais suite à l’absorption d’alcool qui m’a poussé faire des conneries, j’ai fait à plusieurs fois de la prison. Je buvais de plus en plus, je buvais au delà des limites et après ma dernière sortie de prison, on a exigé que je retourne en foyer. J’ai demandé si je pourrais habiter dans l’un des foyers de Lausanne proche de mon frère, mais la demande à été rejetée et j’ai été transféré à Ste-Croix, où je vis depuis un an et quatre mois. »

Il soupire un instant, et d’une voix grave il reprend : « Cela fait sept ans que je suis en Suisse. Dans les foyers, j’ai beaucoup appris : le français, la peinture et la culture de ce pays. Mais je vois les autres gens qui arrivent : ils font six, sept mois en foyer puis partent en appartement. Quant à moi je suis toujours comme un nouveau et ça me décourage. De son côté l’EVAM ne regarde que les erreurs que j’ai commises, mais jamais tout ce que j’ai fait de bien. J’ai finalement obtenu un transfert en logement individuel, mais une semaine plus tard j’ai été convoqué par la directrice du foyer, qui m’a annoncé son annulation, prétextant que je ne le méritais pas. Ca m’a bouleversé parce que je voulais être indépendant, et après sept ans, pour moi, c’était mérité. »

Tady affirme qu’il n’a jamais vendu de drogue ni volé dans les magasins. Il connaît mieux la Suisse que son pays d’origine, mais avoue qu’il est découragé de la vie, sans plus aucune motivation, ce qui le pousse à boire de l’alcool. Il s’indigne : « C’est toujours moi qu’on accuse : le jour où l’équipe nationale suisse affrontait celle d’Espagne en Coupe du monde, un incendie s’est produit dans ma chambre en mon absence et la police m’a interpelé. Quand il y a des vitres qui se cassent ou tout autre dégât, c’est encore Tady. Il est vrai que pendant la même période, j’ai brutalisé une copine du foyer qui m’avait manqué de respect, j’ai perdu la maîtrise. Maintenant on m’annonce que je suis transféré au foyer de Bex. Je suis pourtant contre… Faites quelque chose pour me sauver ! »

La situation de Tady Yalew, peut-on la classer dans le registre des enfants délinquants ? Selon lui, non. Mais Cécile Ehrensperger, responsable du secteur Nord et Ouest de l’EVAM, ne lui reconnait pas entièrement ce brillant passé, qui lui aurait sans doute permis de prospérer comme son frère, électricien aujourd’hui autonome financièrement.

La responsable affirme que « la police n’a pas inculpé Tady faute de preuve, mais de forts soupçons pèsent contre lui. » Elle reconnait par ailleurs que la prise en charge des mineurs avant 2006 était lamentable, et que le phénomène migratoire est douloureux. Mais l’annulation de son transfert en logement individuel a pour objectif de l’envoyer près de sa famille d’accueil à Bex et de ne pas le laisser s’alcooliser. « Cela n’est pas destiné à l’envoyer aux oubliettes, mais plutôt à lui dire de construire lui-même sa vie, de se responsabiliser et de reconnaitre qu’il a besoin d’une prise en charge médicale. »

De Bex aujourd’hui où le jeune Ethiopien continue son existence, Tady déclare que ça ne va pas vraiment, mais il reconnait toutefois que c’est mieux que Sainte-Croix. Là il a plus de possibilités, il rencontre très souvent l’intendant qui lui confie des tâches d’entretien. Il est volontaire et motivé, ce qui est tout à fait le contraire de Sainte-Croix où il ne faisait rien du tout. L’effet Cécile semble avoir porté ses fruits. Suite à une sélection assez serrée, il  a même été retenu tout récemment pour deux semaines de travaux d’intérêt général dans les pâturages d’Ollon, ce qui lui a même valu une interview sur Radio Chablais. Il envisage aujourd’hui de refaire une autre demande de transfert en logement individuel auprès de sa nouvelle directrice avec qui il a de bons rapports.

Gervais NJINGO DONGMO