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Réflexion sur le COVID-19

Street art – graffiti sur un mur d’un masque chirurgical pendant la pandémie actuelle de coronavirus (COVID-19) à Varsovie, Pologne. Auteur: Adam Nieścioruk.

Entrons-nous dans une nouvelle ère de notre histoire ?

Être dans l’isolement et la solitude m’a souvent apporté un sentiment de paix et d’équilibre. Cela m’a permis de m’unir à mes pensées les plus intimes et de contempler la vie et l’univers! Dans mon pays d’origine, la Syrie, la solitude a été mon fidèle compagnon. Mais ici, en Suisse, et avec un sentiment d’aliénation croissant, notre relation s’est encore renforcée!

Avec le déclenchement de la pandémie de Covid-19 en mars de cette année et la fermeture du pays, j’ai été transféré de l’isolement volontaire à l’isolement obligatoire! Un de mes amis a décrit son nouveau statut de confiné en plaisantant : « je passe d’une grande prison à l’isolement cellulaire! »

En fait, ce n’est pas le confinement, avec toutes ses restrictions et ses instructions de protection qui me dérange. Au contraire, j’essaie de respecter autant que possible les mesures préventives et je crois sincèrement qu’au milieu de cette hystérie collective, ce sont les seuls boucliers disponibles en ma possession pour me protéger et protéger les autres contre l’infection ou la maladie.

J’ai perdu le décompte du nombre de fois que je me lave les mains tous les jours! J’essaie d’éviter de toucher mon visage, de veiller à la distanciation sociale lorsque je fais mes courses ou lorsque je me promène… Bref, j’essaie de suivre les alertes et les instructions sur la pandémie de Covid-19 qui font désormais partie de notre nouvelle routine quotidienne.

Cependant, ce qui m’effraie le plus, ce sont les images et les rapports choquants et macabres diffusés régulièrement par les médias de masse et les réseaux sociaux, des scénarios apocalyptiques qui attendent l’humanité au lendemain de cette catastrophe! Les mises à jour quotidiennes montrant la propagation de la pandémie: les cas confirmés dans le monde, le nombre de morts et le nombre total de guérisons sont alarmants! Et pire encore, l’absence de solidarité et de coopération à l’échelle mondiale ajouté aux diverses tentatives de politiser la crise, sont d’autres facteurs aggravants qui « contribuent à alimenter la pandémie », a déclaré le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (l’OMS).

Quatre mois après l’émergence du virus, le monde est toujours en état de choc et de grande confusion, car on ne sait ni comment le contenir, ni comment il se comporte! Chaque jour, nous entendons des déclarations émises par des institutions respectables qui semblent ambigües et incertaines! Sans parler des discours prononcés par certains dirigeants mondiaux qui semblent déroutants et contradictoires!

Combien de temps cela prendra-t-il avant que la vie ne redevienne normale? Comment la pandémie de Covid-19 va-t-elle changer notre façon de vivre? Je n’en sais rien! Mais une chose dont je suis sûre, c’est qu’il y a des gens là-bas, à quelques pas de chez moi, qui combattent jour et nuit sans relâche cet ennemi invisible et insidieux au péril de leur vie! La communauté de la santé, les volontaires, l’armée …

A tous ces braves soldats inconnus, je leur tire mon chapeau.

Dono

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

23/04/2020

 

 




« Nous cherchons à développer les liens sociaux avec les seniors pour améliorer la qualité de vie de tous ! »

Alain_Plattet_Responsable_unite_Travail_social_communautaire_PSVD

« Quartiers Solidaires » un projet novateur résolument intergénérationnel et interculturel

 Comment renforcer les liens entre les habitants et mieux intégrer les personnes âgées ainsi que les migrants dans la vie des quartiers ? Pour répondre à ces questions, Voix d’Exils s’est adressé à M. Alain Plattet, responsable de l’unité Travail social communautaire à Pro Senectute Vaud (PSVD), institution qui a initié le projet des « Quartiers Solidaires »

Voix d’Exils : Pourriez-vous nous définir en quelques mots ce qu’est le projet « Quartiers Solidaires » ?

Alain Plattet : Nous cherchons à travers les « Quartiers Solidaires » à créer, renouer, développer et entretenir les liens sociaux pour améliorer la qualité de vie et l’intégration des aînés dans leurs milieux de vie ainsi qu’à leur redonner du pouvoir d’action. Pro Senectute Vaud affirme que, s’il existe une vie communautaire suffisamment riche dans le lieu de vie des seniors, celle-ci aura nombres d’effets positifs sur la qualité de vie de tous les habitants, comme le développement d’activités interculturelles et intergénérationnelles.

Dans les « Quartiers solidaires », les seniors deviennent donc les nouveaux piliers de la vie sociale de proximité. Une ancienne poste, une salle paroissiale, un kiosque désaffecté, sont autant d’espaces parfois délaissés qui peuvent retrouver une utilité et un sens par l’intermédiaire de groupes d’aînés qui investissent ces lieux. Ces points de rencontres animent les centres urbains ainsi que les places de villages et permettent à tous les publics de se rencontrer.

L’originalité du projet des « Quartiers solidaires » provient de l’envie d’encourager les habitants – en particulier les seniors – à influer sur leur propre environnement en organisant, par eux-mêmes, des projets selon leurs besoins, ressources et envies.

Activités intergénérationnelles. Photo: PSVD.

Activités intergénérationnelles. Photo: PSVD.

Qui a initié ce projet et pourquoi ?

Pro Senectute Vaud et la Fondation Leenaards, deux acteurs importants du bien-vieillir dans le canton de Vaud, exploraient, chacun selon sa mission, des pistes pour mieux répondre aux besoins des personnes âgées et imaginer des solutions d’avenir. Depuis 2003, ces deux institutions sont partenaires dans le développement de la méthodologie « Quartiers Solidaires ».

Le projet a-t-il beaucoup évolué ?

Oui beaucoup ! Initié dans le quartier de Bellevaux, à Lausanne, il a donné à ce jour naissance à 19 « Quartiers Solidaires » situés dans 15 communes du canton. Concrètement, ces projets représentent plus de 200 activités autogérées qui comprennent de nombreuses activités interculturelles et intergénérationnelles, 375 personnes impliquées dans les comités communautaires, 2’850 participants aux activités proposées et plus de 30’000 personnes informées des activités de proximité.

Depuis 2008, la mise en place de tels projets bénéficie d’un soutien financier du Service des assurances sociales et de l’hébergement du Canton de Vaud qui est convaincu de l’intérêt et de l’efficacité de cette démarche pour développer, localement, des politiques gérontologiques adaptées. De plus, la méthodologie a été plusieurs fois reconnue et primée par des organes nationaux tel que l’Office fédéral du développement territorial – ARE, ou même par des concours internationaux comme le concours « Vivre ensemble aujourd’hui et demain » décerné par la société immobilière française qui nous a été remis, en 2011, des mains de Roselyne Bachelot, alors Ministre de la Santé et de la Cohésion sociale.

Une démarche communautaire… c’est quoi ?

Comme son nom l’indique : c’est agir avec une communauté locale (un village, un quartier ou une commune) et viser à son développement. C’est une démarche qui inclut :

  • Un principe de décision collective à propos des thématiques locales avec tous les acteurs concernés (habitants, professionnels, associations, fondations et pouvoirs publics) ;
  • Une posture professionnelle qui permet de « faire avec » et non pas « pour » : les acteurs et auteurs des projets sont les personnes concernées et non les animateurs ;
  • Le défi de prendre le temps avec une vision à long terme, car le lien social ne se décrète pas.

Ce levier d’action communautaire est inhabituel, car les pratiques d’accompagnement socioculturelles sont généralement centrées sur la construction de projets pour créer des effets sur la communauté et non l’inverse.

Activités intergénérationnelles organisées par l’association « Connexion Bellevaux » en 2014. Photo: PSVD.

Activités intergénérationnelles organisées par l’association « Connexion Bellevaux » en 2014. Photo: PSVD.

Quelles sont les étapes de la mise en place d’un Quartier Solidaire ?

PSVD n’a pas inventé les pratiques communautaires. Celles-ci existent depuis longtemps et ont été appliquées dans beaucoup de milieux et cultures différents. L’originalité de Quartiers Solidaires est d’avoir prévu et réalisé l’application de ces méthodologies aux seniors du canton de Vaud, selon une planification spécifique éprouvée depuis plus de 12 ans.

La méthodologie Quartiers Solidaires  comprend six étapes qui s’étendent en général sur cinq ans.

Après une analyse préliminaire de deux mois, un animateur de proximité, son assistant et un stagiaire s’immergent pendant une année dans un quartier (dès la deuxième année de développement, l’assistant quitte le projet). Ils observent les lieux de socialisation et rencontrent les retraités. Un groupe d’habitants se constitue avec les citoyens intéressés par la démarche et les institutions ou associations locales. Lors de forums ouverts à tous, les résultats des entretiens sont présentés et mettent en évidence les préoccupations et ressources principales des aînés. Les participants sont alors invités à débattre sur ces sujets et à proposer des pistes d’améliorations et de développements. Durant l’étape de construction, d’une durée d’un an, des projets concrets sont réalisés avec l’aide de l’animateur sur la base de thèmes prioritaires choisis dans les forums. L’étape suivante, qui s’étend également sur un an, accentue le lien entre les divers groupes locaux. Au cours de l’étape dite d’autonomisation (un an), l’animateur de proximité guide peu à peu le groupe d’habitants vers son indépendance et cesse toute intervention, une fois la pérennité du processus assurée. Il reste néanmoins à la disposition des habitants (constitués sous formes d’associations, amicales ou collectifs) et de la commune pour tout accompagnement ponctuel complémentaire. Depuis 2010, les communes vaudoises ont également la possibilité de n’effectuer que l’étape initiale de Quartiers Solidaires. Suite aux résultats recueillis lors du forum final et ceux consignés dans le rapport annuel ; et au regard du degré d’implication des habitants engagés dans la démarche, la commune peut juger librement de la manière de continuer le projet. Notons ici que de nombreux critères précis permettent d’évaluer la dynamique générée dans les « Quartiers Solidaires ».

Quel est le degré d’implication des pouvoirs publics ?

Les pouvoirs publics occupent une place très importante dans le projet qui prévoit, justement, leur participation au sein des groupes dit « ressources ». « Les groupes ressources » sont des groupes de travail qui incluent des représentants des partenaires locaux impliqués comme des EMS, des associations, des écoles ou des paroisses, afin de faciliter le développement des projets des habitants. En s’impliquant dans le projet, les partenaires locaux constatent par eux-mêmes que leur participation valorise la démarche et impact positivement le processus (1).

Activités de mosaïque communautaire à Prilly centre en 2014. Photo: PSVD.

Activités de mosaïque communautaire à Prilly centre en 2014. Photo: PSVD.

Quel est le public visé par cette démarche?

Les seniors et tous les habitants de la communauté. C’est pourquoi Pro Senectute Vaud engage de multiples partenariats au sein des projets « Quartiers Solidaires », ce qui permet de réunir un large éventail de compétences professionnelles, bénévoles, ou spécifiques. L’intervention de tous ces acteurs dans le processus favorise, in fine, la création de ponts entre les générations et les cultures. Si les professionnels de PSVD sont responsables d’impliquer les seniors dans la démarche, d’autres professionnels ou acteurs (parfois les habitants) s’occupent d’impliquer les autres publics cibles. D’ailleurs, il faut noter que les seniors eux-mêmes engagés dans la démarche développent toujours à un moment donné des activités pour les différents publics de la communauté. En ce sens, les « Quartiers Solidaires » favorisent considérablement la participation et le développement de pratiques communautaires partenariales ainsi que le développement de la force de travail des seniors.

Qu’est-ce que cette démarche apporte aux habitants qui participent au projet ?

Du lien social sous plusieurs formes ; que ce soit au niveau amical ou, plus généralement, au niveau de la participation à la vie locale et communautaire. Le tissage des liens et les échanges favorisent l’intégration des seniors dans une communauté et dans leur quartier. Cela leur apporte des compétences, un rythme d’activités, du pouvoir d’action, de la confiance, de la valorisation et, surtout, de la santé… Autant d’éléments qui préviennent les intéressés de l’isolement, de certaines fragilités et facilitent, finalement, leur maintien à domicile.

Danses culturelles à « Bellevaux en fête » en 2009. Photo: PSVD.

Danses culturelles à « Bellevaux en fête » en 2009. Photo: PSVD.

Est-ce que ce projet concerne aussi les migrants résidants dans les quartiers concernés par votre démarche?

Oui, complètement. Typiquement, dans les communes d’Yverdon-les-Bains et de Prilly, on travaille depuis plus de 10 ans en partenariat avec l’Evam pour assurer à leurs bénéficiaires – les personnes en procédure d’asile – une bonne intégration dans le processus. Ces collaborations se montrent efficaces. Par exemple, l’intégration des habitants de la Faïencerie dans le quartier Pierre-de-Savoie se passe de manière douce et agréable. Ainsi, en 2010, l’opération « Bonjour sourire » ou, en 2011, les échanges spécifiques entre migrants et aînés, lors de la rénovation du bâtiment de la Faïencerie, restent des exemples concrets et positifs pour tous.

A Prilly, les associations issues des projets « Quartiers Solidaires », soit : l’Espace Rencontre et L’Association Quartier Prilly-Nord entretiennent également des liens solides avec les migrants. La première, avec son projet de « pétanque » (édition 2014) a eu un large impact sur l’intégration et le partage. La seconde bénéficie d’un local (devenu son lieu principal d’activité) mis à sa disposition par l’Evam, au sein d’un immeuble réservé à l’accueil des migrants à l’avenue de Chantegrive.

Souvent, les personnes impliquées organisent aussi des activités à thèmes, comme des soirées diapositives sur des voyages ou encore par des participations à des événements comme « la journée sur le racisme » à Nyon, en plus des repas canadiens, qui invitent à la participation plurielle et où tout le monde peut montrer un peu son identité et assister à des moments de partages. Ces espaces servent également de lieux propices aux échanges culturels, au sein desquels on peut offrir des prestations ou créer et renforcer les liens par le biais d’activités qui favorisent, en règle générale, l’intégration des migrants.

Relevons aussi que, de manière générale, pour faciliter l’intégration des personnes non-francophones au sein des différents projets, nous traduisons aujourd’hui certains flyers en différentes langues ou utilisons leurs réseaux d’activités pour les informer.

J’espère ainsi que le projet « Quartiers Solidaires » pourra continuer à s’enrichir de ces échanges et continuer à améliorer la solidarité pour tous et entre tous.

(1) Voir article intitulé « Des pouvoirs publics s’engagent comme courroies de transmission », journal « Quartiers-Solidaires » n° 5, édition mars 2015.

Propos recueillis par :

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




« Le bénévolat permet d’utiliser ses compétences et d’en acquérir de nouvelles »

Ed Yourdon (CC BY-NC-SA 2.0)

Ed Yourdon
(CC BY-NC-SA 2.0)

Arrivé en Suisse en 2001, Ewal, originaire de la République Démocratique du Congo (RDC), a déjà un âge respectable : 64 ans, ce qui lui complique la tâche pour trouver un emploi. Afin d’éviter de sombrer dans la solitude et l’oisiveté, il décide de s’investir bénévolement dans plusieurs associations. Aujourd’hui, détenteur d’un permis B, Ewal nous explique les bienfaits du bénévolat.

Voix d’Exils: quel métier exerciez-vous dans votre pays ?

Ewal: J’avais une forte envie de devenir un scientifique. C’est un projet qui sommeillait en moi. A la fin de mes études, en sciences naturelles (biologie) à l’Université Lovanium de Kinshasa, actuelle Université de Kinshasa, j’ai travaillé pendant une courte durée comme chercheur, tout en préparant un diplôme en hautes études en gestion d’entreprises. Comme dans des pays comme le miens la recherche ne paie pas, j’ai abandonné ce secteur d’activité pour intégrer un projet dans le domaine de la formation professionnelle pour adultes qui bénéficiait de l’appui d’experts suisses et français dans le cadre de la coopération entre le Bureau International du Travail (BIT) et le gouvernement congolais. J’y ai évolué pendant deux décennies dans plusieurs fonctions, notamment celles de chef du service d’organisation de la formation et du travail et celle de responsable des ressources humaines. En même temps, le soir, j’étais professeur dans le cadre de la formation continue.

Quels types d’activités faites-vous en tant que bénévole?

Actuellement, je suis engagé dans des activités bénévoles au sein de la Croix Rouge vaudoise pour venir en aide aux personnes âgées. Comme membre du comité de gestion, je participe à la vérification des comptes de la paroisse de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) de Curtilles-Lucens. En ma qualité de président de l’Association des Amis de SOLIDEV, basée en Suisse, je sers de relais entre celle-ci et l’ONG SOLIDEV qui œuvre en RDC dans les domaines de la formation et de l’éducation. Depuis juillet 2012, le SOLIDEV gère, à Kinshasa, un centre médical pour fournir des soins de base à la population locale. Je suis également membre d’un chœur mixte, ce qui me permet de rester en contact avec la population locale. Au sein d’une association, je dispense des cours de français aux migrants, adolescents ou adultes en quête d’emplois ou de formation, habitant Lausanne et ses environs.

Racontez-nous vos débuts de bénévole et ce qui vous a donné l’envie de vous investir bénévolement ?

Le marché du travail est pratiquement inaccessible aux étrangers et aux Suisses à l’âge de la retraite. A mon arrivée en Suisse, en 2001, je faisais déjà partie de cette catégorie et il était déjà illusoire pour moi de trouver un emploi. Je ne pouvais pas sombrer dans l’oisiveté et la solitude. Je voulais aussi faire bénéficier de mon expérience acquise en RDC aux autres requérants d’asile dans le besoin, créer et étendre les liens sociaux utiles à mon intégration dans le pays d’accueil et découvrir la culture des autres. Ce sont là quelques raisons bien significatives qui m’avaient poussé à me lancer dans le bénévolat. Porté par l’amitié avec les autres membres de l’Evam, les circonstances m’ont conduit à m’investir dans des programmes d’occupation dans le cadre desquels je fournissais des prestations telles que l’enseignement et l’encadrement des mineurs.

Cela représente-il beaucoup de temps ?

Oui, de 2002 à ce jour, ce parcours représente : 8 ans et demi environ à l’Evam, 10 ans à la Croix-Rouge vaudoise, 12 ans de chant comme choriste, 4 ans d’enseignement du français au Forum des étrangères et des étrangers de Lausanne (FEEL), 7 ans comme membre du comité de gestion de la paroisse, 6 ans environ comme aide de cuisine à Cabès. Tout ce que je viens de citer représente beaucoup de temps.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour servir comme bénévole ?

Une personne qui accepte d’œuvrer comme bénévole devrait faire preuve de droiture dans les actes qu’elle pose, d’intégrité, de gentillesse, d’humilité, de bonne humeur, de sérieux, de ponctualité, d’ouverture, de capacité à s’intégrer et d’une grande civilité.

Quelle est la place du bénévole au sein d’une équipe ?

Une personne bénévole au sein d’une équipe devrait être solidaire avec les autres membres. Elle devrait les aider à s’insérer dans l’équipe et à connaître son fonctionnement.

Que vous a apporté et vous apporte encore le bénévolat ?

De la satisfaction morale et une expérience enrichissante. L’activité bénévole est très valorisante. Cependant, dans cette civilisation matérialiste, le bénévolat pourrait procurer de grosses frustrations car on n’y gagne rien sur le plan financier. Il faut donc faire très attention !

Quels sont les côtés moins agréables, moins sympathiques?

Il arrive parfois que la personne qu’on voudrait aider refuse l’aide ou adopte une attitude bizarre au vu de la couleur de la peau du bénévole.

Recommanderiez-vous le bénévolat aux requérants d’asile?

Bien sûr que oui. Il permet à la fois d’exploiter les compétences antérieures et d’en acquérir de nouvelles. Malgré son côté parfois désagréable, les expériences acquises dans ce cadre sont placées sur un pied d’égalité avec les activités professionnelles. Ce serait bien de minimiser le côté moins sympathique et de savoir « faire avec », car l’ activité bénévole devrait être considérée aussi dans le sens d’une reconnaissance envers le pays d’accueil.

Peut-on être bénévole à tout âge ? Si oui, à quelle condition ?

Comme dans toute activité humaine, la santé joue un rôle important. Si la santé le permet et si l’on a envie de continuer à le faire, il faut continuer, sinon il faut s’arrêter.

Propos receuillis par:

Timaj

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Contact

Pour tout renseignement ou pour trouver une activité bénévole dans le canton de Vaud, veuillez prendre contact avec Bénévolat Vaud, centre de compétences pour la vie associative

Bénévolat-Vaud

Av. Ruchonnet 1

1003 Lausanne

Tél. 021 313 24 00

Ouvert du lundi au vendredi, de 9h00 à 13h30



«Mes premiers jours en Suisse»

La Suisse. Auteur: Damien Ligiardi (CC BY-NC-ND 2.0)

La Suisse. Une photo de Damien Ligiardi (CC BY-NC-ND 2.0)

André, un jeune Congolais de 21 ans, raconte son arrivée en Suisse. De surprises en déceptions, de rencontres en découvertes, il nous emmène sur les chemins tortueux de l’asile. Témoignage.

«Le mercredi 14 mars 2012, j’arrive au Centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe où je vis mon premier choc : lors du dépôt de ma demande d’asile – mon premier jour en Europe – je suis placé en «semi-détention» (selon les propos d’un gardien), comme l’exige la procédure.

Au centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe

Je passe donc près d’un mois en semi-détention à Vallorbe et cette expérience est très traumatisante. Mis à part le décor qui a changé, je retrouve ce que je fuyais dans mon pays : des hommes en uniforme qui se prennent pour des dieux, le mépris, l’enfermement, la misère lisible sur le visage des résidents et une alimentation bizarre, comme des macaronis roses mélangés à de la salade.

Au moment du départ du centre, on me remet un ticket de train. Destination : la ville de Lausanne. Arrivé à Lausanne, je me rends au service de la population de Canton de Vaud – le SPOP – qui me délivre un permis N, puis à l’antenne administrative de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants – l’Evam – qui me remet 12 francs d’assistance financière journalière. Je me rends alors compte que je vais être transféré à Sainte-Croix ! je me demande alors «c’est où Sainte-Croix ?» J’interroge un Monsieur à la gare de Lausanne qui m’explique l’itinéraire à prendre. Désorienté et n’ayant pas la connaissance du pays, j’arrive à la gare de Sainte-Croix et je me demande si je suis toujours en Suisse, parce que dans mon imagination et vu le trajet effectué depuis Vallorbe, je pense être renvoyé hors des frontières du pays.

Arrivé au foyer Evam de Sainte-Croix

Arrivé au foyer Evam de Sainte-Croix, et selon le protocole, je me rends à l’intendance où l’on m’attribue un lit ainsi que quelques ustensiles pour la cuisine. Après m’être installé dans la chambre que je partage avec quatre autres requérants d’asile qui sont arrivés avant moi, je sors prendre l’air à la découverte du village qui m’accueille. Durant mon parcours à pieds, je me rends compte combien je suis loin de chez moi : Boma, une ville portuaire qui se trouve en République démocratique du Congo. Je ne peux retenir mes larmes qui se mettent alors à couler telles la pluie un jour d’orage. Je me rappelle alors les miens que je ne reverrai pas de si tôt et je me dis alors qu’il y a vraiment de quoi péter un plomb et devenir fou, se mettre une balle en pleine tête ou simplement essayer d’écrire un livre de deux mille pages jusqu’à en devenir ivre.

M’ayant aperçu en train de pleurer, un groupe de requérants d’asile s’approche de moi pour me consoler en me disant de prendre courage, que je m’adapterai, que ce parcours de la procédure d’asile me fortifiera et me rendra plus endurant. Ils m’invitent alors à jouer avec eux au volley-ball, histoire de me changer les idées. Une fois la nuit tombée, impossible pour moi de fermer l’œil, car ma tête est bourrée d’appréhensions. Je passe alors une nuit blanche. Le lendemain matin, avec mes compagnons de chambre, impossible de communiquer, car on ne parle aucune langue commune. Une vraie Tour de Babel ! C’est ainsi que s’ajoute l’ennui et l’isolement à la litanie de mes soucis. N’ayant personne avec qui discuter dans la chambre et n’étant pas enthousiaste à l’idée d’aller à l’extérieur à cause du froid extrême inconnu du jeune Africain que je suis, je pense alors à mes amis d’autrefois jouant au football pieds nus sous la chaleur brûlante de l’Afrique. Je m’exclame alors: « Dieu sauve moi ! ». Après mon bain, n’arrivant pas à manger par manque d’appétit et à cause de mes tourments, je cherche alors à savoir s’il y a dans le foyer des gens provenant du même pays que moi. C’est alors que j’en découvre un avec qui je sympathise et que je ne le lâche plus de la journée, soulagé de ne plus être seul. Avec ce dernier, on discute alors de tout et de rien et on mange avec appétit de la nourriture de notre pays. Le soir tombé, nous décidons d’aller regarder la télévision dans la salle prévue à cet effet, où je croise des gens venus des quatre coins du globe. Après avoir échangé avec eux, je commence enfin à me réjouir de mon séjour au foyer, qui m’offre la possibilité de mieux connaître le monde en étant en contact avec des personnes de diverses origines et cultures.

Quelques mois plus tard

C’est ainsi que débuta mon parcours en Suisse. D’un côté certes peu évident quant à ses débouchés, mais enrichissant et fortifiant de l’autre.

Aujourd’hui, mon activité de rédacteur à Voix d’Exils me permet de sortir de ma coquille de Sainte-Croix et de rencontrer du monde – dont le syndic de la Ville de Lausanne – par le biais d’interviews et de reportages. Je suis encore dans la même situation stressante, improbable et sans perspectives d’avenir. Mais, depuis que je suis à Voix d’Exils, je suis sorti de la déprime. Le sentiment d’utilité conféré par le choix, l’élaboration et l’aboutissement d’un article me redonne confiance en moi et fait que je ne me considère plus comme la cinquième roue du carrosse.»

André

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




«Sans la communication, on est prisonnier de ses pensées»

Nazli Cogaltay, réalisatrice du documentaire "LAL"

Nazli Cogaltay, réalisatrice du documentaire « LAL »

D’origine kurde, Nazli Cogaltay ne parle pas un mot de français lorsqu’elle arrive en Suisse en 2010 pour y demander l’asile. Etrangère dans un pays inconnu, elle fait d’abord la douloureuse expérience de ne pas pouvoir communiquer avec sa société d’accueil, puis s’affranchit progressivement de son isolement grâce à ses efforts pour apprendre le français. S’inspirant de son vécu, elle décide alors de tourner un documentaire sur cette problématique. Intitulé « LAL » (muet en langue kurde) et tourné dans le canton de Vaud, son film donne la parole aux migrants et dévoile certaines difficultés qu’ils rencontrent. Interview de cette ancienne rédactrice de Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Qu’est-ce qui vous a motivée à réaliser ce documentaire?

Nazli Cogaltay : A mon arrivée en Suisse, j’ai rencontré des difficultés à communiquer. Lors d’un entretien important, un malentendu concernant un mot mal interprété par mon interlocuteur m’a fait prendre conscience de l’importance de cette problématique de la communication. Par la suite, j’ai réfléchi et j’ai imaginé ce qu’endurent les personnes migrantes qui vivent en Suisse et qui n’arrivent pas à communiquer. C’est de là que ma motivation est née.

Pourquoi avez-vous choisi de vous exprimer à travers la vidéo ?

Pour des questions d’efficacité. La communication visuelle attire deux fois plus l’attention sur un fait ou un évènement qu’une émission radio. Et aussi, elle est plus crédible et permet de mieux atteindre mon public.

Pourquoi ce titre « LAL »  ( « Muet ») ?

Je suis d’origine kurde, et « LAL » en kurde signifie « muet ». J’ai donné ce nom à mon documentaire, parce que les migrants ne peuvent pas s’exprimer à cause de la barrière de la langue. Ils doivent apprendre à parler une langue étrangère et, en attendant de pouvoir le faire, ils sont « LAL ».

Pour vous, que signifie la communication?

La communication permet de libérer ses idées et ses sentiments. A travers ce documentaire, j’ai essayé de montrer que sans la communication on est prisonnier de ses pensées, pour la simple raison qu’on ne peut pas se faire comprendre et comprendre l’autre. Une migrante d’origine kurde vivant en Suisse depuis trois ans m’a dit : « Quand je n’arrive pas à communiquer je me sens en insécurité ». Parler la langue du pays permet de s’intégrer.

Quel message véhicule votre documentaire?

Tout d’abord, je convie en particulier la population d’accueil, et aussi tous les migrants à le regarder. A travers les interviews des uns et des autres, j’ai fait ressortir la volonté des migrants de s’intégrer malgré les difficultés rencontrées, notamment en matière de communication.

Où avez-vous tourné votre film?

Je l’ai tourné au Centre de formation de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants à Longemalle, au foyer EVAM de Crissier, à la cathédrale de Lausanne et devant le centre d’enregistrement de Vallorbe.

Comment avez-vous choisi les interviewés ?

Mon choix s’est porté sur les migrants non francophones comme les Érythréens, les Tibétains, les Kurdes et les Afghans. Chaque intervention est accompagnée d’une musique provenant de leur pays d’origine. J’ai aussi filmé des professeurs, un responsable pédagogique et un psychiatre qui s’investissent dans le processus d’intégration des migrants en les aidant à parler et à écrire en français. Je profite de l’occasion pour remercier tous ces intervenants qui ont chacun apporté leur contribution pour la réalisation de ce documentaire.

Financièrement, où avez-vous trouvé les fonds pour réaliser le tournage ?

J’ai réalisé ce documentaire avec les moyens du bord.

Où l’avez-vous déjà diffusé ?

Deux fois au Centre de formation de l’EVAM à Longemalle, à l’association RERS à Lausanne, à Mozaïk à Appartenances, au centre socioculturel lausannois Pôle Sud, au Centre social protestant et au Gymnase de Chamblandes.

Comment a réagi le public ?

Du côté des migrants, ils retrouvaient leur quotidien, soit leurs problèmes de communication et soulignèrent l’importance de pouvoir communiquer avec leur société d’accueil. Du côté des autochtones, c’était une révélation pour beaucoup d’entre eux. Une Suissesse m’a confié à la fin de la projection : «Je n’ai jamais imaginé que les migrants souffraient autant de ne pas pouvoir communiquer, et moi qui pensais qu’ils vivaient assez heureux. J’étais loin de la réalité, jusqu’à ce que je visionne ce documentaire !»

Y a-t-il d’autres projections prévues?

Bien sûr, j’ai prévu de nouvelles projections, mais les dates et les lieux seront communiqués ultérieurement.

En tant que réalisatrice de ce documentaire, êtes-vous satisfaite du résultat ?

Oui ! Je n’ai pas réalisé un documentaire professionnel, mais avec le peu que d’argent que j’avais à disposition, je peux dire que mon objectif est largement atteint. A chaque projection, j’ai partagé des émotions, de l’enthousiasme et du plaisir avec le public. J’ai récolté beaucoup de soutiens et d’encouragements. C’est très touchant de savoir que mon message a bien passé.

Ce tournage a-t-il fait évoluer votre regard sur la communication ?

Dans mon expérience personnelle, j’ai vu l’importance de la communication et un documentaire en est sorti. En réalisant ce documentaire, j’ai rencontré de nombreuses personnes, mon réseau s’est élargi grâce à la communication. J’ai aussi appris à mieux communiquer. Pour moi, c’est un outil indispensable. Quand j’interviewais des migrants, certains étaient ouverts et d’autres non, faute de pouvoir s’exprimer. Mais ils faisaient un effort pour se libérer des maux qui les rongent. J’ai alors vu l’impact que pouvait avoir la communication sur une personne qui parle et l’autre qui l’écoute.

Parlez-nous de vos projets ?

« LAL » est en fait la première partie d’un documentaire qui en compte trois autres que je vais prochainement finaliser.

Propos recueillis par :

El Sam

Journaliste à la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Pour visionner le film « LAL » de Nazli Cogaltay  cliquez ici